Jean-Philippe Blondel, auteur de sentiments

Et voilà, c’est moi, Un Petit Bout de Bib, qui introduit ces articles de vacances un peu particulier. Et j’ai décidé de vous parler d’un auteur que j’affectionne tout particulièrement car chacun de ses textes a su toucher une part de mes sentiments : Jean-Philippe Blondel.

Je vous épargnerais sa biographie mais pas sa bibliographie (et surtout pas pour la jeunesse). Sachez seulement qu’en plus d’être un écrivain de talent JPB (comme je le nomme parfois) est aussi professeur, mari et père de famille.
Je vais donc aborder ici uniquement ses textes de littérature jeunesse et dans un ordre chronologique (ordre de lecture en ce qui me concerne).
J’ai eu la chance de pouvoir lui poser des questions, vous trouverez ses réponses au fil de cet article.

 

C’est donc avec Un endroit pour vivre parut en 2007 dans la collection Une seule voix d’Actes Sud Junior que JPB s’est adressé spécifiquement aux adolescents pour la première fois.

Dans ce roman, on suit un lycéen passe-partout, ne posant jamais de problème, qui va se rebeller contre l’autorité d’un nouveau proviseur. Ce dernier veut faire de son établissement un lieu de travail, non de vie (fini les gestes d’affection en public ou toutes autres effusions). Le jeune homme va donc filmer secrètement ces instants de vie et en faire un véritable plaidoyer.
Le texte de ce roman est court (comme le veut la collection) et raconté à la première personne du singulier, nous impliquant directement dans les sentiments du narrateur. JPB raconte l’histoire d’une révolte silencieuse et discrète mais au combien puissante.

Bouma : D’où venait cette envie d’écrire pour les adolescents ? Votre métier de professeur vous a-t-il incité à situer le roman dans l’enceinte d’un lycée ? Avez-vous connu une telle situation dans votre établissement ? Votre entourage ?

JPB : C’est une très belle histoire. Je n’ai pas écrit Un Endroit pour Vivre pour qu’il soit publié. Je l’ai écrit pour une classe de Terminales Euros (à qui le livre est dédié) que j’avais beaucoup de mal à quitter, parce que je les avais suivis tout au long du lycée. Ils m’avaient fait plusieurs cadeaux, et moi, je ne savais pas quoi leur offrir en échange – la seule chose que je sache vraiment faire, je crois, c’est écrire des histoires, alors cette histoire est née ainsi. Je n’ai évidemment jamais connu cela autour de moi. Le texte a une résonance plus large et le fait qu’il ait été écrit en 2007 n’y est peut-être pas pour rien. Je voulais parler d’une révolte déterminée et douce à la fois.

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Son deuxième roman, Au rebond (Actes Sud Junior, Romans Ado, 2009),  est sans doute celui qui m’a le plus marqué à ce jour.

Il raconte l’histoire d’Alex et de sa mère qui vivent seuls en HLM. Le seul ami de l’adolescent est un partenaire de basket-ball, Christian. Lorsque que ce dernier ne donne plus signe de vie, Alex décide sur les conseils de sa mère d’aller sonner chez lui, tout simplement. Il y découvre une maison bourgeoise complètement dévastée.
Il s’agit ici d’une histoire d’amitié et d’entraide entre deux familles au bord du gouffre pour des raisons bien différentes. La relation entre Alex et Christian se noue d’abord sans rien savoir de l’autre puis dans la vérité… Les situations sont ancrées dans un quotidien qui rend le récit efficace et émouvant. Au final, on est loin de ce que laisse entrevoir la couverture et le résumé. JPB livre un texte réaliste, intimiste aussi et bouleversant.

Bouma : Comment réussissez-vous à traduire autant de situations, de sentiments ? et tout simplement, comment vous viennent les idées qui nourriront vos textes ?

JPB : Je ne sais pas comment je parviens à cela, ni si j’y parviens. En fait, je n’écris pas différemment pour les ados ou pour les adultes – ce qui m’intéresse, ce sont les êtres humains, leurs failles, leurs diamants, leurs réussites, leurs plantages…. J’observe beaucoup, j’écoute. Les idées naissent là, au milieu de mon quotidien.

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Puis JPB nous a livré Blog (Actes Sud Junior, Romans Ado, 2010), où la relation adolescent / adulte est encore largement explorée mais dans un tout autre aspect que Un endroit pour vivre.

Blog raconte à la première personne l’histoire d’un adolescent qui découvre que son père lit son blog. Pour lui c’est un acte de trahison, une violation de ses droits fondamentaux. La relation entre les deux hommes devient tendu au point de ne plus s’adresser la parole. Alors, comme pour rétablir un équilibre brisé, le père confiera ses carnets intimes à son fils, son passé, ses rêves oubliés et ses souvenirs.
Le texte est toujours subtile. L’adolescent en veut à la terre entière et la confrontation entre adulte et enfant est décrite de manière tout à fait convaincante ; on s’y croirait !

Bouma : Je m’y suis retrouvée moi-même dans ces sentiments explosifs, cette sensation d’être incompris. Vous êtes-vous, et plus généralement, vous inspirez vous de votre adolescence pour donner autant de crédibilité aux sentiments de vos personnages ?

JPB : Ce qui est intéressant c’est que, s’il y a bien quelqu’un à qui je m’identifie dans Blog, c’est au père… Les journaux intimes du père sont ceux que je tenais à l’âge de 17 ans, un peu remaniés pour coller à l’histoire, mais pas tant que ça. Donc, oui, je me suis inspiré de mon adolescence, mais pas pour le personnage auquel on pense d’emblée….

Avec ce roman vous abordez aussi beaucoup de questions liées à l’usage des réseaux sociaux et du virtuel en général. Était-ce une question importante à traiter pour vous ? Par rapport aux jeunes que vous côtoyez tous les jours ?

Concernant les rapports entre le réel et le virtuel, oui, j’avais envie de faire toucher du doigt aux ados ambiguïté qu’il y a à vouloir garder secret quelque chose qui est publié, c’est-à-dire, rendu public.

A priori vous ne tenez pas de blog public (ou en tout cas je ne l’ai pas trouvé). Vous ne vous servez pas de ce média pour une raison particulière ?

Je ne tiens pas personnellement de Blog parce que je n’en ai pas le temps, ni l’envie. En revanche, j’écris toujours sur mes journaux intimes – mais ils sont, comme leur nom l’indique, intimes.

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L’année 2011 a été prolifique pour Jean-Philippe Blondel avec la parution de deux titres pour adolescents chez Actes Sud Junior : (Re)play et Brise glace.

(Re)play est avant tout une histoire d’amitié et de musique. Le narrateur était membre d’un groupe de rock. Par flash-back, il nous raconte l’amitié rompue avec son meilleur ami, lui aussi membre du groupe. Et puis il y a sa reconstruction après la trahison ; comment retrouver le goût pour une passion étroitement liée à l’affection… La musique devient un personnage à part entière au fil du roman, presque à éclipser les blessures humaines.
Comme toujours le texte est court. Loin d’être un défaut, cela en deviendrait même une qualité si l’on ne s’attachait pas aussi facilement aux personnages créés par JPB et que l’on ne souhaitait pas rester avec eux un peu plus longtemps.

Quant à Brise Glace, il s’agit là aussi d’une histoire de reconstruction mais le drame qui s’y est joue est bien plus profond. Le roman de JPB porte la voix d’Aurélien, un adolescent mal dans sa peau, torturé, blessé, mais par quoi ? Au fur et à mesure, l’auteur nous dévoile quelques ficelles, notamment avec les slams composés par le jeune homme. Sa rencontre avec Thibaud, féru de poésie, sera déterminante pour la suite de sa vie.
Ce texte aborde les blessures de la vie, le questionnement adolescent et toute les remises en question liées à cette période. Une fois de plus, JPB émeut, bouleverse.

Bouma : Ces deux romans ont un certain nombre de points communs. La musique (le rock pour l’un, le slam pour l’autre), d’abord, y est omniprésente. Elle rythme la vie des narrateurs. Est-ce votre cas aussi ? Qui y-a-t-il dans votre lecteur cd en ce moment ? Mieux, si vous ne deviez écouter qu’un artiste, quel serait-il ?

JPB : Oui, la musique est indissociable de ma vie. Je ne peux pas écrire sans puisque je sélectionne un morceau pour chaque roman et que je l’écoute ensuite en boucle, pendant l’écriture. En ce moment, j’écoute Woodkid, mais je serais incapable de vous donner un seul nom d’artiste – je picore, je butine à gauche et à droite, dans tous les styles – et d’ailleurs, il y a bien longtemps que je n’ai plus de lecteur CD J

De plus, ces romans voient les adultes plus en retrait que dans vos précédents textes. Ils deviennent des personnages secondaires parfois précieux, souvent inutiles. Cette évolution traduit-elle une réflexion personnelle ?

Non, je ne pense pas que les adultes soient absents de ces deux romans – au contraire. C’est Francis qui sert de catalyseur dans (Re)play et toute cette agitation dans le lycée a lieu à cause de Franck Ménard ! Quant à Brise-Glace, les adultes sont bienveillants, mais impuissants – ou absents, parce qu’ils ont décidé de changer de vie.

Je disais donc que vous étiez un auteur prolifique (un à deux romans par an). Comment faites vous pour travailler si vite ?

Sinon, pour ma prolixité, eh bien, j’écris tous les jours, une heure par jour. Et il y a 365 jours dans l’année.

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Le prochain roman de JPB sortira au mois d’août toujours dans la collection Romans Ado d’Actes Sud Junior.

Double jeu met en scène la vie de Quentin. Le lycéen est changé établissement pour se donner une nouvelle chance. Mais il lui est très difficile de trouver ses marques dans ce nouvel environnement. Traverser une ville, parfois, c’est changer complètement de décors. Il passe de son quartier de banlieue et de son HLM à la salle de classe d’un lycée chic. Sa professeure de français l’initie au théâtre, lui donne un nouveau souffle… mais pour combien de temps ?
Dans la même veine que ses romans précédents, JPB sait raconter la société, ses travers et la façon dont ils se répercutent sur la vie de chacun. La dénomination des chapitres telle une pièce permet de rapidement comprendre l’organisation du roman et de le structurer de manière originale. JPB m’a conquise une fois de plus.

Bouma : Dans chacun de vos romans, vous explorez une activité artistique et/ou échappatoire : la réalisation dans Un endroit pour vivre, le basket dans Au rebond, l’écriture dans Blog et bien sûr la musique dans Brise glace et (Re)play… Dans quelles mesures influencent-elles votre écriture ? Entre votre travail quotidien de professeur, celui d’écrivain et votre vie de famille, trouvez-vous dans ces activités, tout comme vos personnages, la soupape nécessaire à une vie épanouie ?

JPB : J’explore les activités artistiques parce que ce sont dans ces domaines là que les adolescents se révèlent sous un autre jour que celui qu’ils arborent au lycée ou en famille – et puis je trouve que les activités artistiques construisent la personnalité, et que l’adolescence est une période de construction, c’est même LA période de construction.
Sinon, les différents domaines de ma vie interagissent et forment une cohérence – je suis à la fois mari, père, ami, prof et écrivain – aucune activité n’exclut l’autre. L’écriture n’est pas un exutoire. C’est un pur bonheur.

Je ne l’ai malheureusement pas encore lu mais ça ne saurait tarder. Si vous deviez me convaincre de le lire (même si ce n’est pas le cas), qu’en diriez-vous ? [A l’heure de ma dernière question je n’avais pas encore lu Double jeu, ce qui est maintenant chose faite].

Désolé, mais je n’aime pas convaincre quelqu’un de lire un livre je préfère que la rencontre se fasse naturellement. Parfois, dans les salons, il y a des gens qui s’arrêtent, prennent un de mes romans et lancent « donnez-moi envie de le lire ! », ma seule réponse c’est « donnez-moi envie de vous le confier ! »

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Au final, l’écriture de Jean-Philippe Blondel ne fait pas de fioriture. Pour moi, elle sait toucher les lecteurs avec peu de mots mais une justesse incomparable. Ses livres, et Au rebond en particulier, font partie de ces ouvrages que j’offre dès que j’en ai l’occasion. Je ne connais pas à ce jour une seule personne m’ayant indiquer avoir fait une erreur dans mon choix. Je conseille donc à toutes les personnes qui viendront lire cet article d’en faire de même car il serait franchement dommage de ne pas partager de si beaux moments de lecture.

Un très grand merci à Jean-Philippe Blondel pour sa disponibilité et sa gentillesse ; et un grand merci à Nathalie des éditions Actes Sud Junior pour avoir permis cette rencontre virtuelle.

Mes comparses et moi-même vous proposons des chroniques plus détaillés des ouvrages ci-dessus :
– Blog chez La Littérature de jeunesse de Judith et Sophie, Mélimélo de livres et chez Un Petit Bout de Bib
– Brise Glace chez Un Petit Bout de Bib
– (Re)play chez Un Petit Bout de Bib– Double jeu chez A lire au pays des merveilles

9 réflexions sur « Jean-Philippe Blondel, auteur de sentiments »

  1. Ravie de voir qu’un roman sort en août! Je suis une inconditionnelle de Blondel!
    J’aime ses mots et sa manière de présenter les sentiments, avec justesse et pudeur.
    Merci pour cette ITW!

  2. j’ai lu et aimé plusieurs de ses romans. je suis ravie de lire cet article qui m’en fait savoir plus sur lui. c’est parfois délicat de rencontrer ou connaitre un auteur dont on a bcp aimé les lignes, on peut se heurter à une certaine désillusion (ha, le lecteur et ses fantasmes sur l’écrivain). ça m’est arrivé plusieurs fois, bien moins souvent que de belles rencontres heureusement! merci pour cette découverte par procuration, son sourire sur la photo est plein de malice et de bienveillance!

  3. Un nouveau roman de Jean-Philippe Blondel !
    J’ai vraiment hâte de le découvrir.
    C’est avec avec des romans pour adultes (This is not a love song et Juke-box) que j’ai découvert cet auteur. Ce n’est qu’après que j’ai su qu’il écrivait aussi pour la jeunesse, avec toujours autant de talent (j’ai été vraiment touché par Brise-glace).
    J’aime beaucoup sa façon d’écrire et n’est jamais été déçue par la lecture de ses livres.
    Merci de nous avoir fait connaître un peu plus ce grand auteur.

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  8. Je connaissais JPB pour avoir lu et adoré (Re)play. Je viens de terminer Blog … Oh mon Dieu que c’est beau !! L’histoire, les personnages, les sentiments, les émotions !! J’en ai pleuré. Un roman magnifique dont je me souviendrais longtemps … Merci pour m’avoir fait découvrir ça !! C’est vraiment un auteur super qui écrit très très bien et dont on a envié chaque fois de lire les œuvres !

    • Contente d’avoir pu vous faire découvrir d’autres titres de cet auteur.
      En espérant qu’A l’Ombre du Grand Arbre vous permettra de faire d’autres belles découvertes.

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