« Pourquoi lire les classiques ? »

Ici on vous parle beaucoup des nouveautés qui nous ont questionnées, bouleversées, bousculées. Et on vous parle un peu moins de ces livres que l’on peut sans doute considérer avec le temps comme des classiques de la littérature jeunesse. Alors on a décidé d’instaurer un nouveau rendez-vous sur le blog dédié à l’évocation de ces fameux classiques. De nombreux noms d’auteur.e.s nous sont tout de suite venus à l’esprit : Jeanne Ashbé, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, Claude Ponti… Notre premier rendez-vous aura lieu la semaine prochaine, on vous laisse découvrir avec qui. Mais avant tout, nous désirions nous mettre d’accord sur ce que c’était un « classique », un débat vieux comme le monde mais qui méritait qu’on s’y intéresse pour être certaines de partager quelques éléments de définition. Alors à la suite d’Italo Calvino qui y a beaucoup réfléchi dans Pourquoi lire des classiques et La Machine littérature, nous nous sommes posées la question et voilà le résultat de nos cogitations.

Pour Pépita : « un classique, c’est de l’intemporel et de l’universel. Au début, il est contemporain de l’époque dans lequel il est apparu. Il devient un classique quand sa lecture traverse les époques et qu’il arrive à rester dans l’actualité, à résonner encore et toujours, malgré les changements de mentalités et de la société. C’est quand il nous parle, nous remue et cela d’autant plus quand on connaît sa date de parution. Moi, ça m’épate toujours. Il y a aussi des albums ou romans ou… actuels dont on pressent qu’ils vont devenir des classiques tant leur portée est forte et qu’elle reste inépuisable. »

Pour Ada : « un classique c’est une œuvre que l’on va avoir plaisir à relire à n’importe quel âge de notre vie, tout-petit, enfant, adolescent.e, adulte, âgé.e, parce que son sens est inépuisable, parce que son sens déborde le livre lui-même, parce qu’il ouvre à chaque fois en nous de petites portes secrètes qu’on avait oubliées ou à peine soupçonnées. Et c’est ce pouvoir du classique qui va nous donner l’envie impérieuse de le partager avec toutes celles et tous ceux qui tissent du lien autour de nous.  »

Pour Bouma : « un classique c’est une œuvre dont on se souvient toute sa vie car il fait écho à un moment de notre existence… que cela soit des souvenirs d’enfance, de jeunesse, de vieillesse aussi… un classique est à la fois personnel et universel tant on a envie qu’il le devienne pour les autres… »

Pour Isabelle : « À quels textes pense-t-on quand on parle « classiques » en littérature jeunesse ? Les références sont arrivées, toujours plus nombreuses : les contes traditionnels, des romans comme L’île au trésor de Stevenson, Tom Sawyer de Marc Twain, Sa Majesté des Mouches de William Golding, Le livre de la jungle de Kipling, Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, La Belle et la Bête, de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Pierre et le loup, les romans de Jack London et Jules Vernes, puis les histoires de Roald Dahl, de Pierre Gripari… Évidemment, je pense aussi à des auteurs et des œuvres plus récentes. En albums, avant tout (à chaud) Maurice Sendak, Leo Lioni, Beatrix Potter, Tomi Ungerer, Claude Ponti. En romans récents, peut-être d’abord J.K. Rowling et P. Pullmann… J’arrête de lister, il y en aurait beaucoup trop !

Qu’est-ce que ces livres ont en commun ? D’abord, ce sont des livres « connus », célèbres, qui offrent un univers de références partagées assez largement, au-delà des milieux sociaux, des générations… Qui deviennent de ce fait des « valeurs sûres » que l’on peut recommander les yeux fermés ! Cela implique implicitement que nous ayons un certain recul sur le livre et que celui-ci ait en quelque sorte déjà « vécu » suffisamment longtemps. Et pourtant, quand je dis ça, je me dis aussitôt que certains livres deviennent rapidement des « classiques » (ou peuvent très vite être perçus comme des « classiques potentiels »). Personnellement, je classerais par exemple déjà Rebecca Dautremer, Hervé Tullet ou Timothée de Fombelle comme des auteurs de « classiques ».

On oppose souvent les « classiques » et les « modernes », les premiers correspondant aux œuvres respectant les codes établis, les seconds s’inscrivant en rupture. Mais en réalité, comme tu le dis, Pepita, les classiques auxquels on pense ont souvent marqué une rupture en proposant quelque chose de nouveau, ils sont devenus « classiques » en proposant de nouvelles manières de faire qui se sont établies à leur tour…

Il y a, d’ailleurs, un enjeu symbolique fort à qualifier une œuvre de « classique » : un « classique » fait partie du canon des œuvres conventionnellement jugées incontournables, que l’on est censé connaître et qui font autorité, d’une certaine manière. On voit bien ce que cette qualification a de social lorsque l’on passe d’un pays à l’autre. Des livres qui sont des « classiques » chez nous restent relativement méconnus ailleurs, et inversement. En Allemagne, par exemple, absolument tout le monde lit tous les livres de Michael Ende et d’Astrid Lindgren alors que tous ne sont même pas disponibles en traduction française… Une amie américaine m’a fait lire (avec bonheur) My father’s dragon, qu’elle a présenté comme un classique, mais dont je n’avais jamais entendu parler !

Quelles sont les qualités qui font qu’un livre pourra être qualifié de « classique » ? Difficile à dire comme ça, mais pour parler à un lectorat diversifié sur le temps long, j’ai l’impression, comme Pepita, qu’un texte doit avoir un côté universel… même si cela ne veut pas forcément dire qu’il soit consensuel !

Pour Solectrice : « un classique, pour moi, c’est une icône, un livre qui a peut-être jauni sur l’étagère de la bibliothèque mais que l’on aime ouvrir, relire, conseiller. C’est une référence que l’on partage avec connivence. Un titre qui nous a nourris petit.e.s et que l’on a plaisir à ressortir, à transmettre. Des textes fondateurs… de nos sociétés, de notre enfance, de notre imaginaire ou de notre entrée en littérature.

En bref, un classique, où que l’on aille, quoi que l’on feuillette, quelles que soient les découvertes que l’on puisse faire, on ne va pas le retirer de l’étagère. On souffle sur la tranche pour en chasser la poussière et on a toujours envie d’y revenir, un peu comme la maison de ses grands-parents, parce qu’on aime tant les histoires qu’ils nous racontent. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *