Après les échappées lointaines de Liraloin et Héloïse, après les échappées graphiques de Lucie, à mon tour de vous parler voyage, vacances et découvertes… De lieux, de paysages, d’humains différents ? Oui, peut-être. Mais peut-être bien aussi des voyages au bout de soi, au-delà des apparences, dans les méandres du cœur, les secrets de famille, la profondeur des sentiments… Pas besoin de partir au bout du monde pour passer des vacances inoubliables ou bouleversantes. Dans la sélection que je vous propose aujourd’hui, il suffit d’être avec ou chez papi et /ou mamie ! En album, BD, premières lectures, ou roman, c’est parti !
Le premier livre que je vous présente aurait pu se glisser dans la sélection d’Héloïse. En effet, Le van de Mona, c’est l’histoire d’un jeune garçon, Liam, en vacances chez sa grand-mère, qui à l’occasion d’une partie de cache-cache, découvre dans le garage un véhicule sortant de l’ordinaire ! D’abord fâchée contre lui, mamie lui raconte qu’il s’agit du vieux van rafistolé dans lequel elle a parcouru le monde entier avec son papi aujourd’hui décédé. Cela lui rappelle des souvenirs devenus douloureux et elle n’a pas l’intention de réutiliser ce véhicule jusqu’à son propre décès. C’est sans compter le pouvoir de persuasion, l’énergie contagieuse, la curiosité de Liam ! Il n’a plus qu’une idée en tête : dormir dans cette maison roulante. S’ensuit alors un road-trip improbable, parsemé de rires et de complicité, de souvenirs et de confidences, de tendresse et beaucoup d’amour, au bout duquel chacun, en quelque sorte, ressortira grandi, ouvert à la vie qui continue. Les illustrations crayonnées apportent une touche spontanée et authentique, de type carnet de voyage, elles sont empreintes de délicatesse… J’ai été très touchée.

J’éprouve une admiration sans faille pour Rascal, qui demeure indéniablement au fil des années l’un de mes artistes jeunesse préférés, lorsqu’il illustre les mots des autres que quand il signe des albums aux textes intelligents, subtils, drôles ou émouvants. Mais aussi quand il est seul maître à bord. Je l’ai également découvert et apprécié romancier, avec ce petit roman tendre et nostalgique, qui s’éloigne sensiblement de ses thèmes habituels. Nous suivons au gré des saisons une année de la vie de Rose, une petite citadine qui passe toutes ses vacances à la campagne chez ses grands-parents. Cueillette de champignons, confection de gâteaux, promenades en forêt rythment le lien fort qui l’unit à eux, tissé de petits bonheurs et de transmission silencieuse, de joie et de confiance. Un roman tout en nuances, en contemplation et en poésie, très joliment accompagné par les illustrations sépia de Nathalie Novi, pour appréhender le temps qui passe et les souvenirs qui aident à grandir.
C’est mon père qui a choisi mon prénom. Mon père, il dit que l’on ne devrait donner aux filles que des prénoms de fleurs.
Je suis heureuse que le mien porte des épines.
Avec La cabane du bonheur, nous suivons également le rythme des saisons. Jaune, c’est la couleur que Papi Martin a choisi pour sa cabane de bord de mer, afin qu’elle ait toujours l’air ensoleillé. C’est là qu’à chaque période de vacances, une fratrie de trois enfants passe des moments délicieux avec leur grand-père, entre courses contre la pluie, pique-niques, jeux de cartes, contemplation des étoiles, cerf-volants et bains de mer. Des moments de partage, d’apprentissage, de joie que l’on croit éternels quand on a six ou sept ans. Mais parfois, les papis tombent malades et les cabanes ne résistent pas aux tempêtes… Après ça, « il est où, le bonheur, il est où ? » Perdu à jamais ?… à moins que l’esprit de famille et le souvenir des jours heureux ne donne le courage de retrousser ses manches et de l’emporter sur la tristesse. Très joliment illustré, avec des couleurs éclatantes et un mouvement permanent, cet album sensible et lumineux permet d’aborder en douceur des thèmes comme la maladie et la mort, tout en délivrant un message intemporel : profitons des gens qu’on aime, notamment les plus âgés, et notre joie demeurera, même après leur disparation.
Douceur, encore… avec la réédition de cet album de 2019, publié d’abord chez Margot, ressorti cette année à l’Ecole des loisirs, avec une nouvelle couverture. Autant annoncer la couleur : il s’est immédiatement hissé dans le top 10 des plus beaux que j’aie jamais lus. L’auteur-illustrateur Thibault Prugne, que j’appréciais déjà énormément dans un registre humoristique (notamment sa série Renard jubilatoire), m’a ici bluffée par la grâce, la mélancolie, la sensibilité de son texte et de ses illustrations, évidemment, absolument somptueuses. Chaque nouvelle page est plus éblouissante que la précédente. Je défie quiconque de ne pas être touché.e par cette histoire où la noirceur de l’époque, en proie à la guerre qui fait rage, est adoucie par la relation magique entre un grand-père original et une petite fille curieuse, par cette histoire de transmission intergénérationnelle et de passion, par cette histoire mêlant écologie et pacifisme, par cette histoire où les petits riens font le grand tout… Par cette histoire d’amour. Imprégnée de tant de lumière et de beauté, la parenthèse enchantée et émouvante qu’offre cet album a tout simplement le parfum du chef-d’œuvre.
Je me souviens de sa cabane qui flottait dans les champs comme un phare sur l’océan ; des feuilles du vieux frêne scintillant au soleil, de l’odeur du linge qui séchait au fond du jardin, du bourdonnement des abeilles et du chant des mésanges. Pépé Léon faisait partie de ces gens qui aimeraient que rien ne change jamais. Qui ne veulent pas refaire le monde, juste vivre au milieu et l’écouter respirer. Je m’appelle Louise et ceci est mon histoire.
Ces grandes vacances-là aussi se déroulent par temps de guerre, la deuxième guerre mondiale, plus précisément. L’histoire commence a l’été 1939, tandis que deux petits parisiens, Colette, 6 ans et Ernest, 11 ans, passent les vacances en Normandie chez leurs grands-parents. Mais le 3 septembre, la guerre est déclarée, leur père est envoyé au front, leur mère tombe gravement malade et ce qui ne devait être qu’un séjour estival va devoir se prolonger…. Ce seront des grandes grandes vacances ! Dès lors, nous suivons au fil des 5 tomes, leur intégration à leur nouvel environnement, leur quotidien à la ferme avec leurs aïeuls, les amitiés naissantes et les rivalités de clans, leurs prises avec le monde et les décisions des adultes, leur confrontation à la mort, etc. sous le regard toujours bienveillant et plein d’amour de leurs grands-parents. Pas sombre du tout, sans toutefois occulter les problématiques liées à la guerre mais à hauteur d’enfant (des éléments explicatifs historiques et des précisions de vocabulaire y sont intégrés), cette BD destinée aux enfants à partir de 9 ans, est très fidèle à la série TV diffusée sur Okoo dont elle est issue. Publiée au printemps 2025 dans une superbe édition collector intégrale, c’est une belle réussite car elle allie savamment fiction et Histoire. Pour ma part, les dessins signés Emile Bravo n’y sont pas étrangers.
Pour les plus jeunes lecteur.ic.es, particulièrement friand.e.s de la collection Mouche de l’Ecole des Loisirs, Anne Cortey et Thomas Baas proposent le récit simple et doux de quelques journées d’été de Nonna et Marta, respectivement grand-mère et petite-fille. Elles se soutiennent, se transmettent mutuellement, partagent promenade et baignade, ce qui ne les empêche pas de se chamailler gentiment. Quand la fatigue de l’une et l’énergie de l’autre entrent en collision, le respect de l’altérité est la belle leçon de vie qu’en tire la petite fille. Si j’ajoute que la forêt, la rivière, omniprésentes, gracieuses et chantantes, la sérénité de ce petit coin de paradis loin des tumultes citadins, incitent aussi le.la jeune lecteur.ice à savourer le temps présent, à profiter des joies offertes par la nature et à prendre conscience de sa nécessaire protection, c’est un peu la cerise sur le gâteau… ou disons… les haricots dans le ragoût, puisque c’est le plat préféré de Marta !
Ma chronique complète ICI.
Les vacances qui ont tout changé, ce sont pour Gabin -situation familiale compliquée – celles qu’il a passé avec sa mamie dans un village-vacances des Vosges, parmi des personnes (âgées) bizarres, dont certaines sont en fauteuil roulant… Présentée ainsi, l’histoire ne fait pas rêver ! Mais c’est sans compter le talent de son auteur pour se glisser dans la peau de ce pré-adolescent perturbé par les disputes quotidiennes de ses parents sur le point de divorcer, et qui se cache derrière l’humour pour ne pas s’avouer qu’il a terriblement peur de l’avenir… Mais lors de son séjour, d’abord vécu comme une sinécure, il fait la connaissance de la pétillante et bavarde Manon, une jeune fille de son âge, et tout change. Dès lors, il participe aux activités proposées aux vacanciers, sans les juger, il apprend la tolérance, le respect, la générosité… et au final, il grandit et murît, il comprend…il se murmure même que… Chut ! Je vous laisse découvrir ce court roman drôle, frais, bienveillant et pas aussi léger qu’on pourrait le penser, idéal pour l’été.

Pour les ados, j’avoue avoir eu plus de difficultés à sélectionner parmi mes lectures marquantes, des histoires mettant en scène des petits-enfants et des grands-parents.
Mon choix s’est tout d’abord arrêté sur le roman Apitoxine de Mélody Gornet. Eté 2020, post confinement. Son héroïne Gwendoline, 17 ans, quitte Paris pour échapper pendant deux mois à la pression sociale et familiale qu’elle subit. Elle décide de passer les vacances scolaires d’été dans le village de ses grands-parents maternels, qu’elle connaît peu et en profiter pour faire le point sur sa situation, ses névroses, ses aspirations… Sur place, guidée par sa cousine, elle découvre un monde rural différent du sien et surtout, s’embarque avec elle dans une enquête qui, résolue, la mènera à une vérité qu’elle n’aurait jamais imaginée… Il s’agit d’un roman où ce sont finalement moins les grands-parents que les secrets de famille et les non-dits qui tiennent le premier rôle, mais il a malgré tout sa place dans une sélection « vacances bouleversantes chez les grands-parents » ! En le lisant jusqu’au bout, on comprend évidemment pourquoi ! Bravo à l’autrice pour la justesse des personnages, les thématiques abordées (mal-être adolescent, relations familiales, engagement écologique, asexualité…) la tension palpable, l’écriture tendue, et pour ce premier voyage inattendu avec elle, en ce qui me concerne.
Enfin, c’est tout naturellement qu’Albert s’est imposé ! Un été avec Albert, c’est un roman dans lequel on retrouve les thèmes (préservation du végétal et de la biodiversité) et les personnages (jeunes femmes ou adolescentes à personnalité affirmée, environnement familial défaillant voire toxique) chers à son autrice. Le tout saupoudré d’un style percutant, d’un humour qui fait mouche, d’une bonne pincée de mystère, d’un suspense à tendance fantastique qui pousse immanquablement à dévorer les pages jusqu’à la fin, tout en offrant ici et là des scènes ou des pensées d’une tendresse infinie, un concentré de Pavlenko en vérité. Il raconte en un peu plus de 200 pages, l’été de Soledad, fraîchement bachelière, dans le village pyrénéen de sa grand-mère qu’elle aime, mais qu’au fond, elle connaît peu… Alors qu’elle rêvait de vacances de folie entre copains, elle a atterri dans ce « trou paumé » après que ses parents lui ont annoncé leur divorce et que son père s’enfonce dans la dépression. Mais ce qui aurait pu virer au récit un peu gnangnan autour du retour aux sources, aux joies simples, au partage des souvenirs et à une nostalgie douce-amère devient, grâce au super-pouvoir de conteuse de Marie Pavlenko, une histoire virevoltante, haletante et oui, un peu effrayante parfois… L’été de Soledad avec Albert sera finalement hors du commun et inoubliable, bien plus qu’aurait pu l’être un séjour au camping avec ses ami.e.s. Mais au fait… qui est Albert ?
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Et vous, quels titres auriez-vous sélectionnés ?
J’ai adoré Joyeuses Pâques et bon Noël de Hubert Ben Kemoun chez Thierry Magnier (petite poche) l’histoire d’une mamie qui accueille son petit fils qu’elle voit trop peu et qui ne l’a connaît pas. Elle décide,au risque de passer pour une vieille folle auprès de lui, de fêter, durant son séjour,toutes les fêtes de l’année qu’ils n’ont pas eu l’occasion de fêter ensemble
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