Zelda la rouge

Et voici le retour des lectures communes sur notre blog collectif avec un roman haut en couleurs, coup de cœur 2013 de trois d’entre nous :

Zelda la rouge de Martine Pouchain

Aux éditions Sarbacane

Collection EXprim’.

9782848656472FS

Un roman qui a su nous toucher par son franc-parler, par les thématiques fortes qu’il aborde et dont les personnages ne laissent pas indifférent.

Au cours de notre discussion, nous n’avons pas souhaité trop en dévoiler sur l’intrigue…

Céline du blog Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ait Livresse, Sophie de la Littérature de jeunesse de Judith et Sophie, Nathan du Cahier de lecture de Nathan, ont répondu à mes questions (Pépita-Méli-Mélo de livres).

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Pépita : Il y a toujours un petit quelque chose qui nous pousse à lire un livre par rapport à un autre : quel a été pour vous l’élément déclencheur pour vous donner envie de lire celui-là ?

Sophie : Tibo Bérard, le directeur de la collection eXprim’, m’avait parlé de ce livre lors de l’interview que j’ai fait cet été. À la simple mention du nom de l’auteure, Martine Pouchain, j’ai eu envie de le lire. Le premier roman que j’ai lu d’elle m’a beaucoup marqué et depuis, je la suis toujours avec plaisir et je n’ai jamais été déçue.

Nathan : C’est pour moi aussi le nom de l’auteure qui m’a poussé à le lire, mais aussi tout simplement celui de la collection. Il faut savoir que le premier roman que m’a envoyé Exprim’, c’était un de cette auteure, alors il y a comme un lien un peu particulier qui me lie à elle. De plus, Tibo Bérard nous avait proposé à quelques blogueurs de choisir la couverture du roman, entre deux différentes, alors j’avais hâte de savoir ce que ça allait donner, le texte !

Céline : J’ai été attirée de prime abord par la couverture (c’est celle-là que tu avais choisie Nathan ?) et par le titre qui suggèrent une histoire de guerrière comme je les aime et puis, ai été saisie par l’accroche intrigante de l’éditeur « Une comédie romantique émouvante, abordant le thème de la vengeance et du handicap » et vos commentaires élogieux ont fait le reste…

Pépita : Si vous deviez définir ce roman en trois mots, quels seraient-ils ?

Céline : C’est court trois mots ! Il y a tellement de sentiments qui se bousculent dans ce roman… Amour fraternel, vengeance et pardon…

Nathan : Je trouve les mots de Céline très bien choisis … mais je dirais amour, tout simplement et ajouterais différence et espoir.

Sophie : Amour, c’est incontournable en effet. Handicap parce que ça pose des questions intéressantes sur ce sujet. Et Pardon pour terminer.

Pépita : J’ajouterais famille, solidarité et écoute de l’autre.

Beaucoup de thématiques en effet dans ce roman. Mais seulement six personnages principaux : les deux sœurs, Zelda et Julie, Paul, le voisin âgé, Jojo et Kathy les colocataires, et Baptiste. Lequel vous a le plus touché ?  

Nathan : Chacun d’eux a un petit quelque chose qui m’a touché … et si j’ai failli pencher pour la joie de vivre de Zelda, je choisirais finalement Paul. Il y a beaucoup à dire de ce vieil homme qui vit seul. Cet amour de la solitude. Son chat pour compagnie. Et cet arbre. Cet arbre qu’il peint depuis des années, sans jamais changer de sujet. Ce symbole de force et de stabilité. La vie à l’état pur. Le temps qui passe et ne mourir qu’après des années. Un vieil homme plein de vie et de beauté.

Sophie : J’ai pas mal réfléchi à ta question et ce n’est pas facile. Ce n’est pas très original mais c’est Zelda que j’ai préféré. J’ai trouvé très beau la force qu’elle avait, déjà de vivre avec son handicap et puis aussi d’accepter de ne plus chercher le coupable, pour enfin pouvoir revivre.

Céline : Ils étaient tous attachants, touchants et criants de vérité… J’ai admiré Julie pour l’empathie qu’elle témoigne à ses « petits vieux », été époustouflée par la maturité de Zelda et mon cœur s’est serré pour Paul, ce papy de substitution qui pose sur la vie un regard bienveillant d’artiste et de philosophe. Baptiste ne m’a pas laissée indifférente non plus, loin de là ! Il cherche la rédemption en se lançant dans un métier qui le tue à petit feu et en se confrontant délibérément à sa victime. Même s’il est le « méchant » de l’histoire, il a des circonstances atténuantes et son sort ne peut que nous interpeller. A-t-on tous droit à une seconde chance ?

Pépita : Tout comme vous, j’ai été touchée par chacun des personnages chacun à leur façon. Mais peut-être davantage par ces deux sœurs, très différentes mais ce sont les circonstances de la vie qui ont forgé leur caractère. Julie m’a emballée par son côté garçon manqué et par sa sensibilité à fleur de peau qu’elle cache sous sa carapace. Et que dire de Zelda ? Tout comme toi, Sophie, j’ai été très touchée par son approche de la vie, par sa grande tolérance et par son côté très réaliste, prendre les choses comme elles viennent et par son franc-parler. Elles s’équilibrent ces deux sœurs. Elles se portent mutuellement quand l’une flanche et elles se connaissent si bien. Et Paul ! Quelle bienveillance ! Et Jojo et Kathy, quel bonheur ! C’est un livre qui m’a fait penser à « Ensemble, c’est tout  » d’Anna Gavalda, où on se choisit une famille quand elle fait défaut et où on apprend à vivre avec les autres. Est-ce un aspect du roman qui vous a convaincu(e)s ?

Sophie : Je n’avais pas fait le rapprochement avec « Ensemble, c’est tout » mais en effet, il y a des points communs. J’ai beaucoup aimé ce regroupement familial de toutes ces personnalités si différentes qui ont été en quelque sorte abandonnées par leur famille d’origine. C’est un aspect qui m’a bien plu en tout cas.

Nathan : Je ne dirai pas qu’elle « fait défaut » cette petite famille. Sauf si tu entends par là qu’ils sont tous bien différents et doivent apprendre à s’unir, alors oui, sans doute. Ils sont tous un peu sur des planètes éloignées et pourtant il se trouve finalement qu’ils vont vivre ensemble et, peut-être s’aimer. C’est ça une famille après tout : ensemble contre le reste du monde.

Pépita : Faisons un petit focus sur les deux sœurs : Zelda et Julie. Le roman est tout de même construit sur la presque-alternance de leurs deux voix. Une relation fraternelle très forte façonnée par les aléas de la vie et quels drames elles ont dû affronter ! Qu’auriez-vous à dire de leurs liens : fusion, dépendance, bienveillance, besoin d’émancipation,…?

Sophie : Je trouve ces deux sœurs très complémentaires. L’une est dure et ne rêve que de vengeance. L’autre est pleine de vie et d’une force incroyable. Pour ça, elles ont une relation très proche pas loin d’être fusionnelle, elles ont besoin l’une de l’autre pour « s’équilibrer ». Et pourtant pour les mêmes raisons, elles ont besoin de s’éloigner l’une de l’autre. Julie a besoin de vivre sa vie qu’elle avait mis en parenthèse pour sa sœur et Zelda se sent freinée par la haine de sa sœur pour le responsable de l’accident.
En fait, elles font penser un peu à des jumelles, très proches mais avec un besoin de se forger leurs propres expériences.

Céline : Les circonstances de la vie les ont soudées. L’aînée a dû endosser le rôle de la maman, mettant sa vie entre parenthèses. Zelda, quant à elle, a mûri bien plus vite qu’une autre adolescente de son âge. Ce qui fait que la différence d’âge entre elles deux s’est gommée peu à peu et que, lorsque l’une flanche, l’autre prend le relais. Pour avancer, elles doivent chacune régler leurs conflits internes. Sur ce chemin, Zelda semble plus avancée. C’est à ce prix et avec l’aide des personnes bienveillantes qui les entourent qu’elles vont pouvoir enfin prendre leur envol, s’émanciper et vivre leurs vies de femmes. A ce titre, une phrase du récit me plait tout particulièrement : « L’union de plusieurs impuissances produit parfois des miracles ».

Nathan : Je suis très d’accord avec les deux avis de Sophie et Céline. C’est vrai que sur ce point là, l’auteur est très forte: on n’est pas dans la caricature, dans l’amour fou ou les disputes incessantes, on est dans une justesse de sentiments épatante.

Pépita : En dehors des deux sœurs, la figure de ce jeune homme Baptiste qui arrive dans leur vie dévoile peu à peu ses parts de lumière et d’ombre. Je rebondis sur une question qu’a évoqué Céline plus haut : le droit à une seconde chance et pour aller plus loin, la place du pardon dans nos vies. Et en particulier dans celles de Zelda et Julie, qu’elles n’abordent pas de la même façon. Comment avez-vous trouvé cet aspect-là du roman ? La façon dont le traite l’auteure ? Cette part de voyeurisme qu’elle y a induite ? Car finalement, le lecteur veut savoir lui aussi « Qui a fait ça à Zelda  » ?

Nathan : Pour le « Qui a fait ça à Zelda », je n’appellerais pas ça du voyeurisme. On est une présence insaisissable pour nos deux soeurs mais pourtant on vit avec elle, on est pris d’affection et l’auteure fait planer un suspense autour de cette question qui revient souvent alors forcément, on a envie de savoir aussi.
Quant au pardon, j’ai trouvé cela assez marquant. Zelda est passée à autre chose, elle. Elle n’a peut-être pas pardonné, mais elle continue à vivre, se bat. Julie, elle, est détruite par l’infirmité de sa sœur, elle ne peut pas oublier, elle ne peut pas passer à autre chose. Elle y repense à chaque regard posé sur Zelda. On rejoint sans doute là la question précédente. Il faudrait que Julie prenne du recul et s’éloigne un peu de sa sœur, pour laisser le temps à son cœur d’oublier un peu. Je garde un souvenir un peu confus de la fin, peut-être cela vient-il du livre, mais pourtant, j’en garde un sentiment de forte émotion. Je vous laisse la découvrir …

Céline : C’est pour moi un des thèmes porteurs de l’histoire. Toutes proportions gardées, cela me fait penser à la chanson de Goldman « Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt ». Plutôt que de porter des jugements, le lecteur s’interroge : comment aurais-je réagi à la place de Baptiste, de ses parents, de Zelda et de sa sœur ?. Les réponses sont loin d’être simples, la question ne l’est pas non plus. Ce n’est que confronté à la situation qu’on peut vraiment voir ce qu’on a dans nos ventres !

Pépita : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi Nathan sur le « voyeurisme » : j’ai trouvé l’auteur très forte sur ce point-là. Elle arrive à mener le lecteur vers une sorte de compassion, non pas pour Zelda (qui a acquis une maturité hors du commun face à son handicap), mais pour Julie ! La fin du roman est tout même très forte dans le suspense ! Le lecteur retient son souffle, se demande si Julie ne va pas aller au bout de son délire, j’avoue avoir eu de l’empathie pour elle, cette colère rentrée depuis des années qui ressort enfin. Elle le tient « son » meurtrier parce que c’est le sien, c’est entre lui et elle, c’est lui ou c’est elle. Au paroxysme de la fin, on en est là et le lecteur en est tout pantelant d’émotions, non ? Et tout comme dans une des nouvelles de Jean-Claude Mourlevat dans « Silhouette », j’avoue m’être surprise moi-même à vouloir l’y aider, …mais est-ce la solution ? Je te rejoins dans ton analyse Céline. Qu’aurions-nous fait à sa place ? On n’est jamais totalement à la place de, et plus que le handicap, ce roman parle bel et bien de Pardon d’une manière magnifique.

Nathan : Alors peut-être ne réagissons pas tous de la même manière. Après tout, là est la beauté de la lecture non ? Moi j’étais un peu entre deux positions, à la fois compatissant et en même temps un peu effrayé par sa réaction …

Sophie : Le pardon est une question importante dans ce roman. Il y a Julie qui ne pardonne pas et Zelda, qui sans pardonner, choisit un peu d’occulter le chauffard de sa vie pour pouvoir la poursuivre sans la haine qu’elle voit au quotidien dans le regard de sa sœur. On peut en effet voir une part de voyeurisme dans la présence de Baptiste au sein de la famille. Il a connaissance d’évènement qu’il cache volontairement et regarde la détresse de Julie sans jamais se manifester. Forcément, à un moment donné, on se dit « Mais quel lâche ! ». Rapidement, on peut aussi comprendre sa position : la culpabilité, la peur, la maladresse peut-être tout simplement, mais une forme de courage aussi car il aurait pu rester chez lui avec ses remords et ne jamais se confronter à ses responsabilités.

Pépita : Personnellement, j’ai été littéralement embarquée par le style d’écriture très direct de Martine Pouchain. Est-ce aussi votre cas ? Vous connaissiez cette auteure ?

Nathan : De mon côté, j’avais déjà lu « Traverser la nuit », et le style de « Zelda la rouge », bien que beau et touchant, est loin d’être aussi puissant que celui, renversant, passionnel, de cet autre roman qui m’a sacrément secoué ! A lire donc !

Céline : Même ressenti de mon côté. J’ai plus particulièrement été touchée par les mots de son héroïne qui analyse froidement la manière dont on traite nos ainés. Non, je ne la connaissais pas mais si vous avez d’autres titres à me proposer, je suis preneuse… Je note déjà celui proposé par Nathan !

Sophie : J’avais déjà lu plusieurs livres de cette auteure dont un m’avait particulièrement bouleversé. À chaque fois, j’ai été totalement captivé par son style et ses histoires. Elle amène toujours à se questionner, à se mettre à la place des personnages et elle le fait remarquablement bien.

Pépita : Est-ce pour vous un roman plutôt optimiste ou pessimiste ? Une dernière impression ?

Sophie : Pour moi, c’est sans aucun doute un roman optimiste, au moins pour Zelda. Elle a réussi à passer au-dessus de son handicap, à vivre sa vie pleinement, c’est une belle leçon de courage. Pour Julie et Baptiste, c’est plus partagé, ils ont atteint le pardon mais ça ne s’est pas fait sans peine loin de là, puisqu’on a largement dépassé le parcours le plus court vers celui-ci. Ce que je veux dire, c’est qu’en plus de l’accident qui les avait brisé, cette quête du pardon les a aussi amené vers d’autres blessures.

Nathan : Optimiste ! Un roman qui invite à se battre. Parce que si la vie nous met parfois des obstacles en travers de notre chemin, et à certains plus qu’à d’autres, il n’y a qu’une seule chose à faire : se battre. Pour surmonter les obstacles, pour aller mieux, pour avoir ce qu’on veut, pour bien se comporter, pour être une « bonne » personne. Pour vivre comme on l’entend.

J’aimerais pour ma part finir sur une citation d’un autre Exprim’, le superbe « Frangine » de Marion Brunet:  « Quand on a une vie différente, on prend ces risques-là : rejets, ruptures, critiques. On peut regretter, se cacher dans un trou. Ou alors on décide d’être bien, on se bat, on mène la vie qu’on veut, la vie comme on l’aime. »

 En espérant que notre échange vous donnera envie de le lire à votre tour…

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Nos chroniques respectives :

Céline-Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait Livresse

Sophie-La littérature de Judith et Sophie

Nathan-Le cahier de lecture de Nathan

Pépita-Méli-Mélo de livres

Des escargots glissent tranquillement sous l’Arbre

Deux Namurois qui surveillent leurs escargots de peur qu’ils ne se sauvent !
Une statut qui symbolise la lenteur légendaire des habitants qui prennent le temps de vivre, de flâner dans les rues de leur ville, de discuter de la pluie et du beau temps, de méditer et de regarder les bateaux glisser sur la Meuse et la Sambre (et de lire !..)… Mais surtout ne dites pas aux Namurois qu’ils sont lambins ! Ils vous rétorqueront que c’est pour permettre aux autres de les rattraper !

Belgique, Namur, place d’Armes.

Un tour en Belgique, comme une bonne excuse pour partir à la chasse aux escargots. C’est sûr, certains seront mangés pendant les fêtes, mais nous on les préfère sans beurre persillé, dans les livres, c’est là qu’ils sont le plus croustillants !

Et puis … »Petit escargot porte sur son dos sa maisoneeeetttte, aussitôt qu’il pleut, il est tout heureux, il sort sa tête ! » Ils ont décidé de tous sortir à l’Ombre du Grand Arbre.

Le Héron et l’escargot
de Marie-France Chevron, illustré par Mathilde Magnan, éditions courtes et longues, 2013.

Quand un héron affamé croise un escargot cloué au sol, le trépas de ce dernier n’est qu’une histoire de temps.

La coquille tremble chez 3 étoiles, et aussi chez Za

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Bébert l’escargot
de Jean-François Dumont et d’Andrée Prigent, Kaléidoscope, 2013.

Bébert l’escargot porte sur son dos sa maisonnette.
Mais un jour, il en a assez de tourner en rond dans son logis rikiki sans fenêtre.
Et savez-vous ce qu’il a fait ?

Découvrons les travaux de rénovation chez À lire au pays des merveilles

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Petit escargot
illustré par Christian Voltz, Editions Didier Jeunesse, 2005 / réédité en 2012.
Vrai gazon, pâte à modeler, fil de fer et diverses matières, il en rencontre du monde. Il ?Appelez-le Monsieur, Petit  ou Oh : il est toujours escargot, mais un drôle d’escargot et il se joue bien des choses dans l’histoire.
Il y a cet escargot, et pleins d’autres petites bêtes chez Maman Baobab
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Molly mollo
d’Orit Bergman, Editions du Rouergue, mars 2013
Molly Mollo l’escargot a un rendez-vous, un rendez-vous important et il doit être à l’heure. Comme il ne va pas très vite, il est parti de bonne heure.
La pendule est ronde comme la coquille de l’escargot.
Les aiguilles tournent chez Maman Baobab
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Qui a mangé ?
de Anne Crausaz, MeMo
Il y a un intrus bien gourmand dans ce potager ? Il a tout boulotté ! On le devine peu à peu et à la fin, il est démasqué…bien repu et rosissant. Un album pour les petits qui invite au jeu de cache cache, non pas entre un chat et une souris mais entre l’escargot et le petit lecteur. De la très belle qualité.
Que mange-t-on chez Méli-mélo de livres, et  Bouma ? Des escargots ?
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Victor et Philomène
de Claire Renaud, Ecole des loisirs, coll. Neuf
Le crabe et l’escargot, tels sont les surnoms de Victor et Philomène. Le premier à cause de son handicap à la main et la seconde de ses difficultés à l’école. Ces deux-là vont se trouver et se soutenir, avec dans le regard, cette différence qui ne stigmatise pas. Un fort joli roman…
Un escargot dans un roman, ça change et c’est chez Méli-Mélo de livres
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Lettres de l’escargot à la limace
in Lettres à plumes et à poils
par Philippe Lechermeier, Thierry Magnier, 2011.
Quand un escargot déclare sa flamme à une limace, cachant sa timidité de la voire nue sur les prospectus de désherbants…
Un récit drôle et amusant pour les enfants dés 9 ans.
Les escargots et les limaces s’échangent des courriers chez Bouma, Méli-mélo de livres, et Kik
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Une vie d’escargot
d’Anne Cortey, et Janik Coat, Autrement, 2008, réédité en 2013.
Un escargot qui rêve d’ailleurs au milieu de l’hiver. Un escargot qui est bien au chaud chez lui, mais qui a envie de partir, car ici il fait trop froid, et tout est trop blanc à cause de la neige.
Les escargots prennent le train pour découvrir l’Ailleurs chez Kik, et À lire au pays des merveilles
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Le Voyage de Nay
de Bénédicte Boullet et de Bénédicte Lefeuvre, éditions Henry, 2011.
Nay est un escargot menant une vie paisible au bord d’un chemin. Tout bascule quand des hommes arrivent pour détruire sa terre natale !
Cet escargot bave le long du chemin chez Sophie …
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La dernière coquille est un bonus, pour vous inviter à vous baisser et à regarder si vous découvrez un escargot au milieu des herbes du jardin …
Article 309 du code pénal du jardin
de Thierry Dedieu , Seuil Jeunesse, 2003.
Ca ne se passera pas comme ça ! Monsieur Escargot a décidé de saisir la justice car on lui a, soi-disant, volé sa maison ! Trop c’est trop ! Voilà une bonne raison pour le Crapaud-procureur de mener l’enquête. Mais entre mensonge et vérité, escargot ou limace, il n’y a qu’une coquille de différence.
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Car il faut faire attention, un escargot, peut en cacher un autre …
Le voyage de l’escargot
par Ruth Brown, Gallimard jeunesse, 2001.

Suivez le périple impressionnant de cet escargot, gravissant les montagnes, traversant des ponts et des torrents… Pour lui, c’est le parcours du combattant et pour un enfant c’est un petit bout de jardin.
Un album sympathique qui permet aux enfants de comprendre facilement les jeux d’échelles.

Regards sur la ville …

Une petite flânerie en ville. Une balade en prenant le temps d’observer ce qui nous entoure. Ouvrir les yeux. Profiter. Lever la tête et découvrir l’architecture, les détails qui d’habitude nous échappent.

Profiter du décor et saisir l’ambiance.

Se repérer et se laisser rêver…

Voici une sélection d’ouvrages,  quand la ville s’invite dans les livres jeunesse.

Suivez les guides !

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 Δ Tour de ville, premières impressions Δ

Popville d’Anouck Bois Robert et Louis Rigaud, Hélium 2009

La ville en toutes lettres de Michel Gunther. Thierry Magnier, 2013

Deux albums. Une balade en ville, des regards différents, de l’observation des lettres au pop-up. La ville, comme un être vivant.

Les avis complets de Kik  de Sophie, et d’Alice

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Image

Promenons-nous dans la ville avec Laurie Cohen et Marjorie Béal qui signent Et toute la ville s’éveille, un album d’exception chez Balivernes Editions.

Promenons-nous dans la ville, un petit bout de ville mis en texte et en images dans la même chronique, celle de Drawoua de Maman Baobab

 

Rapido dans la ville de Joëlle Jolivet. Helium, 2011

Au cœur de la circulation, on se faufile avec le petit camion Rapido pour l’aider à livrer tout son chargement. Comme c’est amusant !

L’avis complet d’Alice

Rhino des villes de Gaëtan Dorémus. Autrement, 2010

Vous avez déjà vu un rhinocéros dans une ville ? Gaëtan Dorémus a photographié la fuite de l’un d’eux en ville. Au lecteur de le retrouver sur chaque image.

L’avis complet de Sophie

 Δ Tour de ville, découverte de l’architecture Δ

Iggy Peck, l’architecte d’ Andrea Beaty et David Roberts. Sarbacane, 2013

Quand je serai grand, je serai …..architecte ! De l’ambition et de la ténacité pour Iggy Peck qui construit de célèbres monuments, en un rien de temps !

L’avis complet d’Alice

 

Δ Tour de ville, villes de l’imaginaire Δ

Le voyage extraordinaire de Petit Pierre de Jo Hostlandt et Charles Dutertre, Nathan, 2013

Quand la ville prend un autre visage avec l’imagination débordante d’un enfant sur le chemin de l’école !

L’avis complet de Pepita

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Les sentinelles du futur de Carina Rozenfeld, Syros, 2013.

Paris-New York, des villes en ruine, la Terre est à l’agonie…mais à New-York, au sein de L’Académie, l’espoir renaît…Un roman de science-fiction qui pourrait bien rejoindre la réalité…

L’avis complet de Pepita

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 Seuls de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann. Dupuis, 2006

Imaginez-vous…  Vous vous réveillez un matin et la ville dans laquelle vous vivez est vidée de TOUS ses habitants !  Plutôt flippant, non ?  C’est la mésaventure que subissent cinq enfants. Rêve ?  Caméra cachée ?  Guerre ?  Enlèvement ? Toutes les hypothèses sont soulevées mais aucune n’est satisfaisante !  Dans ce décor démesuré, ils sont un peu comme Gulliver au pays des géants, sans les géants, quoique…    Vont-ils pouvoir affronter, SEULS, les dangers qui les guettent ?
Tel est le point de départ de cette série B.D. fantastique signée Gazzotti et Vehlmann et éditée chez Dupuis.  Le 8e tome, Les Arènes, vient de sortir il y a quelques jours à peine.  Une série qui allie graphisme impeccable et scénario en béton.  De quoi devenir accro !

L’avis complet de Céline

La petite fille en rouge de Roberto Innocenti et Aaron Frisch.Gallimard, 2013

Quand la ville devient un décor hostile et mystérieux… plus sombre qu’une forêt et peuplé de créatures par milliers. Dans La petite fille en rouge, la ville prend une dimension inquiétante, et joue véritablement un rôle dans important dans l’histoire, créant une atmosphère oppressante et devenant le théâtre d’un conte cruel.                                             L’avis complet de Céline

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Δ Grandes villes Δ

En route vers la tour Eiffel d’Iris de Moüy. Hélium, 2012

Une balade rigolote dans le Paris d’aujourd’hui, dans un graphisme sobre et gai qui enchantera les petits… et les grands aussi !

L’avis complet de Céline

Bons baisers (ratés) de Paris de Davide Scali et Anne Rouquette. Gulf Stream, 2012

Une romantique virée parisienne comme un prétexte pour découvrir Notre-Dame, la Concorde, les Champs-Elysées, … Délicieusement rétro.

L’avis complet d’Alice

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Quand les animaux, du Zoo du Jardin des Plantes de Paris, fascinent et se retrouvent dans les livres pour enfants
Une balade de Kik

 

 

louiseLouise de New York de Jean Poderos, illustré par Gaïa Guarino, éditions Courtes et Longues, 2013

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Les Oiseaux Blancs de Manhattan de Xavier Armange. Editions Rêves Bleus d’Orbestier, 2013

Un jour, une nuit à New York …

L’avis complet de Carole

et ceux de Kik et d’Alice

 

this_is_new_york

How Little Lori Visited Times Square, d’ Amos Vaugel et Maurice Sendak. Harper Collins, 1963

This is New York de M. Sasek. Universe, 1960. Editions française : New York,  Casterman 2009

Deux balades dans le New York des années 60 en deux albums délicieusement rétros.

L’avis complet de Céline

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New-York en pyjamarama de Michaël Leblond et Frédérique Bertrand. Le Rouergue, 2011

New-York comme si vous y étiez grâce à une vieille technique et c’est magique !

Les avis complets de Pépita et de Kik

Les Enquêtes de Mirette, MicMac à New York de Fanny Joly et Laurent Audouin. Sarbacane, 2011

Partez découvrir les différents quartiers et bâtiments emblématiques de la grande pomme américaine grâce à Mirette et son chassistant Jean-Pat.
Un album policier ludique, facile à lire et surtout très coloré à lire dès 8 ans.                          L’avis complet de Bouma

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Herman et Rosie pour la vie de Gus Godon, Gallimard jeunesse, 2013

Quand la musique relient les êtres dans l’anonymat de la grande ville de New York…

L’avis complet de Pepita

 

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Dépaysant, ce tour de ville !

Ca donne envie d’aller voir ailleurs ! Allez-y, laissez vous tenter …

 

Lecture commune autour de deux titres d’Eva Kavian, une auteure belge qui n’a pas sa langue dans sa poche…

 

3, 2 , 1…  pour cette lecture commune inédite.
3 lectrices qui confrontent leurs points de vue : Pépita – Méli-Mélo de livres, Céline alias Alice – A lire aux pays des merveilles et Céline – Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse.
2 titres, 2 récits de vie, avec 2 narrateurs qui se connaissent, un garçon, une fille, une famille (décomposée, recomposée, …), des amis, des amours, des emmerdes…
1 auteure belge coutumière des thèmes qui touchent de près les ados d’aujourd’hui…

Si le premier titre, Premier chagrin, a moins fait débat, ce fut moins le cas du second, La conséquence de mes actes…  Jugez plutôt.

Céline : Peut-on affirmer que Premier chagrin et La conséquence de mes actes abordent des thématiques plutôt inédites en littérature jeunesse ?

Pépita : Je répondrais par l’affirmative pour Premier chagrin : plutôt rare en jeunesse d’aborder la fin de vie, à ma connaissance. Pour le second, la thématique est moins originale. C’est la façon dont elle est abordée qui l’est davantage.

Alice : J’ai beau réfléchir mais je me dis qu’en effet, je n’ai pas lu d’autres livres concernant l’accompagnement de fin de vie . Quand à La conséquence de mes actes, je suis d’accord avec Pépita, ce n’est pas tant le contenu (quoique certains événements m’ont laissée sans voix) que la mise en perspective qui est inhabituelle et déconcerte.

Céline : Vous avez bien circonscrit le thème délicat abordé par Premier chagrin. Vous restez plus vagues en ce qui concerne celui du tome suivant… Quelques précisions sur le thème peut-être ainsi que ces événements qui laissent sans voix? Et puis, en quoi l’approche de l’auteure est-elle originale selon vous ? 

Pépita : Dans La conséquence de mes actes, on fait la connaissance d’un jeune garçon dont les parents se séparent et c’est une source de souffrance immense pour lui. Sa mère révèle sa véritable orientation sexuelle, et son père, après un lourd moment d’abattement, convole avec une jeune femme qui n’est autre que son orthodontiste ! Et pour couronner le tout, on l’isole, lui : il doit passer ses vacances chez les parents de la petite amie de son père, avec la tribu de leurs petits-enfants, sans les connaitre, dans un trou perdu sans internet. Lui qui est accro à Twitter ! En plus, suite à son année scolaire catastrophique (étonnant, non ?), sa prof de français et son père se sont mis d’accord pour qu’il rédige un long devoir sur… la conséquence de ses actes. Ça fait quasiment quatre punitions ! Quatre raisons d’en vouloir à la terre entière pour un ado en pleine poussée d’hormones et finalement normalement constitué ! Je ne dévoilerai pas plus sur la fin sinon c’est tout dire…  Juste que ce roman s’apparente à des poupées russes. Et que les rôles sont bien inversés. C’est ça pour toi les événements qui t’ont laissée sans voix Alice ?

Alice : Un événement qui m’a laissée perplexe, c’est la mort du chien Léon. Je n’en ai pas compris l’utilité, et en plus j’ai trouvé ça violent. Comment l’avez vous compris, vous ?
Pour moi le thème de ce livre, c’est que la vie est ce que l’on en fait. On peut passer son temps à subir les événements et se lamenter sur son sort, jusqu’au jour où on rebondit, on s’ouvre aux autres, on communique, on accepte le destin et le cours des choses en est changé.

Céline : Comme toi Alice, je pense que ce titre parle effectivement de la nécessité de renouer le dialogue avec les autres. L’ado de La conséquence de mes actes s’est enfermé dans sa bulle et observe la réalité qui l’entoure à travers elle. Celle-ci lui apparaît déformée, dramatisée… C’est le cas de cet épisode avec le chien qu’il nous décrit à la manière d’un film d’horreur. Ce n’est qu’en nouant le dialogue avec la grand-mère chez qui il séjourne qu’il va pouvoir lever le voile sur ces apparences trompeuses. De mon côté, je trouve que cet épisode révèle bien cette propension qu’on les ados à amplifier, parfois à l’extrême, tout ce qui leur arrive… De manière plus générale, l’auteure s’amuse quelque peu à perdre le lecteur ! Cette façon de faire vous a-t-elle plu ? déplu ?

Alice : Autant j’ai avalé Premier chagrin, autant j’ai ramé sur La conséquences de mes actes. En effet, l’auteur joue à nous perdre, mais autant dans Premier chagrin, elle ne nous perd pas longtemps et on sait vite où on va. Du coup on se laisse entraîner dans le flot de la vie et des émotions. Autant dans La conséquence de mes actes, j’ai eu du mal à cerner l’imbrication des problématiques et j’ai parfois été perdue. Moins d’évidences.

Pépita : Les deux romans parlent de la nécessité de renouer le dialogue avec les autres… N’est-ce pas le cas de Mouche à l’aube de la mort qui essaie de retendre les fils avec ses petits-enfants et enfants ? N’avez-vous pas été mal à l’aise au début ? J’ai presque eu le sentiment qu’elle « utilisait » Sophie quand même…  mais non, finalement, son objectif apparaît plus louable que cela : la réconciliation. Et c’est aussi la thématique de La conséquence de mes actes. Traitée d’une manière différente. Pour moi, cet ado est certes égocentrique mais sacrément déboussolé. La fin m’a sur le coup un peu déstabilisée : je me suis demandée ce que j’étais en train de lire ! J’ai beaucoup aimé le style d’écriture des deux romans : beaucoup plus en retenue pour le premier et brut de décoffrage pour le second.

Céline : Tu as raison de le signaler Pépita ! La nécessité de recréer des liens est sans conteste la clé de voûte des deux livres. Comme toi, j’ai été surprise par le faux-semblant à l’origine de la rencontre entre Mouche et Sophie dans Premier chagrin, comme je l’ai été également par cette mise en abyme dans l’écriture de La conséquence de mes actes… Mais, au final, tous les personnages sont gagnants et tous évoluent dans le bon sens. Cette vision optimiste m’a beaucoup plu. Comme le franc-parler des deux héros. Tous deux présentent les choses de la vie et de la mort sans fioriture inutile ni pudeur exagérée. Le tout saupoudré d’humour et d’un zeste bienvenu de spontanéité, d’insolence voire de provocation… Je pense par exemple à la liste de Sophie concernant les formules funéraires… Un style « djeune » qui fait du bien et contrebalance des sujets difficiles !!!!
Tu partages cet avis Alice ?

Alice : Comme cela se sent déjà dans ce que j’ai pu dire, j’ai eu beaucoup de mal avec La conséquence de mes actes. 10 jours au compteur pour arriver au bout !
[Alors que j’ai pleuré comme une madeleine pour Premier chagrin et que je l’ai dévoré en une soirée.] Je n’y ai pas du tout senti l’humour que vous décrivez, j’ai pas accroché sur le héros dont je n’ai pas compris les attitudes, j’ai croulé sous la multiplication des personnages sans que chacun soit réellement exploité, j’ai pas compris pourquoi il y avait ces annotations en pied de page concernant Twitter : ce livre est censé être lu par des ados qui connaissent parfaitement le fonctionnement de Twitter…
Je ne dirais pas qu’il m’a déplu, le mot exact est plutôt : il m’a perdu. Je n’en ai compris le sens qu’à la deuxième lecture. Alors, oui, je suis d’accord avec vous et je l’ai déjà dit, tout cela parle de communication, d’acceptation et d’optimisme. Au lieu de subir, relevons nous les manches, car la vie est semée d’embûches qu’il faut savoir affronter pour mieux se construire et avancer.

Céline : Concernant Twitter, selon une étude récente, même si 89% de la population connait Twitter, il n’y a que 5% d’utilisateurs actifs.  D’où ces notes sont loin d’être superflues à mon sens. Pour le reste, c’est vrai, La conséquence de mes actes est déroutant et, je l’avoue, ma préférence va aussi à Premier chagrin. Ce qui n’est pas nécessairement le cas de mes élèves par exemple qui se disent plus proches de ce que vit le héros du premier titre… L’intérêt réside également dans le fait que, pour une fois, il s’agit d’un ado et non d’une adolescente qui raconte, comme c’est souvent le cas dans les récits de vie.

Pépita : C’est curieux, parce que, à ma lecture, je suis passée au-dessus de tout ça… internet, twitter, …  Autant j’ai eu la larme à l’œil et le cœur très serré pour le premier autant j’ai beaucoup ri (le passage avec les herbes comme PQ) au second et approuvé certaines phrases bien envoyées.

AliceAvez vous lu d’autres livres d’Eva Kavian ? 
Pour moi, sous un style d’écriture a priori accessible, elle aborde généralement des thèmes très durs et difficiles. Qu’en pensez-vous ?

Céline : J’ai également lu en son temps La Dernière licorne où elle évoque les sujets graves que sont l’euthanasie et l’univers psychiatrique. Le choix de ces thématiques « dures » est sans doute lié à sa formation initiale d’ergothérapeute, à son travail durant plusieurs années en hôpital psychiatrique et au fait aussi, qu’en Belgique, ces sujets sont moins sujets à polémique puisque, depuis quelques années déjà, réglés par la loi. A propos de ses thèmes, Eva Kavian s’explique elle-même :

« Si mes romans sont de pures fictions, ils sont cependant suscités par une émotion profonde, et, nourris, d’éléments vécus. Les thèmes : amour, désir, relation dans la fratrie et parents-enfants, familles monoparentales, deuils violents, solidarité, l’action comme outil face au désarroi. » (citation extraite du Répertoire des Auteurs et Illustrateurs de Livres pour l’Enfance et la Jeunesse en Wallonie et à Bruxelles).

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En complément de cette citation, nous avons voulu approfondir l’univers d’Eva Kavian en lui posant quelques questions, et c’est avec gentillesse qu’elle s’est prêtée au jeu.

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Les voix narratives que vous créez sonnent particulièrement justes.  Où puisez-vous cette connaissance pointue des ados ?
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J’ai trois filles adolescentes qui me parlent beaucoup, je suis baignée dans leur adolescence et je vis de près leurs drames, leur tourments, leurs rêves. Je pense que ceci explique cela. Mais aussi, pour écrire des romans, ils faut regarder le monde à travers les yeux de ses personnages. De roman en roman, j’apprends à le faire…
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– Pour Frank Andriat [interrogé cet été A l’ombre du grand arbre], malgré des thématiques différentes l’un et l’autre,  c’est l’humain qui guide vos plumes.  Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?

J’explore l’humain et ses questions, en effet. En écrivant un roman, j’explore des questions, je cherche comment l’humain se débrouille avec la vie, au travers de personnages fictifs mis en situation problématique.
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– Dans vos titres, vous n’hésitez pas à aborder des sujets de société parfois brûlants d’actualité.  Peut-on parler de romans « engagés » ?

Je suis une personne engagée, et donc il est possible que mes romans le soient. Mais au départ, il n’y a pas une quête ou une cause. Ce sont les personnages, face à leurs drames, qui me guident, et probablement ma vision du monde, mon propre rapport au monde, qui nourrit l’ensemble et en donne la couleur, sans intention bien consciente au départ de « défendre une cause ». En général tout au moins.

Il est rare d’aborder la thématique du deuil en littérature de jeunesse comme dans votre roman « Premier Chagrin »: quelle est l’origine de cette histoire ?

L’origine de cette histoire est un souvenir personnel, que je prête à Mouche. Celui de la perte de ma grand-mère (mon premier chagrin), pour laquelle j’ai été livrée à moi-même, j’avais six ans. J’ai démarré l’histoire avec l’idée qu’aujourd’hui, on ne ferait plus cela à un enfant. Même si chacun reste seul, in fine, dans la souffrance. Cela dit, il n’y a aucun tabou pour moi, aucune censure, quand j’écris.  La littérature est un lieu privilégié pour se confronter à notre condition humaine, et ainsi avancer vers nous-mêmes. Il n’y a aucune raison de ne pas aborder le deuil, la perte, puisqu’ils font partie de notre vie. Selon moi, Premier chagrin est un livre sur la vie, plus que sur la mort. Mais la vie n’a de sens et de prix que parce que la mort existe.

Les héros de Premier chagrin et de La conséquence de mes actes sont liés.  Pourquoi Sophie est – elle si peu présentée dans La Conséquence de mes actes ? Serait-il possible qu’ils se retrouvent dans un même livre et vivent une aventure commune ?

Ouiiiii (voir le troisième tome de la trilogie, à paraître en mars !)
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Quand vous rencontrez des adolescents qui ont lu ces deux romans, que vous en disent- ils spontanément ?

Qu’ils ont aimé, qu’ils ont pleuré. Qu’ils ont pris goût à la lecture, pour certains. Ils disent que c’est une histoire triste (Premier chagrin), et quand je leur réponds que c’est un livre sur la vie, ils le regardent autrement… Les lecteurs sont tristes de la mort de Mouche. Je n’ai pas encore beaucoup d’échos de lecteurs de La conséquence de mes actes…Je pense qu’ils devraient trouver ce livre drôle, en fait.
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Quels sont vos projets littéraires ?
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En mars 2013, chez Mijade, « Tout va bien », dernier volet de la trilogie entamée avec Premier chagrin. Sophie et Gauthier sont amoureux, s’organisent pour faire un séjour linguistique ensemble. Rien ne se passe comme prévu. Gauthier se retrouve à Rome, Sophie accueille un américain. Ils s’écrivent et se sont promis de terminer leurs courriels par « tout va bien », pour ne pas inquiéter l’autre. Mais tout ne va pas si bien que cela, et ils en viennent à se demander si c’est bien ça, l’amour. Roman drôle et léger, qui aborde pourtant des sujets comme l’amour, le vrai, quand on est très jeune, mais aussi le rejet, le désir, les a-priori.
Toujours en mars: « On ne parle pas de ça », chez Oskar. Pour grands ados et jeunes adultes. C’est un livre dur, secouant. Quatre jeunes meurent, pour des raisons différentes, à des moments différents. Un concours de circonstances va réunir les quatre mères, qui font ce qu’elles peuvent, pour vivre cette peine innommable (d’ailleurs la langue française n’a pas de mot, pour nommer un parent qui a perdu son enfant). Si le sujet est grave et effroyable, il me semble nécessaire d’offrir un espace de parole sur la mort des jeunes, aujourd’hui. De ne pas en faire un tabou. Parce que quand cela arrive dans le réel, il n’y a pas de mot. Sujet grave, mais écriture rythmée, presque légère, parfois drôle. On n’est pas dans le pathos, mais dans la vie.
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De belles lectures en perspectives pour ce printemps, merci Eva Kavian !
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Retrouvez nos avis détaillés :

Troubles par Claudine Desmarteaux

Troubles de Claudine Desmarteaux
Albin Michel Jeunesse – Wiz, 2012

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Une Lecture Commune avec Céline – Qu’importe le flacon, pourvu qu’on est livresse, proposée par Bouma – Un Petit Bout de Bib

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Bouma : Aujourd’hui nous vous présentons une lecture commune autour de mon gros coup de cœur du mois de janvier, un roman ado, troublant, comme son titre l’indique. Un sujet inquiétant, une manière d’écrire qui m’a captée, pourtant le sujet de ce roman peut porter à polémique. Aujourd’hui nous parlons du genre de roman que vous n’oublierez pas.

Première question : Comment résumerais-tu ce roman ?

Céline : Sous la forme d’un synopsis, clin-d’œil au cinéma, troisième homme de ce récit :
Paris. Camille et Fred, deux ados, deux amis d’enfance. Tous deux sur le fil, tous deux victimes collatérales de drames familiaux. Chacun sa came. Le cinéma pour Camille. L’alcool, les joints et plus si affinités, pour Fred. Soirée après soirée, voyage au bout de la nuit. Lassitude. Dégoût. Drame.

Bouma : Tu as écrit un résumé qui ressemble vraiment beaucoup à ce roman. Les chapitres sont courts, voire très courts, amenant un rythme effréné, une tension à l’histoire. Cette tension, l’as-tu ressentie comme moi ? Cela a-t-il gêné ta lecture ?

Céline : Oui, cette tension est palpable dès les premiers mots et s’accentuent au fil des pages. On sent dès le départ qu’un drame est en préparation ! Une fois l’effet de surprise passé, ce rythme effréné et ce style saccadé m’ont plutôt donné envie de continuer ! L’écriture et la référence au cinéma contribuent d’ailleurs, pour ma part, au succès de ce titre. Et de ton côté, quels sont les aspects qui t’ont particulièrement plu ?

Bouma : Pour revenir à ce que tu disais, je n’ai pas senti le drame venir. Je me le suis pris en pleine tête, comme les protagonistes. Par contre, j’ai aimé que la trame ne s’arrête pas là, que l’auteur montre que le film comme la vie continue.  J’ai aussi aimé cette description très réaliste (à mon sens) de la réalité quotidienne des adolescents. C’est une période de doutes, de choix et d’affirmations. Ce n’est pas une époque facile et les adultes ont tendance à trop souvent l’oublier à mon sens. D’ailleurs, dans le texte, Camille doute de sa sexualité. Mais Camille est un prénom mixte. Est-ce un garçon amoureux de son meilleur pote ? Une fille attirée par d’autres filles ? Qu’en penses-tu ?

Céline : Je pencherais plus pour un « il »… Il me semble que cette identité collerait davantage avec le titre et les sentiments ambigus que Camille éprouve pour son ami d’enfance. Mais je n’en suis vraiment pas certaine. Quoi qu’il en soit, tu as raison, l’auteure nous laisse K.O. certes mais avec néanmoins une note d’espoir :

« Quand les plaies seront refermées, les blessures cicatrisées, viendra le temps des bourgeons et des promesses. »

Ce qui m’a surprise cependant c’est l’attitude attentiste des adultes ! Tout le long de ma lecture, j’ai eu envie de crier : « Mais bon dieu, quand allez-vous réagir ? ». Et toi, ce manque de réaction t’a-t-il également interpellée ?

Bouma : Je n’ai pas franchement été interpellée par cette absence, ou en tout cas cette « non intrusion » des adultes dans le récit. Claudine Desmarteaux déroule son histoire du point de vue de Camille, un(e) adolescent(e) (parce que moi je voyais plutôt une fille en Camille mais bon bref, passons) et nous montre donc SA VISION de l’histoire. Elle est auto-centrée, et ça ne m’a pas plus étonnée que ça que pour elle/lui les adultes n’aient aucun rôle à jouer dans son quotidien outre celui de réfrigérateur et de distributeur.
Un dernier mot pour la fin ?

Céline : Nos hésitations et interrogations sont symptomatiques je trouve. (L’auteure pourra peut-être en lever certaines ?) Cette lecture est de celles qui remuent, vous emmènent au-delà des conventions, des apparences, des jugements trop rapides… Claudine Desmarteaux apporte un certain éclairage sur une jeunesse désabusée et pourtant pleine d’espoir ! Un paradoxe qui interpelle et rend ce texte particulièrement fort ! Un de ceux qu’on n’oublie pas…

Bouma : Exactement. Un texte troublant dont je suis ressortie chamboulée par tant de beauté dans l’écriture de l’indescriptible.

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Et pour en savoir toujours plus, voici nos avis sur nos blogs : Qu’importe le flacon et Un Petit Bout de Bib.

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Cette lecture commune a soulevé nombre de questions comme vous avez pu le lire, et nous remercions chaleureusement Claudine Desmarteaux d’avoir pris le temps d’y répondre (ainsi que son éditeur Albin Michel Jeunesse pour la mise en relation).

1. Comment vous est venue l’idée de Troubles ? Vous êtes-vous inspirée de faits réels ou d’une situation dans votre entourage ?

CD : Après Teen Song, j’ai eu envie d’écrire encore sur l’adolescence, une période à hauts risques, faite d’exaltations, de découvertes, mais aussi d’une certaine errance, voire d’ennui, parce que la réalité est rarement à la hauteur des attentes immenses qu’on a quand on est ado. On zone, de fêtes en soirées. On se cherche, on cherche l’amour… C’est douloureux, de sortir de l’enfance, on éprouve un sentiment de vide, de perte, d’angoisse morbide, parfois.
Ce texte est une fiction qui s’est nourrie de mon imagination, de bribes de mon expérience personnelle, de celle de mes enfants (j’ai une fille de 19 ans à qui je fais lire tous mes textes en cours d’écriture), de films que j’ai vus et aimés… Il est parti aussi d’une envie de décrire des scènes de cinéma.

2. Ce roman parle en partie de harcèlement. Est-ce un thème qui vous touche particulièrement ?

CD : C’est un thème qui touche chacun d’entre nous. Depuis la première cour de récré jusque dans le monde de l’entreprise, on est confronté à des situations de harcèlement, plus ou moins graves, plus ou moins féroces, qu’on subit ou qu’on inflige (parfois avec une certaine lâcheté, ou de l’inconscience). Ça fait partie du jeu social. En bande, parfois la cruauté peut se déchaîner.

3. Dans cette histoire, les adultes sont plutôt inexistants voire démissionnaires. Est-ce un constat que vous tirez de la vie réelle ?

CD : Non, ce n’est pas un constat et je ne juge personne. Ni les ados, ni leurs parents. S’ils sont défaillants, c’est parce qu’ils ont du mal à faire face à leurs propres problèmes, mais aussi parce que les adolescents s’éloignent d’eux, ne leur confient plus rien. En grandissant, les enfants veulent s’affranchir, couper le cordon, et c’est bien normal. Les parents sont souvent les derniers informés. Ils idéalisent leurs enfants et font parfois preuve de naïveté, ou d’aveuglement.
Dans Troubles, pour se protéger d’une situation pourrissante (ses parents ne s’entendent plus mais sont forcés de cohabiter pour des raisons économiques), Camille prend ses distances. Les parents font ce qu’ils peuvent. Ils sont toujours trop absents, ou trop étouffants… Les parents parfaits, c’est comme la licorne, ça n’existe pas.

4. Aviez-vous l’intention d’écrire pour le public adolescent dès le départ de cette intrigue ?

CD : Pas forcément. Dans tous mes livres jeunesse, je m’adresse aussi aux adultes. Mais je suis heureuse d’avoir publié ce livre en roman ado, j’ai fait de très belles rencontres avec des lycéens sur Troubles.

5. Avez-vous visionné l’intégralité de la filmographie de Camille ? Comment avez-vous choisi ces films ?

CD : J’ai choisi des films que j’ai aimés et qui m’ont marquée. Ils ont tous un lien avec le désir, l’amour, les pulsions… Je les ai visionnés parfois plusieurs fois, pour choisir les scènes, les décrire… Tous ces « morceaux de cinéma » disent à quel point c’est complexe, tout ça, et à quel point cela échappe à notre contrôle. Camille est quelqu’un d’assez introverti, toujours en retrait, qui observe la vie un peu comme un film. Camille décrit avec précisions des plans, des scènes, mais ne dit rien sur ses propres désirs.

6. Pouvez-vous lever l’ambiguïté concernant le sexe de Camille ?

CD : Camille est un prénom mixte. C’est au lecteur de faire son choix. Cette ambiguïté participe au trouble.
Mais si vous tenez à savoir si pour moi, Camille est une fille ou un garçon, je répondrai : un garçon (qui refuse de s’avouer les sentiments amoureux qu’il éprouve pour son meilleur ami Fred).

7. et enfin… avez-vous un autre roman pour les adolescents en préparation ?

Un nouvel opus de la série du petit Gus, Le petit Gus au collège, sort en août 2013. C’est un roman illustré qui s’adresse à tous, et plus spécialement aux 9-13 ans.
Je n’ai pas commencé à travailler sur un autre texte pour l’instant, mais j’écrirai encore pour les adolescents. J’aime ce public, ouvert, fragile et touchant. L’adolescence est une période de la vie riche et complexe, dont on ne sort pas indemne mais qui construit l’adulte qu’on deviendra.

[Cette interview a été réalisée au début de l’été.]

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Nous espérons que cette lecture commune vous aura fortement donné envie de lire ce titre. Bonne lecture.