Un de ces livres qui résonne dans nos cœurs et qu’on ne veut pas lâcher, conscients des instants fragiles qu’ils nous fait vivre auprès d’un étonnant grand-père.
Un de ces livres qui nous fait rire aussi car la vie est ainsi : des chocs aux instants de poésie, le rire nous vient.
Un de ces livres qui nous réunit. Alors pour cette lecture commune, on s’est transmis le fil des questions pour échanger nos impressions.
C’est Chlop qui commence :
Dans les premières pages, nous faisons la connaissance de Napoléon, qui divorce de sa femme parce qu’il souhaite « se renouveler ».
Drôle de personnage, il suscite immédiatement la curiosité. Quelles ont été vos premières impressions sur cet étonnant personnage?
Pépita : A vrai dire, j’ai été assez ml à l’aise au début face à ce personnage que j’ai trouvé désagréable au possible, « brut de décoffrage » ! Mais connaissant la plume de Pascal Ruter, j’ai vite compris qu’il y avait autre chose derrière et que je ne serais pas au bout de mes surprises dans ce roman et c’est pas peu dire !
Bouma : Moi je l’ai adoré. En me disant, put*** j’aurais aimé un grand-père comme ça capable de faire les 400 coups sans se préoccuper de son âge ni de son entourage ! Après j’ai bien compris que pour le reste de la famille ce type de caractère n’est pas facile à gérer et il est peut-être plus facile à imaginer, à fantasmer qu’à vivre vraiment.
Solectrice : Décontenancée par une telle décision, j’essayais plutôt d’imaginer ce qui pouvait motiver ce vieux bonhomme à agir ainsi… Une telle figure ne m’a pas tellement surprise non plus car je sentais, comme Pépita, que j’allais découvrir un personnage rocambolesque dans ce roman à la couverture colorée !
Chlop : on se demande un peu au départ sur quoi on va tomber mais on sent une histoire dynamique, ça semble plutôt joyeux, un peu rock’n’roll et le gant de boxe intrigue.
Le roman est sorti en même temps dans une collection adulte, et les indices sur la couverture sont assez différents : une montgolfière qui s’élève dans les airs, ce n’est pas du tout la même symbolique et ça met en avant un aspect de l’histoire qui passe au second plan dans la version de Didier jeunesse.
Pépita : Tout de suite, quelque chose qui va décoiffer mais avec sensibilité (connaissant l’auteur) et une allusion à une chanson de Claude François ! Quant à la couverture, elle est en jeunesse pétillante ! Et j’aime beaucoup le fait que ce roman ait été publié aussi en adulte.
Bouma : La référence à Claude François et les références de l’illustration donnent un côté très vintage à cette première de couverture pour moi. Mais quand on commence la lecture du roman on y voit presque une définition du personnage de Napoléon, ce grand-père marginal qui tient une place toute particulière dans la vie du héros. Non ?
Chlop : Oui, absolument, cette couverture, c’est lui, d’ailleurs à mes yeux, le véritable héros du livre c’est Napoléon.
Solectrice : La couverture ? Ce n’est pas ce qui m’a séduite. Des couleurs acidulées et un assemblage hétéroclite dont les objets m’attiraient guère. Mais, le titre, un peu kitsch, m’a fait penser à un tatouage et cela m’a bien intriguée.
Pépita : Elle est très stylisée cette couverture, pleine des symboles de ce qu’est ce personnage. Elle fait davantage référence à un adolescent je trouve à première vue !
Chlop : Justement, Napoléon, n’est-ce pas un peu un éternel adolescent ? C’est une des grandes réussites de ce roman d’ailleurs, de décloisonner les générations.
Bouma : Exactement ! J’aime bien ce terme « décloisonner les générations ». On le voit dès les premières pages. Napoléon c’est un sacré personnage (le prénom donne aussi un indice).
Pépita : Moi il m’a agacée au départ, je me suis dit, mais c’est quoi cet hurluberlu qui fait de la peine à tout le monde ? Il ne ménage que son petit-fils. Belle relation ceci dit entre eux. Et puis, peu à peu, la carapace se fendille et on découvre un être hyper-sensible, qui a une trouille bleue de la mort. Il devient très touchant. Les secrets révélés en ajoutent un peu plus à son aura d’homme de grand cœur. Du coup, on en pleurerait presque. Un grand-père qui refuse la fatalité, qui veut lutter, vivre jusqu’au bout pour ne rien regretter.
Bouma : En quoi diffère-t-il de la figure habituelle du grand-père ?
Chlop : En tout ou presque. On trouve des grands-pères acariâtres dans la littérature, mais celui ci est plus complexe, comme Pépita je l’ai trouvé profondément agaçant (il apparait d’abord comme égocentrique au possible) et rapidement touchant, fragile, assez marrant aussi. On se demande si il est excentrique par nature ou si c’est qu’il perd un peu la boule.
Avec son fils, il est au delà de la maladresse, on comprend que ça a du être très difficile de grandir en cherchant en vain l’approbation de ce père, mais avec son petit fils il arrive à nouer une relation vraiment émouvante.
Solectrice : Il peut tout aussi bien nous paraître odieux et tendre, en cela il peut sembler un grand-père ordinaire. Mais c’est un drôle d’oiseau, une figure mi-héroïque, mi-bouleversante de maladresse, comme on les aime dans l’enfance mais qu’on devine dure à vivre…
Pépita : ah ben il décoiffe ! il fait les 400 coups, parle à son fils comme à un moins que rien, jette son épouse comme une vieille éponge, fait des travaux dans sa maison à son âge ! et j’en passe ! Bref, oui, il détonne largement par rapport à l’image qu’on se fait d’un papi respectueux, rangé dans ses pantoufles et caché derrière son journal, pérorant sur l’ancien temps, « ah ma bonne dame, tout se perd de nos jours ! », radotant, enfermé dans ses habitudes, tolérant les petits-enfants juste le temps prévu… je plombe le portait à l’inverse à outrance il est vrai, mais bon, cette réalité existe aussi.
Moi j’ai souffert pour l’entourage proche mais aussi pour le petit-fils en fait, pas vous ?
Bouma : effectivement, ses proches en prennent pour leur grade comme le dit l’expression consacrée. Enfin je me dis qu’avec un prénom comme Napoléon, il fallait un personnage dont la personnalité soit à la hauteur de l’original.
Pépita : Mais justement, n’est-ce pas habile de la part de l’auteur ce procédé ? Il brosse un personnage agaçant puis on découvre peu à peu la fissure dans la carapace. La maladie.
C’est bouleversant non, de devenir témoin impuissant de ce qui le ronge ce Napoléon ?
Bouma : Très habile procédé effectivement. On s’attache beaucoup plus au personnage quand on découvre ses fêlures. Il fait le fier le Napoléon mais c’est un sentiment très humain de ne pas vouloir montrer son déclin.
Chlop : Oui, l’auteur joue un peu avec nos sentiments, et on en redemande! C’est toujours agréable de faire connaissance avec des personnages subtils, nuancés.
J’ai d’ailleurs beaucoup d’attachement pour le personnage de la mère.
Solectrice : bien sûr, c’est émouvant et c’est culotté de nous attraper ainsi. On se questionne sur nos préjugés. Nos avis bien tranchés s’effondrent devant cette humanité inattendue. Après ce revirement on a comme l’envie d’enlacer ce grand-père, les yeux mouillés de tendresse.
Le mot de la fin ?
Solectrice : Ce livre, c’est un bon moment passé avec une famille attachante, à rire, à pleurer, à réfléchir aussi sur la vieillesse et les relations avec ceux qui nous entourent.
Bouma : Au final, c’est un roman inter-générationnel je trouve. Chacun pourra y trouver son compte : adulte comme enfant, ce qui explique sûrement qu’il y ait une double publication chez Didier Jeunesse et JC Lattès.
Pépita : J’en garde un bon souvenir de lecture et la fin m’a beaucoup émue. C’est un roman sur la vie tout simplement.
Découvrez les chroniques : de Bouma sur Un p’tit bout de bib’, de Solectrice sur Les Lectures Lutines, de Pépita sur Méli Mélo de livres.
J’ai adoré ce roman et vous rejoins sur plusieurs points.
Ce qui m’a attirée sur la couverture, c’est le côté rétro des dessins et le gant de boxe. Le Barracuda ne m’a pas du tout renvoyée à Claude François mais à un personnage dans Rocky (qui ne s’appelle pas ainsi d’ailleurs dans le film).
Quant au caractère du grand-père, effectivement dur pour l’entourage, eh bien ça m’a fait du bien de lire un tel portrait qui contraste tellement avec les gentils ( et mièvres) papys qu’on lit habituellement (et mamies aussi – même si là, ce n’est pas le propos).
Ce grand-père là, c’est celui que j’ai eu, la relation affective en moins. Il était odieux avec son fils comme avec nous… La maladie, j’ai trouvé que c’était « facile », comme si ça expliquait, alors que ce genre de personnes existent vraiment, sans excuses…
Au final, c’est un roman que j’ai adoré et beaucoup conseillé.