Lecture commune – La petite marchande de rêves

« – Je suis désolé, s’excusa l’arbre, je n’ai même pas une feuille à te donner pour t’essuyer.  C’est moche, cette horrible saison d’automne.  Tout mon feuillage est tombé et me voilà nu comme un ver. »

(Malo rencontre Arthur, le chêne philosophe – La petite marchande de rêves, page 31)

Inconditionnelle des titres de Maxence Fermine, quelle ne fut pas ma joie lorsque j’ai appris qu’il allait sortir un premier titre jeunesse… L’occasion de le découvrir dans ce nouveau registre et de partager cette découverte avec mes comparses d’A l’ombre du grand arbrePépita – MELI-MELO de livres…, Bouma – Un Petit Bout de Bib(liothèque), Sabaha – De pages en pages, Drawoua – Maman Boabab et Kik – Les lectures de Kik ont répondu présentes…  ainsi que l’auteur lui-même qui nous fait le plaisir de répondre à quelques-unes de nos questions en fin de billet !

Une belle façon pour nous de terminer cette année 2012 sous le signe du rêve et vous en souhaiter tout autant pour 2013 !

 

Maxence Fermine, La Petite Marchande de rêves, Editions Michel Lafon, 2012

Céline – Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse: Pour Maxence Fermine, La petite marchande de rêves est une première incursion dans l’univers de la littérature jeunesse. On apprend dans sa dédicace que ce récit lui a été inspiré d’un rêve d’un de ses enfants… En quelques mots, quelle histoire nous conte-t-il ?

Pépita  : On y fait la connaissance de Malo, qui est sur le point de fêter ses onze ans. Un accident, le jour de son anniversaire, va le faire basculer dans le Royaume des Ombres où il va rencontrer Lili, la petite marchande de rêves. Ils vont vivre une quête entre rêve et réalité.

Bouma : C’est un voyage initiatique dans un pays dont Malo ne connaît pas les règles et dans lequel les habitants sont plus extraordinaires les uns que les autres. Ce roman, c’est un peu Alice au pays de Tim Burton !

Sabaha : Il s’agit d’un voyage initiatique où rêve et réalité finissent par se rejoindre. Nous y suivons Malo au royaume des ombres sans trop savoir où ça nous mènera, ce qui est très agréable. Un petit côté « Alice » plein de surprises pas déplaisant…

Nous sommes visiblement toutes d’accord sur la filiation entre ce titre et ce classique qu’est Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Bouma parlait, elle, d’Alice au pays de Tim Burton. Quels points communs voyez-vous entre ces deux voire trois univers ? Ces similitudes vous ont-elles plu, déplu, gênées… ?

Bouma : Pour moi c’est le côté sombre, inquiétant et en même temps merveilleux qui m’a fait penser à Tim Burton. Chaque chapitre nous permet de découvrir un nouveau personnage, et tous ont en commun d’être inexistants dans la réalité. Je pense à l’arbre qui parle, au magicien Septimus, au marchand de jouets manipulateur… Cet univers m’a beaucoup plu, dommage qu’il ne soit pas plus approfondi.

Drawoua : J’adopte tout à fait le côté Alice au pays de Tim Burton, c’est une belle façon de peindre l’univers dans lequel Maxence Fermine nous fait entrer, sur les pas de Malo. Le côté Tim Burton interpelle dès la couverture avec la remarquable illustration de Louise Robinson. Ensuite les choses se concrétisent dans le texte avec le passage dans un autre monde, une autre dimension – réelle ou imaginaire ? – et la rencontre de tous les personnages. C’est une belle impression textuelle à la croisée de deux univers Caroll / Burton. J’en ai aimé l’écho, d’autant plus que l’auteur parvient à écrire une autre histoire.

Sabaha : Rien que le fait qu’il « tombe » dans un trou (en fait il est plutôt aspiré) et passe dans un monde parallèle rappelle Alice au pays des merveilles. Mais il n’y a pas que ça. L’univers dans lequel Malo arrive est complètement décalé, voire loufoque. Il y rencontre des êtres et des choses impensables (que seul un enfant est capable d’accepter sans se poser de questions, ai-je même envie d’ajouter) et enfin, il ne sait pas comment quitter cet endroit.  Effectivement, l’univers décrit est bien plus sombre et peu avoir un côté « Tim-Burtonien » qui n’est pas déplaisant. En tout cas, l’ambiance est particulière (et particulièrement réussie) et entretient le suspense. Pari réussi pour l’auteur, donc, qui parvient à créer un univers bien à lui avec ce conte.

Pépita : Le parallèle avec Alice au pays des merveilles et Tim Burton, oui, pourquoi pas ? Même si je trouve que les univers de Lewis Caroll et de Tim Burton sont nettement plus élaborés que dans le livre en question… Est-ce vraiment un livre « à la manière de… » ?

Bouma : En fait, je ne pensais pas « à la manière de… » mais plutôt dans l’ambiance…

Pépita : Je comprends bien ce que tu veux dire par « ambiance » Bouma. Mais je trouve qu’il y a peu d’interactions entre les personnages dans ce livre. C’est toujours triangulaire : Malo, Lili et le personnage introduit dans chaque chapitre. Ce qui donne un effet statique au livre. Dans Alice au pays des merveilles, les relations sont nettement plus complexes, et dans Tim Burton, n’en parlons même pas !

Bouma : Je suis totalement d’accord en ce qui concerne la complexité du récit chez Caroll et Burton, c’est d’ailleurs pour ça que je tenais à repréciser ma pensée.

Kik : Il y a la chute libre. Il y a l’arbre. Il y a le chat. Il y a les personnages un peu … particuliers… Mais comme il a été dit précédemment, le monde imaginaire est loin d’être aussi riche que la Pays des merveilles d’Alice.

A vous lire entre les lignes, je sens poindre une certaine déception… Pouvez-vous chacune préciser en quoi ce titre n’est peut-être pas à la hauteur de vos attentes ?

Pépita : J’ai trouvé l’idée de départ très chouette : cette histoire est inspirée d’un rêve d’une des filles de l’auteur. La couverture est magnifique ! Le titre évocateur. Le début de l’histoire semble prometteur, mais… très rapidement elle s’effiloche en une suite de portraits de personnages plus ou moins bien réussis avec une construction identique (rencontre dans un lieu différent du précédent, description du personnage à travers quelques dialogues, l’objet de la présence des deux enfants expliquée, tentative de résolution qui échoue à moitié et départ vers un autre personnage). Du coup, la trame est longue à se mettre en place. Et c’est très répétitif. C’est dommage, car il y a de belles trouvailles.

Kik : Après l’arrivée dans ce monde étrange, j’aurais aimé plus de rebondissements. Il y a une quête mais pas de celles qui prennent aux tripes et pendant lesquelles on angoisse et on jubile avec le héros, lors des défaites ou des réussites. Chaque étape de la quête se passe. Et voilà ça passe, dans un décor original certes, mais le peu d’intérêt de l’histoire en elle-même, ne met pas en valeur le monde imaginaire créé.

Drawoua : Je suis relativement d’accord avec vous, cependant j’ai aimé le livre et ce n’est pas contradictoire. La facilité de la trame narrative et son rythme vont permettre à de jeunes lecteurs de pouvoir s’y intéresser rapidement. L’éditeur indique 9 ans, je pense qu’un bon lecteur de 8 ans peut aborder son grand premier roman avec « La petite marchande de rêves », et nous ne sommes pas des lecteurs de 8-9 ans. Je découvre l’auteur avec ce livre et j’ai vraiment envie de lire Neige qui le précède.

Bouma : J’ai trouvé le récit long à démarrer. La petite marchande de rêves (qui est quand même le titre du roman) n’arrive qu’à la seconde moitié du livre. L’écriture de Maxence Fermine est fluide, agréable. Il signe là son premier roman pour la jeunesse et cela se sent. J’ai eu l’impression qu’il simplifiait son récit pour s’adresser à son public et ce n’est pas à ça que correspond la littérature jeunesse.

Sabaha : J’ai aimé le livre même si, tout comme la plupart d’entre vous, j’ai été un peu frustrée.  Il manque un je ne sais quoi… L’impression que l’univers (sympathique) mis en place n’est pas suffisamment exploité. En revanche la simplicité du livre le rend accessible aux plus jeunes et là cela devient tout à fait positif. Le livre est tout à fait intéressant pour un public « jeunes lecteurs », que ce soit en termes de contenu, de vocabulaire ou d’intrigue.

Céline : Malheureusement, je partage votre déception. Celle-ci est d’autant plus grande que j’adore les titres adultes de Maxence Fermine – Neige est un petit joyau où tout est ciselé à la perfection : l’histoire, les mots, la morale à tirer… Je m’attendais à autant, si pas plus, pour un titre jeunesse…

Il ne faudrait cependant pas jeter l’enfant avec l’eau du bain ! Et notre regard, comme le souligne Drawoua, n’est pas celui du lecteur cible ! De plus, malgré les faiblesses voire les incohérences de l’intrigue comme du dénouement, ce titre n’est pas dénué de trouvailles intéressantes. Lesquelles, selon vous ?

Pépita : Certains personnages comme l’arbre et sa philosophie, le magicien Septimus et son langage si particulier m’ont beaucoup plu. Tout comme les petites boîtes à rêves de Lili et leur chasse avec des filets à papillons dans le cimetière. La visite de Paris en miniature est une très belle trouvaille aussi. Le dernier personnage du SDF en quelque sorte également : mais j’ai trouvé qu’il aurait pu avoir plus de profondeur, le message qu’il délivre est très positif mais cela reste incachevé. Du moins est-ce mon avis.

Bouma : Un grand coup de cœur pour le personnage de Septimus ainsi que celui de Mercator (le chat qui parle). L’idée de faire de ce monde un univers en noir et blanc m’a aussi séduite.

Drawoua : Comme vous, j’ai aimé les personnages que vous citez, j’ai adoré l’univers en Noir et Blanc, le filet à papillon et les rêves ou les cauchemars qui apportent des touches de couleur.

Sabaha : La force de ce petit roman réside, à mon avis, dans ses personnages qui sont très attachants.  Et puis le côté « univers parallèle » est toujours sympa, pour les grands comme pour les petits lecteurs. J’aime beaucoup aussi l’initiative de l’éditeur qui a intégré des illustrations de différents illustrateurs au fil du livre. (Dommage toutefois que la qualité d’impression de celles-ci ne soit pas totalement à la hauteur.)

Céline : Je partage ton avis Sabaha quant aux illustrations… Précisons que celles-ci sont issues d’un concours organisé par l’éditeur et que les illustrateurs n’avaient pour support qu’un bref résumé. Donc chapeau à eux ! Par contre, ils ne pouvaient fournir que des dessins en noir et blanc. Plutôt dommage lorsqu’on voit de quelle manière quelques touches de couleur subliment la 1ère de couverture !  Précisons encore qu’une des illustrations est signée Léa Fermine, probablement la fille de l’auteur à l’origine de ce projet.

Et vous, Pépita, Drawoua, Bouma et Kik, un avis sur ces illustrations ?

Pépita : J’ai trouvé cette idée originale et bien dans le ton du livre : inspiré d’un rêve d’enfant, quoi de mieux que des dessins d’enfants pour l’illustrer ? Mais quel dommage qu’ils soient si peu mis en valeur ! Et un peu de couleurs n’aurait pas nui, non ? Comme les boîtes à couleurs de la petite marchande de rêves.

Kik : J’ai été déçue par la qualité d’impression des illustrations à l’intérieur du livre, en comparaison avec la couverture. Elles auraient dû être mises mieux en valeur.

Bouma : Il n’y a pas que des dessins d’enfants parmi les illustrateurs choisis, et cela se sent. J’ai trouvé l’idée du concours intéressante, tout comme les univers créés par le travail des illustrateurs. Je regrette cependant que ce projet n’ait pas été pensé dans sa globalité pour donner une réelle valeur ajoutée au récit.

Sabaha : Que les illustrations soient en noir et blanc n’est pas choquant étant donné que c’est une pratique courante. En revanche, il y a un souci de contraste, globalement, ce qui ne permet pas de les apprécier pleinement.

Pour conclure , une phrase ou un passage préféré à partager ?

Pépita : Mon passage préféré : quand Malo tombe Au pays des ombres et qu’il rencontre l’arbre. Leur dialogue est plein de bon sens. J’ai été très heureuse de les retrouver se parler à un autre moment du livre.

Bouma : Je citerais Septimus le magicien qui m’a fait grand effet (comme je le précisais plus haut) :

« J’allais me tricoter une tasse de passiflore. Que diriez-vous de la glouglouter avec moi ? Votre campagnonnage me changera de celui de mes pachas et mes vizirs. Excusez moi si ça claxonne un peu, mais j’ai oublié de serpiller leur boîte à cacamou. »

Drawoua : J’ai beaucoup aimé le passage dans lequel les deux enfants vont à la chasse aux rêves dans le cimetière, avec leur filet à papillon. La rencontre avec le clochard céleste est un joli moment de poésie également, le contemplatif d’étoiles, celui qui n’a que faire de tous ses brouzons (la monnaie) et qui trouve son bonheur dans les cieux, dans les étoiles « .

Sabaha : Le langage particulier de Septimus m’a beaucoup amusée (oui, je suis un grand enfant, au fond…).

Le mot de la fin ?

Kik : Je ne connaissais pas encore cet auteur, j’ai été enchantée par l’univers créé. Par contre, l’histoire en elle-même manquait de quelque chose pour que je sois captée réellement. Je suivrai avec attention la parution des prochains livres pour la jeunesse de cet auteur, pour les lire, car par l’intermédiaire des co-lectrices d’ALODGA, j’ai eu de très bons échos pour les autres livres de cet auteur. Affaire à suivre…

Bouma : J’ai vraiment apprécié l’univers inventé par Maxence Fermine même si je ne suis pas aussi enthousiaste sur la totalité du livre. Et puis, je serais curieuse de connaître l’avis de jeunes lecteurs qui se situent dans la tranche d’âge visée pour le confronter à mon point de vue d’adulte.

Drawoua : Avec La Petite Marchande de rêves et en compagnie de Malo, c’est une belle promenade dans l’imaginaire, dans la poésie, dans le rêve que nous propose l’auteur. C’est aussi en filigrane, la quête du bonheur.

Sabaha : Je connaissais cet auteur, mais c’est toujours agréable de découvrir une autre facette. Je trouve ce premier essai plutôt réussi et me tiendrai au courant des parutions jeunesses à venir de cet auteur.

Enfin, cette lecture a suscité de nombreuses questions.  Nous les avons posées à l’auteur.   Voici ses réponses: 

ALDGA : Vous êtes surtout connu pour vos titres adultes. Ecrit-on différemment pour les petits que pour les grands ? Quelles surprises cet exercice vous a-t-il réservé ?

Maxence Fermine : Ecrire pour la jeunesse est pour moi une récréation entre deux romans adultes. L’imaginaire créé permet plus de fantaisie. Un peu moins de gravité et de sérieux aussi. Mais il est vrai que ce n’est pas plus facile pour autant. Il faut simplement retrouver son âme d’enfant et se faire plaisir avec un univers merveilleux.

ALDGA : Nous savons grâce à votre dédicace que ce titre s’inspire directement d’un rêve d’une de vos filles. Au fil de la lecture, avez-vous discuté des aventures de la petite marchande de rêves avec elle ? Lui avez-vous demandé son avis ? Vous a-t-elle fait des commentaires qui ont orienté votre écriture ? A-t-elle lu le texte final ?

Maxence Fermine : Ma fille Léa m’a inspiré l’image des bulles de rêves s’échappant d’une tombe dans un décor en noir et blanc. Le reste, je l’ai inventé. Bien sûr qu’elle l’a lu et aimé, même si le livre s’adresse à un public plus jeune car elle a bientôt 17 ans. C’est donc ma seconde fille Julie, âgée de 11 ans, qui l’a le plus apprécié.

ALDGA : Ce roman, c’est un peu Alice au pays de Tim Burton ! Etes-vous d’accord avec cette définition ?

Maxence Fermine : Alice au pays des merveilles façon Tim Burton. Pourquoi pas ? J’aime beaucoup ces deux univers. C’est plutôt flatteur comme comparaison. Même si je n’y pense pas lorsque j’écris, me contentant de faire du Maxence Fermine, si cela veut dire quelque chose…

ALDGA : Avez-vous eu un droit de regard sur le choix des illustrations ? Ne regrettez-vous pas qu’elles soient exemptes de la moindre touche de couleur ?

Maxence Fermine : Nous étions trois à choisir les illustrations, mes deux éditeurs et moi. Un choix difficile. Le choix du noir et blanc a été fait par l’éditeur pour des raisons pratiques. Mais comme il s’agit d’un univers en noir et blanc (à quelques exceptions près), cela allait de soi.

ALDGA : Avec « La petite marchande de rêves », vous signez votre tout premier roman jeunesse. Avez-vous d’autres projets dans ce domaine ? Peut-être une suite aux aventures de Malo et de Lili ?

Maxence Fermine : J’ai beaucoup aimé cette première expérience, et même si j’ai conscience de n’être qu’un débutant en roman jeunesse, je pense donner une suite à cette histoire (3 volumes en tout). L’objectif pour moi est simplement de retourner au pays de l’enfance, dans un pays enchanteur, et de laisser libre cours à mon imagination. Si certains ont la gentillesse de partager mes rêves, j’en suis enchanté.

 

Pour aller plus loin, les billets des unes et des autres :

Pour La Petite Marchande de rêves:

D’autres titres de l’auteur (en littérature « adulte »):