Cet été, à l’ombre de l’arbre, nous poursuivons la thématique : c’est quoi un bon livre ? Après les beaux billets de Chlop, Pépita, Sophie, Colette, et Bouma, voici mon tour.
Qu’il soit court ou long, implicite ou explicite, énigmatique ou direct, dans le mille ou à côté de la plaque, le titre d’un livre est souvent la première entrée dans le récit. Comment l’auteur/e le choisit-il ? Quel est le rôle de l’éditeur/éditrice ? C’est quoi un bon titre ?
Pour répondre à ces questions, j’ai proposé à des auteurs et éditeurs de nous expliquer les coulisses et le travail éditorial en équipe, avec en bonus quelques anecdotes bien sympathiques ! Un immense merci à Gilles Bachelet, Cécile Roumiguière, Alice Brière-Haquet, Maryvonne Rippert, côté écrivain, et à Tibo Bérard et Brune Bottero, côté édition, pour leur pause estivale et leur disponibilité !
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Entretien avec Gilles Bachelet, auteur et illustrateur, bibliographie ici.
– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?
Pas de méthode particulière. Le titre peut aussi bien s’imposer comme une évidence dès le départ que donner lieu à de longues recherches, hésitations, remises en cause, sondage de l’entourage etc…Une règle de base quand même : quand on a trouvé le super titre, (drôle, intelligent et qui sonne bien), vérifier que d’autres ne l’ont pas utilisé avant vous… c’est souvent le cas. L’éditeur va, bien sûr, donner son avis ou même son veto…
Deux anecdotes : Je téléphone à mon éditeur, Patrick Couratin, pour lui faire part de ma nouvelle idée d’album. Je lui explique en gros l’idée et je conclus « ça s’appellera Napoléon Champignon ». Il me répond du tac-au-tac : « non, Champignon Bonaparte ». Il avait raison bien sûr, ça sonne beaucoup mieux…
Pour le troisième album du Chat qui devait clore la trilogie, j’avais initialement prévu comme titre « Pour en finir avec mon Chat ». Ce choix n’a pas emballé mon éditeur qui a jugé cela un peu radical et expéditif. Après avoir établi toute une liste de titres possibles j’ai fini par m’arrêter sur Des nouvelles de mon Chat , plus neutre et passe-partout, mais c’est ce refus qui m’a donné l’idée d’ajouter à la fin du livre une page des « albums qui ne paraîtront pas » pour bien marquer l’idée que l’ouvrage serait le dernier de la série.
– Vous êtes à la fois l’auteur et l’illustrateur de vos albums, qui des deux choisit le titre ?
Ah, ah ! Le grand bonheur d’être à la fois l’auteur et l’illustrateur, c’est précisément de ne pas être confronté à ce genre de problèmes… Le titre et l’image de couverture sont indissociables. C’est la cohérence, le décalage ou même la contradiction entre les deux qui va donner envie (ou pas) d’en savoir plus et d’aller plus loin dans la découverte de l’album. On va dire que c’est donc un choix collégial entre le moi-auteur et le moi-illustrateur…
– L’humour est omniprésent chez vous : l’ironie, l’absurde, le burlesque, le décalé. Pouvez-vous nous raconter le choix du Chat le plus bête du monde ? et le décalage entre le texte et l’image ?
L’idée de ce livre est partie d’un vrai chat, très gros et très bête, que j’avais adopté à l’époque. Le fait qu’il faisait ses besoins à côté de sa litière, en toute innocence, parce qu’il ne s’apercevait pas que son derrière dépassait de la caisse, le fait qu’il pouvait rester une heure en contemplation devant une boite de croquettes ouverte sans avoir l’idée de donner un coup de patte pour se servir, sont authentiques. Ma première intention était de l’illustrer avec un vrai gros chat. C’est la juxtaposition fortuite, dans un carnet de croquis, de phrases parlant de ce chat et de dessins d’éléphants que je faisais pour m’amuser, sans intention particulière, qui m’a donné l’idée de le traiter de cette façon.
– Vous êtes traduit à l’étranger, que pensez-vous des traductions des titres ?
Je peux difficilement en juger, ne parlant pas moi-même ces langues. Quelquefois les traductions littérales des titres sont assez éloignées du titre original mais j’imagine que les traducteurs et les éditeurs ont leurs raisons et je suis bien obligé de faire confiance. (On ne me demande pas mon avis de toute façon, en général… )
– Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?
Dès que je le connaîtrai moi-même, je ne manquerai pas de vous en faire part… 😉
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Entretien avec Cécile Roumiguière, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici.
– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ?
Ça dépend. Parfois le titre est une évidence, dès les premières lignes d’écriture ou même dès l’idée du projet. Plus souvent, c’est tout un processus, le titre évolue au long de l’écriture, puis change.
– A quel moment l’éditeur intervient-il ?
– Vous écrivez des albums et des romans. Le choix du titre est-il différent selon le genre ?
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Non, je ne pense pas.
Pour Les Fragiles, c’est une toute autre histoire. Pendant l’écriture, le roman s’appelait “Le bruit que font les ailes”, mais je savais que l’éditeur, Tibo Bérard, aurait un hoquet en lisant ce titre… C’était une sorte de clin d’œil : il y a deux ou trois ans, j’ai assisté à une rencontre où Tibo et Axel Cendres parlaient de leur façon de travailler, Axel avait raconté comment Tibo refusait tous ses titres pour en trouver un autre, arguant que le titre est du domaine de l’éditeur, c’est un argument commercial, ce qui est vrai ! Même si l’auteur doit forcément avoir son mot à dire et au final aimer le titre. Avec “Le bruit que font les ailes”, je savais que j’étais loin du “commercial”, et je faisais confiance à Tibo. Au final, on a eu du mal, jusqu’à ce qu’il m’appelle un jour, survolté : le titre était là, depuis le départ, et on ne le voyait pas… ma dédicace : “Aux fragiles”, a donné le titre.
Entretien avec Alice Brière-Haquet, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici.
Désolée, je vais te faire une réponse de Normande, mais vraiment, il y a deux cas. Cas n°1, c’est celui où le titre nait en même temps que l’histoire, il en est le point de départ, le germe. Là c’est évident et c’est génial, parce que toute l’histoire tient dedans, elle n’a plus qu’à se déployer… C’est le cas par exemple du Petit Prinche. Et puis il y a le cas n°2, on arrive à la fin, les commerciaux pressent : il FAUT un titre. Là c’est terrible, parce que je n’y arrive jamais. Dans ce cas tout le monde s’y met, éditeur, illustrateur, famille, copains, voisins, friends de FB, tout le monde. On passe par tous les stades, et on finit par choisir avec l’éditeur et l’illustrateur celui qui nous semble le mieux. C’est toujours un peu douloureux sur le coup, même si en général je m’y fais et je finis par l’aimer. Par exemple, Pierre la Lune était à l’origine le nom de mon fichier, à aucun moment le petit garçon est nommé dans le texte ! Mais finalement ce titre choisi par défaut a donné à l’histoire une touche d’humanité et de mystère… On me demande souvent pourquoi Pierre la Lune et non pas « de la Lune » ou « dans la Lune ». Je n’ose pas répondre 😀
– Concernant vos albums, vous arrive-t-il de choisir avec l’illustrateur ?
Oui, et avec l’éditeur aussi. Je crois vraiment qu’un album a trois parents…
– Pour les collections Mode d’emploi chez Glénat et Au secours chez Castor Poche, les titres vous ont-ils été imposés ? Quelle est votre marge de liberté lors d’une commande ?
La série (en tout cas dans ces deux cas) est un cas un peu à part, parce qu’elle se construit sur un concept, et que ce concept doit être contenu le titre. Pour ces deux séries, il s’agit du cas n°1, c’est-à-dire que les titres ont été les germes de leur série… Après il me suffit de proposer des thèmes qui peuvent se décliner sur le-dit concept, et nous les choisissons avec mon éditeur. Mais avec mon autre série, « Collège Art », chez Castor Poche, on a nettement plus galéré, et je ne suis toujours pas convaincue de notre choix. Heureusement, il y a les sous-titres, que je trouve plus intéressants, mais quand même : le titre doit donner une personnalité à la série, c’est son logo, son identité. C’est super important.
– Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?
Bien sûr, et c’est un joli cas n°2… Je me suis cassée la tête pendant des semaines. Je voulais que ça parle du monde, des sensations, de la lutherie, de la musique… de beaucoup trop de choses ! Les trucs que je trouvais étaient soient lyrico-cuculs soient pédanto-pénibles. L’horreur. À la fin, on a brainstormé, Clotilde a proposé Nicolas, Anne le violon, et hop ça a donné Le Violon de Nicolas ! J’en suis ravie ! En fait, je crois que c’est la seule recette infaillible en matière de titre : la simplicité !
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Entretien avec Maryvonne Rippert, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici.
– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?
– Pour la série Blue Cerises co-écrite avec Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, et Cécile Roumiguière, comment avez-vous choisi le titre de la série et chacun des 4 romans ?
– Votre roman Metal Mélodie est pour moi l’incarnation du titre parfait. Comment l’avez-vous trouvé ?
Entretien avec Tibo Bérard, éditeur chez Sarbacane pour les collections X’prim et Pépix.
En fait, on est confronté à de nombreux cas de figure. Quand un auteur que je ne connais pas encore m’envoie un manuscrit, généralement, il y a un titre – que l’on pourra garder ou pas. À l’inverse, du côté des auteurs avec qui on a l’habitude de travailler, il arrive que les projets ne portent pas de titre, car l’auteur sait qu’il sera lu, il n’a pas « besoin » d’en trouver absolument un pour convaincre l’éditeur d’ouvrir son manuscrit… car oui, le titre peut être une sorte de clef dès l’étape de l’envoi à l’éditeur (même si, au final, c’est la qualité du texte qui tranchera). Le titre, c’est une invitation, un outil de séduction. Tous les auteurs n’ont pas le même talent pour cela : certains sont très à l’aise pour le trouver, d’autres moins ; certains conçoivent leur roman « autour » d’un titre qu’ils ont trouvé dès l’origine, et qui va même orienter leur projet dans une certaine direction (vers l’émotion, ou vers la comédie, ou vers la critique sociale, etc), d’autres vont jusqu’au bout du texte et, là seulement, se mettent en quête du titre. Je crois que l’expérience peut aussi aider : les auteurs qui ont pris l’habitude de rencontrer leurs lecteurs, de parler de leur travail, parviennent souvent mieux à proposer de bons titres, car ils ont une vision plus « en hauteur » de leurs livres. Le but étant de parvenir à ces titres qui nous paraissent évidents, qui sauront appeler le lecteur, qui seront une première entrée dans le récit.
Contractuellement, c’est l’éditeur qui est en droit de choisir le titre définitif. Mais je ne crois pas qu’il faille l’imposer, de la même façon qu’on n’impose pas une couverture non plus. C’est un dialogue, un échange de propositions entre l’auteur et l’éditeur. Parfois, c’est un miracle, une évidence, et parfois ça prend plus de temps. Quoi qu’il en soit, le titre reste une étape capitale… Je pense même que les titres « disent » déjà quelque chose de ce qu’est le roman, mais aussi de la collection dans laquelle ils paraissent, parfois ; ainsi les titres des romans de la collection EXPRIM’, assez percutants, sonores, sont déjà la marque d’un certain projet romanesque, un indicateur sur la nature même des textes (Les Géants, Dans le désordre ou Les petites reines, ce sont des titres qui évoquent presque des affiches de films, on sent qu’on entre dans du roman de personnages et de narration plutôt que dans un roman psychologique, par exemple).
– Une anecdote à nous raconter ?
- Songe à la douceur, Clémentine Beauvais, le 24 août.
- Les évadés du bocal, Bruno Lonchamps, le 7 septembre.
- Les Belles Vies, Benoît Minville, le 5 octobre.
- Samedi 14 novembre, Vincent Villeminot, le 2 novembre.
- Super-Vanessa et la crique aux fantômes, Florence Hinckel (ill. Caroline Ayrault), le 24 août.
- L’ogre à poil(s), Marion Brunet (ill. Joëlle Dreidemy), le 7 septembre.
- Victor Tombe-Dedans sur L’île au Trésor, Benoît Minville (ill. Terkel Risbjerg), le 5 octobre.
- Le Journal de Gurty – parée pour l’hiver !, Bertrand Santini, le 2 novembre.
Entretien avec Brune Bottero, éditrice chez Les Fourmis Rouges.
– En termes de communication, pensez-vous que le choix du titre est primordial ?
– Peut-on connaître les prochains titres à paraître chez Les Fourmis Rouges ?
- des titres simples : Ma Planète (Emmanuelle Houdart), Bjorn, 6 histoires d’ours (Delphine Perret),
- des titres jeux de mots : Le petit pou sait et Le petit pou rit (Mathis et Aurore Petit), Réclamez des contes (Delphine Jacquot),
- des titres de série : Till et les tricheurs et Till joueur de flûte (Philippe Lechermeier et Gaëtan Dorémus),
- et des titres mystérieusement imprononçables : Hernig & Zébraël (Victor Boissel et Beax).
Encore un très grand MERCI à vous toutes et tous ! Qu’elle est belle cette littérature jeunesse ! Vive la rentrée littéraire 2016 et tous ces nouveaux titres, non ?