Nox d’Yves Grevet, La genèse d’un roman

Tout a commencé en novembre 2010 dans le magazine Je Bouquine avec La fille du 995.6
Puis il y a eu la parution du roman Nox, Ici-bas (Qui est le tome 1, d’une série de 2) …
Cela se termine en juin 2013, à l’ombre du grand arbre, avec Kik, Bouma, Dorot, Nathan et Drawoua ….

Programme du jour: Discussion autour du roman Nox d’Yves Grevet et de sa genèse
Chaque lecteur a entre les mains, un exemplaire du Je Bouquine en question et un Nox.
Chaque lecteur a lu l’un et l’autre.
Chaque lecteur aimerait comprendre le pourquoi du comment du lien entre les deux.
Alors on commence par discuter avec l’auteur Yves Grevet …

Bonsoir,
Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions.
Tout d’abord j’aimerai en savoir un peu plus sur la genèse du roman Nox.
J’ai lu le récit que vous avez écrit dans Je Bouquine, où on retrouve les mêmes personnages. Etait-ce prévu de faire deux romans au moment de la publication de ce Je Bouquine ? Ou l’idée est venue ensuite ?
Pour la publication dans Je Bouquine, est-ce vous qui avez proposé votre texte, ou Je Bouquine qui vous a demandé d’écrire une histoire qui entrait dans le format de ce magazine ? ou aviez vous déjà une idée toute prête lorsque Je Bouquine vous a demandé ?
A très bientot
Cécile

Bonjour Cécile,
A la remise du Prix Tamtam Je Bouquine en 2008 obtenu pour le premier tome de Méto, la rédactrice du journal m’a commandé un roman. J’ai d’abord fini les trois tomes de Méto avant de lui répondre en lui envoyant le récit de 60 000 signes que vous avez lu. C’est le format obligatoire. L’idée de Nox est venu au cours de la rédaction du tome 2 de Méto où mon héros (dans le premier chapitre) était rendu aveugle et contraint de vivre dans le noir. Il utilisait son odorat, son ouïe mais aussi analysait les déplacements d’air. C’est cette obscurité que j’ai voulu retrouver dans le projet pour Je bouquine. A partir du noir, j’ai conçu un univers : un nuage de pollution qui bloque les rayons du soleil, une hiérarchie sociale déterminée par la quantité de lumière dont on dispose, une recherche permanente de lumière par divers procédés intégrés à la vie quotidienne etc….
Au final, j’étais content du résultat mais je m’étais trouvé « à l’étroit » dans ce format. Inventer un univers et y faire vivre une intrigue, plusieurs personnages en 60 000 signes, cela laisse quelques frustrations. Sur le blog du journal, les lecteurs réclamaient une suite ce qui pouvait signifier qu’ils trouvaient que ça manquait de développement.
Alors petit à petit, le projet a germé de pouvoir développer l’histoire et j’en ai parlé à mon éditeur qui était intéressé. C’est ainsi que Nox est né. Aussi, même si on retrouve les mêmes personnages principaux et la scène de la rencontre entre Lucen et Ludmilla, le projet en deux volumes avait d’autres ambitions. Très vite, j’ai senti qu’il s’adresserait plutôt à des ados un peu plus grands que ceux qui composent le lectorat de Je bouquine en y travaillant le thème de l’héritage et de la paternité (comment se situer par rapport à ses parents, comment devenir parent à son tour en reproduisant ou en s’écartant du schéma qu’on a vécu…) J’avais aussi envie de donner la possibilité à plusieurs protagonistes de s’exprimer, allant même jusqu’à raconter quelques scènes selon plusieurs points de vue.
Pour résumer, dans le court roman de Je bouquine, tout était en germe et demandait à s’épanouir.
Depuis, j’ai retravaillé pour Je bouquine (Des ados parfaits, janvier 2012) mais cette fois-ci, j’ai conçu mon histoire comme une nouvelle classique avec une révélation (une chute) à la fin et pour cette dernière, c’est le bon format.
J’espère vous avoir éclairée.
Cordialement.
Yves

La discussion entre les lecteurs d’À l’ombre du grand arbre peut maintenant commencer…

Que pensez vous de la genèse de ce roman ? Le fait de lire l’histoire originale dans Je Bouquine et aussi le roman final, vous a-t-il dérangé ?

Bouma: En ce qui me concerne, je n’étais pas au courant que le roman Nox prenait sa genèse dans une nouvelle réalisée pour Je Bouquine avant que tu nous en fasses part. J’ai donc découvert un univers totalement nouveau, fort passionnant et très intéressant. Maintenant que j’ai lu aussi cette nouvelle, les propos d’Yves Grevet viennent éclairer mes points d’interrogation et je suis d’accord avec lui pour dire qu’elle méritait d’être approfondie. Trop de zones d’ombres (dues à la Nox ;-)… ) restaient en suspens. Avec ce tome 1, certaines se sont déjà considérablement illuminées !
Dorot: Heureusement, j’ai lu d’abord le roman final. J’ai adoré. Ensuite j’ai lu la nouvelle . Franchement, si l’ordre de ma lecture était inversé, je ne pense pas que j’aurais envie de le lire. La nouvelle ne m’a pas touché du tout, et si je comprenais quelque chose, c’est justement grâce à la lecture du roman…

Pouvez vous résumer l’intrigue du roman Nox en quelques phrases?

Bouma: La Nox est un brouillard épais. Elle sépare le monde d’en bas de celui d’en haut. Bien sûr, en dessous l’air est parfois irrespirable, l’énergie est mécanique et les corps devenus disgracieux par les efforts. En dessous, pas de choix pour les enfants, dès 16 ans il faut reprendre le travail de ses parents pour lequel on a été formé, faire des enfants pour en avoir quelques uns qui survivent, et surtout ne pas faire de vagues. Entre la milice et les rebelles, il vaut mieux ne pas croiser leurs routes. En haut, c’est autre chose. Les gens sont aisés, la lumière et la nourriture sont disponibles sans soucis, les enfants ne là-haut n’ont pas conscience de la ville du bas.
Nathan: A cette description de l’univers, j’ajouterai que l’on suit l’histoire, principalement, de 3 personnages: Lucen, jeune-homme amoureux qui commence à ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure, de même pour la jeune et attachante Ludmilla, une qui vit dans les hauteurs. Le troisième point de vue est celui d’un des amis de Lucien: Gerges, un personnage fort, loyal, le mieux construit à mon sens, qui va devoir choisir entre famille et révolte.
Drawoua: J’ai commencé par lire le premier tome de Nox – après avoir lu Métoque j’ai adoré – puis j’ai lu la nouvelle. Je trouve l’effet genèse très intéressant et cela peut montrer le travail de romancier. Mais entre les deux je n’hésite pas une seconde. Le roman, le roman, le roman. Le tome 2 de Nox est arrivé dans ma boîte aux lettres, et j’ai hâte de connaître la suite. Le roman, c’est une construction complexe, la densité, les détails, un univers extrêmement particulier, un ton, un style d’écriture et de narration. Le jeu narratif est d’ailleurs très intéressant, plus que dans la nouvelle, me semble t-il. C’est comme si, bien que beaucoup d’éléments y soient, il s’agissait d’un premier jet. Aurais-je aimé lire le texte du Je bouquine en premier, cela aurait-il changé mon regard sur le roman ? Je ne sais pas.

Pour compléter les propos de Nathan, selon vous quels sont les personnages les plus importants de ce roman ? Quels personnages aimeriez-vous retrouver dans le deuxième et dernier tome de ce cycle ?

Nathan: Les personnages les plus importants sont donc, comme je l’ai déjà dit, Lucen et Ludmilla, dont la rencontre est une véritable étincelle, et Gerges, qui incarne la révolte qui commence à poindre, qui s’oppose à la loyauté et l’amour. Ce sont ces trois là que j’aimerais retrouver, et qu’on retrouvera à coup sûr … en particulier Lucen et Ludmilla, héros dont j’ai hâte de découvrir la suite des aventures !
Bouma: Comme l’a indiqué Nathan, il est évident que les trois voix choisies par Yves Grevet, précisons que chacune raconte son histoire à la première personne, sont les plus importantes. J’aurai pourtant une préférence pour le personnage de Lucen. Il est touchant dans son amour pour une fille rejetée par sa famille et dans sa confiance en l’amitié quelque soit l’origine de chacun. Il est le premier à parler dans ce roman (peut-être est-ce important ?) et nous permet de découvrir en même temps que lui les marasmes de son monde et la cruelle vérité sur l’humanité (incapable de penser à autre chose qu’à son bonheur personnel). Lucen est un personnage plein d’espoir et d’envies qui doit choisir sa place et sa voie dans ce monde qui est le sien.
Kik: En plus des trois personnages que vous avez cités, je serai contente de retrouver et de mieux connaître le personnage de Firmie, la fiancée de Lucen. Le père de Ludmilla m’intrigue également. J’aimerai savoir ce qui se trame avec cet homme. Je sens comme un noeud qui va se délier dans le deuxième tome.
Une remarque sur les personnages, plus précisément leurs prénoms, j’ai trouvé cela étrange au début puis astucieux: Les personnages vivant en-bas, on un prénom avec une lettre en moins pour les dissocier des gens d’en-haut: Luc(i)en, Ge(o)rges, Kat(r)ine. Une manière de marquer la dégradation. Perdre une lettre comme perdre un peu d’honneur ou de reconnaissance.
Drawoua: Le jeu sur les choix des prénoms de ceux d’en bas est génial. Essayez de les prononcer à voix haute. Ce n’est pas évident pour certains. Imprononçables, même, comme si on ne pouvait les appeler. Pour revenir à ta question Kik, effectivement, j’ai une plus grande sensibilité pour Lucen. Mais la narration est construite pour que le lecteur tisse des affinités avec lui. Il est sensible, il semble honnête, il essaie de s’en sortir sans corruption. La fin du premier tome appelle vivement une suite. On veut savoir ce que deviennent les personnages que l’on a suivis. Comment vont se tisser ou dénouer les liens de la petite bande des quatre amis. On sait qu’ils en sont à un âge où ils doivent effectuer des choix de vie, notamment épouser une fille avec laquelle ils devront impérativement donner naissance à leur descendance pour pouvoir rester avec, on sait aussi qu’ils ont des choix de vie et des choix politiques à effectuer. A la fn du premier tome ils sont sur le pont de le faire, ou c’est engagé.

Pensez-vous que ce roman, peut être considéré comme une dystopie ? Et d’après pour quels aspects du roman ? Sur Wikipédia, on lit au sujet de la dystopie: 

Une dystopie, également appelée contre-utopie, est un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. L’auteur entend ainsi mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d’une idéologie (ou d’une pratique) présente à notre époque. La dystopie s’oppose à l’utopie : au lieu de présenter un monde parfait, la dystopie en propose un des pires qui puissent être envisagé. La différence entre dystopie et utopie tient plus à la forme littéraire et à l’intention de son auteur qu’au contenu. En effet, après examen, nombre d’utopies positives peuvent également se révéler effrayantes.

Bouma: Tiens, je n’aurais pas du tout défini la dystopie comme ça mais plutôt comme un monde utopique qui aurait dégénéré. Mais si Monsieur Wiki le dit…
Quel qu’en soit la définition, je ne rangerais pas Nox dans les dystopies mais dans les romans d’anticipation, ou plus généralement de science-fiction. Tout simplement parce que l’on suppose qu’il s’agit du futur de notre société et que plus qu’une idéologie, j’ai eu la sensation que la Nox et les différentes strates de la société étaient liées aux machines, à leurs évolutions dans le mauvais sens. Je ne sais pas si vous êtes sur la même longueur d’onde que moi, mais beaucoup des détails qui m’ont interpellée étaient des inventions. D’ailleurs, Lucen et son père sont des rafistoleurs de métier !
Drawoua: Nox s’inscrit entre les deux définitions, le monde idéal est celui d’en haut. Mais pour qu’il fonctionne, il fallait celui d’en bas. Le hic, c’est les deux univers ne sont pas imperméables, les gens se rencontrent plus ou moins, la communication et les informations passent, notamment par la voix des gens de maison qui ont une certaine conscience des choses, comme l’incarne le personnage de Martha.
Nathan: Je suis plutôt d’avis pour la dystopie moi … il a certes l’air d’être un futur de notre propre société mais celle-ci m’a semblé « à part »… et carrément un obstacle à l’obtention du bonheur par ses habitants. Je l’associerais presque à l’uchronie, pour son ambiance, qui m’a beaucoup évoqué la période industrielle, les machines. Le roman a un côté steampunk.

Que pensez-vous de l’aspect « énergétique » de ce roman ? Les habitants du bas, doivent produire leur propre électricité pour chaque activité de la journée. Le roman commence, par une allusion au fait qu’il faut s’habituer à lire avec peu de lumière, car chaque dose d’électricité demande un effort physique de la part d’un des membres de la famille.
Bouma: Honnêtement j’ai trouvé ça réaliste et surréaliste en même temps. Les diverses inventions imaginées par Yves Grevet pour créer de l’énergie (en se basant sur la force mécanique) sont tout-à-fait plausibles… et amènent aussi un quelque chose de complètement loufoque et drôle. Le coup du cinéma par exemple où ils sont tous en sueur à la fin du film car ils ont dû pédaler pour alimenter l’appareil électrique… l’image est franchement comique !
Drawoua:Une idée géniale qui pourrait être encore plus développée. Mais elle est exposée d’emblée et fait partie des éléments essentiels qui créent et façonnent cet univers qu’est celui du BAS.
« Je pédale en écrivant pour alimenter la plaque chauffante et la petite ampoule qui éclaire les casseroles. Ici, dans la ville basse, la seule énergie dépensée est celle que nous produisons nous-mêmes à la force de nos muscles. Là-haut, chez les riches, les lampes s’allument quand on appuie sur un bouton et brillent sans qu’on s’en occupe. (…) Il y en a qui ont de la chance ».
Pour que cela fonctionne, les habitants de la ville basse sont « tous équipés de chenillettes sous les chaussures ». On peut y voir une symbolique autour du coté enferré des esclaves, travailleurs des galériens.
Nathan: Je suis d’accord avec Bouma mais surtout avec Drawoua pour le symbole qu’elle voit et car moi-même, c’est ce qui m’a déçu dans ce roman, j’ai trouvé cette idée très originale mais trop peu développée. J’ai trouvé ça dommage.

Maintenant pour finir cette lecture commune, j’aimerai savoir quelles sont vos hypothèses pour la suite de l’histoire ?
Kik: Personnellement j’ai déjà le tome 2 sur ma table de nuit. Il attend sagement que l’on finisse cette discussion, pour être dévoré. Et vous ?
Drawoua: Je ne me fais pas vraiment d’idée sur la suite de l’histoire mais je souhaite trouver dans Nox la petite note d’espoir que l’on pouvait retrouver à la fin de Méto. Malgré les deux univers complexes qu’Yves Grevet a élaboré dans ces deux séries et une certaine critique de notre société par effet de miroir que l’on sent sous-jacente tout au long des deux histoires.
Bouma: J’avais moi aussi hâte de finir cette discussion afin de me plonger dans le tome 2 (surtout que j’ai prêté le 1 à Monsieur Bouma et que vu la vitesse à laquelle il le dévore il va falloir se battre pour ce second opus…). En ce qui concerne mes hypothèses sur cette suite, je vois bien le personnage de Firmie prendre de l’importance… tout comme le père de Ludmilla. Je pense à un conflit dans le Bas qui se répercuterait dans le Haut. Deux mondes qui vont se confronter encore plus violemment et nos personnages secoués, obligés de faire des choix qui ne changeront pas seulement leur vie… Vite, vite, la suite !
Nathan: Ah là là je l’ai toujours pas lu ! Pourtant, l’histoire a déjà sacrément bien avancé, et je sens un tome 2 plein de rebondissements, d’amûûûûûûr, d’amitié, de famille … bref, tous ces thèmes qu’Yves Grevet manie avec justesse ! Et surtout ce souffle prenant et cet univers original. Je veux être surpris ! Je confirme cependant l’hypothèse d’un conflit qui se prépare … ça va être intéressant ça !

Le mot de la fin sera pour
Drawoua: Je garde la lecture du tome 2 pour mes vacances, il fera partie de mes incontournables à mettre dans la valise !

Merci à Yves Grevet d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Nox (1), Ici-bas publié chez Syros en 2012.
Nox (2), Ailleurs publié chez Syros en 2013.

Pour aller plus loin…
La chronique de Nathan et de son jumeau 
La chronique de Kik 
La chronique de Drawoua
La chronique de Dorot
La chronique de Bouma

2 réflexions sur « Nox d’Yves Grevet, La genèse d’un roman »

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