Tandis que l’ambiance de Noël devenait omniprésente autour de nous, Za, Hérisson, Drawoua, Céline, Sophie et moi-même avons choisi de lire les fameuses Lettres du Père Noël du non moins fameux Tolkien et de venir vous en parler aujourd’hui, veille du grand jour, tandis que le père Noël termine ses derniers préparatifs après avoir réparé les énormissimes bêtises de l’ours polaire…
Sur le fond, l’idée est claire, il s’agit d’une correspondance entre le Père Noël et les enfants du sieur Tolkien…
Za : Cette correspondance court de 1920 à 1943, sans interruption. Les destinataires changent au fur et à mesure que la famille s’agrandit. D’abord destinées aux garçons, John et Michael, puis Christopher, elles ne seront plus, à la fin, qu’adressées à Priscilla.
Sophie : C’est tout à fait ça. Tolkien s’est amusé à écrire des lettres à ses enfants à chaque Noël (en se faisant passer pour le Père Noël) pendant plus de 20 ans.
Céline : Sur le fond, j’ajouterais encore que Tolkien écrit non seulement une, voire plusieurs lettres chaque année mais aussi qu’il y insère de nombreuses illustrations d’une finesse étonnante.
La renommée de Tolkien dans un registre différent vous a-t-elle gênés ? Avez-vous été surprises (dans un sens ou dans l’autre) ?
Za : On pourrait être surpris, car nous sommes ici très éloignés du Tolkien du Seigneur des Anneaux. Encore que la présence récurrente de gobelins rappelle que les Terres du Milieu ne sont pas très loin… Il y aussi un moment assez amusant où le Père Noël suggère aux enfants qu’il avait pensé leur apporter en cadeau un exemplaire de Bilbo le Hobbit, comme il l’a fait dans d’autres familles, avant de se raviser en réalisant qu’ils devaient déjà l’avoir !
Sophie : Surprise non, on retrouve le talent de Tolkien pour créer tout un monde par l’écriture. J’ai trouvé ça très émouvant qu’il tienne ces lettres pendant si longtemps. Du coup, il s’est vraiment noué une relation entre ses enfants et le Père noël.
Céline : Pour ma part, j’ai été émue d’entrer un peu dans l’intimité de ce grand monsieur et de découvrir le papa et l’homme qu’il était. Un père attentionné, un peu perdu aussi lorsqu’il sent que ses enfants grandissent et risquent d’avoir moins besoin de lui… Un homme certes préoccupé par les événements dramatiques de l’époque mais capable aussi d’auto-dérision (comme l’a souligné Za) !
Drawoua : J’ai trouvé le livre très dense, un recueil épistolaire dans lequel textes et illustrations forment un monde (imaginaire) que l’on devine compliqué, et chargé autant en histoires qu’en Histoire : c’est bien là que l’on reconnaît la patte de Tolkien.
Hérisson : Je rajouterai simplement que l’œuvre de Tolkien m’apparaît sous un jour encore plus merveilleux après la lecture de ces lettres, à la fois touchantes et magiques.
Oui, on retrouve bien l’univers de Tolkien qui est juste là, tout près, mais dans un contexte complètement différent et ça, c’est vraiment sympa.
Donc la forme épistolaire ne vous a pas gênées ?
Za : J’aurais aimé avoir un aperçu des lettres des enfants Tolkien au Père Noël. J’avoue qu’à partir de la moitié du livre, je me suis un peu lassée. Alors, je ne sais pas si c’est dû à la forme mais j’ai fini par trouver tout ça un peu répétitif. À part les illustrations, qui sont, à mon avis, la partie la plus intéressante de ce recueil !
Sophie : Non, ça ne m’a pas gênée. J’ai lu le livre par petits bouts, un peu de temps en temps donc ça collait bien avec sa forme épistolaire.
Céline : Pareil pour moi, cela ne m’a pas gênée mais c’est vrai que d’avoir quelques exemplaires des lettres des enfants aurait rendu le tout encore plus émouvant. Pour revenir au genre épistolaire, heureusement que c’était sous cette forme et que j’ai pu le lire par épisodes car, dans ma version, le texte était si petit que lire plus d’une ou deux pages devenait vite une torture pour les yeux !
Za : En fait, j’aurais dû lire une lettre par an. Pendant 20 ans.
Et je suis entièrement d’accord avec Céline : après cette lecture, l’éditeur devrait prendre en charge mes prochains frais d’ophtalmologie ! Je n’ai jamais vu un livre imprimé aussi petit ! De quoi dégoûter directement les enfants… C’est quasiment illisible, à part les passages rédigés par l’ours.
Drawoua : J’abonde dans le sens de mes trois dernières complices concernant le format dans lequel je n’ai pas eu plaisir à lire l’œuvre. Pour ce qui est des lettres des enfants, effectivement, cela peut manquer. Mais c’est assez sympa de les imaginer au travers des textes du Père Noël qui ne manquent pas d’y faire allusion en répondant aux enfants. Elles sont là les lettres des enfants : entre les lignes de celles du Père Noël, et de l’Ours aussi. Un style qui me convient.
Hérisson : J’aime beaucoup les lettres en général et tous les romans épistolaires. Ici quelques insertions de textes d’enfants m’auraient aussi paru plus judicieux car on se lasse un peu et des pauses dans la lecture sont nécessaires. J’ai pour ma part une édition Christian Bourgeois de 1993 grand format mais où déjà le texte n’est pas très grand (de la taille d’un livre de poche) j’imagine donc s’ils ont réduits encore la police…
Effectivement, la version Pocket est plus petite en taille (comme le nom l’indique) mais comporte quinze lettres inédites jusqu’alors !
Sophie : C’est vrai que c’est écrit assez petit mais ça ne m’a pas gênée. Sur la majorité des pages, le texte était suffisamment aéré et avec des textes assez courts pour que ça passe assez bien.
Toute fan de Tolkien que je suis, je dois avouer que la forme épistolaire m’a un peu lassée aussi… Je vois aussi que la police d’écriture (petite, voire très petite) a gêné bon nombre d’entre vous. Avez-vous d’autres critiques à formuler sur ce livre ?
Za : Finalement, je crois que ce que j’ai préféré dans ce livre, ce sont les illustrations de la main de Tolkien lui-même. Je trouve émouvant de voir ses dessins. Je ne voudrais pas dire de bêtises mais je crois que ce sont des encres. Il émaille ses lettres de petits dessins très amusants, qui rendent le récit plus vivant. Le personnage de l’ours polaire est particulièrement bien traité ! Les images sont assez inégales mais certaines sont savoureuses, pleines de drôlerie, d’autres carrément belles, tant par la composition que par la couleur, le mouvement, l’intention. Et le dessin qui clôt le recueil est vraiment magnifique !
Drawoua : Je dispose du livre en collection Pocket, comme vous je trouve certaines illustrations somptueuses, les jeux d’écriture, d’enluminures presque, et les dessins donnent vraiment une atmosphère très particulière à l’univers des lettres. Par contre, de mon point de vue, il y a vraiment un souci d’édition. La taille de la police est trop petite, les pages sont très denses, je pense que cela gâche l’ensemble et je ne suis pas sûre qu’on parvienne à accrocher le jeune lecteur avec une telle mise en page. Personnellement, je me suis forcée à aller jusqu’au bout. En outre, j’ai lu plusieurs livres en même temps pour interrompre ma lecture et ne pas m’en lasser.
Céline : J’ai trouvé que, par moments, les propos étaient quelque peu décousus… J’ai également été surprise par la tournure de la guerre au pôle où l’Ours Polaire finit par tuer des êtres vivants ! Cet épisode fait évidemment écho à la seconde guerre mondiale qui bat son plein à l’époque mais étonne dans un texte qui s’adresse aux enfants…
Za : En même temps, ce sont des gobelins, c’est de la légitime défense !
C’est aussi le côté « décousu » qui fait justement le charme de l’ouvrage, je trouve…
Hérisson : Ma version ne proposant pas tous les textes je ne peux pas vraiment parlé du coté décousu, par contre j’ai moi aussi beaucoup apprécié les illustrations de Tolkien qui sont vraiment le point fort de ce livre.
Je suis d’accord avec vous, les illustrations sont un vrai plus et mériteraient une édition grand format. D’ailleurs Za nous en gentiment préparé une petite compilation :
Sur la première illustration, nous voyons l’ours polaire, personnage central du livre et sur la seconde, le sublime Merry Christmas de la fin.
Poursuivons… Quelle est votre opinion sur les personnages, notamment par rapport à l’image traditionnelle des contes de Noël ?
Sophie : Pour moi, la principale différence avec les contes traditionnels, c’est l’ours polaire. On ne peux pas dire qu’il soit très présent habituellement alors qu’ici il seconde le Père Noël.
Céline : L’originalité réside également dans le couple atypique qu’il forme avec le Père Noël. Tous deux se chamaillent, comme le ferait un vieux couple qui s’adore… Ces « disputes » apportent une bonne dose d’humour et on se surprend à se demander de quelle bêtise de son ami le Père Noël va nous parler dans la prochaine lettre.
Za : J’imagine qu’à l’époque, cette image d’un Père Noël débordé de travail, aux prises avec des gobelins, des lutins plus ou moins efficace, secondé par un ours polaire très indépendant, cette image devait être originale, décalée. Les enfants de Tolkien ont dû bien s’amuser ! Mais les lettres n’ont été publiées qu’en 1976 et, déjà à l’époque, le Père Noël avait pris du plomb dans l’aile et son image commençait à être malmenée – le Sacré Père Noël de Raymond Briggs (Grasset Jeunesse), par exemple, date de 1974.
Petit aparté : Za nous parle de l’album Sacré père Noël sur son site, ici.
Drawoua : j’aime beaucoup l’ours polaire et la représentation qu’on nous en fait : il fait des bêtises, il écrit mal, il répond, il est grincheux, il a toujours quelque chose à dire ou a redire. Lui et le Père Noël font office de vieux couple, c’est vraiment singulier. Et je trouve que le fait qu’ils se répondent sur les courriers, lui et le Père Noël donnent une autre dimension au récit. Relation triangulaire, si on y comprend les enfants.
Hérisson : J’ai moi aussi surtout noté le personnage de l’ours polaire, qui apparait souvent mais de façon très secondaire. Ça change un peu et offre une teinte humoristique à l’ensemble !
Nous semblons tous avoir apprécié la dimension humoristique du livre…
Finalement, quel serait votre bilan, plus de positif ou de négatif ?
Le conseilleriez-vous à des jeunes lecteurs ?
Za : Je conseillerais ce livre aux amoureux de Tolkien, comme un témoignage sur le personnage, comme on lirait une biographie. Voir ses dessins, ce qu’il met de malice dans cette entreprise… Mais je ne suis pas sûre qu’un enfant apprécierait cette lecture. Ou alors lu par un adulte, au moment de Noël, dans l’ambiance. J’avoue surtout avoir un réel problème avec le livre en lui-même. La taille des caractères, le côté ramassé des textes est à vrai dire assez rédhibitoire. L’impression que je garde de cette lecture est finalement mitigée.
Sophie : Certes, l’édition mériterait une plus grande mise en valeur avec un grand format par exemple. Malgré cela, c’est un sentiment très positif que je garde de ce livre que j’ai découvert l’année dernière. Comme le dit Za, c’est un livre pour ceux qui aiment Tolkien. Mais on imagine bien un parent le lire devant la cheminée durant les soirées d’hiver.
Céline : Je partage vos avis. Cette correspondance privée est surtout un excellent moyen de découvrir qui était l’homme derrière l’écrivain. L’intérêt est donc davantage biographique que narratif ! A conseiller en priorité aux fans de Tolkien qui iront sans doute jusqu’au bout de leur lecture et ce malgré la piètre mise en page.
Drawoua : Je me retrouve tout à fait dans la réponse de Céline. Je n’ai rien à ajouter si ce n’est que j’ai peiné à aller jusqu’au bout…
Hérisson : Si j’ai apprécié ma lecture je pense qu’elle est assez difficile à conseiller aux enfants autrement qu’accompagnés ! Enfin je conseille malgré qu’elle soit incomplète l’édition Christian Bourgeois au format plus adapté aux enfants.
Je vous remercie toutes pour ce moment d’échange.
Joyeux Noël !
Et, en prime, l’avis plus détaillé de Céline ici et celui de Sophie là.