Planches de portraits – Une sélection de BD biographiques.

Après vous avoir proposé une sélection de nos BD autobiographiques préférées en février, on revient en juin vous présenter des BD qui racontent l’histoire de personnages charismatiques au parcours inspirant ! De Cesare Borgia à Nellie Bly, en passant par Charlie Chaplin et Gisèle Halimi.

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Cesare est une série de treize volumes (douze actuellement disponibles en français) d’une rare richesse historique et qualitativement unique. Ecrit par Fuyumi Soryo, supervisée par Motoaki Hara, spécialiste de la littérature et de l’histoire italienne, le manga se veut une biographie de l’énigmatique Cesare Borgia de l’époque où il étudie à l’Université de Pise jusqu’à son arrivée sur la scène politique de Renaissance italienne.
Plus qu’une biographie, cette série est un voyage historique au cœur de la Renaissance italienne, avec ses artistes, ses grandes figures historiques et politiques. Les faits sont relatés avec le plus de justesse possible, les auteurs veillant à toujours se référer aux textes d’époques.

Cesare de FUyumi Soryo & Motoaki Hara, Kioon, 2006 à 2020.

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L’histoire prend place en 1887 à New York. Nellie Bly est une jeune journaliste d’investigation qui tente de faire sa place dans le milieu journalistique, encore exclusivement masculin. Pour convaincre un potentiel employeur, elle relève le défi complètement délirant d’infiltrer l’Institut pour femmes de Blackwell, suspecté de mauvais traitements.
Avec une facilité déconcertante, elle se retrouve internée pour « folie » et découvre un univers terrifiant dans lequel des femmes parfaitement saines sont abandonnées par un mari ou un fils pour qui elle représente un poids, une charge financière. Rien ne leur est épargné : humiliation, violence physique et psychologique, mauvais traitements, manque d’hygiène et privation de nourriture et de soins… Pour le lecteur, c’est l’occasion de découvrir Nellie Bly, aujourd’hui reconnue comme pionnière du journalisme d’investigation, dans son travail mais également au travers de faits marquants de son enfance qui ont forgé celle qu’elle est devenue une fois adulte.

Nellie Bly, dans l’antre de la folie de Virginie Ollagnier et Carole Maurel, Glénat, 2021.

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Autre BD historique, Celle qui parle nous amène à la rencontre d’une figure féminine majeur de l’Histoire de la conquête de l’Amérique du sud : Malinalli. Fille de chef, vendue comme esclave à un autre clan, elle voit sa vie changer le jour où les troupes d’Hernan Cortez viennent conquérir leurs terres en quête de richesses. Douée pour les langues, elle devient l’interprète du conquistador espagnol et jouera l’un des éléments clés dans sa conquête. Au-delà des conquêtes, on y découvre une jeune femme tout en contraste, souvent dépassée par les événements, qui doit sa survie au chemin qu’elle trace grâce à son intelligence. Symbole de trahison, victime ou mère symbolique du peuple mexicain, La Malinche reste vivace dans la culture et l’histoire du Mexique.

Celle qui parle d’Alicia Jaraba, Grand Angle, 2022.

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Cette « BD biographique » est à l’image de la couverture : tout en étant très documentée, elle joue avec la légende de Sergio Leone.
« – Là-bas [en Amérique], on mutile mes films et on refuse de produire Il était une fois en Amérique, comme si je n’étais personne.
– Toi ? Personne ?
– Oui, mon nom est personne… Mais c’est ça, l’idée ! »
De Leone, on connaît les films (facile, il n’y en a finalement que sept) mais assez peu la vie. Après un premier chapitre consacré à son enfance, et particulièrement au lien avec son père réalisateur muselé par Mussolini ; on aperçoit à peine la famille du cinéaste.
L’axe choisi par Noël Simsolo est clairement professionnel, et il est d’autant plus plaisant que Philan joue avec le visage des célébrités ayant croisé la route de Leone. Évocation plus que représentation fidèle, il a su en saisir l’essence et nous les reconnaissons au premier coup d’œil. Amusant de retrouver Welles, Walsh, Pasolini, Eastwood, van Cleef, Wallach, Fonda, Cardinale et tant d’autres.

Sergio Leone, Noël Simsolo et Philan, Glénat, 2019.

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Au début de cette BD biographique, on découvre Voltaire en grande discussion avec Monsieur Lasalle, personnage fictif qui ambitionne de raconter la vie du philosophe. Cela sera à la fois le fil conducteur du récit et l’excuse parfaite pour initier des flash-back.
Ces aller-retour dans le temps peuvent ne pas être simples à suivre pour qui n’est pas familier de la vie de Voltaire. D’autant qu’en parallèle est relatée l’une des grandes affaires criminelles ayant mobilisé l’énergie du philosophe à la fin de sa vie : celle du chevalier de la Barre.
Pourtant, comme le laisse entendre le sous-titre « Le culte de l’ironie », Philippe Richelle a veillé à respecter l’esprit de Voltaire, tout en glissant des éléments biographiques et historiques qui éclairent certaines facettes d’un personnage pour le moins complexe.
Pour ne rien gâcher, les illustrations de Jean-Michel Beuriot sont très agréables. L’équilibre entre la douceur de l’aquarelle et le dynamisme du trait est idéal. Et le décalage entre ces illustrations et le dialogue, marquant les petits arrangements dans le récit de Voltaire, sont savoureux.

Voltaire, le culte de l’ironie, Philippe Richelle et Jean-Michel Beuriot, Casterman, 2019.

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Dans cette BD directement inspirée de l’entretien que Gisèle Halimi accorda à Annick Cojean publié en 2020, les autrices retracent l’incroyable parcours de cette avocate qui ne cessa jamais de s’engager pour les droits des femmes, de son enfance jusqu’à sa mort. Pendant plus de 70 ans, elle a consacré toute son énergie à faire entendre une parole différente, une parole puissante et libératrice. A ses côtés, on découvre d’autres femmes farouchement libres qui nous entraînent dans leurs sillons vers d’autres horizons bien plus grands que ceux sont encore proposés régulièrement aux filles et aux femmes du XXIe siècle.

Une Farouche liberté, Gisèle Halimi, la cause des femmes, Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel et Myriam Lavialle, Grasset, Steinkis, 2022.

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Qui ne connaît pas Charlot, son visage enfariné, son costume et son petit chapeau, ses mésaventures qui nous font rire et qui nous serrent le cœur ? Mais qui connaît vraiment l’acteur Charles Spencer Chaplin, né en 1889 en Angleterre, qui grandit dans la misère avant de réaliser une carrière époustouflante qui fera de lui l’un des acteurs les plus marquants du 20ème siècle ? Quelle idée fantastique de raconter cette histoire en plusieurs BD ! Nous voici donc embarqués dans un paquebot transatlantique, par une sombre nuit d’octobre 1912, avec un jeune Charles qui entend définitivement tourner la page de ses années de misère londoniennes et vivre le rêve américain. La fougue des illustrations, qui semblent presque s’animer sous nos yeux et qui débordent presque des cases, est à l’image de la carrière fulgurante de Charlie Chaplin. On découvre un personnage meurtri et déterminé, flamboyant, séducteur, égocentrique aussi, et on a immanquablement envie de découvrir ses films.

Chaplin en Amérique, de Laurent Seksik et David François. Rue de Sèvres, 2019.

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Et voici un autre destin qui nous entraîne très, très loin, à Tiniteqilaaq, au Groënland. C’est dans ce village reculé que, dans les années 1980, le Français Max Audibert réalisa son rêve de s’installer et de devenir chasseur arctique. Cette BD s’inspire des souvenirs livrés à l’auteur pour raconter son histoire. Une aventure extraordinaire. Les premières pages sont d’emblée époustouflantes par la pureté grandiose du décor, immense fjord gelé parsemé d’innombrables blocs de glace. La nature règne en maître et, Max l’apprendra vite, ses lois sont implacables. La moindre erreur peut être fatale. Et mille millions de morses, ce n’est vraiment pas de la tarte de gérer une meute de chiens, d’affronter le blizzard ou de déployer un filet de pêche sous la glace. Cela provoque des mésaventures tour à tour drôles et terrifiantes. Sermilik se lit comme un hymne à la nature boréale, un récit atypique d’initiation, d’intégration et de transmission, une invitation à aller au bout des rêves qui nous tiennent à cœur. Une lecture intense et immersive qui nous laisse durablement la sensation du froid polaire et le halètement des chiens dans l’oreille.

Sermilik. Là où naissent les glaces, de Simon Hureau, Dargaud, 2022.

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Et pour un florilège de biographies féminines aussi stupéfiantes que méconnues, n’hésitez pas à lire Les Culottées si vous n’en avez pas encore eu l’occasion. De Annette Kellerman, sirène sportive et subversive qui révolutionna le maillot de bain féminin, à Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix, ou Wu Zetian, impératrice de Chine au VIIe siècle, on se dit qu’il aurait été dommage de ne pas les découvrir ! Ces destins sont condensés en quelques planches, avec humour et sensibilité. Et chacune de ces histoires est saisissante et inspirante : il y a quelque chose de jubilatoire à voir ainsi ces femmes repousser de toutes leurs forces les limites de leur horizon – et du nôtre par la même occasion. Elles incarnent un spectre immense et grisant de vies de femmes. Elles invitent à oser être soi-même et imaginer de nouveaux possibles.

Les Culottées, de Pénélope Bague, Gallimard, 2016.

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Et vous, quelles vies avez-vous découvertes en lisant des BD ?

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