Carte postale qui en eXprim’…

Pour les vacances, j’ai eu envie de vous faire découvrir une collection que j’affectionne tout particulièrement : eXprim’ publiée aux éditions Sarbacane.

Voilà trois ans que je suis régulièrement les parutions et j’ai eu quelques coups de cœur que je me devais de partager avec vous. Au fil de mes lectures, j’ai saisi plus précisément l’identité de cette collection qui ne cesse de me surprendre. Pour vous en parler, j’ai posé quelques questions à celui qui l’a créée et qui la dirige encore aujourd’hui Tibo Bérard. Vous pourrez donc retrouver ses réponses juste après trois titres que j’ai sélectionnés rien que pour vous…

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La ballade de Sean Hopper
, Martine Pouchain
Une histoire très humaine pour laquelle j’ai versé quelques larmes.

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Toute la vie, Jérôme Bourgine
Un combat contre la maladie plein d’émotions qui m’a beaucoup touchée.

les déchainés

 

 

Les déchaînés, Flo Jallier
Une famille marquée par son histoire dont les différentes vies m’ont passionnée.

 

 

Place à Tibo Bérard, directeur de la collection eXprim’ aux éditions Sarbacane.

Bonjour Tibo, peux-tu nous raconter comment est née la collection eXprim’ ?

J’étais journaliste avant d’être éditeur. Je travaillais pour un magazine littéraire qui s’appelait Topo et dont la ligne se voulait à la fois populaire et pointue. Ce magazine avait la particularité de traiter de tous les genres de livres sans les hiérarchiser. Quand il s’est arrêté, j’ai pris contact avec des éditeurs pour travailler autour des jeunes et de la lecture. Le directeur de Sarbacane avait déjà en tête de lancer une collection de romans pour ouvrir l’activité de la maison, alors concentrée sur l’album, à ce secteur. Après discussion, il m’a proposé de revenir avec un projet. Je voulais une collection assez punk, qui déborde, qui soit dans l’énergie, plutôt dans le « trop » que dans le « pas assez ». J’avais envie aussi de faire venir de nouveaux auteurs, des scènes urbaines notamment. J’ai appelé une boîte de prod’ de hip-hop qui m’a mis en contact avec un slameur, Insa Sané. Il avait écrit le manuscrit de Sarcelles-Dakar et ne savait pas vers qui s’orienter pour l’éditer. Ça a été la première rencontre de la collection.

D’où vient le nom de la collection : eXprim’ ?

Il y a plusieurs idées derrière ça. La première concerne l’aspect outrancier, jaillissant de nos livres. Plutôt que de se situer dans la littérature intimiste, retranchée ou cérébrale, on investit une littérature qui déborde et se veut viscérale, rapide, pleine de vie. La « prime » en fin de mot, c’était pour donner un petit côté urbain et moderne. Le X représente une zone libre, sans interdit. Cela rejoint aussi le fait qu’à la création d’eXprim’, nous ne pensions pas concevoir du « roman pour ados » mais porter des romans modernes, déjantés, reliés à la musique et au cinéma… qui par ricochet toucheraient les jeunes « en priorité ». Une autre approche de la jeunesse, donc.

Comment la collection a-t-elle évolué depuis sa création ?

J’identifie trois grands « moments » dans cette collection qui a 6 ans et environ 60 titres publiés – presque uniquement des auteurs de premiers romans que l’on a suivis et accompagnés ensuite.

Les deux premières années, on s’est beaucoup employés à « marteler » notre discours, avec des romans très percutants et urbains, ce qui nous a donné une identité très forte avec une ligne éditoriale très marquée.  En revanche, j’ai peut–être eu tendance à trop « conceptualiser » notre offre – ma formation journalistique me pousse souvent à penser les choses par catégories, voire étiquettes : Antoine Dole, notre plume punk ; Insa Sané, notre conteur hip hop… alors que les auteurs ont eu aussi envie de se diversifier, de voir leurs univers s’épanouir sur différentes facettes, avec le temps.

Ensuite, après les publications de quelques romans plutôt noirs, on a été un peu enfermés dans l’image de « la collection subversive » par une partie de la critique. On a dû défendre et argumenter notre désir de proposer un espace de création libre, via la collection, auprès de professionnels qui se posaient surtout la question de ce qu’on peut faire lire ou non aux adolescents… alors qu’on ne souhaitait pas censurer puisqu’on n’a pas de limite d’âge, pas de public cible. Et que par ailleurs, je reste persuadé qu’un jeune de 14, 15 ans peut tout lire.

Après cette période – la seconde donc, une phase de questionnements et de doute autour de la collection –, on a abouti à… une évolution assez formidable. C’est le fruit des retours intéressants de nombreux libraires et bibliothécaires, d’une réflexion menée sur le long terme et à bâtons rompus avec l’équipe, avec les auteurs… Peu à peu, on a souhaité ouvrir l’axe de la collection, en remettant plus encore le plaisir de lecture au cœur des romans, là où parfois, le désir de travailler de façon obsessionnelle autour du style et de l’innovation formelle avait pu nuire un peu aux histoires. J’ai voulu revenir au goût du conte « vaste », charnel, universel, celui qui emporte le lecteur et ne le lâche plus. On s’est ainsi ouverts à des genres différents – tel le fantastique, via la publication de la série La mort, j’adore ! d’Alexis  Brocas, ou encore le roman d’émotion, avec Gadji ! de Lucie Land ou La Ballade de Sean Hopper de Martine Pouchain. Tout cela a participé d’une volonté de tenter une approche un peu plus universelle du roman, plus ouverte, plus récréative aussi. Et ça a payé.  En conservant une impertinence qui n’appartient qu’à nous, on est parvenus à publier des romans à la fois forts et accessibles – dans le bon sens du terme –, comme La drôle de vie de Bibow Bradley d’Axl Cendres, Tu seras partout chez toi d’Insa Sané, Bras de fer de Jérôme Bourgine, Frangine de Marion Brunet… La rentrée 2012 a constitué une vraie étape pour nous, également d’un point de vue commercial, le début d’un essor qui ne se dément pas depuis bientôt un an.

Qui écrit pour la collection eXprim’ ?

Les premières années ont été consacrées à la découverte d’auteurs, que j’ai ensuite accompagnés. Ce sont ceux que j’appelle avec affection « les anciens » ou « la dream-team », des plumes très fortes, des auteurs inventifs et puissants, et surtout désireux de se renouveler sans cesse : Axl Cendres, Insa Sané, Lucie Land, Rolland Auda, Karim Madani, Martine Pouchain (qui avait déjà une belle carrière d’auteure « consacrée), Jérôme Bourgine, Flo Jallier, Antoine Dole, David Tavityan… Dans un second temps, une foule de projets passionnants me sont parvenus spontanément, ce qui a ouvert une nouvelle vague d’auteurs avec Marion Brunet, Philippe Arnaud, Thomas Carreras, Vincent Mondiot ou, à paraître à la rentrée, Loïc Le Pallec et Benoît Minville…

Dans chaque livre, avant le début de l’histoire, il y a une play-list choisie par l’auteur. D’où vient cette idée originale ?

C’est une des premières idées de la collection. Je voulais placer EXPRIM’ sous le signe de la musique, pour signifier au lecteur qu’il entrait dans une écriture musicale, poétique, travaillée, rythmique, sonore. C’est l’idée de la modernité, avec le livre comme porte ouverte sur le monde. C’est enfin né d’une réflexion sur les modes de lecture contemporains, chez les gens de notre génération et des nouvelles générations, qui lisent en musique, voyagent d’un univers artistique à l’autre, croisent les références et les hybrident.

Pour nous donner envie d’arriver à la rentrée, peux-tu nous donner un aperçu des romans qui paraîtront ?

Je publie trois romans – et je les adore tous ! – pour la rentrée. Le premier est No man’s land de Loic Le Pallec, un premier roman. C’est un récit de SF où des robots se réveillent doués d’émotions sur une Terre post-apocalyptique. Ils découvrent leurs nouvelles facultés sans les comprendre tout de suite. C’est un roman qui questionne sur l’humanité, l’identité, la prise de conscience, la naissance et la signification des émotions, mais tout cela de façon ludique, fun et très vivante.

Il y aura également un nouvel opus de Martine Pouchain : Zelda la rouge. Martine a travaillé cette fois avec des personnages féminins, ce qui est plutôt nouveau pour elle, et surtout elle fait une incursion remarquable dans la comédie. C’est l’histoire de deux sœurs ; l’une est en fauteuil roulant depuis qu’un chauffard l’a renversée tandis que l’autre, son aînée, l’a élevée comme une mère et ne rêve que de retrouver le chauffard pour la venger. Ça démarre comme une tragédie  – un hommage à Lorenzaccio de Musset, via la réflexion sur le choix entre amour et vengeance – mais il y a de nombreux accents de comédie, des personnages burlesques…

Autre coup de cœur, Je suis sa fille de Benoît Minville. C’est un auteur que j’avais rencontré sur son blog (il est libraire), en lisant un article qu’il avait consacré à La drôle de vie de Bibow Bradley. J’avais trouvé l’article vif, pertinent… mais surtout très bien écrit. Je l’ai donc contacté, il m’a confirmé qu’il écrivait, fait lire son manuscrit… et je suis tombé en amour. Profondément ! C’est l’histoire de Joannie, une jeune fille tout à fait banale, plutôt studieuse, élevée par son père avec qui elle a une relation très forte. Ce dernier travaille dans une grande entreprise et, du jour au lendemain, se fait broyer par le système. Alors sa fille se révolte. Elle ne supporte plus ce système et décide de l’arrêter ; elle a 16 ans, ne voit qu’une solution : tuer le patron. Elle part alors avec son meilleur ami sur les routes de France, direction Nice, où le big Boss a une villa. Cela donne un road-movie engagé, souvent hilarant, souvent bouleversant, et pour tout dire extrêmement humain, qui explore des thématiques très fortes telles que la crise, le besoin de révolte des jeunes, la société de consommation, la perte de sens dans notre époque hyper–industrialisée… À vrai dire, on ne peut pas finir ce livre sans pousser un grand cri de rage et d’espoir mêlés. C’est une réussite.

Merci Tibo pour ton intervention, as-tu envie d’ajouter quelque chose ?

On n’a pas parlé de la promotion des livres que l’on organise, toi et nous ! J’aimerais bien parler un peu des blogueurs, parce qu’ils forment une nouvelle donne passionnante dans le jeu du livre – en particulier au secteur Jeunes Adultes, qui me semble être un espace précurseur. À Sarbacane, depuis disons trois ans, on a accentué beaucoup le travail avec les blogueurs, qui s’affirment de plus en plus en tant que prescripteurs de poids. On a même divisé de moitié nos envois à la presse « traditionnelle » pour se concentrer sur eux… et il faut dire que ce travail avec les blogueurs est assez génial. D’une part il y a un vrai impact de vente suite à un article sur un blog, les réseaux de blogueurs faisant revivre les traditionnels clubs de lecture dans l’espace virtuel. Et d’autre part, les auteurs adorent ça, parce que c’est un retour de lecture immédiat, direct, sans compromis. Dans le foisonnement des blogs, certains articles sont très réussis et puis, même quand ils le sont moins et que c’est simplement du coup de cœur ou du coup de gueule, cela reste intéressant car on voit une « vraie personne » exprimer un point de vue, un retour net. On a commencé cette expérience un peu par hasard avec quelques blogueurs et on voit que maintenant ça se professionnalise.

On parle de la collection eXprim’ et de ses romans sur nos blogs :

Nathan a interviewé Tibo Bérard ICI.

Les déchaînés, Flo Jallier : Alice, Sophie, Céline
Frangine, Marion Brunet : Pépita, Sophie
Le monde de Charlie, Stephen Chbosky : Bouma, Sophie, Nathan
L’enfant nucléaire, Daph Nobody : Nathan, Sophie
Traverser la nuit, Martine Pouchain : Nathan, Sophie
Tu seras partout chez toi, Insa Sané : Nathan
La drôle de vie de Bibow Bradley, Axl Cendres : Nathan
50 cents, Thomas Carreras : Nathan
Daddy est mort… retour à Sarcelles, Insa Sané : Sophie
Lorraine Super-Bolide, David Tavityan : Sophie
La ballade de Sean Hopper, Martine Pouchain : Sophie
Comment j’ai raté ma vie de super-héros, David Tavityan : Sophie
Mes idées folles, Axl Cendres : Sophie
Web dreamer, Anne Mulpas : Sophie
Echecs et but !, Axl Cendres : Sophie
2 jours pour faire des thunes, Hamid Jemaï : Sophie
La mort, j’adore !, Alexis Brocas : Sophie (tome 1, 2 et 3)
Adulte à présent, Edgar Sekloka : Sophie
Le dévastateur, Rolland Auda : Sophie
K-Cendres, Antoine Dole : Sophie
Toute la vie, Jérôme Bourgine : Sophie
Bras de fer, Jérôme Bourgine : Sophie, Nathan
La peau d’un autre, Philippe Arnaud, Sophie

4 réflexions sur « Carte postale qui en eXprim’… »

  1. Très intessant, cet entretien. Je suis cette collection avec grand intérêt, car elle a une véritable identité, très affirmée. Ses romans secouent souvent bien le lecteur et ne se laissent pas oublier. Pour la part, j’ai eu deux gros coups de coeurs : La drôle de vie de Bibow Bradley et la Ballade de Sean Hopper.

  2. Bonjour , je viens de partager votre article sur la collection eXprim’ avec l’interview de Tibo Bérard sur ma page Facebook

    …très intéressant ! Je suis la maman de Tibo et j’ai vainement tenté de télécharger sa photo … Pouvez-vous me l’envoyer ? Merci beaucoup
    Fabienne Laparre

  3. Ping : Loin des yeux, loin d’Internet… |

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