Lecture commune : On n’a rien vu venir

Un dimanche de pluie, nous avons eu la bonne idée de nous réunir autour de petits gâteaux (merci Dorota, tes muffins étaient fameux) et d’un thé. On s’est dit : « tiens si on débattait sur un livre qu’on est plusieurs à avoir lu ». On s’est mis d’accord pour que ça soit On n’a rien vu venir de Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Annelise Heurtier, Agnès Laroche, Fanny Robin, Séverine Vidal et Anne-Gaëlle Balpe et préfacé par Stéphane Hessel. Il était logique de se mettre à plusieurs pour commenter un livre écrit à plusieurs non ? Nous recommencerons chaque premier jour du mois cet exercice, mais la prochaine fois on ne fait pas ça chez moi car c’est un peu petit…

Gabriel (La mare aux mots) : Alors les filles… ça parle de quoi ce roman ?

Céline (Qu’importe la flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse) : « On n’a rien vu venir » parle de l’arrivée au pouvoir d’un parti liberticide et des changements que cela va occasionner pour 7 familles parmi d’autres. Le Parti décide de tout : de ce que vous pouvez ou non manger, des chansons que vous pouvez ou non chanter et du nombre de décibels que vous ne pouvez dépasser, de la couleur des vêtements à porter, de l’heure à laquelle vous réveiller, etc. A l’école, les élèves sont classés par niveau de docilité et des Vigilants veillent à faire respecter le nombre incalculable de nouvelles règles. Des caméras sont installées au sein des familles « à risques ». Pire, le pouvoir en place encourage la délation; tous ceux qui dépassent le nuancier des couleurs sont renvoyés dans des pays où ils n’ont jamais mis les pieds; les handicapés sont placés dans des centres adaptés; les homosexuels, dans des centres de rééducation morale… Et pourtant, personne n’avait rien vu venir… Petit à petit, la résistance s’organise.

Dorot’ (Les livres de Dorot’) : Ce livre met l’accent sur un problème majeur : on peut se faire embobiner par les beaux parleurs, en croyant en leurs discours, et tout ça avec la majorité d’une population!

Gabriel (La mare aux mots) : Quelqu’un reveut du thé ? Bon et sinon qu’avez-vous préféré dans ce roman ?

Carole (3etoiles) : Le concept des 7 voix, 7 mains, 7 sensibilités unies vers un but commun : le non-consensus. Le sujet à débattre et à discuter en famille, en classe, entre copains. 7 mains talentueuses tendues vers la prévention, l’éveil à la foi sociale et politique des plus jeunes, le réveil tardif de certains déjà bien grands… L’écriture est salvatrice, la lecture démocratique. C’est un hymne à la République, à ses valeurs, à ses symboles. Un roman d’utilité publique à mon avis.

Letterbee (Butiner de livres en livres) : Ce que j’ai préféré, c’est dur à dire, il y a plusieurs points qui me viennent à l’esprit. J’ai apprécié qu’elles retranscrivent la tension de l’action sans faire appel dans les récits à des descriptions de violence physique (sauf une fois mais légèrement.) Pas besoin de flots d’hémoglobine pour que l’on ressente tout le danger de l’histoire. Outre la grande qualité que ça apporte au roman, cela permet de le faire lire à de jeunes lecteurs.

Anne (Enfantipages), qui passait par là : S’il faut choisir : J’ai adoré l’idée du nuancier ! Son originalité et sa force imagée…

Céline (Qu’importe la flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse) : Le fait qu’il s’agisse d’un livre engagé où, avec des mots simples mais des images fortes, les sept auteures mettent en garde contre les partis qui avancent masqués… Le message est clair: si l’on n’y prend garde, si on se laisse bercer par des propos démagogiques, populistes, on peut amener démocratiquement au pouvoir un parti qui ne l’est pas! A l’issue de la lecture de cet ouvrage où chacun se sentira à un moment ou l’autre personnellement concerné, on ne peut que s’interroger sur nos choix et nos non-choix… Les illustrations d’Aurore Petit, en noir et rouge, apportent encore davantage de poids à ce qui est dit. On s’inscrit ici explicitement dans la démarche: « De l’enfant lecteur au libre électeur »!

Aurélie (Royaume des livres) : L’écriture des chapitres en voix différentes. Ce mélange d’auteurs, organisés avec une chronologie commune, un fond commun, un mélange de personnages qu’ils ont su faire se croiser, se connaître, se juger parfois. Cette façon de faire vivre chacun un personnage tout en restant fidèle à la trame commune, en harmonie avec la voix des autres auteurs. Cette progression des récits avec le temps, chacun son tour, ce que j’ai trouvé assez original là où je m’attendais à avoir 7 voix différentes du même moment (dans le style d’Une histoire à quatre voix d’Anthony Browne). Bref, la collaboration de ces 7 talentueux auteurs.

Dorota (Les livres de Dorot’) : Je rejoins de très près l’avis d’Aurélie et de Carole. Sinon, j’ai bien aimé le fait que les auteurs montrent chez certains personnages de l’histoire comme un éveil de la conscience. Certains se sont laissé berner par cette partie, mais une fois « réveillé » ont une envie de le dire et essayer de changer les choses avec les autres.

Corinne (De pages en pages) : J’ai tout aimé dans ce livre ! D’abord, la façon dont il est construit. Les styles d’écriture sont différents mais s’imbriquent parfaitement et se complètent pour rendre chaque chapitre plus crédible. Ensuite, la façon dont le sujet est traité. C’est tellement rare de trouver des textes aussi bien ciblés. Il s’adresse aux tout jeunes lecteurs et est parfaitement adapté à sa cible.
Enfin, le ton ! On passe presque du rire aux larmes et ça, c’est un beau tour de force.
Petite mention spéciale aux nuanciers quand même, c’est trop fort comme idée !

Gabriel (La mare aux mots) : Y’a pas un truc qui crame dans le four ? Ça sent bizarre… Il n’y a que du positif dans vos avis ! Il n’y a rien que vous avez moins aimé, sur lequel vous auriez des réserves ?

Dorota (Les livres de Dorot’) : Difficile pour moi de répondre à cette question, vu que j’ai adoré ce livre avec tous les récits qui le composent. La seule chose qui m’a dérangée c’est le fait que les évènements arrivent immédiatement après les élections, le soir même, trop vite. Et, personnellement je n’aime pas la couverture. J’aurais aimé voir dessus les visages de toutes les couleurs, un petit clin d’œil à la partie de la « Liberté ».

Corinne (De pages en pages) : Ce que j’ai moins aimé (notez la nuance hein !) : le fait que les chapitres soient découpés chronologiquement par jour et que ces jours se suivent (qui plus est sur une seule semaine*). C’est la seule chose qui, à mes yeux, n’était pas très crédible puisqu’on faisait un bout de chemin (parfois long) dans chaque environnement. Certes, cela ramène chaque fois plus ou moins au point de départ (le résultat des élections), mais malgré tout, je pense que ce n’était pas nécessaire. À part ce détail, je n’ai absolument rien à reprocher à cet excellent roman.

Céline (Qu’importe la flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse) : En réalité, j’ai TOUT aimé: de la préface mobilisatrice de Stéphane Hessel à l’épilogue empli d’espoir de Séverine Vidal en passant par les sept récits qui visent en plein dans le mille en évoquant des thèmes qui font débat dans nos sociétés, des sujets chauds liés au droit à la différence: la vieillesse, la couleur de peau (et ce fameux nuancier dont parle Corinne), la personne handicapée, l’homosexualité,… Le changement de plume ne nuit en aucun cas à la fluidité du texte. Les récits s’entremêlent et les personnages sont tous liés. Le tout forme donc un ensemble cohérent, agréable à lire. Un véritable coup de cœur en ce qui me concerne!

Aurélie (Royaume des livres) : A moi, ce que j’ai le moins aimé, enfin si on le peut dire comme ça… :  Il y a eu la voix d’un jeune garçon, dont les parents ont voté pour le parti de la Liberté, mais j’aurais trouvé cela intéressant d’avoir également la voix d’un jeune qui était lui aussi pour le parti de la Liberté, pour voir ce qu’il ressentait des obligations que le parti avait mises en place et qui ne correspondaient peut être pas à ce qu’il s’attendait en votant pour lui. Le parti de la Liberté est allé bien plus loin que les promesses faites avant l’élection, ceux qui ont voté pour lui auraient-ils regretté leur choix ?

Carole (3etoiles) : en ce qui concerne le petit moins du livre : je rejoins Corinne sur le fil chronologique, même si 7 jours correspondent aux 7 auteurs… En fait ça me fait trop penser aux 7 jours de la création selon la Bible, ou 7 jours de rétractation après signature… ça reste tout de même cohérent et ça n’a pas empêché la fluidité de la lecture.

Letterbee (Butiner de livres en livres) : Je n’ai aucun bémol à apporter, j’ai adoré le livre de bout en bout.

Gabriel (La mare aux mots) : Même quand vous dites du mal vous dites : « c’est pour dire du bien » ! Bon et vous le conseilleriez à qui ?

Letterbee (Butiner de livres en livres) : C’est un livre que je peux conseiller et d’ailleurs que je conseille à tout le monde. À mon avis, il peut se lire à partir de 8 ans et d’ailleurs je l’ai fait lire à mon fils, qui l’a lu d’une traite et a beaucoup aimé, ça a été ensuite l’occasion de discussion entre nous. Je peux le conseiller aux adultes vu que je l’ai lu avec beaucoup de plaisir, je l’ai aussi mis entre les mains de mon mari qui l’a dévoré et bientôt ce sera ma meilleure amie qui le découvrira. Enfin, il est parfait pour les adolescents, entre 10 et 15 ans, il est important de le leur proposer.

Corinne (De pages en pages) : Tout comme LetterBee, je dirais qu’il est parfait pour tous les âges et s’adresse à tout le monde. Il est conseillé à partir de 9 ans. Je trouve que c’est un peu jeune. Je le recommanderais plutôt à partir de 10-12 ans selon la maturité de l’enfant. En tout cas, il est parfait pour aborder bon nombre de sujets « qui fâchent » avec ses enfants et commencer à les sensibiliser !

Céline (Qu’importe la flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse) : Je partage l’avis général. Pour ce qui est du fond, ce livre est à mettre entre TOUTES les mains, les jeunes comme les moins jeunes ! Comme le dit Stéphane Hessel dans sa préface: « Il n’est jamais trop tôt pour s’engager » et, au vu de la montée en puissance des partis extrémistes dans nos pays européens, on ne rappellera jamais assez le « plus jamais ça »! Pour ce qui est de la forme, il s’adresse davantage aux adolescents mais les adultes y trouveront leur compte également ! Pour l’anecdote, ma grand-mère de 86 ans l’a lu d’une traite, l’a serré sur son cœur avant de me le rendre en me disant, très émue: « Merci! ».

Aurélie (Royaume des livres) : Je rejoindrais les autres avis, il est à mettre entre toutes les mains, adolescents et adultes. A partir de 11-12 ans pour moi aussi, il devient même une référence pour aborder avec les jeunes les dérives, la tolérance, l’importance de faire des choix éclairés, la République. Je le vois tout à fait à sa place dans les cours de collège, c’est un très bon outil pour aborder l’éducation civique, quel que soit le nom qu’elle porte aujourd’hui. Et en ces temps post électoraux, tous les adultes devraient le lire aussi !

Dorota (Les livres de Dorot’) : Quoi dire d’autre? A partir de 10 ans, avant je pense que les enfants sont trop jeunes pour ce texte. Et surtout à mettre entre les mains des certains parents…

Carole (3etoiles) : Complètement d’accord sur les plus de 10 ans, ados, parents, éducateurs, enseignants, formateurs ! Ce livre est d’utilité publique, il devrait même faire partie de la liste officielle des œuvres littéraires du cycle 3, et vivement recommandé dans le secondaire aussi ! Bref partout où l’éducation à la citoyenneté et au libre-arbitre se joue ! Partout où les valeurs républicaines sont encore valorisées et transmises.

Gabriel (La mare aux mots) : Oh ! J’avais pas vu l’heure ! Faut que j’aille chercher ma fille à l’école moi… Alors il faut conclure… Que diriez-vous à quelqu’un pour lui donner envie de le lire ?

Aurélie (Royaume des livres) : Qu’il y a quelques livres à côté desquels il ne faut pas passer et que celui-ci en fait définitivement partie.

Carole (3etoiles) : Que s’il y a un livre à lire pour expliquer et comprendre la démocratie aux enfants, c’est celui-là !

Letterbee (Butiner de livres en livres) : C’est un roman au sujet très fort, excellemment mené par 7 brillantes auteures; il est indispensable de le lire.

Corinne (De pages en pages) : Je crois que tout a été dit ! Courez l’acheter et revenez nous dire ce que vous en avez pensé.

Céline (Qu’importe la flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse) : Pour conclure, je reprendrais les termes de Stéphane Hessel qui signe la préface de ce livre et qui, faut-il le rappeler, a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme:  » « On n’a rien vu venir » parle de ce qui peut arriver si l’on n’y prend pas garde. C’est pourquoi je considère que c’est un livre important, et je vous encourage à le lire. »

Dorota (Les livres de Dorot’) : Un livre qui fait comprendre à tout le monde qu’il faut tout mettre en œuvre, tous ensemble, pour que la démocratie soit le seul choix évident pour tout le monde.

Gabriel (La mare aux mots) : Merci les filles, je file ! À dans un mois !

* petite erreur relevée par quelques personnes, en fait le livre se déroule sur plusieurs semaines.

Attention, il y a des mensonges dans la présentation de ce texte (mais tout ce qui a été dit sur le roman est vrai). Les participants ne se sont pas réellement rencontrés. Le rédacteur de cet échange a décidé de vous mentir… et vous n’aviez rien vu venir !

Chaque 1er jour du mois vous retrouverez une lecture commune.

Retrouvez toutes nos chroniques sur On n’a rien vu venir :

3 étoiles : http://blog.3-etoiles.fr/2012/03/eveil-a-la-politique-quand-je-serai-grand-je-serai-president/
Enfantipages : http://enfantipages.blog.lemonde.fr/2012/03/16/on-na-rien-vu-venir/
Qu’importe le flacon : http://lacoupeetleslevres.blogspot.com/2012/04/on-na-rien-vu-venir.html et la playlist : http://lacoupeetleslevres.blogspot.com/2012/05/la-playlist-de-on-na-rien-vu-venir.html
De pages en pages : http://depagesenpages.wordpress.com/2012/05/22/on-na-rien-vu-venir/
La mare aux mots : http://lamareauxmots.com/blog/?p=4309
Lecture Jeunesse 83 : http://lecturejeunesse83.wordpress.com/2012/04/06/on-na-rien-vu-venir/

6 réflexions sur « Lecture commune : On n’a rien vu venir »

  1. Bravo ! je trouve formidable cette (fausse) idée de rencontre et la façon dont cela a été agencé, regroupé, pour en faire une vraie discussion… Ca en fait quelque chose de très vivant, et qui donne encore plus envie de lire je trouve.
    J’ai une seule petite remarque sur le contenu: 2 personnes regrettent que les 7 jours se suivent, et sur une semaine… ce qui est faux! Le résultat des élections est le lundi 4 juin, ensuite le réveil le lendemain, mardi 5 juin, mais les suivants sont le mercredi 4 juillet, puis le jeudi 9 août, vendredi 7 septembre, samedi 29 septembre et enfin le dernier dimanche 7 octobre.
    Et on voit bien que l’histoire a évolué en plusieurs mois…
    Exemples: vendredi 7 septembre (page 65): « Aujourd’hui, je fais ma rentrée. L’été a été dur pour la plupart d’entre nous. On a appris à vivre avec ces fous aux commandes. » et  » A partir du mois d’août, on a eu droit aux grandes listes des libertés ». p. 67
    En tout cas, idée géniale cette rencontre!

  2. J’allais relever aussi l’erreur de Corinne sur la chronologie, les jours ne suivent pas. Je l’ai lu avant-hier… et aimé ! Sinon la couleur des visages ne m’a pas gênée, leurs traits pouvant être de n’importe quelle origine… Au contraire le rouge et le noir font bien ressortir le sujet.

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