Lecture commune : Le tour du monde des contes, Gilles Bizouerne & Fabienne Morel

Linda et Lucie sont passionnées par les contes traditionnels, leurs réécritures et leurs adaptations. Ce recueil des éditions Syros ne pouvait qu’attirer leur attention ! Comme son titre l’annonce en partie, il présente quatre contes célèbres et en propose des versions d’autres pays. De quoi ouvrir leurs horizons et alimenter une discussion…

Le tour du monde des contes de Gilles Bizouerne & Fabienne Morel, Syros, 2024.

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Lucie : Nous avons toutes deux été attirées par ce titre dans le catalogue des éditions Syros, pourquoi il t’a intéressée ?

Linda : J’aime beaucoup redécouvrir les contes au travers des réécritures, c’est d’ailleurs un thème plutôt en vogue (je pense par exemple à Flore Vesco et ses divers réécritures), et l’idée de découvrir des contes traditionnels dans des versions étrangères me plaisait bien. Je me suis d’ailleurs amusée en cherchant les similitudes entre les différentes versions d’un même conte.

Lucie : Connaissais-tu les quatre « grands contes » dont les auteurs présentent différentes versions ?

Linda : Je ne connaissais pas très bien les musiciens de Brême et finalement, pas trop non plus le Tom Pouce alors que j’étais persuadée l’avoir déjà lu. Et je me suis aussi rendue compte en lisant Les trois petits cochons que je me souvenais plutôt mal de la fin. Je crois que j’en avais une idée erronée à cause du court métrage de Walt Disney (1933) que j’ai beaucoup vu avec les enfants et qui propose un final moins sombre, forcément, avec notamment le méchant qui est puni et les cochons qui survivent.

Lucie : Il est vrai que Walt Disney s’est beaucoup inspiré des contes traditionnels européens et en a modifié notre perception. Mais j’avoue adorer cette version…

Linda : Je suis aussi une grande fan.

Lucie : Revenons à ce recueil, quel corpus t’a le plus intéressée ?

Linda : Le lièvre et la tortue ! Mais c’est aussi parce que j’ai un faible pour cette histoire que je trouve moins violente. Ici c’est la ruse qui est mise en avant. J’ai d’ailleurs particulièrement aimé la version bretonne Le renard et l’escargot dans lequel c’est l’escargot qui se montre rusé alors qu’on a plutôt l’habitude que ce soit le goupil.

Lucie : J’ai beaucoup aimé ce corpus aussi. D’autant que pour moi Le lièvre et la tortue était une Fable et pas un conte, cette lecture est très enrichissante tant sur le fond que sur la forme.

Linda : C’est pour ça que l’histoire est moins violente… 

Lucie : Ma version préférée est celle avec les taupes. Je l’ai trouvée franchement géniale !

Linda : C’est probablement la plus drôle aussi.

Lucie : En revanche, j’ai parfois peiné à voir les liens entre les différents contes proposés, surtout dans ceux qui sont associés aux Musiciens de Brême.

Linda : C’est vrai qu’il m’a parfois fallu une deuxième lecture pour faire des liens. La version chinoise de ce conte est assez particulière. Et j’ai de fait apprécié les explications qu’on trouve dans le dossier de fin d’ouvrage. Je me suis d’ailleurs demandée s’il n’était pas plus difficile pour nous de faire du lien avec certains textes justement parce qu’ils s’éloignent davantage de notre culture et nos représentations. Je ne sais pas si c’est pareil pour toi mais j’ai surtout eu du mal à faire le lien avec les versions venues d’Asie, voire parfois même d’Europe de l’est.

Lucie : Tu as raison, les cultures sont si différentes que les écarts de thèmes sautent plus facilement aux yeux. Mais pour ma part j’avais eu l’occasion de lire la version roumaine de Tom Pouce, Neghiniţă présente dans le recueil Hadji Tudose de Barbu Delarancea traduit par Gabrielle Danoux. Et comme cette lecture était plus récente que celle du conte original je n’ai pas été trop perdue !

Lucie : Comme tu le disais précédemment, j’ai moi aussi beaucoup apprécié les explications en annexe du recueil, et notamment l’utilisation des codes de classification des contes qui explicitent les liens qui ne sautent pas forcément aux yeux à la première lecture. Connaissais-tu cette classification ?

Linda : Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris cette histoire de code (les T quelque chose) mais les informations sont, elles, bien claires et aident bien à la compréhension et à faire du lien entre chaque texte.

Lucie : Il s’agit de la classification des contes Aarne-Thompson-Uther dont parle aussi Lou Lubie dans son excellent Et à la fin ils meurent. Elle aborde y aussi les adaptations de Disney de manière assez amusante.

Linda : Entre le conte de Bardu Delarencea et ce livre de Lou Lubie, j’ai des références à ajouter à mon catalogue de livres à lire !

Et à la fin ils meurent de Lou Lubie, Delcourt, 2021.

Lucie : Qu’as-tu pensé des illustrations ?

Linda : J’ai aimé que chaque histoire ait un.e illustrateur.ice attitré.e car je trouve que cela crée une forme de cohésion entre chaque texte du corpus et renforce l’unité.

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai bien aimé cette unité visuelle malgré les variations des histoires.

Lucie : Tout en discutant avec toi je feuillette le livre et je suis tombée sur la dernière page qui liste les autres titres de la collection. Je suis curieuse : est-ce que l’un d’entre eux t’attire particulièrement ?

Linda : Les Belles très certainement… Je suis une fan inconditionnelle de La Belle et la Bête donc en lire d’autres versions me plairait bien, d’autant qu’elles sont annoncées “incroyables”. Et toi ?

Lucie : Moi aussi je suis très très fan de La Belle et la Bête (je me suis d’ailleurs offert la magnifique version illustrée par MinaLima) et le recueil des Belles me tente bien. Je me dis que les princesses ont peut-être plus d’espace et de caractère à exprimer que dans les adaptations qui en ont été faites. Même si on remarque une tendance aux personnages féminin plus affirmés depuis les années 2000.

Le tour du monde d’un conte, Les Belles, Fabienne Morel et Gilles Bizouerne, Syros, 2021.

Lucie : Concluons avec la question rituelle : à qui recommanderais-tu cette lecture ?

Linda : Aux amateurs de contes d’abord. Ensuite, peut-être aux enseignants (je crois me souvenir qu’il y a une séquence sur le conte en 6ème) : pour mettre en avant des textes du monde de la même manière qu’on le fait avec les textes fondateurs. Après je pense que si les histoires en elles-même peuvent plaire aux enfants (pas trop jeunes quand même), cela reste un livre qui parlera aussi aux adultes, justement parce qu’il met en avant des explications assez complexes.

Lucie : Je me dis que les enfants peuvent certainement apprécier ces contes sans en chercher les liens (peut-être les feront-ils seuls d’ailleurs, ils sont souvent étonnants à ce niveau-là). Mais en tant que recueil, effectivement les fans de contes et les enseignants semblent les plus à même d’exploiter la richesse des liens entre ces histoires.

Linda : Je trouve les contes trop souvent violents et effrayants pour être lus aux enfants. Certains donnent aussi un regard assez négatif sur certains personnages tel le loup pour n’en citer qu’un et c’est aussi pour ça que j’ai du mal à le recommander aux jeunes lecteurs.

Lucie : Dans ce recueil je n’ai pas été gênée par la violence, peut-être parce qu’il me semble qu’un certain nombre de versions originales abordent de toute manière des sujets très difficiles tels que l’abandon d’enfants, les meurtres, la manipulation… Il faut peut-être simplement mettre en garde les lecteurs et les inviter à choisir les contes les plus appropriés à l’âge de leurs auditeurs ?

Linda : Oui sans doute. Et puis, dans le cadre familial, je pense que chaque parent est capable de savoir ce qu’il peut lire à son enfant. Chacun a un seuil de tolérance propre, certains enfants ne voient pas forcément l’horreur comme une peur, ils la surmontent dès la page tournée… 

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Avez-vous envie de découvrir ce Tour du monde des contes ? Connaissez-vous des versions étonnantes ou peu connues de contes ? Lequel préférez-vous ?

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