Une couverture qui attire, un titre qui intrigue, une lecture qui pose des questions… Il n’en fallait pas plus pour, qu’à l’ombre du grand arbre, on ait envie d’en parler et de VOUS en parler !
Autour de moi (Céline – Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse), pour en discuter à bâtons rompus, il y a Kik – Les Lectures de Kik, Nathan – Le cahier de lecture de Nathan, Sophie – La littérature jeunesse de Judith et Sophie et Céline – Le tiroir à histoires.
Prêts à les suivre de l’autre côté de l’image ?
Comme des images, qu’est-ce qui se cache derrière ce titre polysémique ?
Kik : Comme des images, car il y a des sœurs jumelles qui se ressemblent comme des images. Mais est-ce seulement cela ?
Sophie : Avant la lecture, j’ai pensé à la fameuse expression « Sages comme des images ». Après la lecture, je dirais que oui il y a de ça mais pas au premier degré, bien au contraire. On y montre une élite de la population, sage en apparence, mais seulement en apparence.
Nathan : Bien sûr il y a l’expression que tu cites Sophie, ce qui n’est sans doute pas anodin : ils sont, en apparence, sages comme des images parce qu’on leur demande le meilleur d’eux-mêmes, la perfection : élèves intelligents, premiers en tout, enfants modèles …
Mais il y a surtout pour moi une réflexion sur qui nous sommes et ce que nous montrons de nous. Ces ados, ils sont parfois sans véritable fond, contrairement à la jumelle, artiste et taciturne … Une image est sage parce qu’elle ne bouge pas. Or ces adolescents s’y adonnent parfois tellement qu’ils deviennent eux-mêmes les images qu’ils créent. Ne sont-ils pas alors plus que des reflets de leurs qualités, plats, sans contenu, sans intérêt ?
Céline : Avec l’image des jumelles dos à dos, (dont on ne sait pas tout de suite qu’il s’agit de sœurs jumelles), le titre m’a plutôt évoqué l’idée de reflet, et d’image virtuelle. A vrai dire, avant de le lire, je pensais que ça se passait dans le futur, qu’il était peut être question de clonage, etc… !!! Au fur et à mesure de la lecture, j’ai apprécié ce titre et cette couverture qui a effectivement plusieurs sens et qui est très réussie à mon avis.
Tous les quatre avez fourni une clé de lecture intéressante. Dans ce titre, effectivement, on parle de gémellité ; de réalité virtuelle ; d’image d’enfants sages, pas si sages que cela ; de jeu d’images et d’apparences… le plus souvent trompeuses. Mais est-ce seulement cela ? demande à juste titre Kik. Pour ne pas perdre nos lecteurs, un petit résumé s’impose, histoire de faire le lien entre toutes ces pièces du puzzle….
Kik : L’histoire commence le jour où Léopoldine a rompu avec Timothée pour Aurélien. Ou bien le jour où Timothée, par vengeance peut-être, a envoyé un mail avec une vidéo de Léopoldine à tout le monde. Ou peut être même que l’histoire commence, lorsque Léopoldine est partie en vacances, et que sa sœur est devenue amie avec sa meilleure amie.
Des histoires qui se croisent et se décroisent. Des non-dits sur les sentiments. Et ça finit par un corps au milieu de la cours du lycée … Là par terre…
Nathan : Ou peut-être bien que l’histoire commence il y a bien plus longtemps, à l’aube d’une société faite d’images et de mondes virtuels ? Peut-être que notre narratrice, Léopoldine, et sa sœur ne sont que l’infime rouage d’une plus vaste histoire.
Ou alors l’histoire commence quand vous refermerez le livre, secoué et avec un regard neuf sur les choses. Peut-être.
Tous deux évoquez des histoires au pluriel. Peut-on dire que c’est la narration de ces multiples destins qui se croisent qui fait toute la richesse de ce titre ? Comme pour un mille-feuille, il y a les couches externes, visibles, et puis toutes les autres qu’on découvre au fur et à mesure… Mais peut-être que là aussi, la réponse n’est pas si simple ?
Nathan : Pas simple, en effet… Une image c’est parfois vide de sens, une couche superficielle sans rien derrière. Or la richesse du roman c’est que l’histoire en apparence elle est bien simple, comme une image, deux dimensions, un roman court et rapidement lu avec plaisir. Mais derrière il y a en fait encore bien des couches qui s’ajoutent. Au final, on a un texte en apparence anodin mais profond et regorgeant d’interrogations qu’on n’aura jamais le temps de démêler …
Sophie : Comme le dit Nathan, il y a la première histoire, celle de Léopoldine, plutôt simple car plutôt connue comme mésaventure. C’est cette histoire qui va en révéler bien d’autres.
Céline : En effet l’histoire du jour, celle qui fait le buzz dans tout le lycée, est finalement assez vite réglée, mais révèle d’autres histoires, plus lointaines et plus discrètes, d’autres humiliations, plus sourdes… et ce sont ces histoires-là qui mettent vraiment en lumière les personnages.
Nous sommes apparemment tous sur la même longueur d’ondes…
Outre cette lecture plurielle, bien moins « anodine » (pour reprendre le terme de Nathan) qu’il n’y parait, j’ai particulièrement apprécié l’écriture moderne de l’auteur et ses références nombreuses à ce que vivent les jeunes d’aujourd’hui. Et de votre côté, quels sont les aspects qui vous ont plu ?
Céline : En intégrant ces nouveaux modes de communication (commentaires facebook, sms) à sa narration, Clémentine Beauvais rend compte aussi de l’instantanéité, de la superficialité et d’une certaines cruauté dans les échanges. Et ça rend vraiment le roman vivant. J’ai trouvé ce procédé très judicieux. Vraiment un point fort du roman !
Kik : On se sent dans la « vraie » vie d’adolescents. Tout va très vite, avec les réseaux sociaux. Une vidéo est postée sur le net, peu de temps après, tout le monde l’a vue sauf quelques profs. Et pourtant le harcèlement à l’école ne date pas d’aujourd’hui. Un problème récurrent, qui a pris une autre forme avec les nouvelles technologies.
Sophie : J’ai aimé aussi la modernité dans ce texte, les nouvelles technologies, l’événement qui prend très vite une grande ampleur jusqu’au suivant qui prendra sa place. Tout s’ enchaîne de nos jours, on passe très vite d’une chose à l’autre en oubliant bien souvent les conséquences que cela peut causer.
Nathan : Avec un tel sujet, les nouvelles technologies étaient de toute façon inévitables … et c’est pourquoi elles parsèment le récit. Sur facebook, youtube, par sms … tout ça n’est pas anodin : c’est là qu’une image se crée … ou se détruit. Et d’ailleurs c’est à cause de ça que la jumelle de Léopoldine, Iseult, va en souffrir, comme elle en avait déjà souffert au collège, lorsqu’elle avait perdu sa meilleure amie sur la méprise d’un professeur. Elles aussi, elles sont comme des images. Et pourtant, des jumeaux se ressemblent … mais ils sont loin d’être identiques.
Justement, outre le divertissement qu’il nous procure, peut-on dire que ce récit a une fonction préventive ? L’auteure a-t-elle voulu faire passer un message ?
Nathan : Bien entendu ! Celui qui m’a traversé de toutes parts, comme ma chronique en rend compte, c’est qu’il ne faut pas être comme des images. Soyons nous-mêmes et ce sera la seule image, parce qu’à trop s’inventer on finit par se perdre dans cette construction de soi-même et au final il n’y a plus que du vide. Et puis même, si on partait sur de la philo, on serait tout simplement dans la vision antique de la Beauté : quelqu’un est beau lorsque son apparence laisse apparaître ce qu’il y a en lui. J’aime beaucoup cette idée-là.
Sophie : Et même si c’est plus évident et en rien moralisateur dans l’histoire, il y a un avertissement sur les réseaux sociaux et internet en général. Attention aux images que l’on y met, elles sont publiques ! Prendre soin de son image veut aussi dire qu’il faut réfléchir à ce que l’on en fait dès le départ, quand on pense que cela reste dans l’intimité.
Céline : Je n’y ait pas du tout vu ce message pour ma part. Au contraire, je trouve que les nouvelles technologies ne sont ni dénoncées ni même jugées, juste intégrées au récit comme faisant partie de notre paysage au XXIème siècle, et conditionnant donc nos modes de communication… et de représentation. Comme Nathan, je lis le message de la fin (s’il y en a un) comme une invitation à avoir plus de substance qu’une image, et à dépasser également les images dans notre perception des autres.
Kik : Tout a été dit je pense. Je suis d’accord avec les deux points de vue présentés. J’ai perçu les deux lors de ma lecture.
Le mot de la fin ? Lire un livre, c’est aussi s’imaginer les personnages, le décor, les situations… Mettre les mots en images ! Quelle « image » forte retiendrez-vous de votre lecture ? Pour ma part, c’est cette première phrase qui s’étale seule sur une page blanche, un peu comme ce corps en plein milieu de la cour ! Dès l’ouverture, cette vision m’a procuré un sacré frisson.
Nathan : Pour ma part, étrangement, l’image qui me reste gravée dans la mémoire, c’est le personnage d’Iseult, la jumelle, assise dans la cour, repliée sur elle-même, muette et dessinant.
Sophie : Comme toi Céline, c’est le corps annoncé dès le début, étendu dans la cour, qui me reste en tête.
Kik : C’est étrange mais en repensant « visuellement » à ce roman, je pense à un immense lycée, énorme, un vrai labyrinthe, et dedans trois jeunes filles qui déambulent toutes seules, ou par deux. Il y en a deux qui sont identiques, et une autre différente. Un trio perdu au milieu des couloirs, d’une immense cour, comme dans un espace infini.
C’est sur ces quelques images – mais, vous l’aurez compris, il y en a bien d’autres – que nous vous laissons avec l’envie, nous l’espérons, de vous plonger dans ce roman pas comme les autres !
Quelques extraits de nos billets pour finir de vous convaincre (à découvrir en intégralité sur nos blogs respectifs) :
Clémentine Beauvais a le don de s’attaquer à des sujets forts et sensibles sans aucun tabou et j’apprécie beaucoup la sincérité de son écriture et de ses mots. Quand elle écrit en plus pour la collection eXprim’ chez Sarbacane, les chances de me décevoir son minimes et elle ne l’a pas fait.
La littérature jeunesse de Judith et de Sophie
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Un roman qui plaît énormément mais qui dérange tout autant puisqu’il appuie là où ça fait mal !
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse
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(…) un livre sur l’apparence avant tout, sur ce qu’on laisse voir et ce qu’on dissimule. Un livre puissant, juste, touchant, qui s’avale d’une traite et ne laisse malgré tout pas indemne.
Le cahier de lecture de Nathan
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Un roman hypnotique et moderne qui décrit avec justesse et intelligence certains travers de la société, les affres de l’adolescence, l’ingérence humaine : le cri primal de l’injustice, le premier non.
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Un roman qui tord le ventre, car tout en voulant savoir à qui est le corps étendu dans la cour, on ne veut pas découvrir toute la vérité et savoir ce qui a été la cause de cette chute. On devine peu à peu les non-dits, ce que la narratrice ne veut pas s’avouer.
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Comme des images est un roman contemporain, ancré dans l’ère 2.0, comme en témoigne sa narration originale, vivante, empruntant volontiers et judicieusement les codes des nouvelles formes de communication.
Retrouvez aussi :
- Notre lecture commune sur La pouilleuse, autre titre phare de Clémentine Beauvais.
- Notre interview de Tibo Bérard qui dirige cette collection.
Merci à vous tous, je note pour mes élèves!
WAOUH. MERCI !!! QUELLE MERVEILLEUSE EXPERIENCE DE LECTURE VOUS NOUS OFFREZ !
Une prochaine lecture pour moi !