Déjà l’automne ! Quels sont vos premiers coups de cœur depuis la rentrée ?

Le temps nous rattrape, les feuilles volent déjà et entre nos mains, les pages ont tourné depuis la rentrée.

Partageons les livres qui nous ont fait vibrer, les récits précieux qui nous ont attachés à leurs êtres de papier.

Cette rentrée, c’est aussi l’occasion d’accueillir trois nouvelles têtes sous le Grand Arbre : Hashtagcéline, Isabelle et Yoko lulu. Bienvenues !

Le Méli-Mélo de livres de Pépita s’est régalée de ce roman plein de fraîcheur, d’humanité… et de responsabilités à la sauce Pëppo !

Pëppo de Séverine Vidal – Bayard

Mais aussi de cet autre roman à l’écriture magistrale de beauté qui embarque le lecteur dans cette histoire étrange entre onirisme et imaginaire, avec des personnages bouleversants, en particulier Milly Vodovc.

Milly Vodovic de Nastasia Rugani – Editions MeMo, collection Grande Polynie

Alice,  dans son pays des merveilles, a été très émue et très touchée par la maternité d’Irène, par sa maturité et par  le trouble qu’elle a su laisser une fois la dernière page tournée. Coup de cœur partagé par Sophie.

Soixante-douze heures de Marie-Sophie Vermot – Thierry Magnier

Le récit des aventures déjantées du groupe de suicidants d’Axl Cendres a particulièrement touché mais aussi beaucoup fait rire HashtagCéline.

Cœur battant d’Axl Cendres – Sarbacane

Aurélie a mis dans son atelier un album plein de tendresse sur l’amitié. Un livre sur la différence, l’école et sur la naissance des sentiments, histoire de bien aborder la rentrée.

Mon ami d’Astrid Desbordes et Pauline Martin – Albin Michel Jeunesse

Grâce à Robinson, Isabelle de L’île aux trésors s’est offert un voyage onirique magnifié par les illustrations splendides de Peter Sis. Un album qui nous invite à assumer nos différences, à voguer vers d’autres horizons et à célébrer les merveilleux pouvoirs de l’imagination…

Robinson de Peter Sis – Grasset jeunesse, 2018

Chez Chloé (Littérature enfantine), le coup de cœur du mois n’est pas une nouveauté, loin de là, plutôt un classique qui n’a pas pris une ride au fil des ans. L’histoire de deux enfants qui entreprennent d’expliquer à leurs parents ignorants Comment on fait les bébés ! C’est drôle et ça décape.

Comment on fait les bébés, Babette Cole – Seuil jeunesse, 1993

Chez Les lectures lutines, deux romans plein d’humanité les ont conquises. Un récit troublant, entre fantastique, fait divers et altruisme, qui a résonné ce mois-ci pour Solectrice.

Dans la forêt de Hokkaïdo, Eric Pessan – Ecole des Loisirs, 2017.

Et pour Yoko lulu, c’est un roman d’une magnifique sincérité, d’une cruelle vérité. Sur l’amour et la différence. Sur l’intégration et l’espérance. Les héros ont un petit quelque chose qui nous attache à eux du début à la fin.

Envole-moi, Annelise Heurtier. Casterman, 2017.

 

Chez Bouma (Un Petit Bout de Bib), c’est un album intrigant, mêlant enquête, texte en rimes et illustrations presque naturalistes qui est sorti du lot ! Une invitation à s’interroger et à regarder plus loin que le bout de son nez !

Carnivore, Tariel et Peyrat – Père Fouettard, 2018

Et chez Sophie, c’est un roman sur la condition des femmes dans les années 1960 qui l’a conquise. On y découvre l’histoire de Catherine qui raconte comment elle a dû se battre pour vivre sa passion, pourtant simple aujourd’hui : la course à pied !

La fille d’avril, Annelise Heurtier – Casterman, 2018

Et vous, quels sont vos coups de cœur de la rentrée ?

Lecture commune : Barracuda for ever

Un de ces livres qui résonne dans nos cœurs et qu’on ne veut pas lâcher, conscients des instants fragiles qu’ils nous fait vivre auprès d’un étonnant grand-père.

Un de ces livres qui nous fait rire aussi car la vie est ainsi : des chocs aux instants de poésie, le rire nous vient.

 

Un de ces livres qui nous réunit. Alors pour cette lecture commune, on s’est transmis le fil des questions pour échanger nos impressions.

 

C’est Chlop qui commence :

Dans les premières pages, nous faisons la connaissance de Napoléon, qui divorce de sa femme parce qu’il souhaite « se renouveler ».
Drôle de personnage, il suscite immédiatement la curiosité. Quelles ont été vos premières impressions sur cet étonnant personnage?

Pépita : A vrai dire, j’ai été assez ml à l’aise au début face à ce personnage que j’ai trouvé désagréable au possible, « brut de décoffrage » ! Mais connaissant la plume de Pascal Ruter, j’ai vite compris qu’il y avait autre chose derrière et que je ne serais pas au bout de mes surprises dans ce roman et c’est pas peu dire !

Bouma : Moi je l’ai adoré. En me disant, put*** j’aurais aimé un grand-père comme ça capable de faire les 400 coups sans se préoccuper de son âge ni de son entourage ! Après j’ai bien compris que pour le reste de la famille ce type de caractère n’est pas facile à gérer et il est peut-être plus facile à imaginer, à fantasmer qu’à vivre vraiment.

Solectrice : Décontenancée par une telle décision, j’essayais plutôt d’imaginer ce qui pouvait motiver ce vieux bonhomme à agir ainsi… Une telle figure ne m’a pas tellement surprise non plus car je sentais, comme Pépita, que j’allais découvrir un personnage rocambolesque dans ce roman à la couverture colorée !

Chlopon se demande un peu au départ sur quoi on va tomber mais on sent une histoire dynamique, ça semble plutôt joyeux, un peu rock’n’roll et le gant de boxe intrigue.


Le roman est sorti en même temps dans une collection adulte, et les indices sur la couverture sont assez différents : une montgolfière qui s’élève dans les airs, ce n’est pas du tout la même symbolique et ça met en avant un aspect de l’histoire qui passe au second plan dans la version de Didier jeunesse.

Pépita : Tout de suite, quelque chose qui va décoiffer mais avec sensibilité (connaissant l’auteur) et une allusion à une chanson de Claude François ! Quant à la couverture, elle est en jeunesse pétillante ! Et j’aime beaucoup le fait que ce roman ait été publié aussi en adulte.

Bouma : La référence à Claude François et les références de l’illustration donnent un côté très vintage à cette première de couverture pour moi. Mais quand on commence la lecture du roman on y voit presque une définition du personnage de Napoléon, ce grand-père marginal qui tient une place toute particulière dans la vie du héros. Non ?

Chlop : Oui, absolument, cette couverture, c’est lui, d’ailleurs à mes yeux, le véritable héros du livre c’est Napoléon.

Solectrice : La couverture ? Ce n’est pas ce qui m’a séduite. Des couleurs acidulées et un assemblage hétéroclite dont les objets m’attiraient guère. Mais, le titre, un peu kitsch, m’a fait penser à un tatouage et cela m’a bien intriguée.

Pépita : Elle est très stylisée cette couverture, pleine des symboles de ce qu’est ce personnage. Elle fait davantage référence à un adolescent je trouve à première vue !

Chlop : Justement, Napoléon, n’est-ce pas un peu un éternel adolescent ? C’est une des grandes réussites de ce roman d’ailleurs, de décloisonner les générations.

Bouma : Exactement ! J’aime bien ce terme « décloisonner les générations ». On le voit dès les premières pages. Napoléon c’est un sacré personnage (le prénom donne aussi un indice).

Pépita : Moi il m’a agacée au départ, je me suis dit, mais c’est quoi cet hurluberlu qui fait de la peine à tout le monde ? Il ne ménage que son petit-fils. Belle relation ceci dit entre eux. Et puis, peu à peu, la carapace se fendille et on découvre un être hyper-sensible, qui a une trouille bleue de la mort. Il devient très touchant. Les secrets révélés en ajoutent un peu plus à son aura d’homme de grand cœur. Du coup, on en pleurerait presque. Un grand-père qui refuse la fatalité, qui veut lutter, vivre jusqu’au bout pour ne rien regretter.

Bouma : En quoi diffère-t-il de la figure habituelle du grand-père ?

Chlop : En tout ou presque. On trouve des grands-pères acariâtres dans la littérature, mais celui ci est plus complexe, comme Pépita je l’ai trouvé profondément agaçant (il apparait d’abord comme égocentrique au possible) et rapidement touchant, fragile, assez marrant aussi. On se demande si il est excentrique par nature ou si c’est qu’il perd un peu la boule.
Avec son fils, il est au delà de la maladresse, on comprend que ça a du être très difficile de grandir en cherchant en vain l’approbation de ce père, mais avec son petit fils il arrive à nouer une relation vraiment émouvante.

Solectrice : Il peut tout aussi bien nous paraître odieux et tendre, en cela il peut sembler un grand-père ordinaire. Mais c’est un drôle d’oiseau, une figure mi-héroïque, mi-bouleversante de maladresse, comme on les aime dans l’enfance mais qu’on devine dure à vivre…

Pépita : ah ben il décoiffe ! il fait les 400 coups, parle à son fils comme à un moins que rien, jette son épouse comme une vieille éponge, fait des travaux dans sa maison à son âge ! et j’en passe ! Bref, oui, il détonne largement par rapport à l’image qu’on se fait d’un papi respectueux, rangé dans ses pantoufles et caché derrière son journal, pérorant sur l’ancien temps, « ah ma bonne dame, tout se perd de nos jours ! », radotant, enfermé dans ses habitudes, tolérant les petits-enfants juste le temps prévu… je plombe le portait à l’inverse à outrance il est vrai, mais bon, cette réalité existe aussi.
Moi j’ai souffert pour l’entourage proche mais aussi pour le petit-fils en fait, pas vous ?

Bouma : effectivement, ses proches en prennent pour leur grade comme le dit l’expression consacrée. Enfin je me dis qu’avec un prénom comme Napoléon, il fallait un personnage dont la personnalité soit à la hauteur de l’original.

Pépita : Mais justement, n’est-ce pas habile de la part de l’auteur ce procédé ? Il brosse un personnage agaçant puis on découvre peu à peu la fissure dans la carapace. La maladie.
C’est bouleversant non, de devenir témoin impuissant de ce qui le ronge ce Napoléon ?

Bouma : Très habile procédé effectivement. On s’attache beaucoup plus au personnage quand on découvre ses fêlures. Il fait le fier le Napoléon mais c’est un sentiment très humain de ne pas vouloir montrer son déclin.

Chlop : Oui, l’auteur joue un peu avec nos sentiments, et on en redemande! C’est toujours agréable de faire connaissance avec des personnages subtils, nuancés.
J’ai d’ailleurs beaucoup d’attachement pour le personnage de la mère.

Solectrice : bien sûr, c’est émouvant et c’est culotté de nous attraper ainsi. On se questionne sur nos préjugés. Nos avis bien tranchés s’effondrent devant cette humanité inattendue. Après ce revirement on a comme l’envie d’enlacer ce grand-père, les yeux mouillés de tendresse.

Le mot de la fin ?

Solectrice : Ce livre, c’est un bon moment passé avec une famille attachante, à rire, à pleurer, à réfléchir aussi sur la vieillesse et les relations avec ceux qui nous entourent.

Bouma : Au final, c’est un roman inter-générationnel je trouve. Chacun pourra y trouver son compte : adulte comme enfant, ce qui explique sûrement qu’il y ait une double publication chez Didier Jeunesse et JC Lattès.

Pépita : J’en garde un bon souvenir de lecture et la fin m’a beaucoup émue. C’est un roman sur la vie tout simplement.

 

Découvrez les chroniques : de Bouma sur Un p’tit bout de bib’, de Solectrice sur Les Lectures Lutines, de Pépita sur Méli Mélo de livres.

En été avec Solectrice

A mon tour, je vous emmène…

Un été à se détendre, entre amis, avec les siens, ou à se laisser bercer dans le jardin, un livre à la main. On s’est bien amusées à réaliser ces têtes de livres, clins d’œil de swaps partagés sous le Grand Arbre ou grands favoris de nos étagères.

Au gré des pages, les pieds dans le sable, on savoure, grains de pages, des mots brises et des images vagues qui nous emportent…

« Esther Volauvent » Elisabeth Trœstler et Laëtitia Rouxel. Editions L’Œuf.

« Dans les poches d’Alice, Pinocchio, Cendrillon et les autres… » Isabelle Simler. Editions Courtes et Longues.

« Le Jardin des Secrets » Lucie Vandevelde. Editions les Minots.

Avant de partir, on fourre à la hâte dans une valise les bouquins qu’on s’était promis de lire dans l’année, ou les promesses des prochains coups de cœur, les romans plaisants qu’on voudrait relire (souvenirs de bonheurs partagés) ou les titres qui nous ont titillés chez le libraire. Au détriment d’un short ou d’une énième robe, je glisse Envole-moi. On en prend toujours plus qu’il ne faut, au cas où, si on attend dans le hall de l’aérogare, si on a le temps… On rêve que cet été le temps se suspendra, entre deux sorties, ou au réveil. Alors on emporte des pages et des pages, que l’on rangera sagement sur l’étagère à notre retour, pensant à l’été qui est passé si vite. Quand on reprendra ces romans, on se rappellera qu’ils nous ont accompagné en vacances, qu’on les avait empilés dans la valise.


A votre tour, savourez ces instants d’été et partagez avec nous vos grains de pages.

La semaine prochaine, c’est encore l’été… avec Alice.

De la cave… au grenier

Deux lieux qui nous ramènent souvent à nos peurs, nos rêves ou nos joies enfantines. Qui n’a jamais éprouvé une certaine inquiétude à l’idée de pénétrer seul dans une cave obscure en craignant d’y déranger un rongeur ou une ombre tapie dans un coin ? Au contraire, avez-vous résisté à la tentation d’explorer un grenier encombré de cartons prometteurs, de jouets abandonnés et d’objets insolites, en rêvant d’y dénicher une lettre oubliée ou un précieux trésor ?

Nous vous proposons de partager quelques souvenirs d’enfance et des lectures sur ces lieux mystérieux.

Descendons d’abord à la cave… Entendez-vous la porte grincer ?

Dans la cave d’Un Petit Bout de Bib et de Méli-Mélo de livres :

Le Noir de Lemony Snicket et Jon Klassen. Milan.

Un coup de cœur pour cet album qui joue sur la peur du noir et des endroits sombres comme… la cave !

L’avis de Bouma et celui de Pépita.

Un souvenir de cave proposé par Pépita :

« Des caves, j’en ai connu plusieurs, des vraies et des moins vraies, j’entends par là celles vraiment creusées dans la roche et les autres, celles des sous-sols. Chez mes deux grands-mères, il y avait des vraies caves. Une sentant le vin avec plein de bocaux sur des étagères brinquebalantes et aux marches creusées en leur milieu, usées à cause des nombreux passages. Un jour, j’ai loupé une marche avec une bouteille de vin dans les mains, elle s’est fracassée, les morceaux de verre ont dégringolé, la lumière pas assez forte pour voir jusqu’où, le mur éclaboussé de rouge, j’ai eu la frayeur de ma vie ! J’ai mis du temps à accepter d’y retourner.
L’autre cave, c’est la même maison au grenier (à lire un peu plus loin) : une cave dans la roche, on y descendait par une échelle, le sol était sableux, pas d’étagères mais des trous dans la roche, on n’en voyait pas le fond ! De quoi stimuler l’imagination ! »

 

***

Et que trouverons-nous dans les greniers ? Soufflons un peu sur la poussière…

Dans le grenier de A lire au Pays des Merveilles :

Ma fugue chez moi de Coline Pierré. Le Rouergue.

L’avis de Pépita et celui d’Alice.

Dans le grenier de Méli-Mélo de livres :

« Je me souviens de celui de la maison d’une de mes grands-mères. On y accédait par une porte donnant directement sur un escalier poussiéreux et qui craquait. L’odeur de renfermé était immédiate. On y montait en silence comme hors du temps. Même si on le connaissait, on avait toujours l’impression de le découvrir pour la première fois. Il nous semblait immense enfant ! Avez-vous remarqué combien la vision des lieux rétrécit en grandissant ? On avait interdiction d’y monter seuls car sur une des parties, le plancher s’effondrait : il fallait l’enjamber, on devinait le dessous, c’était grisant ! Il y avait là des objets entassés, des malles aux trésors, des toiles d’araignée, des souris et autres rongeurs, des choses dont on voyait à quoi elles servaient et d’autres pas du tout. On aimait interroger notre grand-mère à chaque fois. On connaissait les réponses, elle connaissait les questions, mais cela faisait partie du jeu. La lumière aussi était différente en plein jour et franchement, aucune envie de s’y aventurer en pleine nuit ! Il restera toujours mon premier grenier. »

Le monde de Yakatougris de Sandra Piquée et Laurent Simon. Nordsud.

L’avis de Pépita.

M. Wilson de Thomas Scotto. Escabelle.

L’avis de Pépita.

Dans le grenier du Tiroir à histoires :

Marco et Zélie :  trésor du grenier d’Arnaud Alméras et Robin. Amaterra.

L’avis de Bouma.

Dans le grenier de Un Petit Bout de Bib :

 

Wormworld Saga T. 1 de Daniel Lieske. Dupuis.

Et si au fond de votre grenier, vous découvriez un passage vers un autre monde… une bd fantastique qui vous entrainera dans une aventure palpitante.

L’avis de Bouma.

Dans le grenier des Lutines :

« Ah, cet accueillant grenier où je passais des heures à feuilleter des vieux magazines dans la chaleur étouffante de l’été sous les combles ! Après avoir vaillamment escaladé la grande échelle boiteuse qui menait à la mezzanine au-dessus du garage, je me calais dans une vieille chauffeuse pour lire des piles de Pif Gadget ou Picsou Magazine. »

Nora de Léa Mazé. La Gouttière.

Pour rêver, quoi de plus tranquille qu’un grenier ? Un refuge idéal pour Nora qui attend le retour de ses parents dans cette ferme isolée.

L’avis d’Adèle et celui de Bouma.

Sacrée souris de Rafaëlle Moussafir. Sarbacane.

La petite souris et sa tribu ont élu domicile dans un grenier pour construire un grand château de dents.

 

***

 

Comme il faut savoir tourner la page, je vous invite à présent à débarrasser tout ce qui nous encombre dans ces remises. C’est parti pour le vide-grenier !

Dans les cartons du blog de Chlopitille, A Lire au Pays des Merveilles et du Tiroir à Histoires :

Vide-grenier de Davide Calli et Marie Dorléans. Sarbacane.

Les avis de Chlop, Alice et Céline.

 

Lecture Commune : Comme un poisson dans l’arbre de Lynda Mullaly Hunt

Une nouvelle édition du printemps des poètes nous donne en ce mois de mars l’occasion d’entendre des vers vivants, de découvrir des textes plein d’ardeur, d’apprivoiser des mots par le jeu et par les sons. Mais on oublie que pour certains la lecture peut être une véritable torture, qu’écrire des mots peut nourrir mille maux… C’est la souffrance mais aussi le défi d’une enfant dyslexique que décrit Lynda Mullaly Hunt dans Comme un poisson dans l’arbre, aux éditions Castelmore. De ce récit touchant qui vaut la peine d’être partagé, Pépita, Colette, Sophie et moi vous proposons une lecture commune. 

 

Pour commencer, je voulais savoir si chacune savait à quoi s’attendre avant d’ouvrir ce livre…

Connaissiez-vous l’histoire ou aviez-vous échafaudé des hypothèses sur ce titre étonnant « Comme un poisson dans l’arbre » ?

Sophie LJ : J’ai connu ce livre lors d’une journée d’étude sur la dyslexie, j’imaginais que ce titre faisait un lien avec la différence, l’exclusion que pouvait ressentir l’héroïne. C’est cette idée qu’elle ne se sent pas à sa place à l’école qui m’est donc venue.

Pépita : Pas de plan sur la comète pour moi et je fréquente depuis assez longtemps la littérature jeunesse pour ne plus m’étonner des titres. Du coup, j’ai pris l’histoire comme elle venait. Et puis un poisson dans un arbre, pourquoi pas ???? ça n’existe pas ?

Colette : le titre m’a tout de suite fait penser à une image qu’on nous a montrée en formation sur l’Accompagnement Personnalisé et qui correspond à une citation attribuée à Einstein : « Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. » Je me souviens que cette citation que je ne connaissais pas m’avait frappée par son évidence et en même temps remettait en question tout le système éducatif que je m’appliquais à mettre en place dans mes cours… De sa nageoire agile, le poisson dans l’arbre venait de me donner une bonne claque !

 

Comme on s’y attend, les embûches sont nombreuses sur le parcours de cette enfant qui n’arrive pas à lire. Qu’est-ce qui vous a donné envie de suivre Allie dans cette aventure ?

Pépita : Ce qui m’a attirée, c’est essayer de comprendre les difficultés de cette petite fille face à l’énigme de la lecture. Je trouve que c’est très bien amené dans le livre. Au début, on pense qu’elle a « juste » des difficultés puis très vite, on saisit autre chose et c’est très angoissant je trouve. On se sent démuni pour elle mais en même temps, elle a une telle analyse si lucide de sa situation. Elle garde tout pour elle, elle n’exprime rien, elle fait les réponses si prévisibles des comportements des adultes. Stratégie d’évitement. C’est très dur je trouve car elle est très seule.

Sophie LJ : Déjà j’ai été assez épatée qu’elle parvienne à dissimuler ses difficultés aussi longtemps. Les enfants dyslexiques ont beaucoup d’imagination pour se cacher quitte à attirer l’attention sur eux autrement. Et puis rapidement, j’ai apprécié le personnage et j’ai eu envie de comprendre ce qu’elle vivait.

Colette : Ce qui m’a donné envie de suivre Allie c’est son inventivité, sa créativité, dès le départ on comprend que cette enfant a un don, un don pour le dessin notamment et une véritable vision poétique du monde. Une graine d’artiste à regarder germer.

 

« Les lettres sur l’affiche ressemblent à de petits insectes noirs qui grouillent sur le mur. Je parviendrais sans doute à les déchiffrer, avec beaucoup de temps. » 
« La lecture, pour moi, c’est comme lorsque je lâche un truc et que mes doigts se referment pour le rattraper ; juste quand je crois le tenir, il m’échappe. Si faire des efforts suffisait, je serais une championne. »
Plusieurs réactions de la jeune fille m’ont interpelée au cours de la lecture, révélant les pensées souvent cachées d’un élève en difficulté. Avez-vous ressenti la même impression ?

Pépita : Oui totalement. Elle décrit avec des mots d’enfants ce qu’elle ressent avec beaucoup de sensibilité et une rage derrière. Une volonté d’ y arriver….sans y arriver. C’est ça qui est terrible. C’est intéressant du coup ce ressenti. Comme tu le dis, cela interpelle. La lecture est un acte infiniment complexe, on l’oublie trop souvent. Et elle nous le rappelle avec force et intelligence.

Sophie LJ : Comme le dit Pépita, cela rappelle que la lecture n’est pas innée même si une fois acquise, elle semble évidente pour la majorité des gens. En plus, il y a autant de dyslexiques que de dyslexies, la perception peut être très différente d’une personne à l’autre. Je trouve qu’on retrouve un peu ça dans ces extraits. On ne cherche pas à dire, un dyslexique voit ça mais on propose plutôt un ressenti, une sensation face à des mots.

Colette : « Si faire des efforts suffisait, je serais une championne » : pour moi, en tant qu’enseignante cette phrase est très importante, parce que souvent c’est la seule solution que l’on propose aux élèves en difficulté, quelle que soit la difficulté : faire des efforts. C’est une des raisons pour lesquelles je trouve les conseils de classe inefficaces en terme de « conseil » on ne fait que répéter inlassablement qu’il faut faire des efforts. Et combien on voit d’élèves qui les font ces satanés efforts sans parvenir à progresser et dont on finit par dire…qu’ils sont limités. Ce qui est absolument odieux mais qui montre à quel point le système éducatif ne forme pas ses enseignants à s’adapter aux troubles de l’apprentissage, que ces troubles soient cognitifs, sociaux ou psychologiques…

 

La relation avec les enseignants est très présente dans cette histoire. Qu’avez-vous pensé des personnages et des méthodes de Mme Hall et de M. Daniels ?

Pépita : Pour sûr, ce sont deux enseignants et deux méthodes différentes, je dirais aussi que c’est lié à leur personnalité. J’ai trouvé quand même un peu caricatural de les opposer de la sorte même si des enseignants empathiques et d’autres moins, ça existe dans la vraie vie. Je pense que la première est démunie, elle n’a pas les clés de compréhension de son élève en difficulté, du coup, elle lui a mis une étiquette qui la rassure en quelque sorte. Le problème, c’est qu’elle entraîne la directrice dans sa vision. Elle l’influence. L’élève n’a donc plus aucun allié. M. Daniels, lui, est différent : il a cherché à comprendre, il est d’abord dans l’observation, dans le dialogue et non dans le jugement. Il n’enferme pas son élève mais l’accompagne comme devrait le faire tout pédagogue. J’ai trouvé cela très beau mais en même temps j’ai été gênée par ce côté manichéen de la démonstration dans ce livre.

Colette :  Je ne serai pas aussi sévère que vous avec Mme Hall, elle attend un bébé et n’est déjà plus présente à ses élèves mais j’ai quand même senti de l’empathie pour Allie de sa part. M. Daniels est quelqu’un d’exceptionnel, d’extrêmement disponible ( cette disponibilité est d’ailleurs d’après moi assez irréaliste ) et ses méthodes ont quand même l’air très liées à son intuition pédagogique plus qu’à des savoirs vérifiés et vérifiables. Mais il a cette qualité essentielle pour un enseignant qui est de toujours  » sur le métier remettre son ouvrage.

Pépita : Mme Hall fait ce qu’elle peut, elle est démunie, elle sent aussi qu’elle n’y arrive pas. Mais le contraste est tellement fort dans le livre avec l’autre enseignant que du coup ça l’accuse de fait ! C’est ça que je voulais dire. Et j’ai trouvé ça dommage. Et tu as raison : M. Daniels est exceptionnel dans sa disponibilité et c’est vrai, c’est si rare. Ce côté démonstratif m’a perturbée dans ce roman tout comme les « clichés » sur les élèves : il faut un hyperactif, un dans la lune, etc,….comme un échantillonnage. Je comprends l’idée derrière mais je trouve que c’est maladroit.

Colette : j’avoue que cela correspond assez à la typologie des élèves que l’on rencontre vraiment. Même les élèves entre eux ont vite fait de s’étiqueter : l’intello, le beau gosse,…

Solectrice : Je te rejoins Colette sur la typologie des élèves, dont le trait est sans doute forcé par les rapports entre eux. Quant au roman, je m’étais aussi étonnée du manichéisme entre les deux enseignants présentés mais vos regards m’invitent à les considérer autrement… c’est intéressant.

Votre regard sur la dyslexie a-t-il évolué en lisant ce roman ?

Pépita : Changer mon regard, oui, en quelque sorte car j’ai trouvé que le lecteur vit la souffrance de l’intérieur. Elle décrit très bien ce qu’elle ressent, avec ses mots d’enfant. Et la solitude que cela engendre. J’ai trouvé cela terrible. Et puis, je n’ai pu m’empêcher de penser que finalement, ce n’est pas si difficile d’apporter son aide.

Sophie LJ : Jusque là, j’avais une vision de la dyslexie plutôt du côté de ceux qui viennent en aide à ces jeunes. Là, on plonge vraiment du côté de l’enfant dyslexique, on comprend ses difficultés, on voit les tours qu’elle met en place pour cacher cela. On est vraiment de son côté et c’est ce qui est intéressant.

Colette : Oui !!! Oui et oui ! Parce qu’on ne m’avait jamais expliqué la dyslexie, et de le vivre à travers le quotidien de cette jeune fille ce fut comme une révélation des souffrances endurées par tous ces élèves croisés sur mon chemin. J’y suis très attentive cette année et je vois déjà l’influence de ma nouvelle vision des choses sur une élève diagnostiquée dyslexique dysorthographique dont je suis professeure principale. On cherche des solutions ensemble pour les travaux écrits et elle y met une bonne volonté joyeuses rare  

Si ce roman révèle les obstacles que doit affronter un enfant dyslexique, c’est aussi le récit de ses victoires. A quelle(s) réussite(s) avez-vous été sensibles ?

Colette : Il y a de nombreuses victoires dans ce roman qui m’ont touchée mais comme j’ai toujours eu un faible pour les fratries, j’ai trouvé bouleversant que la petite Allie trouve à la fin du roman comment aider Travis, son frère aîné, qui visiblement souffre aussi de dyslexie. Qu’elle trouve, confiante désormais en ses capacités, l’énergie d’orienter son frère vers son enseignant, est vraiment une preuve de son succès. Lui qui a toujours été là pour elle, elle peut enfin « lui rendre la monnaie de sa pièce »  

Pépita : j’ai été très sensible aux progrès d’Allie, au fait qu’elle en prenne conscience et que la confiance en soi arrive au point d’avoir envie d’en faire profiter son frère, tout comme vous.

Sophie LJ : C’est aussi ça qui m’a marqué le plus dans ce roman, le fait qu’elle aille plus loin que la simple réussite personnelle et qu’elle en fasse profiter son frère.

En conclusion, que diriez-vous de ce roman à un jeune lecteur ?

Pépita : je partirais du titre en fait pour lui en parler …imagine un poisson dans un arbre ….ce livre parle de ça : de ne pas se sentir à sa place et d’en éprouver des difficultés ….après tout dépend de la demande, dans quel contexte, mais oui je lui dirais aussi qu’il en faut du courage à ce poisson …je dirais deux mots de l’histoire juste pour lui donner envie de le lire…et voir ses yeux briller de ce trésor-là …mais il y aura certainement la grosseur du livre à dédramatiser…enfin, ça dépend du jeune lecteur.

Colette : Je ne parle jamais très bien des livres aux enfants, je préfère leur lire un petit bout du texte pour leur faire goûter à la langue de l’auteur, qu’ils rencontrent directement les personnages, qu’ils entrent dans leur vie discrètement. Je pense que je leur lirai l’incipit…

En complément de cette lecture, Pépita nous suggère ce dossier du site Lirado très instructif sur la dyslexie, où il est notamment question des nouvelles collections d’éditeurs destinées aux lecteurs dyslexiques.

N’hésitez pas à partager avec nous des titres sur ce thème.