Billet d’été : rappeler les enfants !

Pour nos billets d’été, avec les copinautes on a échangé autour de plusieurs formules : faire découvrir le contenu de notre écolo-swap comme l’ont déjà proposé Bouma, Liraloin ou les Merveillesdalice, évoquer des lectures qui nous font voyager comme l’a fait Isabelle de l’île aux trésors ou pourquoi pas partager autour de lectures qui nous aident à penser / panser « le monde d’après » comme les médias se sont empressés de le qualifier – avec tout ce qu’il peut y avoir de caricatural dans une telle étiquette.

C’est cette dernière proposition que je voudrais saisir aujourd’hui. Après trois mois d’anesthésie totale de mon désir de lire, je me suis réconciliée avec la lecture avec un roman de littérature générale. Rappeler les enfants d’Alexis Potschke. Si je me permets de l’évoquer sur notre blog collectif dédié à la littérature jeunesse, c’est que ce roman est une incursion dans le monde des collégiens et que la myriade de portraits d’adolescents qui y est évoquée est un joli miroir tendu à la jeunesse que l’on côtoie de près dans la littérature jeune public. Et puis quelle est la véritable limite entre littérature « adulte » et littérature « jeunesse » ? Vaste débat que nous menons justement en ce moment dans les coulisses du blog 😉

Il était donc un roman qui racontait les premières années d’un jeune professeur de lettres exerçant en région parisienne. Et ce jeune professeur est tout particulièrement sensible à la beauté des moments partagés avec ses élèves. De chaque petite scène racontée dans ce roman qui se construit au fil des trimestres, émerge des portraits d’une grande douceur, d’une incroyable tendresse, d’une infinie poésie. Et d’une humanité sincère. D’une humanité qui cette année, pendant trois mois, m’a terriblement manqué : l’humanité de la salle de classe.

Si ce livre m’a permis de penser/panser mon « monde d’après », c’est qu’il m’a permis l’espace de quelques pages de renouer avec ce qui fait l’essence même de mon métier et dont cette année j’ai du me passer tout un trimestre sans l’avoir choisi. Si ce livre m’a permis de penser/panser mon « monde d’après » c’est qu’il m’a rappelé combien j’aimais moi aussi capter l’infinie poésie des regards d’adolescents, la lumière de leur visage entre deux âges, leur parole vive et belle comme un ruisseau, le flot d’émotions dont leurs journées semblent tissées. Il m’a rappelé combien il était primordial d’être présent.e.s les un.es pour les autres. En vrai, en chair et en os. Sans écran entre nous…

A quelques pages de la fin, il y a ce discours improvisé par le narrateur un jour que ses élèves du club théâtre lui ont souhaité son anniversaire.

« Vous savez, j’ai eu plusieurs vies avant d’être professeur […] Je ne fêtais plus mon anniversaire parce que je m’étais rendu compte que j’avais arrêté de grandir. C’était autre chose.

Vieillir, a dit Elsa.

Oui, Elsa, vieillir. Vieillir. Je ne grandissais plus, je vieillissais. Les anniversaires ont commencé à me faire un peu peur, je voyais le compteur tourner ; je n’étais pas très vieux pourtant, mais je n’aimais plus ça. Je voyais le temps qui passait, qui passait. Et puis, finalement, je suis devenu professeur.

-Heureusement, a flatté Céleste.

-Oui, heureusement. Parce que, vous savez, j’aime mon métier. Oui, vous devez le savoir. J’aime vraiment mon métier.

Bien sûr, au club théâtre, c’est facile d’aimer son métier. Mais même quand mes élèves sont pénibles, même quand ils me fâchent, je suis toujours content de les retrouver. Ce qu’il y a de bien avec mon métier -, c’est qu’il change tous les jours. Je n’ai pas la routine des champs, des bureaux, de l’usine. C’est vrai que c’est un peu fatigant, parfois, mais j’aime ça, ne jamais savoir comment va être ma journée.

Quand je suis avec vous, que l’on discute, que l’on répète, et que j’essaie de vous apprendre des choses, que j’ai le bonheur de vous voir les apprendre, que je vous vois grandir aussi, j’ai l’impression, moi d’apprendre aussi, d’apprendre de vous. Vous, vous qui êtes là et qui m’écoutez, vous êtes mon antidote au temps qui passe, parce que le temps a du sens, maintenant, et je crois que c’est ce qu’il lui manquait. C’est pour ça qu’il me faisait peur.

Alors je n’attends plus les cadeaux, et ça ne reviendra pas, je n’attends plus rien, mais je n’en ai plus peur, de mon anniversaire, parce que je n’ai plus peur de vieillir.

Vous savez, depuis que je suis professeur, depuis que je côtoie mes élèves – et mes élèves, ce ne sont pas que mes cent vingt élèves, ce n’est pas que ceux que j’ai ou que j’ai eus, ce sont tous les élèves de ce collège-, depuis que je côtoie mes élèves, que je vous côtoie, vous, eh bien, voilà : j’ai arrêté de vieillir. Je ne vieillis plus, et c’est grâce à vous.

Et vous savez quoi ? Il faut que je vous le dise… depuis que je vous connais, vous, mes élèves, je crois même… je crois même que j’ai recommencé à grandir.

-Monsieur, a dit Charlotte, monsieur, je crois qu’Elsa pleure. »

Voilà.

J’ai hâte.

J’ai hâte de retrouver mes élèves.

Pour continuer à grandir.

Et entendre quel « monde d’après » ils désirent ardemment.

Et m’y atteler, de toutes mes forces, à ma petite mesure.

Billet d’été : Dans la valise de la sœur de Yokolulu

Ma sœur, Adèle, a 14 ans et aime lire. Mais on part bientôt en voyage et elle ne sait pas quel livre emmener ! En tant qu’aînée, je lui promets de résoudre son problème en lui proposant cinq livres qu’elle pourrait aimer.

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Pour commencer, je te conseille un album, parce que les ados peuvent aussi les apprécier. Tohu Bohu m’a été offert par Céline Alice, pour le swap de Noël, et je l’en remercie vivement. Musique, jeux de mots et dessins amusants s’y mêlent harmonieusement. Tout ce qu’on aime !

Tohu Bohu, Rémi Courgeon, album Nathan

L’avis d’Alice ici, de Pépita là.

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Comme premier roman, je t’en propose un d’Annelise Heurtier, parce que j’adore cette auteure et que j’ai tout autant aimé ce livre. Il est émouvant à souhait et il donne envie de voyager et de s’engager dans une association humanitaire.

Là où naissent les nuages, Annelise Heurtier, Casterman

L’avis de Pépita ici,

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Le roman suivant, je l’ai lu ce roman lorsque j’avais à peu près ton âge (treize ans) et il me faisait passer du rire aux larmes en quelques minutes. L’innocence du petit Babar et l’humour de Ben m’ont beaucoup plu ! On se demande par exemple, avec le petit frère de Camille, si on continue à fêter son anniversaire au paradis lorsqu’on est mort.

Qui décide, tous les soirs, d’allumer les étoiles ?, Carine Bausière, Ravet-Anceau

Mon avis sur notre blog ici.

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Une fois n’est pas coutume, je te conseille un livre de science-fiction ! Je sais que ses cinq cent dix-sept pages te font peur mais je t’assure qu’elles se lisent très vite ! J’avais dévoré avec passion ce (petit) pavé et j’avais rêvé dans « le monde d’après », au milieu d’animaux inventés.

Les Eveilleurs, Livre 1, Pauline Alphen, Hachette

L’avis de Céline du Flacon ici et mon avis sur notre blog là.

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Tu vas entrer en troisième et donc étudier la shoah, c’est pour cela (notamment) que je te conseille ce roman qui aborde ce sujet avec une touche romantique. Le début peut être long mais la suite est bien plus intéressante et émouvante.

Les valises, Sève Laurent-Fajal, Gallimard Scripto

L’avis d’Alice ici.

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J’espère que cette sélection de livres va aussi vous inspirer pour cet été !

Bonnes vacances à tous ceux qui en ont ! Belles évasions littéraires aux autres !

Billet d’été : dans le baluchon des élèves d’Ada.

Quand vient l’été, viennent les valises, les sacs de plage, les coffres de voiture bien remplis, bien remplis de… livres ! De ces livres qui s’annoncent comme des horizons à parcourir, découvrir, savourer, de ces livres qui vont sublimer notre été, ces instants fragiles et fugaces de petits bonheurs retrouvés. Mais que conseiller en ce moment crucial du grand départ en vacances ? C’est à cette tâche que nos chères  arbronautes vont s’atteler chaque semaine de l’été.

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Voilà l’été est arrivé, et quand il arrive c’est le moment où je dis au revoir à mes grand.e.s adolescent.e.s de 3e. Et au moment de se dire au revoir je leur laisse une petite liste de conseils de lecture. Très, très classique ma liste avec des tas d’œuvres du XVIe au XXe siècle, de Rabelais à Robbe-Grillet. Mais cette année, il s’est passé un truc étrange, cette année on a énormément débattu et une question est revenue sans cesse dans nos analyses de texte, dans nos séances d’oral ou de soutien : la question de la place des filles et des femmes dans notre société contemporaine. Pas la place des filles dans la société du moyen-âge, pas la place des filles dans la société du XXe siècle, non, la place des filles aujourd’hui en 2019, notamment dans la cour et les couloirs du collège où l’on travaille ensemble ! Et je peux vous dire que nos débats furent passionnants, enthousiasmants, parfois même délirants. On a parlé de la bise non consentie, du harcèlement de rue (et de cour de récré), des « nudes » envoyées via insta, des insultes sexistes dans les groupes classes sur Snapchat, de la charge mentale, des jouets genrés, du plaisir féminin, etc… Et oui, quand la parole se libère, on peut explorer tous les sujets !  En tout cas, ces débats m’ont nourrie bien plus que je n’aurais voulu l’admettre au premier abord. Et je pense qu’ils ont bien bousculé la petite fée-ministe en moi. Par conséquent la liste des livres que je mettrai dans leur baluchon cette année serait bien différente de celles que je propose d’habitude : cette année mes conseils de lecture seraient 100 % « livres et égaux » pour reprendre le nom d’une collection d’une maison d’édition qui aborde avec justesse et engagement cette thématique si enivrante de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Alors dans votre baluchon, mes cher.e.s élèves en transition entre la 3e et le lycée-le CFA -la MFR, je vous glisserais bien :

  • No et moi, de Delphine de Vigan, pubié aux éditions Le Livre de Poche. C’est l’histoire de Lou, adolescente de 13 ans surdouée, et de No, jeune SDF de 18 ans. Lou va tenter de sauver No, en lui offrant tout ce qu’elle semble avoir perdu, un toit, une famille, un travail et des ami.e.s. Mais leur amitié, si forte soit-elle, ne peut venir à bout des blessures qui hantent No. No continue de sombrer. Quant à Lou, elle explore à travers cette amitié les questions qui la tourmentent et peu à peu y trouvent des réponses. Ce livre est traversé de figures féminines complexes, dont le corps est bousculé, mais pas que, dont l’histoire originelle a été placée sous le signe du traumatisme et dont les combats s’éloignent et se rejoignent sans cesse pour une humanité plus juste.

  • Le journal d’Anne Frank, un roman graphique d’Ari Folman et David Polonsky publié chez Calmann Levy. C’est une élève de 3e justement qui me l’a prêté cette année, et quel bonheur complètement inattendu cela a été de redécouvrir l’histoire de cette ado qui m’avait bouleversée quand moi-même j’avais 14 ans. Au fil des pages, où les auteurs se jouent des limites de la case, de la bande, de la planche, nous voilà replongés dans les tourments, les questionnements, les compromis que la jeune allemande va vivre pendant plus de 2 ans, enfermée avec toute sa famille dans l’annexe de l’immeuble du 263, Prinsengracht, à Amsterdam. Les auteurs ont su retracer avec justesse un monument de la littérature du moi. Intense, cruel, parfois farfelu, fantaisiste. Toute la complexité d’un esprit adolescent privé de liberté.

  • Je me défends du sexisme d’Emmanuelle Piquet, illustré par Lisa Mandel, publié chez Albin Michel Jeunesse. Un livre incroyable pour la lectrice, le lecteur qui souhaite faire face au sexisme quotidien. Parce qu’il livre les témoignages de jeunes qui ont entre 11 et 15 ans qui ont vécu un sexisme ordinaire injustifiable et inacceptable – mais que toute une culture les pousse à taire, à éviter. Parce qu’il propose une stratégie de défense que je trouve formidable, active et enthousiasmante : la stratégie du 180 degrés, une stratégie de combat si peu transmise aux filles, traditionnellement, dans leur éducation. Parce que l’auteure Emmanuelle Piquet, psychopraticienne, fait un travail extraordinaire avec les jeunes qu’elle reçoit en consultation. Parce que les illustrations de Lisa Mandel sont drôles et efficaces. Parce qu’il faut que les choses changent !

  • Les Règles… quelle aventure ! d’Elise Thiebaut et Mirion Malle publié aux éditions La Ville Brûle. Encore un livre un peu O.L.N.I, ni documentaire scientifique, ni essai philosophico-féministe, voilà un petit bouquin (70 pages) qui aborde un sujet qu’aucune femme, aucun homme ne devrait ignorer et pourtant ! On apprend vraiment énormément de choses, sur les croyances, les mythes, les tabous, les périphrases qui entourent les règles. Et les illustrations sont percutantes ! Un vrai bol d’air !

  • Mon super cahier d’activités anti-sexistes de Claire Cantais, publié également aux éditions La Ville brûle. Pour s’amuser un peu cet été, tout en réfléchissant à la place que l’on donne à chacun depuis l’enfance selon son sexe. On réfléchit aux rôles des princes et des princesses dans les contes, aux rôles des garçons et des filles à la maison au quotidien. On y découvre aussi quelque chose d’essentiel : le combat pour l’égalité des sexes n’est pas réservé aux femmes, les hommes aussi sont concernés comme le prouve la page où l’on découvre 6 féministes célèbres : Louise Michel, Simone de Beauvoir, Nicolas de Condorcet, Pierre Bourdieu, Olympes de Gouges et Michel de Montaigne. On se détend et on apprend en s’amusant !

  • Et puis pour mettre un peu de poésie dans ce baluchon, je vous inviterais bien à lire le recueil Femmes : Poèmes d’amour et de combat de Taslima Nasreen, femme engagée, née au Bengladesh, en exil encore aujourd’hui, qui lutte contre l’injustice à travers ses mots. D’ailleurs, je vous laisse avec un de ses textes les plus célèbres.

La femme casse les briques assise sur un trottoir,

La femme au sari rouge casse les briques,

Sous le soleil brûlant,

La femme couleur de bronze casse les briques.

A vingt et un ans, elle en paraît plus de quarante,

Et sept enfants l’attendent là-bas, à la maison.

La femme casse les briques toute la journée,

En échange de quoi elle recevra dix takas, pas un de plus.

Dix takas ne suffisent pas à la nourrir, ni elle ni les sept autres.

Pourtant, jour après jour, la femme casse les briques.

L’homme assis près d’elle casse aussi les briques,

Abrité sous une ombrelle.

Il touche vingt takas par jour,

Vingt par jour parce que c’est un homme.

La femme a un rêve, elle rêve d’avoir une ombrelle.

Un autre de ses rêves serait, par un beau matin,

De devenir un homme.

Vingt pour les hommes, le double pour les hommes.

Elle attend que son rêve se réalise, mais rien ne la fait

Devenir un homme,

Rien ne lui fait avoir une ombrelle,

Pas même une ombrelle déglinguée.

On construit de nouvelles routes et d’immenses tours avec les briques qu’elle a cassées, mais le toit de sa maison s’est envolé avec la tempête l’an dernier, depuis l’eau goutte à travers une tenture, elle meurt d’envie d’acheter un toit en tôle.

Alors elle hurle dans tout le voisinage,

Les gens s’esclaffent, oh la la, disent qu’il lui faudrait

De l’huile pour les cheveux, de la poudre pour le visage.

Les sept enfants doivent être nourris,

La peau de la femme s’assombrit de jour en jour,

Ses doigts deviennent durs comme des briques,

La femme elle-même devient une brique.

Plus dur que les briques, le marteau peut casser une brique mais ne peut pas casser la femme.

Rien, ni la chaleur, ni le ventre vide, ni le regret de ne pas voir un toit en tôle,

 

Rien ne peut la briser.

 

 

Troubles

La vie est faite de bonheurs mais aussi d’épreuves. Enfant ou adulte, de près ou de loin, à un moment ou un autre, l’existence peut perdre son sens et devenir une véritable souffrance. Le mal-être peut se traduire de bien des façons : déprime, dépression, boulimie ou anorexie… Cette difficulté à vivre peut aussi découler d’un désordre psychiatrique.

Quand l’esprit s’égare, quand le malaise prend le pas sur le reste ou quand le corps devient un ennemi, il est toujours compliqué de faire face et de comprendre. Pourtant, il est essentiel d’en parler. Pour preuve de l’importance de ce sujet, il en fréquemment question en littérature jeunesse. Que cet état de souffrance soit au coeur du récit ou juste en toile de fond, voici une sélection sur ce thème difficile mais malheureusement universel.

  • Quand l’esprit s’égare et que la raison s’échappe (maladies mentales)

Le goût amer de l’abîme de Neal Shusterman chez Nathan

Un roman entre réalité et délires qui nous montre la schizophrénie de l’intérieur.

L’avis de HashtagCéline 

L’avis de Méli-Mélo de livres

J’ai suivi un nuage de Maëlle Fierpied illustré par Julie Guillem à l’école des loisirs

La bipolarité d’une maman vue à travers le regard innocent et aimant de son petit garçon.

L’avis de HashtagCéline

L’avis de MéliMélodelivres

Simple de Marie-Aude Murail chez Ecole des loisirs

L’histoire bouleversante de deux frères d’une vingtaine d’années, dont un des deux est déficient mental.

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– La Fosse au loup d’Alexandre Chardin chez Thierry Magnier

Comment empêcher son père de sombrer encore plus et le ramener dans le monde des vivants ? Un roman sur l’amour filial.

L’avis de MéliMélodelivres

  • Quand le mal-être empêche de vivre (dépression, TOC,…)

Tu es mon soleil de Marie Pavlenko chez Flammarion

Comment entrer en contact avec sa mère qui s’enfonce dans la dépression chaque jour de plus en plus ?  Sous le silence, il y a tant de peine ! Ce n’est qu’au prix de grandes souffrances, de découpages obsessionnels mystérieux que la mère de Déborah arrive à s’exprimer et se confier.

L’avis d’Alice

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis de Un Petit Bout de bibliothèque

La folle rencontre de Flora et Max de Coline Pierré et Martin Page Ecole des loisirs Collection Médium

Quand l’écriture vient au secours de deux jeunes enfermés pour différentes raisons : l’une en prison, l’autre chez lui par phobie de l’extérieur. Cela donne un roman qui explique les gestes, les peurs dont la suite est parue le 7 novembre : Les nouvelles vies de Flora et Max.

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L’avis d’Alice

Nightwork de Vincent Mondiot Actes Sud

Quand on cherche l’amour de ceux qui nous entourent mais quand les adultes sont défaillants et que l’addiction fait place à la haine, le quotidien prend un ton macabre. Une chronique sociale presque effrayante.

L’avis d’Alice

L’avis de MéliMélodelivres

Mitsu un jour parfait de Mélanie Rutten chez MeMo

Un album qui aborde en douceur ce mal être qui vous frappe et qu’il est si difficile de nommer.

L’avis de Un Petit Bout de Bib(liothèque)

Les optimistes meurent en premier de Susin Nielsen chez Hélium

Susin Nielsen nous raconte l’histoire terrible et touchante de Pétula qui, suite à un drame familial dont elle se sent responsable, a développé des troubles compulsifs l’empêchant de vivre comme toutes les autres filles de son âge. Drôle et poignant.

L’avis de HashtagCéline

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis de Un Petit Bout de Bib(liothèque)

  • Quand la vie devient insupportable (suicide)

Coeur battant d’Axl Cendres chez Sarbacane

Le suicide vu par Axl Cendres : décalé, amusant et émouvant, forcément.

L’avis de HashtagCéline

Tout plutôt qu’être moi de Ned Vizzini aux éditions La Belle Colère

Un roman d’une justesse incroyable par un auteur qui n’a pas réussi à vaincre ses démons. Incontournable !

L’avis de HashtagCéline

Les ailes de la sylphide de Pascale Maret Thierry Magnier

Quand Lucie, sur son lit d’hôpital, doit revenir sur cette chute du balcon…Une histoire menée de main de maître par l’auteure qui nous emmène dans le sordide.

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L’avis d’Alice

L’avis de Un Petit Bout de bibliothèque

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire de Gilles Abier La Joie de lire

Un roman en résonance avec le précédent sur le mal être d’un gamin de 13 ans qui se prend pour un oiseau jusqu’à mettre sa vie en péril.

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

A ma folie, passionnément de Gladwys Constant. Rouergue

Dans les bras d’un manipulateur, l’amour devient nocif et la prise de contrôle psychologique mène tout droit à la destruction. D’une telle histoire, on ne sort jamais indemne.

L’avis d’Alice

L’avis de MéliMélodelivres

  • Quand le corps devient un ennemi (boulimie, anorexie…)

Ronde comme la lune de Mireille Disdero Seuil

Quand on est ronde et qu’on se fait harceler par les autres à cause de son apparence.

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

Les petites reines de Clémentine Beauvais Sarbacane

Quand un roman aborde avec humour ce sujet délicat de la boulimie…

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L’avis de Yoko Lulu

Le complexe du papillon d’Anne Lise Heurtier. Casterman

Mathilde tombe … avant de se relever. Aveuglée par les apparences, portée par le mal être, il n’y a qu’Annelise Heurtier qui pouvait aborder l’anorexie mentale avec tant de légèreté et de délicatesse.

L’avis d’Alice

Sobibor de Jean Molla

Quand anorexie rime avec vieilles histoires et secrets bien gardés… Une photo et un nom -Sobibor- sont le début d’une angoisse à vous rendre malade, voir anorexique.

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Solaire de Fanny Chartres illustré par Camille Jourdy à l’école des loisirs

Ce roman aborde deux thématiques de cette sélection. Il y est question de dépression avec celle qui touche la maman d’Ernest et Sara, les deux frère et soeur fusionnels de cette belle histoire. Mais aussi l’anorexie de la grande soeur d’Ernest que l’on surnomme Ossette… Une double entrée pour un roman touchant mais malgré tout très positif.

L’avis de HashtagCéline 

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Lecture Commune : Soixante-douze heures

Chers amis des livres, cette semaine nous vous proposons une lecture commune sur un roman ado qui nous a toutes émues : Soixante-douze heures de Marie-Sophie Vermot édité chez Thierry Magnier.

Nous suivons Irène, une jeune fille de 17 ans durant les 72 heures après son accouchement. C’est en effet le délai lorsqu’on décide d’accoucher sous X. Récit mêlant réalité, flashbacks et pensées, il nous a tenues en haleine jusqu’à la fin et a donné lieu à des échanges abondants. N’hésitez pas à nous faire part de vos ressentis.

Un extrait à feuilleter en ligne.

 

Aurélie : Quelles ont été vos premières impressions en regardant la couverture ?

Pépita : Celle d’une prostration, d’une grande souffrance mais aussi d’une position fœtale et d’un grand retournement intérieur.

Aurélie : Tout à fait, très touchée par la couverture avec la souffrance et la position foetale.

Colette : Je la trouve très belle ! Cette adolescente en position fœtale la tête à l’envers, entre repli sur soi et sommeil bienfaiteur, baignée de couleurs pastels, juste esquissée, vraiment je trouve ce portrait en pied très touchant… Bravo à Edith Carron pour sa délicatesse qui accompagne en douceur un titre particulièrement énigmatique.

Sophie LJ : Avec cette silhouette recroquevillée sur elle-même, je m’attendais à ce que ça parle d’un sujet autour de la psychologie de l’adolescence : le mal-être, le suicide peut-être.

Aurélie : Même de la maltraitance.

Hastagcéline : Connaissant le sujet traité dans le livre, je l’ai trouvé très belle, très parlante et tout à fait adaptée. La position du personnage dégage beaucoup de choses. Elle m’a interpellée et touchée, avant d’aller plus loin et de me lancer dans la lecture. Le mal-être; la douleur, l’isolement par rapport aux autres…

Pépita : Comme une urgence de se couper du monde, de ne plus exister même.

Isabelle : Pour ma part, je n’avais pas beaucoup entendu parler du roman et je l’ai appréhendé avec curiosité. La couverture m’a d’abord surprise par son tracé enfantin qui évoque une fille toute jeune, en position fœtale et littéralement « retournée ». Elle correspond en fait bien au roman et à Irène, prise dans un tourbillon de pensées et seule, à la charnière entre plusieurs âges et périodes de la vie… Peut-être ai-je été influencée par la quatrième de couverture, ma première impression m’a amenée à m’attendre à un roman triste.

Colette :  Et je dirai d’autant plus quand il s’agit de la grossesse d’une adolescente…

Aurélie : Aviez-vous déjà lu un roman sur cette thématique et sinon quelles ont été vos appréhensions ?

Sophie LJ : Non je n’en connais pas d’autres sur ce sujet, à ma connaissance c’est même de l’inédit dans un roman ado ! Il y en a sur l’IVG mais pas sur l’accouchement sous X. J’étais très impatiente de le lire. En tant que maman je m’attendais à être émue mais pas à ce point !

Hastagcéline : Sur le déni de grossesse, mais pas sur l’accouchement sous X.
J’ai toujours peur que cela soit trop moralisateur. On peut rapidement tomber dans certains travers. Ici, ce n’est pas le cas. L’autrice reste assez neutre, autant qu’on puisse l’être sur un tel sujet.

Isabelle : Je ne me souviens pas avoir lu de roman abordant la grossesse de très jeunes filles ou l’accouchement sous X. Spontanément, j’ai pensé que ce n’était pas facile à traiter sans tomber dans le jugement d’une manière ou d’une autre… Paradoxalement, je me suis attendue à quelque chose de plus « dramatique », avec peut-être plus de pathos, mais je n’ai pas pensé une seule seconde que j’allais être aussi touchée par cette lecture !

Aurélie : Pour moi c’était la première fois, un thème pas facile à traiter sans attirer les foudres. De même le fait de rester neutre. C’est surtout cela que j’appréhendais mais l’auteure traite ce thème avec brio : franc, impartial et apolitique, bravo.

Colette :  Jamais et même en littérature générale je n’avais rencontré ce sujet qui m’a toujours intriguée : accoucher sous x, c’est un choix qui reste très mystérieux pour moi, mais je n’y avais songé que du point de vue de l’enfant et non de la mère.

Aurélie : Colette, je n’y avais pensé aussi que de ce point de vue, à tel point que le fait d’être mère a bouleversé toute ma lecture.

Colette : Oui Aurélie, le fait d’être mère a sûrement beaucoup impacté ma lecture aussi. J’avoue que jusqu’au bout du compte à rebours j’ai espéré…

Pépita : J’en ai lu sur le déni de grossesse mais sur l’accouchement sous X, pas autant que je m’en souvienne. Je ne dirais pas appréhensions mais je savais que ce qui touche à la maternité est toujours émouvant. Ah tiens Colette, moi aussi, j’avoue : une voix intérieure disait à Irène…mais garde-le avec toi. Il a besoin de toi. Et en même temps, c’est SA décision. Jusqu’où une mère peut-elle interférer ?

Colette : Pépita, c’est d’ailleurs ma situation de mère qui m’a rendue plus sympathique la mère d’Irène qui est pourtant assez détestable ! Quelle ironie !

Aurélie : Oui moi aussi j’ai espéré et ait eu de l’empathie pour sa mère alors qu’elle est ignoble. Preuve que la réception du roman est vraiment influencée par l’âge et la situation familiale.

Isabelle : C’est drôle, j’ai eu la même réaction que vous. J’ai pensé lire un livre plutôt triste en adoptant spontanément la perspective de l’enfant et j’ai été dès les premières pages bouleversée en tant que maman. Le livre va droit au cœur en évoquant de façon juste et percutante la tendresse maternelle pour l’enfant à naître et le nouveau-né. Les dilemmes d’Irène, prise entre sa résolution d’aller jusqu’au bout de sa démarche et le tourbillon de sentiments qui la surprennent après la naissance, sont bouleversants.

 

Aurélie : En ce qui concerne la forme et le fonds, qu’avez-vous pensé de la mise en page type journal avec la date et le mélange des pensées , les souvenirs et la réalité ? 

Pépita : Cela permet au lecteur de mesurer le cheminement de ces 72 h d’une part et ensuite de mieux saisir le contexte de cette décision, contexte sexuel, familial, filial. Et puis aussi une sorte de « respiration » : de sortir de ce lieu en huis-clos, dans ce triangle décision/bébé/Irène (j’entendais les bébés vagir !). C’est très bien vu, je trouve cette construction et son écriture parfaites, comme vous le dites, jamais dans le jugement et le pathos.

Colette : Je me suis laissée happer par cette structure qui accentue le compte à rebours, le dramatise à certains moments et le délaye à d’autres, renforçant le sentiment d’urgence tout en rappelant à quel point le temps s’est étiré pour Irène qui a mûrement réfléchi avant de prendre sa décision.

Hastagcéline : J’aime beaucoup la forme « monologue ». J’ai trouvé qu’ici, elle était tout à fait pertinente puisque lorsque l’on se trouve face à un choix, on peut avoir le genre de cheminement qu’a Irène. Le passé, le présent, tout se mélange! On sent à travers cette construction tous les doutes, tous les espoirs qui secouent et habitent l’héroïne. Je crois qu’un récit plus classique aurait peut-être été moins percutant.

Colette : Ce monologue nous permet de devenir Irène et de ne jamais sombrer dans la morale comme vous l’avez déjà souligné.

Aurélie : Malgré l’aspect fouillis sur le papier, on s’y retrouve très bien et en effet, cela permet de faire descendre la pression. Par contre, nous n’avons que la vision d’Irène pour son histoire familiale. Et oui c’est cela Colette on devient vraiment Irène et c’est ce qui rend le roman aussi prenant.

Colette : Cela ne m’a pas dérangée de n’avoir que la vision d’Irène, j’aime devenir à ce point là, quelqu’un d’autre, c’est l’une des forces des bons livres !

Pépita : Oui, c’est vrai, Aurélie, que nous n’avons que sa vision mais c’est son monologue et quand on voit les réactions justement de son entourage, on se dit que sa vision est juste. Ce qui rend d’autant plus mature cette décision.

Hastagcéline : Avec un point de vue différent, il aurait sans doute été compliqué de la comprendre totalement…

Isabelle : Tout à fait d’accord avec Hastagcéline. Cela contribue à faire transparaître la grande solitude d’Irène, seule avec ses interrogations, ses doutes, seule à prendre ses décisions – une solitude encore renforcée par le jugement de ses proches. Irène est très lucide et grâce à ces spirales de réflexions/souvenirs, on la comprend à chaque instant et on se met à douter avec elle.

Colette : Oui je n’aurais d’ailleurs pas imaginé que j’aurais pu douter avec elle, moi qui suis tellement convaincue du bonheur d’être mère ! C’est fou ce pouvoir de la littérature, de nous faire devenir littéralement autre !

Isabelle : Tout à fait d’accord – même si pour ma part, j’ai presque été prise de court dans l’autre sens. J’avoue que moi qui m’étais promis de ne pas m’en mêler et de ne faire qu’observer Irène de façon bienveillante, vers la fin, je me suis surprise à espérer qu’elle allait finalement décider de le garder…

Aurélie : Ce roman met à l’honneur les femmes et le poids de la transmission, pensez-vous que la décision d’Irène a pu être influencée par celui-ci ?

Aurélie : Pour moi, Irène a voulu arrêter cette tragédie, elle parle d’un gène de pouvoir et de manipulation. Ces femmes ont un amour maternel mais maladroit.

Pépita : Je dirais qu’on est toujours influencé quoiqu’on en dise…C’est difficile à dire ! Comme le dit Isabelle, c’est cette lucidité de cette décision qui la rend si assumée !
En même temps, j’ai écrit dans ma chronique que je n’aurais absolument pas voulu connaitre une mère comme celle d’Irène car elle règle ses propres comptes à travers sa fille ! Donc l’a-t-elle prise contre ? On est toujours un peu dans le prolongement de sa famille même si on fait ses propres choix.

Aurélie : Elle décide de s’écouter, chose que sa mère et sa grand-mère n’ont pas su faire.

Isabelle :  C’est un des fils vraiment intéressants du roman. La fissure du vernis familial sous l’effet du coup de tonnerre de l’annonce de la grossesse d’Irène et le reflux des choix, souvent non-assumés et regrettés des parents et des grands-parents, sont restitués de façon très juste, je trouve. Ainsi que la difficulté pour les parents de faire confiance à leurs enfants et de les laisser faire leurs choix de vie…

Sophie LJ : Oui c’est ça en fait. La transmission ici se fait dans l’opposition de sa décision par rapport au passé familial. Elle assume son choix.
En même temps, comme le dit Isabelle, ce qui se passe là avec le surgissement du passé, c’est assez propre à toute grossesse. C’est souvent le déclencheur d’une remise au point familiale. L’équilibre se bouleverse et les masques peuvent tomber parfois.

Hastagcéline : Cette question est difficile. Car au final, pour Irène, que ce soit la grand-mère ou la mère, les modèles sont décevants… Mais effectivement, on est forcément influencé par eux, consciemment ou inconsciemment. Je pense qu’Irène a voulu faire un choix, son choix sans que celui-ci puisse être influencé par qui que ce soit.

Aurélie : Pépita, tu parles du caractère de la mère, mais on est dans l’hyperparentalité, la maîtrise de tout.

Pépita : Isabelle parle de la difficulté pour les parents mais j’ai trouvé que cela allait plus loin  : notamment la mère d’Irène. Elle est limite manipulatrice non ?

Isabelle : Cela m’a perturbée, on se demande forcément comment on réagirait en tant que parent en telles circonstances. Les strates successives de souvenirs d’Irène révèlent de façon toujours plus forte à quel point sa mère est jugeante et intrusive. Mais ce qui m’a le plus dérangée, c’est l’absence d’empathie, de tentative de compréhension et d’écoute, laissant Irène très seule.

Pépita : Par rapport à ta réponse Hastagcéline… Oui, c’est tout à fait ça. Elle oppose sa liberté au joug des femmes de toujours subir.

Colette :  Je suis d’accord, mais alors vraiment, pourquoi accoucher sous x et ne pas avorter ??? Cette question n’a cessé de m’habiter jusqu’au bout du livre, moi qui fréquente tellement d’enfants qui ne sont pas reconnus par leurs parents, je me dis que même si Max a été porté avec amour, le reste de sa vie sera difficile quoi qu’il arrive… Dès le départ la présence de la mère d’Irène est extrêmement pesante. C’est étrange et terriblement triste de se dire que son choix a été guidé en partie par ce que représente sa mère pour elle, par la place qu’elle aurait prise dans la vie de Max. Car en fin de compte ce n’est pas une mère qui rejette sa fille, qui dénonce ses choix, elle l’accompagne jusqu’au bout mais avec telle maladresse qu’elle préférera protéger son enfant de « ça » …

Pépita : Je l’ai vu différemment : elle est là c’est sûr mais elle le fait pour elle, pas pour sa fille. Comme si elle voulait refaire avec Max ce qu’elle n’a pas réussi avec sa fille. Par procuration. Pour se sentir vivante encore. J’ai trouvé ça terrible. Quand j’ai compris cette intention (mais l’ai-je bien comprise ?), je n’ai plus voulu qu’Irène garde Max.

Aurélie :  Le personnage de la mère s’oppose aux personnages du frère et de la petite sœur : Eugénie est la seule à connaître sa grossesse, peut-être parce que c’est la seule à écouter Irène. Irène, à travers cette épreuve, voit que dans la vie rien n’est prévisible : la mort de son grand-père, les parents de Nour, le handicap de sa sœur.  Je suis d’accord  avec toi Colette, j’ai vraiment éprouvé le même sentiment, je ne comprends pas l’acte d’accoucher sous X. Pourquoi ne pas avorter, comme elle ne souhaitait pas le garder mais elle explique bien que le faire partir serait pour elle la façon de faire disparaître le moment où il a été conçu, où elle a été désirée par ce garçon. Et pour ton propos Pépita , Irène aurait dû prendre des distances vis à vis de sa famille.

Colette : Sur ton propos Pépita, c’est là qu’Irène et moi, on se sépare ! Mais je sais que c’est lié à ma relation avec les élèves abandonnés que j’ai fréquentés…

Sophie LJ : J’ai compris ça aussi Pépita et ça m’a beaucoup dérangé que sa mère essaie de prendre sa place comme ça.
Pour l’avortement, j’y est pensé, mais pas longtemps. On voit bien que c’est mûrement réfléchi et que c’est un choix intime qui englobe tout un tas de choses pour elle.

Hastagcéline : J’avoue que cette question du choix du pourquoi de l’accouchement sous X m’a beaucoup perturbée aussi. Il faut être honnête, à certains moments, j’ai eu du mal à le comprendre. Mais en fait, peut-être aussi qu’il est bien de parler de cette possibilité qui est une alternative à l’avortement, qui est un choix aussi dur et lourd de conséquence…

Pépita : Mais parce qu’elle lui donne la vie ! Je ne me suis pas du tout posée la question d’avorter en fait. Elle lui écrit cette lettre magnifique, oui je sais, ça ne remplace pas une mère…mais elle lui donne une forme de liberté à travers son choix de donner la vie.

Aurélie : Pensez-vous que la réception du roman peut être tronquée par le fait que nous soyons adultes et mères ?

Pépita : Alors là oui complètement ! C’est évident, même. On ne peut pas rester indifférentes, pour l’avoir vécu dans notre chair, à ce flot d’émotions lié à la maternité.

Aurélie : Comme je l’ai expliqué plus haut, ce roman a fait débat entre ce que je pensais ressentir sur cette situation et sur ce que j’ai pu ressentir car j’étais mère. Cet espoir que j’avais pour qu’elle le garde, je ne l’aurais sans doute pas eu si j’avais été adolescente lors de la lecture. En effet, en pleine construction d’identité, je n’aurais peut-être pas eu le recul de l’acte.

Sophie LJ : Oui très certainement. D’ailleurs il y a peut-être deux façons de lire ce roman pour les ados : celles et ceux qui se reconnaîtront à la place de Max et celles qui se verront dans Irène.
Personnellement, contrairement à certaines comme vous l’avez dit plus haut, j’ai tout de suite été à la place d’Irène dans ses ressentis de mère, probablement parce que le décor, l’ambiance était encore très frais dans mon esprit de jeune maman.
Je pense que c’est un livre à partager entre parents et enfants parce que chacun aura sa vision et que c’est une bonne façon de parler de tout ça.

Colette : Si on projette Irène dans sa vie d’adulte, avorter ou accoucher sous x, ce n’est quand même pas la même chose. Max est là, il se demandera toute sa vie qui sont ses parents et Irène se demandera toute sa vie qui est Max. Cela me perturbe vraiment cette question, vous voyez, même après deux mois après la lecture du roman.

Hastagcéline : Oui. On ne peut plus envisager les choses de la même façon sachant ce que donner la vie puis devenir mère implique. Cela change la donne.
Après cela ne m’a pas empêché de prendre du recul et surtout d’être vraiment touchée par ce texte, et pas que parce qu’il m’interpellait en tant que maman.

Isabelle : Je me suis posé les mêmes questions que vous. À l’âge d’Irène, dans la même situation, je n’aurais probablement jamais pensé à mener à terme une telle grossesse. Cela dit, comme vous le dites, le roman parvient à montrer sans jugement le tourbillon émotionnel qu’engendre une grossesse – comment savoir quelle décision on aurait prise ? Et j’ai suivi Irène dans sa démarche. J’ai trouvé assez bouleversant le récit de son enfance un peu écrasée par les attentes parentales qui éclaire l’importance de la découverte soudaine et surprenante de sa sensualité. Tout cela vient cadrer fortement le cheminement d’Irène…

Pépita : Et justement Aurélie, j’ai trouvé très intéressante une de tes remarques sur le fait qu’Irène ne voulait pas entacher le souvenir de ce premier rapport sexuel qui lui a donné…un bébé ! Ce passage est une merveille d’enivrement des sens. Car c’est aussi un roman sur la sexualité, sur l’accouchement, l’après-accouchement (les soins décrits sont très justes). Alors justement, nous sommes mères et adultes. L’auteure arrive très bien à toucher les différents états qui sont en nous : l’adolescente, la femme et la mère.

Aurélie : Oui d’ailleurs, l’accouchement est bien décrit.

Colette : Il y a du vécu derrière tous ces mots, je ne pense pas qu’un homme aurait pu écrire ce livre.

Aurélie : En effet, Sophie LJ, pensez-vous que la lecture de ce roman doit rester intime ou comme tu le suggère, peux-t-il comme certains romans de formation servir de tiers pour aborder cette thématique avec les ados ?

Colette : Je pense qu’un livre ne devrait jamais servir de support pédagogique – et oui je sais c’est très paradoxal pour une prof de français ! – mais c’est un livre qu’on ne peut offrir sans provoquer l’occasion de la discussion a posteriori, comme nous le faisons maintenant.

Sophie LJ : Je suis bien d’accord. D’ailleurs quand je dis que ça peut-être l’occasion de parler de ce sujet, je reste bien dans un rapport intimiste entre parents et enfants (je dirais même entre mère et fille pour le coup). Disons que dans 15 ans, j’aimerais bien me retrouver à discuter d’un livre comme ça avec ma fille. Je verrais à ce moment…

Pépita : Ah on en revient toujours à la même question ! Nos ados dans tout cette littérature qui leur est destinée… Je ne l’ai pas suggéré à mes filles, pour ma part. J’avoue que je n’y ai pas pensé alors que je peux leur suggérer telle ou telle lecture (après, elles lisent… ou pas). Je pense que j’ai tellement été cueillie par ce texte que cela ne m’a pas effleurée. Je suis restée la mère intime face à ce texte d’une grande force émotionnelle, d’autant plus pour moi qui ai deux filles de 18 et 16 ans.

Isabelle : D’accord avec vous toutes pour les descriptions. Sans avoir forcément d’intention pédagogique, je pense que si j’avais lu ce livre ado, cela aurait été l’occasion d’apprendre plein de choses qu’on ne dit pas si souvent sur ces sujets qui restent assez intimes, voire tabou.

Hastagcéline : Oui moi aussi ! J’aurais aimé le lire adolescente.

Aurélie : D’autres thématiques, qui vont ont marquées lors de la lecture ?

Aurélie : Moi comme je l’ai déjà dit plus haut, c’est l’hyperparentalité dans le livre ( peut-être car je lis un truc là-dessus :hehe: ) car c’est fou cette pression mise par la mère : le passage de son cours de musique notamment.

Colette : Ah oui ! La mère est particulière détestable dans cette scène !

Isabelle : C’est vraiment pesant. Le phénomène prend une forme assez caricaturale dans le roman, mais cela existe ! On a l’impression qu’Irène est réduite au rôle de faire-valoir et que sa mère ne se met pas une seconde à sa place… Sa réflexivité et sa volonté d’émancipation sont vraiment salutaires !

Le débat s’est ensuite terminé par le partage de cette lecture avec les ados des arbronautes. D’ailleurs, vous trouverez vendredi les réponses de l’une d’elles.

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