A l’occasion de notre lecture commune de Coeur de bois, nous nous sommes posées la question de savoir quel écho, cet album pouvait avoir auprès des enfants. C’est en toute simplicité que nous leur avons mis le livre entre les mains et que nous avons recueilli leurs premières impressions.
Pour T., Grand-pilote de 7 ans :
C’est une impression de tristesse qui domine à la fin de cette lecture.
« Le loup, ses enfants ne le reconnaissent plus, ne veulent plus de lui. Et puis il est handicapé. Il ne pèse pas plus qu’un fagot de bois. »
Le personnage qui a donc le plus apitoyé ce petit d’homme, c’est ce vieillard impotent qui crève de solitude. Quant à Aurore, « Je la trouve très prétentieuse quand elle dit : « La plus belle, c’est moi. »
Quand on lui a demandé si cette histoire ne lui rappelait pas une autre histoire, il m’a répondu « non ». Et puis quand je lui ai suggéré qu’il y avait peut-être un rapport avec Le Petit chaperon rouge il a énuméré toute une liste de contre-arguments :
» Pas du tout , D’abord le loup est mort à la fin du petit chaperon rouge, on lui a ouvert le ventre pour le remplir de pierres, il ne peut donc avoir vieilli. Et puis, le Petit Chaperon rouge n’a pas de prénom, il est brun et il ne porte que du rouge et là l’héroïne s’appelle Aurore, elle est blonde et elle porte du noir ».
Au final, T. a aimé cette histoire mais il trouve qu’elle a été coupée en plein milieu !
« C’est dommage » ‘a-t-il dit « qu’on ne sache pas ce qui se passe ensuite. »
Pour M., 16 ans grande lectrice de tout ce qui lui tombe entre les mains :
Une lecture en demie -teinte pour cette ado : « Il est bien cet album, mais dés que j’ai vu le loup, je me suis dis que c’était une adaptation du Petit Chaperon rouge. »
« Ce qui me pose question c’est de comprendre pourquoi Aurore est si gentille. Elle s’ennuie en fait ? Car c’est évident, elle n’a pas pardonné et et elle n’est pas si forte qu’elle le prétend, on dirait qu’elle se sent obligée de l’aider. Pourquoi ? »
Quand on lui demande de réagir sur la dernière remarque de T. qui aurait aimé connaitre la suite de l’histoire, elle répond : » Au contraire, pour moi cette histoire elle a été trop loin, les auteurs auraient du s’arrêter quand on voit le loup. Ils auraient du laisser planer le doute pour que l’on s’imagine ce que l’on veut, là c’est presque trop évident. »
Au final, elle note la qualité globale de l’ouvrage et le travail de l’illustrateur sur la construction cinématographique de l’album avec le changement de plan et de point de vue à chaque pages tournées.
Comme nous, elle s’interroge sur le public visé et « l’interprétation de cette lecture qui sera sûrement différente par des enfants plus jeunes ».
Pour H., 17 ans, lectrice en tous genres et écrivaine à ses heures :
Première parole dès la lecture : « Ce n’est pas un livre pour enfants je trouve. Très sombre, à la limite de l’angoisse. On reste longtemps en suspens et puis une page suffit à comprendre. Enfin, presque….parce que l’explication va jusqu’au bout et elle vous gifle. »
Et les personnages, ils t’évoquent quoi ? « Le conte du Petit chaperon rouge bien sûr mais j’ai trouvé que les deux personnages sont à pied d’égalité, pas pour les mêmes raisons. Le loup, même faible physiquement, a une sorte d’aura invisible. Aurore, elle m’impressionne beaucoup par sa volonté extrême : elle s’excuse presque d’en être arrivée là, elle n’existe que par le loup dans cette forêt. Elle puise sa force dans ce souvenir. J’ai eu peur que ça déraille entre eux à cause de la tension, mais non. Il y a beaucoup de respect entre eux.
Ton mot de la fin ? « C’est un album troublant je trouve, qui interpelle et qui reste dans la tête à cause des mots dits et des images si fortes. »
La petite sœur, F. 15 ans, quant à elle, le trouve « vraiment bien, très fort bien sûr mais je pense que des enfants de 8-9 ans peuvent le lire. 5 ans, non, c’est trop jeune. Et il est waoouh ! Après la lecture, on est un peu sonné. Faut le lire plusieurs fois en fait. J’ai beaucoup aimé la morale de la fin. Elle dit tout pour moi. Ça fait drôle aussi de voir ces personnages de conte si différents. On imagine pas du tout ça. »
Rajoutons l’avis de Régis Lejonc, illustrateur, qui a gentiment réagit à notre lecture commune :
« Pour répondre à la remarque de l’âge du lecteur visé, j’étais comme vous, plutôt à penser qu’il s’agissait sans doute d’un album plus adulte… jusqu’à ce que je rencontre 3 classes depuis sa parution.
CP et CE… et ils ont tout compris, ont les références et savent, déjà ce que sont les cicatrices du corps et de l’âme.
Bluffé j’étais ! »
Voilà des avis enrichissants qui ont pu légèrement secouer la lecture analytique de certains adultes.
La lecture à voix haute réalisée pour T. Grand-pilote de 7 ans, a aussi révélé le niveau de langue parfois un peu familier, détail auquel nous n’avions pas fait attention jusque-là. Mais au delà des quelques familiarités, c’est le niveau de langue général, le vocabulaire particulièrement soigné, qui renvoie souvent au monde des adultes, qui est apparu dans toute sa particularité à l’occasion de cette lecture à haute voix.
Dans touts les cas l’avis des plus jeunes est unanime : ce n’est clairement pas un livre pour les petits mais pour les grands de 7 à 17 ans…. comme eux.
Une question qui reste ouverte et pour laquelle nous vous proposons de vous faire votre propre avis …
Bonne lecture