C’est reparti pour le Prix Vendredi ! Comme tous les ans, les arbronautes ont lu la sélection des romans pour se faire un avis. Et nouveauté cette année, en plus de vous présenter chaque titre elles vous dévoilent leur chouchou. Correspondra-t-il au lauréat annoncé demain ?
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Sous le Grand Arbre, nous aimons la collection L’Ardeur de Thierry Magnier qui propose aux adolescents des textes leur permettant de questionner leurs rapports aux autres et leur sexualité. À Croquer suit cette ligne en présentant Marie-Maud le jour de sa rentrée. Celle-ci en a assez d’être invisible et pour y remédier elle a décidé de changer de look. Et c’est une réussite, tous les regards sont braqués sur elle. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Plongée dans la jungle des rapports adolescents où le titre prend tout son sens : Marie-Maud est « à croquer », mais dans l’univers encore très machiste du lycée, elle va en subir les conséquences.
Beaucoup de belles trouvailles dans ce texte en vers libres d’Anne-Fleur Multon, et des réflexions particulièrement pertinentes. On regrette juste l’absence de personnages masculins positifs qui auraient certainement permis un coup de cœur !
L’avis de Lucie.
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Et si votre visage était soudain affiché sur les écrans de toustes ? C’est le point de départ de Célèbre à en mourir. Pendant 44 secondes, le visage de Laura est affiché à la place de tous les autres. La jeune femme devient aussitôt célèbre. Pour le meilleur, ou pour le pire ? Qui a bien pu réaliser pareille prouesse technologique ?
Voilà un thriller ado intense et prenant, qui interpelle ses lecteurices sur l’usage de l’intelligence artificielle, le poids des images. Il nous questionne sur la célébrité, l’absence de vie privée qui en découle, cette hyper-exposition qui devient prison. Un roman intelligent, glaçant par moments – car il résonne avec nos pratiques ! -, très immersif également.
La chronique d’Héloïse.
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Voyagez dans l’Irlande du Nord des années 1990 aux côtés d’Abigeál ! Mais attention, il faut avoir le cœur bien accroché. Car Fanny Chartres installe sa famille dans une maison qui semble encore hantée par l’un des aspects les plus sombres de l’histoire irlandaise : les couvents de Magdalenes. La personnalité de l’héroïne, coincée entre traditions étouffantes et velléités d’émancipation est particulièrement attachante. Au fil des rencontres à la maison de retraite voisine et des balades nocturnes avec son petit frère, elle va faire des découvertes qui vont changer sa vie et celle de sa famille.
Dans le ventre de Fianna Sinn est un roman qui brasse beaucoup de sujets, de la famille à la religion en passant par la vieillesse, avec une grande maîtrise et un souffle de fantastique. Les personnages, nombreux et variés, permettent de prendre véritablement conscience de la complexité de faire face à une histoire dramatique.
L’avis de Liraloin et celui de Lucie.
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Francoeur, c’est Anna Dupin, une romancière, soeur d’artistes tout aussi célèbres qu’elle. Dans des lettres quelle envoie à une mystérieuse admiratrice, elle nous narre son passé, enchaînant les descriptions de scènes champêtres et autres menues bêtises
Francoeur, c’est la vie d’une famille atypique, un recit inspiré de la vie de George Sand, de Rosa Bonheur ou encore Sarah Bernhardt. Une famille d’artistes qui mène la vie de bohème, dans une joyeuse pagaille. La richesse de ce roman épistolaire, c’est le contexte historique, particulièrement bien dépeint, entre la révolution de 1848, les descriptions de la vie à Paris, et les très nombreuses références culturelles et artistiques. Un texte original.

La chronique d’Héloïse.
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L’avis d’Hélène
Les frontières écarlates séparent l’Empire de Thyr et le royaume de Bakara qui sont en guerre depuis de nombreuses années sans que l’on sache vraiment pourquoi au début du roman. Raïa, la fille de l’empereur de Thyr aimerait combattre et savoir davantage de choses sur la guerre, mais malgré l’autorisation pour les femmes de combattre, son père ne lui laisse qu’un rôle subalterne, les mentalités évoluant moins vite que les lois.
Cependant dès les premiers chapitres, Nyx, une membre de l’armée se révèle être une espionne bakaréenne et assassine le père de Raïa sous ses yeux avant d’enlever cette dernière pour l’emprisonner dans son royaume. De nombreuses péripéties les entraîneront à la recherche de la vérité, que chaque camp croit détenir, jusqu’à ce qu’un événement contredise ses certitudes…
Malgré l’épaisseur du livre, on est assez rapidement emporté par l’intrigue qui ne comporte pas de longueurs grâce aux nombreux rebondissements et aux personnages auxquels on s’attache rapidement. Nyx notamment, malgré sa cruauté au début du roman, semble pleine de ressources et a de multiples facettes, tout comme Raïa.
Un roman tout en nuances, qui montre que le monde est plus complexe que l’on croit et qu’il n’y a pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants, que j’ai beaucoup aimé, une agréable surprise ! Une suite est certainement à prévoir mais en attendant, le Prix Vendredi est l’occasion de découvrir ce titre et cette jeune autrice
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Nina perd le nord, c’est le titre chouchou d’Heloïse. Un road-trip émouvant, celui d’une famille un peu dysfonctionnelle, terriblement attachante.
Nina est en troisième, et s’ennuie dans son quotidien. Elle vit seule avec son père, et c’est souvent elle qui joue le rôle de l’adulte depuis le décès de sa mère. Mais un jour, un notaire leur écrit pour leur dire que tata Suzanne leur lègue tous ses biens. Seule condition : aller déposer ses cendres en Suède, dans les mines de Falun.
De belles surprises, de jolies rencontres, un humour cassant, de beaux paysages… Ce road-trip est l’occasion pour père et fille d’affronter les démons du passé, de se retrouver, de se comprendre. Il est aussi l’occasion de découvrir un pan de la vie de cette tante, pan triste et émouvant.
Avec Nina perd le Nord, Céline Courjault aborde la thématique du deuil avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Elle nous parle aussi de l’adolescence et de ses difficultés, de famille, d’amitié, de confiance en soi. C’est beau, c’est doux, c’est drôle, c’est fou, c’est frais, bref, on en redemande !
L’avis de Lucie, celui de Liraloin, et celui d’Héloïse.
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Nathalie Bernard est une habituée des récompenses littéraires (Pépite fiction ados du salon jeunesse de Montreuil, Prix 12/14 de la Foire du livre de Brive, Prix des Incos…) pour ses romans amples, aux thématiques engagées, au style efficace. 2025 sera-t-elle l’année du Prix Vendredi ? Cela se pourrait en effet, pense Séverine, car La part du vent est une histoire forte, aux paysages époustouflants, personnages à part entière d’un récit à mi-chemin entre « nature writing », roman initiatique, ou encore roman d’aventures, ne laissant aucun répit au lectorat. Les rebondissements s’enchaînent sans temps mort, les relations entre ses différents personnages sont subtiles. Tout en déclinant des thèmes forts comme la surexploitation des terres générant une désertification progressive, le racisme anti-natifs et le Klu Klux Klan, la solidarité, au gré du passage à l’âge adulte de son héroïne June Flanagan, jeune femme courageuse, battante, passionnée, déterminée à conserver sa liberté, son indépendance, malgré les coups durs, ce récit nous emporte dans une tourbillon d’émotions. Le lire, c’est une immersion puissante, émouvante et quasi sensorielle dans l’Oklahoma des années 30, entre dust bowl (première catastrophe écologique de l’Histoire des Etats-Unis ?) et crise économique suite au Krach de 1929. C’est plonger dans un monde où la nature veut reprendre ses droits. C’est ressentir avec June des sentiments aussi fort que la peur, la solitude, mais aussi l’amitié, le respect, l’amour inconditionnel. Le talent de l’autrice y fait encore une fois merveille pour susciter réflexions et questionnements, sans jamais faire l’économie de l’intensité stylistique et narrative propre aux grands romans. Bravo.
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L’avis d’Hélène sur Saint-Marie-des-Haines-Infinies :
Ce court roman de Louise Mey se lit assez rapidement. Il aborde dans un format court et facile d’accès beaucoup des sujets qui touchent les adolescents actuellement et que l’on retrouve très souvent dans les romans parus ces dernières années : harcèlement, homosexualité (féminine en l’occurence), regard des hommes sur le corps des (jeunes) femmes et enfin la questions incontournable à cet âge : comment trouver sa place dans un milieu parfois hostile.
L’héroïne termine ses études au collège Sainte-Marie, établissement catholique imaginaire fréquenté par des gens très comme il faut (Sixtine, Cyprien…). Cependant sous le vernis de la morale et l’apparat de l’établissement, tout n’est pas si rose et les élèves n’ont parfois de saint que l’apparence.
Arrivée dans ce collège après le décès de sa mère à la suite d’un cancer, l’héroïne est très mal accueillie par ses pairs et notamment par Salomé qui ne mâche pas ses mots à son égard, ne manifestant aucune compassion, se moquant d’elle et du deuil qu’elle est en train de vivre… Bref, rien de très chrétien.
L’héroïne parvient à supporter l’ambiance du collège grâce à Marwa, amie/amante qui lui fait découvrir l’amour et la raisonne parfois quand la colère la submerge en lui enjoignant de ne pas « brûler les ponts » et Matthieu, son ami de son ancien collège (nommé Aimé Césaire, comme un antonyme à Sainte-Marie), et qui fourni les élèves de Sainte-Marie en drogues…
L’écriture et les thème de ce roman sont un peu crus : vocabulaire, sexualité, l’héroïne ne mâche pas ses mots, prenant d’ailleurs un malin plaisir à renommer son établissement en « Sainte-Marie-de-mon-Cul », « Sainte-Marie-des-Filles-Sages », « Sainte-Marie-des-Faux-Semblants ». On retrouve cette colère et cette hâte que l’année se termine enfin dans le style : la ponctuation est rare, les phrases très longues, comme si la narratrice n’avait pas le temps de reprendre son souffle tant elle a à dire. Cette écriture est déroutante mais cohérente avec le propos, tout comme la couverture qui reprend la figure du blason, qui rappelle la noblesse en y incrustant la figure de deux femmes qui s’embrasent, le thème récurrent du feu symbolisant la colère…
Même si les personnages peuvent être un peu caricaturaux et la lecture dérangeante, ce roman a le mérite de mettre en lumière le fait que le harcèlement existe dans tous les milieux, et que dans tous les milieux chacun se cherche… Car les élèves populaires ne sont pas tous si heureux que cela, l’héroïne en a la preuve dans son « Dossier dernier jour »… Le compte à rebours avant la fin du collègue est lancé 3,2,1… Chaque chapitre rapproche l’héroïne d’un ailleurs où elle sera à sa place, sans doute.
Lire aussi l’avis de Lucie.
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L’avis d’Hélène sur Le silence est à nous :
Ce livre de Coline Pierré a fait grand bruit depuis sa sortie en mars 2025. Très actuel, sur le thème du féminisme et de la place de la parole des victimes d’agression sexuelles et de leur traitement par la communauté éducative et la société en général.
Au départ, l’héroïne, « Léo » pense s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment lorsqu’elle assiste « auditivement » à une agression sexuelle… Elle se sent ensuite une responsabilité et prends contact avec la victime. Une solidarité se met en place et l’enjeu sera alors de se faire entendre… En silence. Un parti pris très intéressant, à rebours des manifestations bruyantes, qui aura des conséquences sur chacun des personnages.
Un roman écrit en vers libres qui parle de l’accueil de la parole des victimes d’agression, de la parole des jeunes en général, des filles en particulier… Au coeur du sujet, la notion de consentement, les changements de mentalité, le rôle des adultes et les revendications des plus jeunes… L’équipe du blog a aimé ce titre très actuel et vous invite à rester connecté pour lire, très bientôt, notre lecture commune !
L’avis de Liraloin et celui de Lucie dont c’est le titre préféré de cette sélection.
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Seul titre que nous n’avons pas réussi à nous procurer, Véda s’en va est ainsi présenté par les éditons Albin Michel : Dunkerque, Véda, 17 ans, a une bande de copains, un petit ami champion de kite-surf, une famille, modeste mais qui l’aime, et un dragon d’eau de compagnie à qui elle se confie. Mais la jeune fille rêve d’une autre vie et met de l’argent de côté afin d’intégrer une université privée à Lille. Sa rencontre avec Frankie, lesbienne extravertie fraichement arrivée de Berlin, bouleverse son existence.
Si vous avez pu le lire, votre avis nous intéresse !
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Et vous quel titre de cette sélection avez-vous préféré ?









