Coups de Cœur de l’Année 2023

Alors que l’année 2023 s’achève, il est venu le temps de faire le bilan de nos lectures dont nous vous proposons une sélection de nos coups de cœur de l’année, des titres qui nous ont touché et ont marqué cette année. Toute l’équipe d’A l’Ombre du Grand Arbre vous souhaite une très bonne année livresque 2024 !

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Pour Liraloin, Tu es là de Laëtitia Bourget et Joanna Concejo publié en 2022 par les éditions Les Grandes Personnes illustre parfaitement la lecture qu’un album remplit de poésie peut apporter : de l’émotion à l’état brut !
Cet album s’ouvre sur une forêt de sapins, des souliers flottent pour venir, au fil de l’égrainage des pages usant de transparence, se retrouver aux pieds d’une petite fille. Elle est seule et se souvient de cette « bulle de silence entre deux mots », de cette relation si précieuse entre deux êtres. Puis le paysage change et c’est au milieu des fleurs que les souvenirs explosent : « Je t’ai saisi, tu m’accompagnes toujours, je te transmets, je te multiplie, je te mange, je te digère. »
Un album où la poésie n’est pas seulement dans le texte mais également dans sa forme. La superposition des feuilles transparentes qui vont se poser les unes sur les autres au fur et à mesure du récit ne font qu’augmenter l’émotion transmise par l’écriture. Un effet de transparence où l’on devine la suite du souvenir où l’on voit la page se tourner sur un mot, une phrase terminée comme on essaye de clore une histoire. Un sentiment qui donne l’impression d’aller très loin en soi à la recherche de ce souvenir.

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Linda aurait pu choisir le même album que LiraLoin, mais il aurait été dommage de ne pas mettre en avant l’album d’Olga Tokarczuk illustré par Joanna Concejo tant le message lui a paru essentiel. Invitation à ralentir, Une âme égarée dresse le constat de vies humaines passées à courir pour remplir ses journées au point d’oublier de s’arrêter juste un moment pour penser à soi, faire quelque chose pour soi, voir ne rien faire du tout et juste profiter du moment qui s’offre à nous. Et l’objet-livre nous offre d’ailleurs l’opportunité de vivre l’un de ces moments où l’on prend plaisir à se poser avec un beau livre entre les mains.

Si quelqu’un pouvait nous regarder d’en haut, il verrait que le monde est rempli de gens pressés, qui courent dans tous les sens, fatigués, en sueur, mais il verrait aussi leurs âmes égarées, à la traîne…

Texte et illustrations s’entremêlent pour conter l’histoire de cet homme qui un jour décide de se poser, d’arrêté de courir. Là où l’auteure nous raconte la douleur de la perte puis la prise de conscience, l’illustratrice nous raconte le temps passé à courir, puis le temps passé à attendre le retour de cette âme égarée qui, une fois revenue, amène la couleur dans les pages en même temps que de la lumière dans la vie de cet homme.

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Mais il y a aussi le touchant roman d’Anne Cortey, Les désaccordés qui narre l’histoire de quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. On prend plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.
Outre la beauté du texte, Linda a aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme on aimerait en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique la touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.
Par ailleurs, on peut aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.

Les désaccordés d’Anne Cortey, l’école des loisirs, 2023.

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Pour Colette, fidèle à celle qui l’a fait entrer en littérature jeunesse il y a maintenant un sacré bout de temps, le coup de coeur de l’année ira à l’album Une Chose formidable de Rebecca Dautremer. Dans cette nouvelle aventure de Jacominus Gainsborough, la poésie se fait petite bête, café Joliette, blagounette et vieille recette. A la manière d’un conte en randonnée, le récit de Jacominus se cogne aux petits défauts de la mémoire et aux mains tendues de l’amitié. On voyage dans le temps et son épaisseur feuilletée. Pour un juste retour à l’enfance où tant de choses se jouent. C’est un délice presque aussi gourmand que le fameux gâteau aux pommes de Beatrix, la grand-mère de Jacominus. Et pour accompagner ce voyage temporel, l’autrice nous propose une mise en voix rehaussée par la musique de Nils Le Thanh, Martin Saëz, Philipe Morino, Arnaud Guillou et Camille Tirard. Un délice, vous dis-je, un délice…

Une Chose formidable, Rebecca Dautremer, Sarbacane, 2023.

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Lucie ne s’est pas remise de sa lecture de Guerrière, déjà présenté en coup de cœur au mois de novembre. Ce roman poignant et extrêmement bien écrit sur les enfants-soldats marque ses lecteurs au fer rouge. Il avait toute sa place dans la sélection de l’année.

Son avis complet ICI.

Guerrière, de Cécile Alix, Slalom, 2023.

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Et l’album qui l’a le plus marquée est peut-être Le destin de Fausto. Fausto, c’est l’être humain. Il arrive, sur de lui, et s’approprie tout ce qui l’entoure par la seule force de son (mauvais) caractère. Il ne connaît ni ne respecte pas les éléments qu’il rencontre ? Qu’importe, ils sont à lui.
Jusqu’à ce que l’océan lui résiste et que Fausto retrouve sa place légitime. Pour savoir où elle se situe, il faudra lire cette fable maligne qui invite à la réflexion. Lucie a aimé les illustrations minimalistes qui prennent peu à peu en ampleur et le jeu de la mise en page.
Encore une incontestable réussite d’Olivier Jeffers !

Le Destin de Fausto, Olivier Jeffers, Editions Kaléidoscope, 2020.

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La désignation des lectures de l’année est revenue à un membre de l’équipage de L’île aux trésors, moussaillon de son état. En album, son choix s’est porté sur une BD dont deux tomes (sur trois) sont parus à ce jour : Magda, cuisinière intergalactique. Ça commence comme un concours top-chef retransmis en direct dans toute la galaxie mais qui révèle très vite des enjeux géostratégiques graves quand on s’intéresse à ce qui se trame en coulisse. Nicolas Wouters et Mathilde Van Gheluwe ont su reconnaître et exploiter tout le potentiel humoristique du monde de la cuisine. Mais pas que : leur album tourne en dérision la société du spectacle, dénonce les frénésies de conquête et d’exploitation des ressources qui détraquent le monde vivant et exacerbent les tensions. Une lecture stimulante mais néanmoins 100% plaisir, pour les voyages en tracteur spatial ou à dos de coléoptère, la merveilleuse faune et flore des différentes planètes et surtout les ingrédients et ustensiles qu’on rêverait d’avoir dans sa cuisine. Tout ça illustré avec une fantaisie qui rappelle à la fois le restaurant Tom-Tom et Nana et les curiosités des Sardines de l’espace !

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Et en roman, le moussaillon de 12 ans a désigné Pony, un roman singulier qui l’a entraîné dans l’Ohio des années 1860. Pourquoi des truands sont-ils venus enlever le père de Silas ? Que lui veulent-ils, est-il en danger ? Et que fait ce poney sur le seuil du logis ? Silas n’écoute que son courage et se lance sur les traces de son père, dans un vrai décor de western. Après le magnifique Wonder, R.J. Palacio signe un texte aussi beau que singulier. La quête de Silas met l’intrigue sous tension mais, pourtant, le roman semble flotter dans une sorte de quatrième dimension qui n’appartient qu’à lui. Son étrangeté, à commencer par la présence de l’énigmatique Mittenwool aux côtés du garçon, pique la curiosité, crée une tension qui n’a rien à voir avec les cliffhangers pourtant redoutables qui ponctuent le récit. L’autre question qui nous taraude, à la lecture de ces pages, concerne ce père disparu : qui est-il vraiment ? R.J. Palacio brosse un portrait tout en facettes et nuances, celui d’un homme curieux et inventif, aimant et déterminé. L’arrière-plan historique donne de la densité, de la profondeur. Le contexte est celui des États-Unis au bord de la guerre de Sécession et à l’aube de la révolution industrielle. Chemin faisant, le garçon grandit, le mystère se dissipe et l’émotion nous étreint. Il y a des peurs terrifiantes, du rêve (imaginez avoir quelqu’un comme Mittenwool ou un animal comme Pony à ses côtés !), des tonnes de tendresse et de mélancolie, de vrais coups au cœur. Puissant !

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S’il y a vraiment un livre jeunesse qui reste au cœur de Blandine, c’est celui-ci:

L’étrange voyage de Clover Elkin. Eli BROWN. Bayard Jeunesse, 2023

XIXe siècle – États Unifiés – 20 ans après la Guerre de Louisiane (cela vous rappelle vaguement quelque chose, c’est normal!)
Clover Elkin se retrouve brutalement sur les routes après l’assassinat de son père qui lui a révélé avoir gardé une seule curiosité « neobkhodimyy » et intimé d’aller à New Manchester, pour sa protection. Toutes ses certitudes volent soudainement en éclats.
Dans le monde de Clover, il existe des Curiosités, des objets ordinaires aux propriétés extraordinaires, des particularités qui peuvent être utiles, nécessaires ou discutables, selon qui les manipulent… Clover va croiser plusieurs d’entre Elles, et notamment le Colonel Hannibal Furlong, un coq parlant, à la tête de l’Armée du Sénateur Auburn, qui a combattu Napoléon et son « Accablante »
Cette première rencontre se révélera précieuse tout du long, même s’ils seront séparés.
Lors de cette quête, éminemment initiatique, Clover, bien que déjà mûre, va apprendre à s’affirmer, va connaître la trahison, devoir faire des choix, donner le pardon. Les personnages secondaires ont aussi une vraie densité et offrent un panel intéressant des émotions et comportements humains.
Ce voyage se fait aussi dystopie avec une réflexion sur le pouvoir et le politique.
Le contexte historique remanié est un régal à (re)découvrir.
Nous évoluons dans un monde aussi familier qu’inconnu, de par les insertions fantastiques apportés par l’auteur. Elles sont formidables, nous déstabilisent et sont fortement évocatrices.
Les descriptions sont minutieuses et fascinantes, tant celles des objets que des paysages traversés par Clover. C’est très immersif et visuel.

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Et pour nous, « adultes », grands enfants que nous sommes restés, ce roman, aux chapitres courts. Un coup de cœur comme un coup au cœur, qui fait écho à Dickens, Andersen et Lindgren!

D’autres étoiles. Un conte de Noël. Ingvild H. RISHOI. Mercure de France, 2022

Ronya, 10 ans
Mélissa, 16 ans
Deux sœurs fusionnelles
Pas de mère, un père alcoolique
Veille de Noël
Une offre d’emploi pour être vendeur de sapins
Un rêve qui prend bientôt beaucoup de place
Et qui ouvre les yeux candides sur une réalité déchirante faite de précarité, d’espoirs déçus, de prises de conscience douloureuses, d’honteuses culpabilités et pourtant d’une certitude du meilleur à venir, de petits moments de joies qui illuminent un quotidien trop souvent terne
Ce conte de Noël contemporain et norvégien n’est certes pas toujours joyeux, mais il est beau, il en devient même tragique, et pourtant il est simplement magnifique !

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Et vous, quels sont les livres qui ont marqué votre année 2023 ?

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