Deux questions en une, pensez-vous qu’une critique doit être constructive et que pensez-vous des gens qui disent qu’un adulte ne peut pas critiquer un livre pour enfant car il n’est pas « la cible » ?
Za (Le cabas de Za) : Qu’entend-on par constructif ? Ce serait le genre de critique qui permettrait à un auteur d’avancer, d’évoluer ? Je ne suis ni écrivain ni illustratrice. Pour aller jusqu’à la caricature, je ne me vois pas faire une critique constructive, d’un album de Ponti que je n’aurait pas aimé ! Argumenter, en revanche, c’est autre chose.
Quant à la deuxième partie de ta question, il ne faudrait pas être naïf, les vraies cibles de nombre de livres pour enfants ne sont pas les enfants eux-même mais leurs parents. Qui a déjà vu un minuscule de deux ans réclamer un album sur le pot ? Un petit bout de trois ans faire un gros caprice pour avoir un livre qui traiterait la mort d’un proche ? On peut, on doit, en tant qu’adulte, critiquer les livres pour enfants, ne serait-ce que pour mettre les petits lecteurs à l’abri de la médiocrité…
Hérisson (Délivrer des livres) : Comme Za je ne me vois pas faire une critique constructive dans le sens où je donne des conseils à un auteur par exemple sur son écriture… après mes avis peuvent être constructifs dans le sens où ils apportent quelque chose aux lecteurs ou futurs lecteurs, et c’est plus cela mon objectif!
Les critiques de livres jeunesses par adulte sont parfois décriées et pourtant le monde du livre jeunesse ne peut pas se passer des adultes. De l’auteur à l’acheteur tous les intermédiaires sont adultes, même si le consommateur final, celui qui est la vraie « cible », est un enfant. Quand un adulte donne un avis sur un livre jeunesse il le fait bien sûr avec son expérience et son regard d’adulte, mais je crois que tous les adultes qui donnent leur avis sur des livres jeunesses le font parce qu’ils ont une sensibilité particulière envers cette littérature. Etude, métier ou simplement expérience familiale, les blogueurs « jeunesse » ne sont pas si éloignés que ça de la cible de ces livres!
Ensuite, l’adulte n’est pas la « cible » de l’histoire mais il est le réel prescripteur. Le porte-monnaie pour acheter le livre appartient à l’adulte et de ce fait cela lui donne un droit de regard sur les lectures des petits bouts. Et nous dans tout ça ? En tant que bloggueurs adultes ? Dans ce cas on revient à la question de la légitimité de la littérature jeunesse ? Ce sont des adultes qui écrivent et illustrent les histoires, pourquoi n’aurions nous pas le droit de les lire. Quand est-il du magnifique travail de La Joie par les Livres devenue le département jeunesse de la Bibliothèque Nationale de France ? Il publie des critiques, des essais, des analyses sur la littérature de jeunesse… et ce sont des adultes !
Et puis ceux qui posent cette question n’ont pas gardé leur âme d’enfant et c’est fort regrettable.
Quant à la légitimité d’un adulte à critiquer les livres pour enfants, elle est pour moi normale. Ce sont d’abord des adultes qui les imaginent, les conçoivent et les fabriquent. Et quand on aime la littérature jeunesse, on aime aussi les enfants, le public dit « cible » de cette littérature. Cela pose aussi le débat récurrent sur la littérature jeunesse : est-elle une vraie littérature ? J’aurai envie de dire que tous les adultes devraient lire de la littérature jeunesse, cela changerait leur regard sur la lecture tout simplement.
Pas forcement…nos critiques sont purement subjectives, et c’est ça qu’on revendique autant qu’un « lecteur-non-formé-à-la-critique-de-la-littérature-jeunesse ». On revendique la possibilité de dire du mal des livres, suivant notre ressenti personnel, donc subjectif. J’espère, que nos critiques sont en même temps constructives pour les auteurs…
Ensuite, je ne pensais même pas qu’il y avait des personnes qui trouvent que des adultes ne devraient pas juger les livres pour les enfants.Comme vous l’avez déjà dit , c’est les adultes qui choisissent la plupart de temps les lectures de leurs enfants. Et les albums pour les enfants peuvent toucher tout le monde, petits et grands. Une belle occasion d’échange avec les enfants.
Ensuite,quand on parle de romans jeunesse c’est parce qu’on les lit, on les aime ou pas, tout comme les ados qui lisent les romans estampillés « adulte » .
Pour ce qui est de « tu es un adulte donc tu ne peux pas critiquer un livre pour enfants » je l’ai lu plusieurs fois… et toujours sur des critiques négatives, c’est drôle… Quand on dit du bien on est tout de suite plus légitime ! Sur le blog du cimetière des lénifiants par exemple je l’ai lu à plusieurs reprises. Moi on me l’a dit aussi… Comme je dis toujours de la même façon que nous éduquons leurs goûts en terme de nourriture (les enfants, s’ils n’y avaient qu’eux à choisir, ne mangeraient que des pâtes ou des frites !) nous nous devons d’éduquer le goût des enfants en matière de littérature (ils ont quand même souvent tendance à aller vers les livres qui « clignotent » quand même…).
Pour ce qui est de cette question sur la cible des livres pour enfants, je rejoins les autres qui disent que la cible, c’est avant tout les adultes. C’est bien connu que les éditeurs pensent le livre pour plaire aux acheteurs, qui sont rarement les enfants. Pour ce qui est du blogueur en littérature jeunesse, je pense que c’est comme tout. Certes les livres sont destinés aux enfants, mais en tant qu’adultes, on peut aussi acquérir une véritable culture dans ce domaine qui nous permet de pouvoir les critiquer. A mon avis, nombre de blogueurs en littérature jeunesse sont prescripteurs par ailleurs : parents, bibliothécaires, instits… ; et donc on a souvent un minimum de contact avec les enfants qui nous permettent de dire ce qui fonctionne ou non.
Quant à savoir si l’adulte a le droit de critiquer, bien oui! Entre le livre et l’enfant, il n’y a d’ailleurs que des adultes: l’auteur, l’illustrateur, l’éditeur, le distributeur, le libraire, le bibliothécaire, le parent, l’enseignant! Chacun, à son niveau, fait sa critique et décide de promouvoir tel titre qu’il juge de qualité. Le rôle du blogueur s’inscrit dans cette optique, celle du « passeur ». Comme le proclame l’éditeur François Ruy-Vidal:
« Il n’y a pas d’art pour l’enfant, il y a de l’Art. Il n’y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme. Il n’y a pas de couleurs pour enfants, il y a les couleurs. Il n’y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature. En partant de ces quatre principes, on peut dire qu’un livre pour enfants est un bon livre quand il est un bon livre pour tout le monde. »