« Mado m’a dit » de Christophe Léon

C’est un conte.IMG_3129[1]

Un conte doux-dingue.

Un conte entre ciel et terre.

Un conte improbable et déconcertant.

Un conte qui nous a interpellé.

Un conte que l’on a voulu partager.

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Alice : Mado m’a dit, un titre tout en sonorité. Est-ce cela qui vous a interpellé autant que moi ?

Kik : [Réflexion de quelques secondes] … Non. En fait, non. C’est la couverture qui m’a interpellée. Mais le titre, pas plus que ça.

Pépita : Moi non plus, pas le titre. Mais l’auteur ! Et puis ta chronique dont le sujet m’a interpellée aussi.

Alice : Ah bon ? Moi, j’ai vraiment été interpellée par ce jeu de langue autant que par le  message : mais que lui a dit Mado ? Me voilà curieuse … Bon après, j’avoue, pour ceux qui ne le savent pas encore, peu de livres de Christophe Léon ne me sont pas passés entre les mains. C’est un auteur que je suis avec assiduité.
La couverture ? Là, …si je ne la regarde pas, je ne m’en souviens pas… une photo en noir et blanc… mais rien de plus…
Alors, Kik, je te laisse page blanche pour nous en raconter un peu plus sur ce qui t’a précisément attiré… Bien sûr Pépita, tu n’hésites pas à donner ton avis …

Kik : Trois lectrices, trois accroches différentes qui nous ont poussé à lire ce livre !
C’est le vert, ce vert très très vert qui m’a attiré, car associé à la photo en noir et blanc, il tranche. De plus, elle m’a fait un peu peur cette poupée, un peu seule sur sa chaise.
Après réflexion, je me dis même que cette couverture ne va pas si bien que ça avec le roman, mais c’est elle qui a été le déclencheur.

Alice : Du coup, j’ai pris le temps de regarder une nouvelle fois la couverture et au contraire, j’ai trouvé qu’elle s’accordait bien au contenu du livre. J’y vois de la solitude (une chaise seule), une enfance brisée ( poupée), une personne âgée (pelote de laine +  papier peint désuet) et la présence d’une mouche (que l’on comprend quand on a lu le livre …). Suis-je trop terre à terre ?
Un avis Pépita, peut-être ?

Pépita : Je n’ai pas du tout cherché à analyser la couverture. Mais je ne trouve pas que tu sois terre à terre ! Une couverture est importante pour un livre et les éléments tels que tu les décris donnent des indications sur l’histoire à lire avec une part de mystère. Pour ma part, dès les premières lignes, j’ai trouvé ce livre très « extraterrestre » (à comprendre aussi si on le lit !). Alors, de quoi ça parle ? D’une rencontre très improbable entre un petit caïd qui se la pète un peu et Mado, une vieille femme obèse à la voix haut perchée. Sur le trottoir à l’arrêt de bus, Boby va la défendre contre des petits voyous. Contre toute attente. Même lui ne s’explique pas ce geste. Il va donc se retrouver chez la dame devant un chocolat chaud et là, il va découvrir une facette insoupçonnée de cette personne en même temps que des sentiments très ambivalents chez lui.

Kik : Une rencontre improbable, c’est ça ce roman. Deux personnes là, en même temps, avec des circonstances particulières qui ont fait que leurs vies se sont croisées.

Alice : Oui, bien sur que cette improbable rencontre est la situation initiale du roman. Pour autant, je pense qu’elle ne serait rien, qu’elle perdrait de sa substance si l’originalité, l’individualité et le caractère des personnages étaient tout autre ! Je trouve d’ailleurs que Christophe Léon s’est vraiment lâché pour nous offrir des Personnages carrément décalés ! ( Et j’écris volontairement Personnage avec un P majuscule).
On parle plus précisément de Boby ? Petit Caïd disais-tu Pépita ? Comment évolue-t-il au fil des pages ?

Pépita : Tout à fait d’accord avec toi. Nous sommes des grandes lectrices toutes deux de cet auteur et cette fois, les personnages sont plus dans le psychologique et à l’opposé. Et il ne sont que deux. Alors Boby ? P’tit caïd, oui, mais au cœur tendre. Il joue les gros durs mais au fond, c’est un marshmallow ! Déjà, il est incapable de comprendre pourquoi il a défendu Mado, encore moins pourquoi il la suit chez elle, et encore encore moins pourquoi il y retourne et accepte même d’y dormir. Là, il va avoir la trouille le gros dur. Il découvre une vieille dame encore plus avide d’amour que lui. Et ça, ça le perturbe, ça l’interroge, ça le met mal à l’aise. Parce que rappelons que Boby est né « souzixe » comme il dit et qu’il s’est inventé tout un monde…Et là, chez Mado, pareil, un monde bizarre aussi peuplé de mouches et de plantes carnivores…Chacun ses passions…Et une dame dévoreuse de chair fraîche ? Il y a pensé à un moment non ? D’un Boby sûr de lui en apparence se dévoile peu à peu un jeune garçon avec ses peurs, ses questionnements, sur la vie et le monde des adultes.

Kik : La personnalité des personnages est bien marquée. Ils sont deux, mais tellement complexes et complets. Ils sont paradoxaux.
On peut lire pour Boby
« Petit
Teigneux
Le poil roux
Le genou cagneux
Des dents plantées de travers
Crache toutes les deux minutes entre ses pieds
Dit avoir quinze ans mais n’en a que treize. « 
Mais aussi : « Cependant, Boby est un gars à la coule. Au fond de lui se dissimule un coeur tendre qui ne demande qu’à ‘épanouir. »
C’est Mado, qui va révéler ce coeur tendre. Ce gros dur va porter secours à cette dame, embêtée par d’autres gros durs.
Ce roman est une rencontre entre deux êtres cabossés par la vie.

Alice : C’est tout a fait ça, les filles, deux personnages verrouillés dans leur solitude qui vont petit à petit faire sauter leurs appréhensions pour laisser parler leur cœur. L’histoire devient émouvante et l’on est touché par cette relation qu’ils construisent ensemble où chacun puise en l’autre le manque affectif de toute une vie. On découvre alors la grande force intérieure qui les anime et on se prend totalement d’affection pour eux.
Enfin, moi ça a été mon cas ? Pas vous ?

Pépita : Oui, c’est vrai, on se dit qu’ils se sont trouvés en quelque sorte mais quand même chez Boby, il y a  une appréhension, non ? Ou plutôt une interrogation face au mystère de cette femme.

Kik : Affection n’est pas forcément le mot que j’aurai utilisé. Les descriptions qui sont faites d’eux ne sont pas très valorisantes. J’ai été attirée par leur relation l’un avec l’autre. Je voulais savoir comment tout cela allait évoluer. Elle est quand même très improbable cette rencontre a priori. Et pourtant …

Alice : … et pourtant…leur bout de route ensemble n’est pas bien long. Alors que l’on commence à s’approprier l’atmosphère singulière du livre, la fin arrive comme une cassure, subitement ;  presque trop vite. Est-ce comme ça que vous l’avez vécue aussi ?

Kik : Complètement. Je voulais en savoir plus. Qu’ils se revoient, qu’elle l’aide peut-être, ou l’inverse.

Pépita : Oui, cette fin est déstabilisante. Très. Je ne sais d’ailleurs pas du tout comment l’interpréter. C’est souvent le cas avec cet auteur qui laisse ouvert pour toute interprétation. D’ailleurs, je ne suis pas sûre de l’avoir bien comprise cette fin ou alors j’y vois quelque chose que mon imagination a envie de voir ou pas. Cette fin arrive trop vite en plus. Le lecteur en est tout abasourdi. On commence à être bien dans cette histoire, à se dire que cette rencontre improbable va déboucher sur une histoire d’adoption réciproque et l’auteur joue avec nos nerfs…

Alice :  Des personnages singuliers, une rencontre improbable,  une fin subit(e)… est-ce tout cela qui nous dérange dans la lecture de ce roman? Qui nous fait le définir comme un OVNI littéraire ? Comme un extra-terrestre ? Ou bien voyez-vous d’autres choses encore ?

Pépita : Roman extraterrestre, c’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit. Car quand même cette fin ? Elle m’a perturbée…Je n’en dirais pas plus. C’est à la fois un roman humaniste et psychologique.

Kik : Non. Oui. Non. Peut être … C’est difficile à dire. Je ne saurais pas dire exactement d’où le roman tire sa force. Il m’a émue, chamboulée, tout de suite j’ai voulu en discuter avec vous, ici, A l’ombre de notre grand arbre. Il n’est pas tant OVNI que ça, car il n’y a pas de particularité d’écriture, ou une forme très spécifique. Il sort du lot, tant par sa qualité d’écriture, que par le choix des personnalités de Mado et Boby, un mélange improbable, qui fonctionne très bien.

Alice : Un livre dérangeant, déroutant, détonant … et une fin dramatique en effet.
Et quand je relis l’ensemble de notre discussion je me dis plus largement :  » Nous vivons dans une drôle de société quand même ! ». Une société retranscrite par Christophe Léon, dont la plume incisive ne nous autorise pas à lâcher le livre.
Mais je ne reste pas sur une note pessimiste, ce livre offre aussi une lueur de fraternité et d’espoir  :  Boby n’est pas vraiment un dur et Mado pas vraiment un monstre …
Et vous, que souhaiteriez vous rajouter à cette lecture ? Un mot de la fin ?

Pépita : Je dirais juste que ce livre reste tout de même dans la même veine que les précédents de Christophe Léon, qui dénonce les dérives de notre société. Là, il parle du fait que l’on juge souvent selon les apparences et qu’on ne prend pas toujours le temps de connaitre les personnes de notre entourage, qui souvent cachent bien des petits secrets…Il parle aussi de la solitude que cela engendre. Autre spécialité de l’auteur et qui peut agacer d’ailleurs : ses fins ne sont jamais vraiment des fins, le lecteur doit se débrouiller et reste souvent dans l’expectative. Alors, toutes les interprétations sont possibles…et dans ce roman court, c’est le cas. Je ne sais toujours pas comment dire comment ce livre se termine vraiment.

Kik : Pépita a tout dit. Pour conclure, moi je conseillerai de lire Demain, Promis ! du même auteur, qui m’a également soufflé. Cet auteur, je le connais moins que Pépita et toi Alice, mais je n’hésiterais pas si je croise un de ses livres en librairie !

A VOS LECTURES !

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Retrouvez la chronique de  :

– Kik sur son blog Les lectures de Kik

-Pépita sur son blog Meli-Melo de livres

– Alice sur son blog A lire aux pays des merveilles

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Christophe Léon, un auteur que vous pouvez découvrir en suivant son blog :

http://www.christophe-leon.fr/