L’hiver est bien installé, saison propice à la lecture au coin de la cheminée et/ou sous un plaid. Nous vous présentons nos meilleurs lectures de ce premier mois de l’année 2025.
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Pour Linda, de nombreuses lectures sont venues enrichir son début d’année mais deux titres se démarquent clairement du lot.
Tout d’abord, la bande dessinée de Gaëlle Geniller dont l’ambiance onirique amène une réflexion pertinente sur le temps qui passe et sur ce qu’il nous reste de l’enfance. Les personnages sont attachants, le mystère, emprunt de spiritisme, est parfaitement maitrisé par ce jeu du temps rythmé par le tic tac de l’horloge et les insomnies de son héros !
Minuit Passé de Gaëlle Geniller, Delcourt/Mirages, 2024.
Et puis il y a eu le dernier roman d’Annelise Heurtier avec lequel elle confirme un peu plus son habileté à écrire des récits historiques qui dénoncent ce que l’homme peut faire de pire. Inspiré de l’histoire vraie des couvents de la Madeleine, ce très beau texte livre un récit profondément engagé, porteur d’un message féministe emprunt d’un bel élan de sororité. Destiné à un public adolescent, le récit aborde ce sujet grave avec une certaine pudeur, l’autrice ne cherchant pas à choquer mais à sensibiliser, et elle y parvient magnifiquement.
Entre leurs mains d’Annelise Heurtier, Casterman, 2025.
Comme Linda, lancée dans la préparation du prix ALODGA, Lucie a eu la chance de découvrir beaucoup de très beaux titres suggérés par ses copinautes ce mois-ci. Difficile de faire un choix, mais deux albums coups de cœur se détachent pourtant par leur originalité ou leur propos.
Jeanjambe et le mystère des profondeurs est une bande dessinée totalement atypique. D’abord parce qu’elle est pratiquement muette, ensuite parce qu’elle est en 3 dimensions. Le lecteur y suit le voyage de Jeanjambe, drôle de personnage mi lapin mi bonhomme bâton, dans son exploration sous-terraine à la suite d’un mystérieux fil. Lunettes bicolores sur le nez, nous voici plongés dans l’univers minéral aussi beau que poétique composé par Matthias Picard. Nul doute que cette aventure aux multiples références saura séduire petits et grands !
Jeanjambe et le mystère des profondeurs, Matthias Picard, Éditions 2042, 2024.
Si elle reconnaît volontiers perdre toute objectivité quand il s’agit des albums d’Olivier Jeffers, Lucie est tombée en admiration devant Notre histoire : comment nous en sommes arrivés là, et où nous pourrions aller. Parce que sous couvert de raconter l’histoire de l’humanité, l’auteur-illustrateur d’origine irlandaise nous propose de la retrouver. En montrant l’inepsie de nos frontières et de l’opposition « eux »/ »nous », il invite ses lecteurs à prendre du recul et à proposer une nouvelle histoire, tournée vers l’autre. Un beau projet on ne peut plus d’actualité pour 2025.
Pour Liraloin, un album se démarque pour ce rituel billet coup de cœur, il s’agit de Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov.
« Les mots ne contiennent pas le rêve des autres que tu t’efforces d’entendre ». Peut-on toujours tout verbaliser lorsque les sentiments les plus grands envahissent un cœur ? Les mots ne sont pas suffisants et le silence exprime sans doute beaucoup de choses qui n’arrivent pas à sortir de soi. Alors oui, les mots aident et grâce à eux nous ne sommes jamais tout à fait perdus et pourtant leurs présences ne riment pas avec le silence.
Cet album est une poésie bouleversante car elle offre aux jeunes lecteurs des moments de tendresse et d’interrogation à la fois. Les illustrations en noir et blanc sont tout en finesse et complètent la richesse de ce poème qui voyagera longtemps dans son p’tit cœur de lectrice-rêveuse.
Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024
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Pour Séverine, le coup de cœur jeunesse de janvier, c’est Un jardin pour Maman / Dédée, paru chez les bien-aimées Editions du pourquoi pas ?, dont la ligne engagée et citoyenne la séduit chaque année un peu plus. Quatrième de leur collection Faire humanité, il aborde en douceur deux thèmes plutôt rares en littérature jeunesse, avec le juste ton, entre réalisme et délicatesse, en mots choisis, où simplicité et poésie ne sont pas antinomiques, pour sensibiliser les enfants sur des sujets graves, sans toutefois les noyer sous le sceau du pessimisme. Son format original, marque l’identité de la collection -deux textes en vis-à-vis, qui se font face, très joliment illustrés, une page centrale magnifique comme un pont entre deux rives -apporte fraîcheur et fantaisie, ingrédients essentiels de la littérature à destination du jeune lectorat. Dans les deux histoires qu’il raconte, les âmes blessées par la violence des hommes ou la société qui broie, parfois même complices, trouvent refuge et joie dans les fleurs, belles métaphores de résilience, en bleu et blanc, bleu comme confiance, blanc comme paix, ça ne peut que la toucher… Enfin, dans ces belles histoires teintées de sombre, mais qui finissent bien, en lumière et en humanité, elle y a retrouvé beaucoup de son amie Claire Beuve, l’autrice, dont c’est le premier roman.
Dédée/Un jardin pour Maman, Claire Beuve, illustré par Tildé Barbey, Editions du pourquoi pas ?, Collection Faire humanité, 2025
En ce mois de janvier, Héloïse – Helolitla a vibré pour le premier tome du Royaume des géants, de Dana B. Chalys. Un mélange de fantasy et de science-fiction, un monde futuriste dans lequel les terres sont en grande partie recouvertes par les eaux. Safh, qui a grandi bercée par les légendes de dragons de sa grand-mère, ne rêve que d’une chose : explorer les nuages. Pour ce faire, elle se rend à la grande ville, espérant y dénicher la personne qui pourrait l’aider à « arranger » sa Pami – son hoverboard – afin qu’elle vole plus haut. Mais un étrange nuage s’approche de la ville…
Enquête, aventure et magie sont au cœur de ce roman addictif qui a conquis Héloïse. Elle a aussi apprécié la richesse et la diversité des personnages, le mélange entre technologie, écologie et légendes, et les messages de tolérance et de partage sous-jacents.
Le royaume des géants, tome 1 : Le secret des nuages, de Dana B. Chalys, Ed. Gulf Stream. Octobre 2024.
Côté album, elle a craqué pour Lady Papa, et sa couverture si flashy.
Un enfant grandit au côté de son papa drag queen. Le matin, ce dernier porte un jean pour l’accompagner à l’école, mais le soir, de retour de l’école, sous les yeux ébahis et admiratifs de son enfants, il se transforme à l’aide de pinceau, de maquillages et de robes sublimes. Lady Papa est un album d’Émilie Chazerand plein d’humour et de tendresse, aux couleurs chatoyantes et vibrantes, qui aborde un thème peu représenté en littérature jeunesse. Tolérance, amitié et positivité sont mis en avant, pour mieux faire fondre le lecteur devant la belle relation qui unit cet enfant et son père. Solaire, virevoltant, profondément humain et bienveillant, Lady Papa est parfait pour déconstruire préjugés et stéréotypes !
Lady Papa, d’Émilie Chazerand, illustré par Diglee, La ville brûle, Aout 2024
Blandine a craqué pour l’album de Philippe Jalbert (un auteur qu’elle affectionne particulièrement) Il était une fois Une souris verte… lu avec sa nièce.
Il était une fois Une souris verte… Philippe JALBERT. Seuil Jeunesse, février 2023
Est-ce une histoire, la comptine… Dès le départ, on se questionne et Philippe Jalbert entend bien entretenir la confusion des genres en mélangeant aux paroles des éléments incongrus… Bien sûr, il est de bon ton de d’abord connaître la chanson pour bien se régaler des petites et même grosses incartades de l’auteur, qui nous régale également avec son trait !
Un album vraiment drôle !
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Et vous, quelles lectures vous ont fait vibrer en ce mois de janvier ?
Nous sommes très heureuses de vous retrouver pour une nouvelle année de partage, d’échanges et – on l’espère ! – de chouettes découvertes littéraire. Pour démarrer sous les meilleurs auspices, nous avons sélectionné les titres que nous avons préférés en 2024.
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Outre la fantastique clôture de la trilogie Alma (dont vous pouvez retrouver son avis et celui d’Héloise – Ileautresor) par Timothée de Fombelle qui a eu les honneurs de nombreux médias, Lucie a eu envie de rappeler deux coups de cœurs certes déjà cités (respectivement en juin et en septembre) mais qui lui ont laissé une impression durable.
Le premier est l’autobiographie romancée de l’auteur-illustrateur Eugene Yelchin, Un génie sous la table. Véritable plongée dans le quotidien d’une famille sous le régime communiste de l’URSS des années 1960, ce roman est un témoignage précieux. D’autant que les événements sont racontés avec un vrai sens de la formule et beaucoup d’humour.
L’espionnage et la promiscuité au quotidien, la pression des parents très conscients que seul un talent exceptionnel permettra à leur fils de se sortir d’une situation misérable, mais surtout le regard que pose cet enfant sur son environnement en font une histoire drôle et marquante à la fois. À découvrir !
Le génie sous la table d’Eugène Yelchin, l’école des loisirs, 2024.
Le second est Le gang des 11, un album très intelligent de Rocio Bonilla sur le phénomène de groupe. Si l’on peut le lire comme une simple aventure de Benjí, petit poisson invité à rejoindre un gang pour jouer, lorsque l’on s’arrête sur les douces illustrations le propos gagne en profondeur.
Les poissons sont tous gris, les yeux fermés, et suivent aveuglement les jeux de leur chef. Sauf que ces activités ne sont pas vraiment appréciées par les poissons qui en sont victimes. Où s’arrête le jeu et où commence le harcèlement ? Est-il possible de garder sa personnalité dans un gang ? Si le groupe fait quelque chose qui nous semble mal, comment y résister ? Peut-on pardonner à quelqu’un qui a fait du mal ? Voici certaines des questions que cet album peut soulever, avec délicatesse et bienveillance. Brillant !
Le gang des 11, Rocio Bonilla, Éditions du Père Fouettard, 2023.
Pour Liraloin le premier roman On ne dit pas sayonara d’Antonio Carmona est une excellente surprise jusque là toujours un peu déçue des lauréats du concours d’écriture organisé par les éditions Gallimard jeunesse.
Pourquoi ne dit-on pas sayonara ? car la signification de cet au revoir n’est pas vraiment compatible avec ce que va ressentir la lectrice/le lecteur. Elise et son étoile Stella : celle qui va l’accompagner, la faire réfléchir sans brusquer, tout en étant respectueuse. Elise et sa grand-mère Sonoka celle qui va enfin prononcer le prénom d’une maman disparue, celle qui va honorer sa mémoire. Des rencontres qui font changer, évoluer et enfin peut-être accepter l’inacceptable. Tout ce petit monde va graviter, se connecter autour d’Elise et c’est un bonheur dans faille qui en restera.
On ne dit pas sayonara d’Antonio Carmona, Gallimard jeunesse, 2023
Un album a particulièrement fait mouche auprès de cette grande sensible : il s’agit de Demain dans une demi-heure de Thomas Scotto, illustré par Claire Gaudriot.
ll est des albums qui empoignent le cœur si fortement que le souffle devient trop faible pour continuer sa lecture. Thomas Scotto possède cette qualité rare d’écrire si généreusement (dans sa poésie) qu’on ne peut que lire et ressentir également cette puissance de l’écrit entre les lignes. Dans cette histoire à l’étrange allure de conte fantastique, un enfant ressent le monde extérieur. Un monde en attente d’une rencontre unique, si bouleversante pour les parents. Quant à Claire Gaudriot, elle réussit à transmettre tous les désirs de cette attente en offrant un dessin méticuleux et subtil. Bravo à ce fabuleux duo d’auteur-illustratrice ainsi qu’à Laurence Nobécourt de nous livrer cet album si fin et émouvant.
Demain dans demi-heure de Thomas Scotto, illustré par Claire Gaudriot, A pas de loup, 2023
Pour Séverine, l’un de ses plus grands coups de cœur, c’est La fin de Velvet, petit roman à destination des tous.tes jeunes lecteurs.ices – collection Mouche de l’ Ecole des loisirs- qui, selon elle, allie finesse du texte et illustrations prodigieuses, pour un effet bouleversant d’émotions antagonistes. Le sujet principal est grave, il faut déployer une fantaisie délicate, une générosité et une ampleur hors normes, pour que le drame ne vire pas au mélo, ni les questions à l’angoisse. Ici, c’est de la maladie, puis de la mort imminente d’une toute jeune fille, dont il est question. Or, Nastasia Rugani et Marc Boutavant réussissent la prouesse d’en faire un récit lumineux, teinté d’espoir, malgré le caractère définitif, douloureux et irréversible de la séparation. Les deux sœurs que nous suivons tout au long de leur dernière nuit ensemble, sont puissantes de complicité joyeuse, de souvenirs et de secrets partagés, et dans l’amour qui les unit, ici-bas et peut-être au-delà… Transcendé par les illustrations extraordinaires de Boutavant qui démontre, du sombre au jaune éclatant, de câlins en regards, qu’il sait faire plus que les chiens sans collier et les ânes pas bâtés, ce conte fantastique où se croisent les registres métaphorique et fantomatique, dans une ambiance empreinte de douceur et de sensibilité, se révèle d’une profondeur rare. La fin de Velvet, plus qu’une histoire de mort, c’est une histoire d’enfance, de rires et de larmes, de secrets et de promesses, de peurs et de défis, de rêves et de soleils. C’est l’histoire de ceux qui partent et ceux qui restent. C’est la vie, à n’en plus finir.
La fin de Velvet, de Nastasia Rugani, illustré par Marc Boutavant, Ecole des Loisirs, 2023
Son autre énorme coup de cœur de lecture en 2024, c’est La grande école, de Nicolas Mathieu et Pierre-Henry Gomont. Cet album au grand format à l’italienne, aux illustrations malicieuses, aux tons légèrement nostalgiques qui l’émeuvent si souvent, est une tranche de vie d’un père divorcé et son fils, entre la fin des vacances et l’entrée au CP, débordant d’humour et de tendresse. Il se conclut sur une déclaration d’amour, qui est à peu près ce qu’elle a lu de plus beau de toute sa vie sur le temps qui prend nos enfants et fait de nous des marchands de souvenirs et des camelots de promesses à tenir. « […] Je t’attends à l’autre bout. Ne t’en fais pas. Ton enfance est en lieu sûr. Tu peux devenir qui tu voudras.« Avec cette lecture, elle s’est posé et reposé une question à laquelle tous les livres du monde auront du mal à répondre : Comment les regarder s’éloigner sans douter des bagages qu’on leur a donnés ? Elle savait l’auteur pour grands fortiche pour écrire les liens qui se font et se défont, humour, dérision, poésie et émotion en bandoulière (Elle a d’ailleurs retrouvé ce texte dans Le ciel ouvert, recueil du même auteur, qui en littérature pour adultes, est à peu près ce qu’elle a lu de plus beau de toute sa vie sur les familles murailles et fissures à la fois). Désormais, c’est sur le ring des livres pour enfants, qu’il la met KO à chaque ligne !
La grande école, de Nicolas Mathieu, illustré par Pierre-Henry Gomont, Actes Sud jeunesse, 2020
De nombreuses lectures font figures de gros coups de cœurs pour Linda pour qui il n’a pas été facile de faire un choix. Elle a finalement choisi de mettre en avant deux titres qu’on voit finalement assez peu présentés sur la toile.
Tout d’abord, il y a ce roman superbement écrit par Antonin Sabot découvert lors de la sélection du Prix Vendredi 2024 qui, d’une plume magnifique entre narration à la troisième personne et vers libres, livre un hymne puissant à la nature et à la liberté !
Ensuite, il y a le bel album au charme désuet d’André Marois, déjà présenté comme son coup de cœur en mai dernier, qui célèbre l’enfance et ses jeux au travers de l’imagination sans limite qui vaut bien plus que tous les jouets du monde.
L’histoire nous plonge dans l’imagination débordante de deux enfants envoyés au jardin pour prendre l’air et s’amuser. Bien loin des bacs à sable, le potager et les animaux de la ferme ouvrent sur une aventure gourmande et pleine de rebondissements qui donnent aussi l’illusion du danger et confrontent les enfants à leur propre peur.
On ferait comme si d’André Marois & Gérard DuBois, Grasset, 2023.
Pour Colette, c’est une autrice fétiche qui a encore cette année remporté son coup de cœur ! Il s’agit de l’indétrônable Marie-Aude Murail à qui nous avions d’ailleurs consacré une très belle sélection « Nos classiques préféré.e.s » en 2020. Ce n’est pas un de ses derniers titres que Colette a découvert cette année (même si Francoeur est dans sa PAL depuis début décembre ) mais le fabuleux Miss Charity dont elle vous parlait déjà cet été.
Miss Charity, Maire-Aude Murail, L’école des loisirs, 2016.
Suivre Charity de son enfance à l’âge adulte est un ravissement ! D’ailleurs les œuvres qui embrassent toute une vie, c’est un peu le dada de notre collectionneuse de papillons (vous, vous souvenez, on avait fait un super article sur le sujet : les livres-de-toute-une-vie : quintessence de papier) alors là voyager à travers le XIXe siècle au fil des aventures créatives, littéraires, théâtrales, amoureuses, amicales et familiales de Miss Charity, ce fut absolument parfait ! Impossible de lâcher ce livre pourtant lourd de 480 pages.
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Du côté des albums, Colette adore partager autour d’elle ceux que Baptiste Beaulieu écrit avec Qin Leng. Les Gens sont beaux, On a deux yeux pour voir et Je suis moi et personne d’autre sont devenus des phares dans la bibliothèque familiale. Il faut le dire, dans la famille de Colette on a tout particulièrement aimé cette année On a deux yeux pour voir parce qu’il a un petit côté magique, il nous relie à notre pouvoir intérieur, à notre pouvoir d’enfant, le pouvoir de voir avec notre « oeil en forme d’étoile tout ce qui est triste, mauvais ou cruel » et notre « oeil en forme de lune, ce qui est bon et joyeux ». On suit donc la narratrice à l’aube de la découverte de son pouvoir et on (ré) apprend, avec elle, à regarder le monde autrement, complètement, entièrement. Y compris les émotions qui nous assaillent. Ces émotions qui nous font tel.le.s que nous sommes si nous prenons la peine de les accueillir.
On a deux yeux pour voir, Baptiste Beaulieu, illusrations Qin Leng, Les arènes, 2023.
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Blandine a eu beaucoup de coups de cœur en 2024, très variés, très éclectiques. En albums, en romans, en BD. Avec toutes sortes de thématiques, de graphismes, de découvertes et d’évasions..
Voyez plutôt… en images !
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2024 a été l’occasion pour Helolitla et ses enfants de débuter de nouvelles séries jeunesse prometteuses, comme Les Whisperwicks, ou encore les Chroniques de Nim. L’occasion aussi de continuer des séries chouchoutes, Aurora, de Vashti Hardy en tête. Mais s’il ne faut en choisir que deux, Helolitla retient celles qu’elle a terminé, et qui l’ont happée du début à la fin.
Pallas, de Marine Carteron, pour commencer. Une réécriture envoûtante de la guerre de Troie, qui replace les femmes au centre de l’histoire. Un récit épique et poétique en trois tomes, féministe et sanglant, qui aura su la transporter du début à la fin. Un travail documenté titanesque et moderne, cruel et lyrique, à lire si ce n’est déjà fait !
Pallas, tome 3 : Sous l’œil de l’Olympe, de Marine Carteron, édition du Rouergue. Mai 2024
2024, c’est aussi l’année qui a vu se clôturer le Mécaverse, d’Adrien Tomas, avec la parution en octobre dernier de l’ultime tome Neige et Poussière. Helolitla, qui adore le steampunk et la fantasy, a a-do-ré relire tous les tomes précédents de cet univers riche et complexe, pour se plonger dans un final qui réunit tous les personnages croisés précédemment.
Encore une fois, Héloïse s’est laissée charmer par la complexité de l’intrigue, les trahisons et autres complots, la densité des personnages et des pays traversés. Pour elle, c’est un dernier tome qui se termine avec le goût amer de l’au revoir aux personnages adorés, mais aussi et surtout de manière très réussie. Un univers à découvrir, sans conteste !
Neige et Poussière, d’Adrien Tomas, Rageot. Octobre 2024.
Après vous avoir proposé successivement un article sur un conte de Noël écrit par nos soins, des lectures pour un Noël généreux puis un Noël décalé, nous avons décidé cette année de choisir chacune un livre cher à notre cœur susceptible de plaire à toutes les générations réunies autour du sapin. Voici donc notre sélection de livres à partager, à lire sans modération !
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Si les classiques sont des valeurs sûres, c’est un titre récent que Lucie a envie de partager. Car tous les membres de sa famille, de 64 à 5 ans ont craqué pour Coboye !
Parce que l’enfance touche tous les cœurs quelque soit leur âge officiel, la bande dessinée de Cécile, qui contient très peu de texte, saura ravir les petits et les grands. La bédéaste y relate sa jeunesse dans un far west imaginaire avec beaucoup de douceur et d’imagination. Petits et grands sont happés par les grandes illustrations et rient de bon cœur aux « carabistouilles » réalisées si naïvement. Avec aussi la pointe d’émotion qui sied à la période, cette BD est parfaite.
Chez Séverine, seules deux personnes sur cinq sont accros à la lecture…Sa fille de 9 ans, et…elle ! Pourtant, malgré le goût peu prononcé des trois autres pour la chose littéraire, s’il est un livre qui fait l’unanimité, c’est bien celui-ci : Quelqu’un m’attend derrière la neige. A mi-chemin entre l’album illustré et le roman de premières lectures, son format est idéal pour un court moment hors du temps, porté.es par la plume délicate et passionnante de Timothée de Fombelle, et les illustrations chaleureuses de Thomas Campi. Ainsi, chaque année, à la période des fêtes de fin d’année, sa lecture à voix haute donne l’occasion à la famille de resserrer les liens autour de ses valeurs (liberté, fraternité, hospitalité, etc.), de partager une empathie commune et de se souvenir, ensemble, que cette période n’est pas, pour tou.stes, synonyme de joie et de lumières scintillantes. Grâce à une belle histoire, entre mélancolie, poésie, et triste réalité, l’auteur, conteur hors pair, nous rappelle qu’elle est aussi des jours parfois sombres pour les êtres privé.es de la chaleur d’un foyer, des rires, des festins, des cadeaux, bref, de la « magie de Noël ». Pourtant, pour ses trois personnages, il imagine une autre issue : être attendu.e, ou celui/celle qu’on attendait… C’est un récit très touchant, dont les thèmes -l’exil, la solitude, la précarité matérielle ou sociale et le monde qui va trop vite- sont de ceux qui interrogent notre humanité, et appellent à notre vigilance, plus encore à cette période de l’année, où tout est exacerbé. Ils nous invitent à la générosité, mais pas exclusivement consumériste. Sans la dévoiler, la fin, très émouvante, mouille, à chaque fois, les yeux de tous les membres de la famille, enfants ou adultes, même les plus coriaces…
Quelqu’un m’attend derrière la neige, de Timothée de Fombelle, illustré par Thomas Campi, Gallimard jeunesse, 2019
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Pour Liraloin les fêtes de fin d’années sont le moment propice pour se reposer et lire mais aussi partager des lectures à voix haute dès que possible. Il y a un titre chouchou et très certainement que ce dernier parle à toutes les générations de lectrices et lecteurs qui aiment les contes classiques avec un pointe d’humour ! Un titre qui a une place toute particulière car il a été lu pour la première fois à voix haute il y a plus de 10 ans devant un large public d’oreilles captives. Forte de cette expérience ce premier roman m’accompagne souvent. Mais quel est ce titre, me direz-vous ? Il s’agit de la Bergère qui mangeait ses moutons d’Alexis Lecaye et Nadja : un conte détourné où, et tout est dans le titre, la personne qui normalement doit prendre soin de ses animaux en réalité…. les déguste ! Cette histoire est un pur bonheur de lecture à voix haute : suspense, humour, retournement de situation pour s’amuser un maximum durant la digestion d’une bonne bûche au chocolat ! Bonne découverte et joyeuse lecture sous un grand sapin vert aux mille couleurs scintillantes.
La bergère qui mangeait ses moutons d’Alexis Lecaye et Nadja, Ecole des loisirs, collection : Mouche, 1991
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Linda est une enfant « Ernest et Célestine« , elle a découvert les albums de Gabrielle Vincent à l’école maternelle et en a fait profité tous ses enfants. C’est l’incontournable de Noël, celui qui réunit toute la famille, très certainement séduite par la simplicité de la fête et la mise en avant des valeurs du partage et de la générosité. Il se dégage de l’histoire et de ses personnages la magie de Noël délicatement emballée dans la chaleur de l’amitié.
Noël chez Ernest et Célestine de Gabrielle Vincent, Casterman, 2011 (pour la présente édition).
Chez Héloïse – Helolità, c’est un album récent qui fait l’unanimité et qui a charmé toute a famille : Trölls, d’E. S. Green. Un ouvrage superbement illustré par Lisa Ghisquier, qui revient sur les origines des lutins du Père Noël.
En plein folklore scandinave, entre froid et mythologie, nous suivons les trölls du roi Rotinmir dans une aventure envoûtante et passionnante. C’est un album qui invite à faire le bien autour de soi, aux belles valeurs d’entraide et à la féerie certaine. Un titre à lire, et à relire !
Trölls, d’Ellie S. Green, Gulfstream éditeur, Octobre 2022.
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Et vous, autour de quelle lecture aimez-vous vous retrouver en famille ?
Noël approche, tout comme le froid, les idées cadeaux et le bilan de l’année. Avant de vous proposer nos coups de cœur de 2024, voici notre dernière sélection mensuelle. Avec peut-être des titres à piocher pour gâter les têtes blondes, brunes ou rousses qui trépignent déjà devant leur calendrier de l’Avent ?!
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Héloïse – Ileautresor a eu un coup de cœur pour l’album Entre Terre et Eau, un magnifique documentaire écrit avec passion. D’entrée de jeu, comme dans une balade au bord de l’étang, le lecteur devient le spectateur des scènes de la nature : le Héron cendré se tient immobile, mais s’envole lorsqu’on s’arrête pour l’observer. Des Cygnes glissent sur l’étang. L’un d’eux plonge dans l’eau. En ouvrant ce livre, il semble entendre les chants d’oiseaux – même parfois dans un nid. C’est un livre bien vivant. On entend le blop ! de la Grenouille des champs. Un arbre tombe ! C’est le Castor d’Europe qui construit sa hutte Affairé, toujours à l’oeuvre, il est trop occupé pour s’attarder. Le lecteur contemple le vol en V des Oies cendrées – qui se rendent jusqu’en Scandinavie.
Au bord de l’eau, le lecteur-randonneur voit toute la beauté des oiseaux lors de la saison des amours. Il assiste à la parade nuptiale des Avocettes élégantes dans une gracieuse danse avec des becs entrecroisés comme dans un baiser. Il peut voir aussi le vol nuptial du Courlis cendré, qui lançe trilles et vocalises en montant dans le ciel, puis redescend en planant. Ainsi, le lecteur devient l’observateur attentif du mode de vie de la faune du Nord de l’Europe. Celui-ci se reflète même dans le langage : Le Lièvre d’Europe se livre à de folles cabrioles, ce qui a donné naissance à l’expression « fou comme un lièvre de Mars »). Il représente aussi un symbole de fécondité perceptible dans la légende des oeufs en chocolat qu’il apporte au printemps… En définitive, c’est un livre précis, vivant, sensible, cultivé, enrichissant, que l’on prend plaisir à découvrir. Il laisse en admiration avec ses superbes gravures, doté de larges traits en noir et blanc, et de quelques couleurs choisies avec mesure. Magnifique.
Entre terre et eaud’Eva Moraal, illustré par Marieke ten Berge, Rue du Monde, 2024.
Linda a eu un coup de cœur pour un petit roman de Sébastien Joanniez – déjà auteur de son coup de cœur d’octobre – qui aborde le difficile sujet de la perte d’un parent et du travail de deuil et de reconstruction qui en suivent. Le sujet du deuil est toujours délicat à aborder en littérature jeunesse, d’autant plus quand il est question du suicide d’un parent, mais l’auteur parvient ici à nous faire ressentir la violence de la perte en jouant sur les souvenirs de sa jeune héroïne avec celui qu’elle vient de perdre et sur sa capacité à comprendre que, si elle ne pourra pas en construire de nouveaux, ceux-là ne disparaitront jamais. Des jours comme des nuits pour montrer la difficulté à avancer quand on a perdu son pilier, l’impression d’être toujours dans l’obscurité.
Des jours comme des nuits de Sébastien Joanniez, éditions Rouergue, 2024.
Mais il y a aussi une bande dessinée, adaptation d’un classique de la littérature britannique, qui a su lui plaire, d’autant plus que ce format lui a permis d’aller au bout de l’histoire, la lecture du roman s’étant révélée plutôt ennuyeuse… Graphiquement somptueux, ce roman graphique à réserver aux adolescents nous plonge dans un lieu paradisiaque qui devient bientôt lieu de cauchemars. L’histoire se déroule sur une île déserte sur laquelle un groupe d’enfants tentent de survivre alors qu’ils sont les seuls rescapés du crash de leur avion. Après avoir mis en place une organisation qui rappellent les schémas dans lesquels ils ont grandi, leur fragile équilibre implose en une escalade de la violence qui conduit irrémédiablement à la mort des plus faibles et des plus raisonnables. Aimée de Jongh a su saisir l’esprit du roman de William Golding et sa vision plutôt pessimiste de l’organisation sociale par la prise du pouvoir et la mise en place de lois avec ce que cela sous-entend de transgressif.
Sa majesté des mouches de Aimée de Jongh, Dargaud, 2024.
Pour Liraloin, la perspective de rencontrer bientôt Gaël Aymon a orienté sa lecture vers le roman 17 ans à jamais.
J’ai commencé ce roman le 13 novembre, une date gravée à jamais dans le cœur et le visage de Florin. Plongée dans cette histoire, j’ai été fascinée par la vie de Marthe. Sa détermination et son courage, ses recherches pour retrouver son amour perdu se lit dans chaque mot de Gaël Aymon. Comment pourrions-nous réagir en temps de guerre ? Ecrire à travers les époques, se rappeler les atrocités de la vie c’est justement le travail que nous livre l’auteur en nous transportant dans les yeux de Marthe. Un regard que nous ne pourrons oublier de sitôt.
Lucie et son fils ont (enfin !) découvert Les mystères de Larispem, deuxième lauréat du prix Gallimard jeunesse – RTL – Télérama. Pour cette série de trois romans, Lucie Pierrat-Pajot propose une uchronie audacieuse : les communards ont remporté les combats, Paris – renommée Larispem – est coupée du reste de la France et dirigée par un gouvernement tricéphale.
Un univers steampunk dans un Paris qui s’apprête à entrer dans le vingtième siècle, une intrigue politique, une caste de bouchers inquiétante et des nobles spoliés aux pouvoirs étranges… voici quelques uns des ingrédients qui tendent un récit maîtrisé et haletant, porté par des personnages aussi vifs que sympathiques. Attention, si vous laissez l’auteure vous embarquer, vous aurez (comme eux) du mal à lâcher ces romans avant leur conclusion !
Les mystères de Larispem, Le sang n’oublie jamais de Lucie Pierrat-Pajot, illustrations de Donatien Mary, Gallimard jeunesse, 2016.
Son avis sur le premier tome ICI et sur le deuxième LA.
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Ce mois-ci, Helolitla est tombée sous le charme du pétillant The agency for scandal, de Laura Wood. Un roman virevoltant qui mêle avec brio et légèreté action, enquête, féminisme et romance. Fin du 19e siècle, à Londres. Isabelle Stanhope, surnommée Izzy, est seule pour subvenir aux besoins de sa famille. Lady le jour, elle se transforme en jeune voleur la nuit. Elle travaille pour la Volière, une association de voleuses qui luttent pour défendre les droits des femmes. Mais tout se complique quand le beau Max, un duc, rien que cela, se retrouve mêlé à l’histoire…
Quand j’endossais le costume de Kes, je n’avais pas le sentiment de devenir un garçon ; j’avais le sentiment d’être une femme aussi libre qu’un garçon. Et cela me plaisait beaucoup.
Droits des femmes, ambiance victorienne, bals, jolies robes et espionnage au programme de ce roman vitaminé et coloré, qu’Héloïse a littéralement dévoré ! Un ouvrage divertissant, mais qui fait aussi réfléchir sur la place des femmes dans la société, et l’égalité encore loin d’être acquise !
The agency for Scandal de Laura Wood, Pocket jeunesse, mai 2024
La grisaille de novembre pointe le bout de son nez, les envies de cocooning se font plus pressantes…. C’est le moment idéal pour découvrir les titres qui nous ont fait vibrer en octobre, et pourquoi par commencer à répéter des titres à déposer au pied du sapin !
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Lucie a été intriguée par ce titre sélectionné par le salon de Montreuil dans la catégorie « Pépite fiction ado ». Et pour entrer dans La danse sauvage d’Harmonie Stark, mieux vaut chausser ses bottes et son Stetson : voyage et aventure au menu ! Sigrid Baffert et Jean-Michel Payet plongent leurs lecteurs en plein Ouest américain du 19ème siècle, au milieu des convois de colons et des desperados. Nous voici chevauchant aux côtés de Grand et Petit. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Ne comptez pas sur elle pour vous le dire !
Sachez seulement que la fameuse Harmonie Stark ne fait son apparition qu’au bout d’une centaine de pages et qu’il vaut mieux se concentrer (et avoir le cœur bien accroché) pour démêler le fil de sa vie. Heureusement niveau humour et émotion, le binôme Grand – Petit fonctionne à merveille. Outre l’aspect « western » et les personnages féminins aux caractères bien trempés, Lucie a beaucoup apprécié la recherche de vocabulaire et de sonorités des auteurs, qui ont fait un vrai travail pour que leurs mots sonnent « vrai ». Et les titres de chapitres sont de belles trouvailles !
La danse sauvage d’Harmonie Stark, Sigrid Baffert et Jean-Michel Payet, L’école des loisirs, 2024.
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Autre genre, autre coup de cœur. Cela faisait longtemps qu’Un océan d’amour était dans la liste de Lucie. Il faut dire qu’avec sa couverture façon boîte de conserve, cette impostante BD (224 pages) a de quoi titiller la curiosité du lecteur. Plus encore lorsqu’il s’aperçoit qu’elle) ne contient aucun texte. Tour de force ? Très certainement, d’autant que le pari audacieux de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione ne s’arrête pas là. D’amour il est question, mais l’amour à l’épreuve du quotidien – au départ ; puis de la distance – par la suite. Sans un mot. Mais pas sans émotion !
Les auteurs mettent en scène un couple breton, traditionnelle Bigoudène flanquée de son pêcheur de mari. Mais voilà que la journée de pêche tourne au drame, et madame guette le retour de son époux sur le port. L’occasion d’aborder pèle-mêle (mais pas tant que cela) la pollution, la surpêche, la malbouffe, les pirates, l’opportunisme des dirigeants et le retour en grâce des traditions, du do it yourself aux recettes de grand-mères. Toujours sans un mot. Pour ne rien gâcher, les personnages sont adorables, exagérés juste ce qu’il faut pour les rendre attachants, et tant les décors que les couleurs sont splendides.
Un océan d’amour, Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione, Delcourt, 2014.
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Héloïse – Ileautresor a eu un coup de cœur pour cet album grand format. D’après les belles couleurs de ses pages et de la couverture orangée, il donne une impression de chaleur. Mr Henri le blaireau part se promener dans la forêt parée de couleurs dorées. Il aime l’automne : c’est sa saison préférée. Il aime prendre le temps de rêver… Il songe à ce billet reçu dans la matinée…Timide, sensible, timide, il aime sa tranquillité. Il trouve vraiment curieux, qu’on lui parle d’émois amoureux…Mais soudain… Toc toc toc…Quelqu’un frappe à sa porte. Qui donc lui rend visite pour le goûter? C’est son amie Moufflette ! Tant mieux, il vient justement de préparer un bon gâteau à la courge qu’ils vont partager. Or le récit est mêlé à de savoureuses préparations: soupe à l’oignon, tarte aux champignons, sont aussi évoqués cookies à la cannelle et flan aux oeufs vanillé. Tout a l’air si délicieux !
Les deux amis sont bien campés et très différents. A la balançoire, lui, plus prudent, va plus doucement. Elle s’élance volontiers dans le vent. A bicyclette, ils forment un drôle de cortège: un blaireau et une mouffette….Une autre lettre de l’inconnue mystère invite Mr Henri à une fête déguisée où chacun fait un vœu, en secret, en tournant autour du feu… L’album évoque la douceur de l’amitié entre un blaireau et une mouffette … et peut-être plus d’ailleurs…le lecteur l’aura peut-être deviné ! Avec toute la chaleur ensoleillée de belles journées, l’album adopte les couleurs dorées et vermeilles. C’est une merveille !
Un automne avec M. Henride Fanny Ducassé, Seuil jeunesse, 2024.
Séverine ne connaissait pas cet album de Bernadette Gervais, dont elle appréciait jusqu’alors le grand talent pour illustrer la nature, la magnifier, croquer l’enfance joyeuse… Elle ne s’attendait pas à être sidérée par une œuvre, certes, toujours graphiquement splendide, mais surtout d’une force inouïe pour traiter, avec les plus petit.es, le sujet des violences intra-familiales, au sein du couple, et partout où il y a maltraitance…. Sous couvert d’un conte animalier, c’est une situation hélas bien humaine que raconte l’autrice : celle d’une vie quotidienne sous emprise, coincée dans les rouages du dénigrement, de l’isolement, de la culpabilité, du déni, voire du syndrome de Stockholm…L’atteinte à l’intégrité physique y est également abordée de front, avec néanmoins toute l’acuité indispensable quand on s’adresse au très jeune lectorat. Le ton est simple, juste, les illustrations illuminent et adoucissent la difficulté du propos. « Petite et grande Ourse » raconte l’histoire d’une petite ourse qui subit, jour après jour, les colères, les humeurs, les insultes et brimades de sa mère adoptive, parfaite incarnation d’un.e pervers.e narcissique, brillant.e en société, très sombre dans le secret du foyer. Quand Petite ourse ose tout révéler, personne ne la croit. Elle se résigne…Jusqu’au jour de trop…Elle suit alors le conseil de Grande Ourse (sa conscience ?) et fuit, malgré sa crainte de l’inconnu. Ici, l »optimisme reste de mise, puisque tout est bien qui finit bien et c’est, tout en finesse, que Bernadette Gervais nous dit : fort est qui abat, plus fort est qui se relève. A hauteur d’enfant et en très grand !
Petite et grande ourses, de Bernadette Gervais, La Partie, 2022
Autre coup de cœur du mois d’octobre pour Séverine, qui a enfin lu le seul roman ado d’Hervé Giraud qui manquait à son palmarès. On se souvient qu’elle a découvert cet auteur seulement un an auparavant et que, depuis, chaque lecture l’emporte dans un univers unique qui floute la frontière entre humour et tragédie. Solal, le héros de « Y aller », décide, à la suite de la vexation ultime (« t’es pas un vrai mec« ), de quitter sa chambre-grotte, sa console de jeux vidéos, sa manette et tout ce qui le lie au virtuel. « Quand tu aimes, il faut partir » ? Vive l’aventure ! Sac au dos, pouce en l’air, ocarina et autres babioles essentielles en poche, direction le centre de la France, à savoir Bruère-Allichamps (Cher, 566 habitants), pour prouver à la terre entière, Laëtitia Duvernois (par qui le scandale est arrivé) et surtout lui-même, qu’il saura cumuler les points, gagner des vies, la Vie, et aussi la partie ! Il ne perdra pas un bras au champ de bataille, mais un bout de doigt dans son périple, et même un peu plus…Road-trip décalé et décapant, peuplé de personnages secondaires plus loufoques les uns que les autres, ce roman moins léger qu’il n’y paraît, est une exhortation à être moins con…necté.es et à profiter des merveilles que nous offre la réalité. Il est absolument parfait pour les gamers et autres geeks, ou tout simplement, celles et ceux qui aiment les romans qui naviguent joliment entre sourires et émotions.
Linda a eu un coup de cœur pour cet album fraichement publié aux éditions Voce Verso qui aborde l’importance d’accueillir les émotions et de les laisser s’exprimer pour mieux les affronter et les dépasser. Le texte de Sébastien Joanniez dégage une douceur et une poésie qui s’expriment dans la métaphore de l’océan, utilisée pour parler du vague à l’âme et du torrent d’émotions capable de submerger.
La tristesse s’exprime dans les illustrations de Sara Stefanini par l’utilisation d’un beau camaïeu de bleus, la palette de couleurs se réchauffant au rythme de l’apaisement de l’enfant. Son trait tout en rondeur et la colorisation très graphique appuient par ailleurs l’émotion du texte par le mouvement ondulatoire de l’eau. Quand l’eau semble enfin s’écouler vers l’extérieur du corps de l’enfant, l’effet n’en est que plus fort.
Doucement doucementde Sébastien Joanniez, illustré par Sara Stefanini, Voce Verso, 2024.
Du côté des romans, Linda a eu plusieurs coup de cœur, notamment dans la sélection du Prix Vendredi mais pour ce billet, elle avait envie de mettre en avant un titre qui rend hommage aux sœurs Brontë, en commençant par Charlotte qui donne son nom au titre, un titre qui est aussi et surtout l’histoire d’une rencontre improbable, d’une premier amour porté par deux adolescents que tout oppose.
Jeanne est une jeune fille discrète, presque effacée, dont la passion pour l’œuvre de Charlotte Brontë l’anime d’un enthousiasme communicatif et la rend terriblement attachante dans sa capacité à se perdre dans ce roman et l’histoire de son autrice. Ne laissant rien au hasard, elle pousse ses recherches à l’extrême pour mieux en appréhender les nuances.
Au fil des pagesse dessine le portrait de cette adolescente qui semble s’être volontairement coupée du monde dans lequel elle vit pour s’enfermer dans l’illusion naïve de cette vie romanesque qu’elle perçoit dans le récit de Jane Eyre. Pourtant ses recherches vont peu à peu la confronter à la réalité plus sombre et au destin plus dramatique des enfants Brontë. Par ailleurs, en opposant ses idées à celles d’Alex et, en apprenant à le connaître, Jeanne va peu à peu réapprendre à vivre dans cette réalité qui est la sienne.
Charlotte in Love d’Éléonore Desclée, illustré par Yolande de Borchegrave, Alice éditions, 2024.
Quant à Liraloin et sa tête complétement immergée dans la littérature japonaise, il était un p’tit peu évident que son coup de cœur allait voyager au pays du Soleil Levant.
« Dans le train de Monsieur Shô-Shô, il y a des bonsaïs, des cerisiers en fleurs, des buveurs de thé et des buveurs de saké… ». Ici, les wagons sont colorés et accueillent les voyageurs aux moultes envies. Après avoir déposé son bagage, éventuellement mis son fidèle compagnon en gardiennage, vous pourrez filez « à la japonaise ». Bienvenue à bord pour un voyage où les escales sont tantôt des izakaya (petites échoppes pour boire et manger) où des magasins pour y faire des petites emplettes et tout cela sur les rails bien évidemment. Avez-vous remarqué cet arbre ou vous pourrez vous installer le temps d’une lecture à la douce lumière d’une lanterne traditionnelle ? …
Dans ce grand album à l’talienne sans texte, la voyageuse-lectrice ou le voyageur-lecteur peut observer toute la diversité de la culture nipponne. Les intempéries n’empêcheront pas d’arriver à la gare de Shitamachi sous une pluie de fleurs de cerisier. Qu’il est bon d’observer les dessins crayonnés hachurés et colorés. Yoki kokai wo !
Un ticket pour Shitamachi de Tadayoshi Kajino, Lirabelle, 2014
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Suite à l’écoute du très bel épisode de Folie douce, le podcast de Lauren Bastide consacré à la santé mentale, qui louait la beauté de ces amitiés qui soignent, Colette s’est plongée dans un roman des années 2000 qui avait eu un succès incroyable à l’époque de sa publication : Kiffe kiffe demain de Faïza Guène, invitée du podcast.
Kiffe kiffe demain, Faïza Guène, Le livre de poche jeunesse, 2006.
Doria a quinze ans et tout son univers se structure autour des habitants et des habitantes de la cité où elle vit seule avec sa mère dans la banlieue de Livry- Gargan. Au fil des pages, on découvre le quotidien de sa mère, femme de ménage dans un Formule 1, à Bagnolet, tout juste abandonnée par son mari, reparti au Maroc trouver une femme plus jeune. On y lit ses discussions avec Hamoudi, qu’elle connaît depuis qu’elle est « haute comme une barrette de shit », les compte-rendus de ses rendez-vous avec Mme Burlaud, psychologue de l’Education Nationale (à l’époque où il en existait encore !) ou les récits des visites de l’assistante sociale qui s’occupe de leur dossier. C’est son quotidien, ses interrogations que Doria nous livre avec une verve très particulière et un humour décapant qui pointe du doigt le racisme latent de la société française et de son idéal bancal d’intégration, tout en explorant cet âge si particulier qu’est l’adolescence. Mais le plus intéressant avec ce roman, c’est d’observer la France qui y est décrite et de prendre en pleine face les changements qui caractérisent cette même France aujourd’hui, notamment en ce qui concerne le sort réservé aux classes populaires, aux personnes issues de l’immigration et à la vie en banlieue. Et d’ailleurs que dirait Doria de la France d’aujourd’hui ? Comment a-t-elle grandi ? Kiffe-t-elle toujours l’avenir ? Et bien c’est à ces questions – et à de nombreuses autres – que l’autrice s’est attelée en écrivant, 20 ans plus tard, Kiffe kiffe hier ? . On y retrouve Doria, 35 ans. Et un humour toujours aussi décapant pour affronter une France beaucoup moins « black, blanc, beur » que dans les années 2000.
Kiffe kiffe hier ? Faïza Guène, Fayard, 2024.
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Hélolitlà s’est plongée dans des lectures d’automne pré-Halloween en octobre, et quoi de mieux pour cela que Camera Obscura : Le chant des morts, le dernier roman de Maëlle Desard, qui plonge ses lecteurs dans une ambiance gothique follement déjantée ? Un mystérieux brouillard qui recouvre la ville de Londres, des disparitions, des morts qui se relèvent, un mal qui tue à petit feu… l’intrigue a beaucoup plu à Héloïse.
Mais ce qui en a fait une lecture qu’elle n’est pas près d’oublier, ce sont les personnages hauts en couleurs et très attachants, les dialogues relevés, les piques et l’humour bien présent malgré le contexte et l’ambiance angoissante. L’autrice en profite d’ailleurs pour dénoncer ces arrivistes prêts à tout pour gagner toujours plus d’argent.
Une lecture mordante, très addictive !
Camera Obscura, le chant des morts, de Maëlle Desard. Rageot. Octobre 2024
Helolitla a aussi succombé au charme de Raconte ! La véritable histoire du premier rat de bibliothèque, qui l’a entraînée dans les coulisses de la Bibliothèque nationale de France.
Rature est un jeune rat maladroit qui dévore les livres dans sa petite bibliothèque d’Ankara. C’est en discutant avec son grand-père qu’il va se voir confier une mission surprenante : retrouver l’exemplaire du roman écrit par ce dernier, qui serait stocké à la BnF. Un livre écrit par un rat ? Est-ce vraiment possible ? Rature part à l’aventure…
Un récit d’aventures passionnant pour tous les amoureux des livres, qui a conquis Héloïse et ses enfants. Une visite face visible et face cachée de cette bibliothèque hors norme, pleine de rencontres, d’humour et de rebondissements.
Raconte ! La véritable histoire du premier rat de bibliothèque, de Marine Cotte, Stéphane Fitoussi et Yomgui Dumont. Syros/BnF éditions. Octobre 2024
Le mois d’octobre de Blandine a été riche en coups de cœur ! Très diversifiés dans leurs sujets comme dans leurs graphismes, ils l’ont enchantée!
Un Matin. Jérôme DUBOIS et Laurie AGUSTI. Editions La Partie, 2022
Entre album et BD, cet OLNI reprend les principes des « livres dont vous êtes le héros » pour nous plonger dans une recherche de couleurs qui est aussi une recherche de souvenirs et du temps de l’enfance. Et c’est très réussi !
Pour sa nièce de 4 ans, Blandine a choisi un album de la bande des Quiquoi, qui s’en vont en forêt avec un petit chaperon jaune avec des bandes réfléchissantes pour qu’on la voie dans la nuit. Vous voyez l’histoire ? Enfin presque ! Et c’est vraiment très drôle !
Les Quiquoi et le petit chaperon jaune… Laurent RIVELAYGUE et olivier TALLEC. Actes Sud Jeunesse, 2019
Savez-vous que les coqs, selon le pays, ne disent pas forcément « Cocorico »? Découvrez avec cet album carré et cartonné ce qu’il dit ailleurs dans le monde !
Le coq polyglotte. Marie DARME-RIZZO. Editions Hélium, 2023
Petite question: Est-ce vraiment le cri du coq qui est différent ou notre oreille qui n’entend pas de la même manière selon notre pays ?!
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Et vous, quelles belles découvertes avez-vous faites en octobre ?