ALODGA s’engage – pour le prix UNICEF de littérature jeunesse

Dans le cadre de notre rubrique « ALODGA s’engage », comme l’année dernière, nous avons lu les titres de la sélection du prix UNICEF de littérature jeunesse. Ce prix permet de sensibiliser les enfants à leurs droits grâce à la lecture, un sujet qui touche particulièrement les branches du Grand Arbre. L’édition 2021 était centrée sur la gestion des émotions et la santé mentale sous le titre « Au fil des émotions ».

Catégorie 3-5 ans

Dans mon corps

Dans mon corps, Mirjana Farkas, La Joie de Lire

Voilà un album qui chante le mouvement et les émotions qui y sont liées.

 » Dans mon corps,
ça fourmille et ça vrombit
du soir au matin. »

À travers tous les menus évènements qui tricotent la journée de l’enfant, l’autrice nous donne à voir en transparence toutes les sensations, les sentiments qui s’agitent, s’élancent et s’envolent dans son corps. Un album qui chante les émotions agréables mais aussi les désagréables et qui rend hommage à l’essentielle coopération entre adultes et enfants pour apprendre à nommer, apprivoiser et calmer tout ce qui nous envahit.

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Bienvenue Tristesse

Bienvenue Tristesse, Eva Eland, Les éditions des éléphants

Pas toujours facile de comprendre la tristesse et son origine. Eva Eland invite à accueillir cette émotion comme une amie et propose des pistes pour l’apaiser en encourageant à trouver la méthode qui fonctionnera le mieux pour soi. Le sujet est traité avec sensibilité et les illustrations dégagent une infinie douceur qui donne à réfléchir à la gestion de cette émotion si particulière.

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Louise ou l’enfance de Bigoudi

Louise ou l’enfance de Bigoudi, Delphine Perret et Sébastien Mourrain, Les fourmis rouges

Vous souvenez-vous de Bigoudi, cette attachante vieille dame ? Dans cet album rose, nous remontons le temps pour découvrir comment, enfant, elle gagna ce surnom après avoir quitté sa campagne où elle s’épanouissait pour la grande ville qui la dépassait, ternissant son humeur. Jusqu’à une rencontre!

Louise ou l’enfance de Bigoudi est une ode à l’amitié et au bonheur qu’elle procure, donnant à la vie des couleurs et saveurs jusque-là dissimulées, servie par des mots joueurs et poèmes.

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Mousse

Mousse, Estelle Billon-Spagnol, Talents Hauts

Si les adultes peuvent rester perplexes à la lecture de Mousse, les enfants s’identifient immédiatement à ce petit poisson qui affronte ses peurs. Il est tour à tour avalé par un gros poisson, rejeté par des coéquipiers, disputé pour une maladresse… Autant de situations qui parlent aux jeunes enfants. L’apparition du serpent multicolore, bienveillance incarnée, est rassurante et réjouissante.

Un bel album pour aborder la confiance en soi et les incidents de parcours qui font grandir !

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Catégorie 6-8 ans

Du vent dans la tête

Du vent dans la tête, Marjolaine Nadal et Marianne Pasquet, Voce Verso

Un livre intéressant car il rend l’enfant acteur de son bien-être mais qui soulève des doutes quand à la tranche d’âge conseillée dans la façon dont le sujet est traité. Si le texte se destine parfaitement à de jeunes lecteurs, il n’est pas certain qu’ils en comprendront toutes les nuances. Les illustrations sont très jolies, elles dégagent beaucoup de poésie dans la simplicité du trait et du choix des couleurs.

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La maîtresse me stresse, et alors ?

La maîtresse me stresse, et alors ?, Elisabeth Brami et Christophe Besse, PKJ

Tom est tétanisé par sa maîtresse, qui ne cesse de crier sans raison apparente. Il va donc à l’école à reculons, ne parvient pas à se concentrer sur son travail et accumule les mauvaises notes. Comme on le comprend ! Heureusement, arrive une douce remplaçante qui va permettre au garçon de chercher une solution à son problème.

Ce livre est une invitation au dialogue pour les enfants stressés par l’école ou par leur enseignant. Aux adultes qui les accompagnent de jouer le rôle de cette remplaçante à l’écoute, pour les aider à résoudre cette situation.

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Zarbi, enfant zèbre

Zarbi, enfant zèbre, Suzanne Galéa et Floriane Ricard, Rue de l’échiquier jeunesse

Pas forcément facile d’être un « enfant zèbre » ! Loin des clichés, Zarbi nous raconte son état permanent de surchauffe, l’intensité de ses émotions, ses difficultés à « filtrer » et surtout, son douloureux sentiment de décalage par rapport aux autres… Mettre en mots ces spécificités, qui peuvent correspondre à ce que vivent les enfants à haut potentiel, mais aussi par exemple les personnages avec un TDAH, est souvent salvateur. C’est l’objectif parfaitement atteint de ce bel album aux motifs zébrés : Zarbi évoque ses différences avec ses mots à elle, évocateurs et accessibles, portés par des illustrations pleines de sensibilité et d’images très parlantes. Elle dit aussi ce que lui a apporté la compréhension et l’acceptation de sa différence. Un album optimiste et vraiment intéressant, qu’on se sente concerné ou non !

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Odette fait des claquettes

Odette fait des claquettes, Davide Cali et Clothilde Delacroix, Sarbacane

Odette est une enfant optimiste et pleine de joie de vivre qui subit le regard des autres pour qui elle est toujours trop ceci ou pas assez cela. Davide Cali rappelle que pour être heureux, le regard que l’on a sur soi est essentiel. Il y aura toujours quelqu’un pour critiquer ce que nous sommes. Le trait tout en rondeurs de Clothilde Delacroix sublime l’histoire par sa simplicité et la richesse des expressions des personnages.

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Catégorie 9-12 ans

Le train fantôme

Le train fantôme, Didier Levy et Pierre Vaquez, Sarbacane

C’est l’histoire d’un voyage. Celui de Jonas, 17 ans, « sorte de grand échalas qui parle peu, lit beaucoup. Ses parents aimeraient bien qu’il s’habille autrement, qu’il se coiffe autrement. Ses parents aimeraient bien qu’il soit un peu comme tout le monde. Mais Jonas reste lui-même. » C’est l’histoire du voyage de Jonas donc et surtout celui de Lina, sa petite sœur, « 7 ans, bientôt 8 ». Un voyage qu’ils ne font pas ensemble. Un voyage que Lina entreprend pour retrouver Jonas, disparu. Un voyage en train fantôme.

Cet album aux illustrations « à la manière noire » absolument envoûtantes nous entraîne dans les tréfonds d’une éclatante obscurité de l’adolescence malmenée.

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Je suis Camille

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli, Syros

Camille est une jeune fille transgenre. Camille est Camille. Mais ce n’est pas si simple. En tout cas, cela ne l’était pas dans son ancienne école aux Etats-Unis. A la rentrée, elle arrive en France dans un nouvel établissement scolaire. Elle s’y fait très vite une amie Zoé, avec laquelle elle partage la même passion pour la musique. Les deux amies ont de beaux projets, elles sortent ensemble, vont à des fêtes, chantent, dansent, se confient. Camille lui raconte son parcours. Mais une histoire de jalousie manque de faire voler en éclats leur amitié nouvelle.

Il est rare que des albums abordent la question de la transidentité, c’est un sujet en général réservé à de plus grand.e.s lectrices, lecteurs. Ce livre permet donc de lancer la discussion et il fut particulièrement plébiscité par mes élèves de 6e inscrit.e.s au prix de littérature jeunesse de l’UNICEF.

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La BD qui t’aide à avoir confiance en toi

La BD qui t’aide a avoir confiance en toi, Géraldine Bindi et Adrienne Barman, Casterman

Entraîné.e.s par Gigi, Sarah, Charlie, Tom, Lise et Oscar, le chat, nous voilà invité.es à nous interroger sur la manière dont nous pourrions nourrir notre confiance en nous. Après avoir défini ce qu’est la confiance en soi, les personnages de la BD nous livrent 4 trucs pour travailler ce sentiment essentiel pour affronter toutes les tourmentes. Une BD joyeuse, au ton enlevé qui peut cependant paraître parfois péremptoire, pour aborder un besoin fondamental, notamment à l’adolescence.

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Les fabuleuses aventures d’Aurore

Les fabuleuses aventures d’Aurore, Douglas Kennedy et Joann Sfar, PKJ

Aurore est autiste. Elle ne parle pas et s’exprime en écrivant sur une tablette. Différente, elle pose sur le monde un regard unique qui voit au-delà des apparences. Dans notre société individualiste, la différence suscite encore trop souvent le rejet et les moqueries. Pour ce premier titre jeunesse, Douglas Kennedy signe un titre intelligent qui fait de la différence une force. On pourra cependant regretter la rapidité avec laquelle certaines scènes sont traitées, laissant peu de place à l’imagination. Les illustrations de Joann Sfar sont lumineuses et mettent en avant l’optimisme de l’héroïne et du récit.

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Catégorie 13-15 ans

C’est pas ma faute

C’est pas ma faute, Anne-Fleur Multon et Samantha Bailly, PKJ

Prudence est fan de la youtubeuse Lolita. Mais un jour, celle-ci disparaît des réseaux sociaux. Prudence s’inquiète et décide d’enquêter.
Imaginé à la manière d’un thriller, ce roman montre la dualité d’Internet. Entre reconnaissance, exposition de la vie privée, manifestations d’amour, jugements à l’emporte-pièces, diverses formes d’amitiés, commentaires haineux et pressions diverses, le constat n’est pas rose.
Ce roman écrit à quatre mains expose de manière quasiment exhaustive les risques liés au réseaux sociaux, trop souvent ignorés des ados. Mais les auteures ont encombré leurs personnages de difficultés financières, familiales, raciales et sexuelles, certes réalistes, mais qui nuisent à la clarté du message.
Pourtant ce roman peut être un point de départ pertinent pour une discussion sur la vie privée et les réseaux sociaux, l’amitié et la responsabilité.

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Les mystères de la peur

Les mystères de la peur, Bruno Pellegrino et Rémi Farnos, La Joie de Lire

Qu’elle soit ou non rationnelle, la peur est là pour nous aider à nous surpasser mais surtout, pour nous protéger des dangers auxquels nous sommes parfois confrontés. Pour Lou, douze ans, la peur est une inconnue. Son cerveau ne traite pas les informations correctement et ne lui envoie jamais de petit signal pouvant la mettre en garde contre le monde qui l’entoure. Elle devient de fait, un danger pour elle-même. Inquiets, ses deux papas l’emmènent faire des tests chez un spécialiste qui l’envoie à l’institut P.E.T.O.C.H.E où, se confrontant aux peurs de ses camarades, elle va devoir apprendre la peur…

Les illustrations de Rémi Farnos séduisent par le trait et le choix d’alterner entre des illustrations classiques et des cases de bande dessinée. Ce format dynamise le texte de Bruno Pellegrino qui, richement informé en amont auprès de spécialistes, chercheurs et médecins, s’inspire d’un cas réel pour nourrir son récit. Au travers de Lou et de ses camarades, il explique cette émotion saisissante mais non moins indispensable qu’est la peur et comment elle fonctionne, ce qu’elle provoque, pourquoi et comment.

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Dans, A quoi rêvent les étoiles

… ils sont cinq, cinq presque unis comme les doigts de la main. Dans ce roman, il y a quelques personnes « connectées » entre elles. Elles se connaissent, se côtoient tous les jours. D’autres ne se fréquentent qu’à travers un petit laps de temps, un rendez-vous en ligne, des échanges de SMS…

Un point commun relie parfaitement Titouan, Alix, Luce, Gabrielle et Armand : leur relation au monde. Leur façon si particulière de trouver une place en eux et chez les autres.

A quoi rêvent les étoiles, Manon Fargetton, Gallimard Jeunesse

A la manière d’une pièce de théâtre, Manon Fargetton fait entrer en scène le refus de grandir et d’affronter le monde, le deuil et l’envie d’en finir. L’espoir, cet espoir d’y arriver et de s’accrocher pour vivre son rêve. La finesse et la subtilité de l’écriture s’infiltre épousant chaque personnage. Le lecteur peut alors donner libre cours à ses émotions. Quelle richesse humaine !

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21 jours avant la fin du monde

21 jours avant la fin du monde, Silvia Vecchini et Sulzo, Rue de Sèvres

Lisa vit dans un camping avec sa mère qu’elle aide à tenir son café. Ses voisins changent régulièrement de visage mais dans l’ensemble les touristes se ressemblent tous un peu. Cet été là, elle occupe son temps entre le café et son cours de karaté. Lorsque réapparait Aless, son ami d’enfance, les souvenirs ressurgissent.

Différents thèmes traversent cette bande dessinée – la famille, l’amitié, l’avenir, le secret – mais c’est avant tout la perte d’un être cher qui est au cœur. En revenant sur le lieu de son enfance, Aless cherche à comprendre le mystère qui entoure la mort de sa mère. Mais son père souhaiter le préserver des circonstances qui lui ont enlevé ce parent dont il n’arrive pas surmonter la perte. Avec beaucoup de tact, Silvia Vecchini soulève l’importance du dialogue et de l’accompagnement dans le processus du deuil.

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En attendant le résultat des votes des enfants demain sur le site de l’UNICEF, n’hésitez pas à partager vos coups de cœur !

ALODGA s’engage – pour la culture déconfinée

Suite à notre billet aux côtés de la culture confinée, nous avions à cœur de partager avec vous nos premières sorties culturelles après des mois de fermetures et de restrictions.

Nous avons donc fait le choix d’ouvrir nos billets d’été ensemble car la culture se partage et se vit autant qu’elle se raconte. Et que les vacances sont aussi l’occasion de partager des moments culturels en famille ou entre amis.

C’est sur un coup de tête que Linda a réservé deux places pour une visite au Musée de L’Hospice Comtesse de Lille. Au saut du lit ce vendredi 21 mai, soit deux jours après la réouverture des lieux, le besoin de prendre un bain de culture ne pouvait plus attendre. L’ouverture de l’exposition Kaï Wu – Art et Design en Chine fut l’occasion de partager un moment mère-fille autour d’une passion pour la culture chinoise. Redécouvrir ce lieu riche historiquement leur a fait un bien fou au moral. L’exposition en elle-même était un prétexte satisfaisant mais il faut bien reconnaître qu’elles n’ont pas été complètement séduites. Une partie des œuvres donnaient un peu l’impression de circuler dans un magasin de meubles. Il y avait malgré tout une partie de l’expo qui les a vraiment émerveillées par l’originalité et la mise en lumière des œuvres valorisées et valorisant l’espace. Par ailleurs, le contraste entre le lieu et les créations fut une invitation à voyager dans le temps et l’espace donnant un côté magique à cette visite.

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Pour Colette, le retour à la culture s’est fait dès le 22 mai avec le dernier spectacle de son abonnement au TNBA – Théâtre National Bordeaux Aquitaine – dernier et seul spectacle qu’elle ait pu voir au final. Quel bonheur de se glisser, entre amies, dans les fauteuils de velours rouge de la grande salle de spectacle Vitez ! Quel bonheur de scruter les moindres détails du décor incroyable imaginé par Christian Tirole et Jean-François Sivadier ! Quel bonheur de plonger dans cette histoire rocambolesque de scandale sanitaire dans une station thermale de Norvège portée par des comédiennes et des comédiens puissant.e.s ! Et quel plaisir sans nom d’être une fois de plus poussée dans ses retranchements et de se demander avec le personnage principal si préserver la mécanique économique bien huilée d’un système prévaut sur un problème de santé publique que l’on pourra étouffer ? Des questions éminemment actuelles qui ont eu un écho d’une incroyable ironie tragique dans le cœur des spectatrices et des spectateurs masqué.e.s mais enthousiasmé.e.s par tant d’art et d’intelligence !

Un ennemi du peuple, Henrik Ibsen, mise en scène de Jean-François Sivadier.

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Le fils de Lucie s’étant plongé dans la littérature autour de la Seconde Guerre mondiale pendant le premier confinement – un moyen comme un autre de relativiser la situation angoissante que nous traversions – il était prévu de longue date que la première sortie familiale se ferait au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. Situé dans les anciens locaux de la Gestapo, ce musée propose une exposition permanente intitulée « Lyon dans la guerre, 1939-1945 ». Les documents, les photos et les objets d’époque (le parachute de Jean Moulin !) ainsi que la reconstitution d’une placette, d’un appartement et d’une imprimerie clandestine ont fait de cette visite un moment fort en émotions. Le film sur la libération de Lyon clôturant l’exposition, mêlant archives et témoignages de lyonnais, est d’une rare intensité.

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Pour Liraloin, l’aventure était au rendez-vous avec ce spectacle tout à fait original : Follow Me de la Compagnie Queen Mother.

« Prolongement de nos mains, devenu objet du quotidien, le téléphone portable bouscule notre rapport aux autres. Follow Me s’en empare et embraque le spectateur dans une aventure artistique connecté dans la ville. »

Nous avions rendez-vous à 17h sur une place en plein centre-ville. Les règles étaient simples : répondre aux messages, suivre les consignes. Arrivés en avance, nous avons déambulé dans la ville en nous régalant de textes écrits çà et là parfaitement en harmonie avec ce que l’œil pouvait discerner.

Cette enquête (?) pouvait alors débuter. A la fois intrigués et impatients, nous répondions chacun de notre côté aux premiers messages reçus. Cette connexion avec l’autre, cet(te) inconnu(e) commence par le texto suivant : « Le rideau se lève. Sur notre rencontre. Une sonnerie dans le creux de la main et quelque chose qui change. Sans presque rien ne change… » et cet(te) inconnu(e) te salue, espère que tu le/la nommes pour provoquer un peu plus d’intimité.

Si l’aventure, pour ma part, s’est révélée apaisante et sujet à la rêverie avec la rédaction d’une histoire, pour mon amoureux cette expérience s’est soldée par une course poursuite dans toute la ville !

Ce que je retiens de ce voyage de deux heures (oui pour moi cette aventure est passée en deux secondes) c’est un moment de quiétude et de connexion avec l’inconnu. Un ou une inconnu(e) qui par le biais de simples messages semble te connaître, te faisant passer par des jolis moments d’émotions.

Après tous ces mois de privation, cet évènement m’a apporté de l’oxygène.

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Dans la région allemande où vivent Isabelle et ses moussaillons, les lieux de culture commencent à peine à rouvrir, alors l’attente est longue ! Ils ont d’autant mieux savouré le déconfinement lors d’un petit séjour aux confins du Médoc à la fin du mois de mai. La première sortie les a conduits dans un lieu merveilleux de partages livresques : la librairie de Corinne, à Soulac sur mer.

La Librairie de Corinne, à Soulac sur mer, en Gironde.

Une caverne d’Ali Baba toute bleue et baignée de soleil qui a le charme si particulier des villas soulacaises, un lieu où se mêlent le parfum des embruns et celui des livres neufs, où vibre la passion de lire de l’équipe des libraires. Parce que rien ne vaut l’exploration d’étagères débordant d’albums et de romans, le plaisir d’effleurer les couvertures, de se laisser surprendre par des textes qu’on n’attendait pas et d’échanger ses trouvailles avec d’autres amoureux des livres. Des saveurs sublimées lorsqu’on peut ensuite embarquer son butin pour lire sur la plage !

Il se pourrait que les moussaillons de l’île se soient un peu laissé emporter par leur enthousiasme… Nous en avons eu pour des heures de voyage littéraire qui nous ont permis de tenir jusqu’à ce que le déconfinement permette de sortir de nouveau de notre côté du Rhin. Des lectures dont vous entendrez parler sur L’île aux trésors et bien sûr À l’ombre du grand arbre !

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Blandine attendait avec impatience la levée des restrictions pour enfin retourner à la bibliothèque municipale. Déambuler en toute liberté, flâner entre les bacs, avoir le regard happé par une couverture, un titre ou un nom, pouvoir toucher et feuilleter les livres, choisir de les prendre ou de les reposer. Le bonheur !

Un album en entrainant un autre, une jolie pile s’est constituée. Heureuse coïncidence, tous évoquaient la nature, l’évasion, le partage et la transmission. Depuis, Blandine y est retournée plusieurs fois, repartant toujours les bras chargés… Mais ceci est une autre histoire qui s’écrit déjà sur Vivrelivre et ici!

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Et vous? Quelle a été votre première sortie culturelle? N’hésitez pas à partager votre expérience avec nous.

ALODGA s’engage – aux côtés de la culture confinée !

En cette semaine anniversaire de notre blog collectif, et après plus d’un an de culture confinée, malmenée, non seulement masquée mais muselée, nous avions envie d’échanger autour d’un album jeunesse qui interroge notre capacité à nous engager pour que vive la culture.

Aujourd’hui, nous vous proposons donc une lecture commune de l’album Si j’étais ministre de la culture de Carole Fréchette et Thierry Dedieu publié d’abord au Québec aux éditions d’eux en 2016 puis édité en France par HongFei en 2017. Vous pouvez en savourer la lecture à haute voix par Daniel Pennac sur le site de l’éditeur québécois.

Linda : Si j’étais Ministre de la Culture est à l’origine une lettre ouverte de Carole Fréchette écrite en 2014 lors de campagne électorale québécoise. L’objectif était d’attirer l’attention des candidats et des électeurs à l’importance des enjeux culturels. Quel(s) parallèle(s) y avez-vous vu avec la situation actuelle ?

Colette : Quand j’ai relu ce livre complètement par hasard il y a un mois environ, je me suis dit « non, ce n’est pas possible ! Cet album décrit de manière hypothétique la situation que nous sommes en train de vivre de manière très très réelle ! » Et cette lecture a provoqué en moi une sorte de rire grinçant. Il y a une telle ironie tragique à lire ces pages aujourd’hui : tout était écrit, là, noir sur blanc, de ce que nous vivons aujourd’hui. De ce que nous laissons nos gouvernements nous imposer comme vie aujourd’hui… Une vie sans culture, sans musée, sans théâtre, sans cinéma, sans spectacle de rue, sans danse, sans opéra, sans concert… Dans l’album, ce n’est qu’un un défi proposé par une hypothétique ministre de la culture qui décrèterait des « journées sans culture » pour prouver quelque chose à la classe politique qui l’entoure. La véritable ironie, c’est qu’aujourd’hui en 2021, c’est notre réalité. Et pas qu’un seul jour. Tous les jours depuis un an.

Lucie : Le parallèle que tu proposes avec la situation actuelle m’a aussi sauté aux yeux, cette vision de l’art « non essentiel ». Nous avons vécu ces journées sans culture, nous continuons à les vivre, Colette le dit très bien. Et si finalement les librairies ont rouvert (après avoir bataillé), le reste continue à nous manquer. C’est d’ailleurs un manque très bizarre, lancinant, qui n’est pas aussi criant que je l’aurais cru mais qui pèse sur le moral (ce que Carole Fréchette avait anticipé avec une triste lucidité), chaque jour un peu plus.

Linda : Si ces décisions paraissaient justifiées dans un premier temps, je suis moins convaincue par la fermeture complète de tout ce secteur lors du deuxième confinement à l’automne dernier. Aucun cluster n’était lié aux lieux culturels, tous faisaient des efforts pour respecter les règles de distanciation, les gestes sanitaires ainsi que la mise en place de jauge restreinte. Pourtant lorsqu’il a fallu « confiner » de nouveau, ce sont ces lieux qui ont fermé en premier sans réelles justifications. Comment peut-on justifier le sacrifice d’une partie de la population pour en protéger une autre ? C’est un autre débat mais je m’interroge vraiment sur les conséquences à long terme de ce genre de décisions.

Linda : Le sacrifice de la culture par nos gouvernements en situation de pandémie n’est-il pas le reflet d’un système capitaliste qui condamne ce qui n’est pas rentable, sacrifiant les bienfaits de la culture sur l’homme ? Peut-on encore espérer convaincre nos dirigeants que notre bien-être passe par le confort de l’esprit, bien plus que par un portefeuille bien garni ?

Colette : J’avoue que je ne sais jamais me mettre à la place d’un gouvernement. Mais je comprends complètement ton interprétation. Ce qui me questionne le plus au travers de cet album c’est ce que nous avons fait, nous, citoyens, citoyennes, face à de très longues « journées sans culture ». La première fois que j’ai lu cet album, je pouvais aller au théâtre ou au cinéma comme je le voulais. Cet album m’avait fait sourire. Bien trouvée cette « dystopie » , m’étais-je dit ! Ça n’arrivera jamais ! La deuxième fois que je l’ai lu, c’était il y a un mois, après une année entière sans pouvoir accéder librement à la culture et bien j’ai eu terriblement envie de pleurer : parce que je n’ai rien fait. Et du coup, je me suis demandé : est-ce que je ne suis pas finalement seulement une consommatrice de culture ? Et quand le bien se fait rare, je m’en passe. Qu’en pensez-vous ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi Colette, la situation était inédite et critique. Comment juger des décisions du gouvernement visant à protéger ? Un an après, je découvre ce texte grâce à vous. Et je me dis que si je l’avais lu avant j’aurais souri, trouvé l’idée pertinente et que le lien avec l’oxygène était une jolie métaphore. Sauf que ce n’est pas une métaphore. « L’équilibre des âmes », c’est vraiment ça. On entend bien les baisses de moral et d’énergie autour de nous. Pour moi elles sont directement liées à ce manque de culture. Je le vis comme quelque chose de plus en plus oppressant.
Qu’aurais-tu pu faire que tu n’as pas fait, Colette ? Tu as continué à faire découvrir des œuvres à tes élèves, à leur donner le goût pour cette culture, avec l’envie et l’énergie qui te caractérisent. Tu as continué à partager tes découvertes et tes coups de cœur sur tes blogs, et tu as continué à lire écouter regarder malgré tout. Qu’aurait-on pu faire de plus avec une année de recul ? Je ne trouve pas que l’on se soit résignées.

Linda : Ne sommes-nous pas tous, plus ou moins, consommateur de culture ? Après tout, en tant que grandes lectrices, nous sommes déjà dans un schéma de consommation assumée. Mais c’est aussi la consommation qui fait vivre la culture donc d’une certaine manière consommer revient à aider la culture. Aujourd’hui, nous pouvons aussi rejoindre les artistes qui occupent les théâtres et autres lieux culturels dans leurs actions pour la défense des intermittents et la réouverture des lieux culturels. Chez nous, à Lille, il y a eu des rassemblements autorisés en mars dernier et tout le monde était invité à participer, à montrer son engagement. C’était chaleureux et convivial, en musique et en danse ! C’est certes peu mais que peut-on faire de plus que de montrer notre soutien lorsque même la Ministre de la Culture appuie les décisions du gouvernement?

Lucie : La difficulté de notre situation c’est que quand il est écrit « il faut privilégier les vraies urgences », ici c’est pour protéger la santé de nos concitoyens que nous avons été privés de culture. Du coup il y a presque une culpabilité à se plaindre. La vraie urgence était effectivement la santé. Mais la privatisation à long terme nous ont fait réaliser que la culture est aussi indispensable à notre équilibre. Au delà de notre situation exceptionnelle, je trouve très maline la réaction de la ministre : la culture n’est pas une urgence? Interdisons-la quelques jours et voyons. Vous qui l’avez lu avant de le vivre, vous souvenez-vous de ce que vous avez pensé de ce ressort narratif ?

Linda : Je ne l’ai découvert que sur les conseils de Colette il y a quelques semaines donc déjà en pleine restriction. La réalité de ce que l’on vit est à l’image de la fiction. L’auteure a une analyse très fine du poids de la culture sur notre santé.

Colette : Lucie, tu fais bien de rappeler ce ressort narratif car c’est ce que j’ai trouvé le plus ingénieux dans cet album ! Cela m’a clairement fait penser au virage à 180 degrés proposé par la psychothérapeute Emmanuelle Piquet dans ses livres destinés à la jeunesse « Je me défends du sexisme », « Je me défends du harcèlement » ou encore « Je combats ce qui m’empêche d’apprendre ». Face au problème rencontré, elle invite la personne en souffrance à faire le contraire de ce qu’elle aurait tendance à faire spontanément. Mon rapprochement est un peu hasardeux mais j’y vois ici la même technique : vous n’écoutez pas ce que j’ai à dire sur l’importance de la culture, alors vivons sans culture. A la place des mots, des actions. Voilà bien l’essence même de l’activisme politique et c’est génial que dans ce livre ce soit une femme politique qui opte pour cette option militante, cela permet de donner une image positive de la politique, de montrer qu’une personne dans un gouvernement peut aussi changer les choses.

Linda : Thierry Dedieu utilise un dessin caricatural qui vient appuyer les arguments très imagés de l’auteure. Je trouve le style graphique particulièrement saisissant ! L’expressivité des personnages reflètent, à mon sens, parfaitement le vide laissé par le manque de culture dans nos vies. Qu’en pensez-vous?

Colette : Je suis tout à fait d’accord avec toi, connaissant en plus la multiplicité des styles graphiques de Dedieu, le style choisi ici est vraiment percutant ! Ce qui m’a le plus saisie, c’est la solitude : la solitude de la ministre de la culture, la solitude des musiciens, la solitude des danseuses, la solitude du clown, etc. sur ces grandes pages de couleur. Les artistes sont seuls. Abandonnés. Le public est seul. Il n’existe même plus. Il n’y a plus de public. Chacun est isolé de son côté. Et ça je l’ai vraiment ressenti quand au premier confinement il y a eu profusion de ressources culturelles partagées sur le net : c’était un geste honorable, mais à quoi bon ? Regarder une pièce de théâtre, seule dans mon salon, ça n’a pas de goût. Écouter un concert sur Facebook en live : ça ne fait pas battre mon cœur. M’installer avec des popcorns dans mon canapé pour regarder un film d’auteur.e : ça ne me fait pas vibrer.

Lucie : Cette mise à l’écart de la ministre puis la solitude des artistes et des gens est en effet très bien rendue graphiquement. Et elle renvoie elle aussi à notre solitude imposée depuis un an. Je te rejoins sur le spectacle vivant, Colette : regarder du théâtre ou de la danse sur YouTube et même visiter un musée virtuellement ne m’intéresse pas. En revanche je crois sincèrement que ma bibliothèque et ma dvdthèque bien remplies (ainsi que la réouverture des bibliothèques municipales) m’ont empêché de sombrer. Parce que cette culture-là existe toujours, qu’on en profite de la même manière qu’avant, et que c’est à la fois un élément qui n’a pas été touché et « mieux que rien ». D’autant que les films et les livres permettent des discussions réjouissantes, notamment par ici ! Dans le livre, toute culture, même la plus quotidienne est interdite. Cela permet aussi de monter qu’il y a une forme d’art à laquelle nous ne faisons presque plus attention : les arts appliqués comme le design ou la mode par exemple.

Linda : Je ne suis pas complètement d’accord quand tu dis que les bibliothèques n’ont pas été touchées car leurs services ne se limitent pas qu’aux prêts. Je regrette les ateliers ou animations qu’elles peuvent proposer en temps normal et qui permettent des échanges entre le personnel et le public. Mais c’est là aussi qu’on voit vraiment que c’est l’interaction sociale qui est limitée aujourd’hui plus que le reste. Ça fait sens par rapport à la pandémie mais, humainement, ce n’est pas viable sur une si longue période. Comme tu le disais plus haut, les baisses de moral viennent de là car oui, la culture et le lien social vont de pair et nous avons besoin pour vivre.

Colette : J’adhère complètement à ce que dit Linda sur ce qu’ont révélé les restrictions culturelles en terme de sociabilité, d’humanité, d’humanisme. Certes je peux lire, écouter de la musique et regarder des films chez moi – et c’est vrai que c’est ce qui nous « sauve » en partie ! – mais le fait de ne pas pouvoir se retrouver avec d’autres, des inconnus, des étrangers, « nos frères pourtant », ces gens que je ne cherche pas à voir, à sentir, à toucher mais que le hasard de nos goûts artistiques communs met sur ma route l’espace d’un instant, et bien ce vide là, je ne m’y attendais pas, est immense. Ce vide là, j’en ai bien peur, est en train de défaire les liens qui nous lient.

Lucie : Et que pensez-vous du fait que cette ministre de la culture soit une femme ?
Pour ma part, j’ai d’abord pensé qu’elle représentait Carole Fréchette, mais j’avoue que de la voir opposée seulement à des hommes, et assez âgés qui plus est, m’a fait m’interroger sur un message sous-jacent.

Colette : Bizarrement pour moi qui suis très sensible à la cause féministe, je n’y avais pas fait attention. Mais tu as raison de le souligner, Lucie. C’est très intéressant comme choix… On laisse le « non-essentiel » à une femme 😉 On peut à la fois le lire comme un autre choix engagé ou un triste clin d’œil à une répartition des portefeuilles encore particulièrement sexiste dans de nombreux gouvernements.

Linda : J’avoue avoir vu l’auteure dans le rôle de la ministre et ne pas avoir cherché un autre message. On a tendance à voir un engagement féministe partout sans que ce soit forcément le cas, surtout en temps que femme. C’est une réflexion qui ne manque pas de sens mais je crois que je préfère me dire qu’il s’agit ici d’un simple choix lié à l’auteure.

Lucie : Je vois trois parties dans les illustrations de l’album : la ministre qui essaie de convaincre ses collègues, puis les effets de sa décision tout d’abord sur les artistes (ou employés dans le milieu culturel, comme le gardien de musée), et enfin sur la population qui obéit mais ne se résigne pas totalement (comme la vieille dame qui soulève un drap recouvrant une statue dans le parc). Après, avec le côté « strictement fonctionnel » des modèles imposés de vêtements et de voitures, on se rapproche même d’une forme de dictature. Y avez-vous pensé aussi ?

Colette : Complètement Lucie : une vraie dictature qui commence par interdire les différentes formes de culture puis qui retourne les tableaux dans les musées, drape les monuments, et enfin uniformise nos vêtements et nos voitures. On y lit une progression, l’installation d’un modèle de pensée unique. C’est le fonctionnement même du totalitarisme. Et c’est sans doute ce pressentiment qui nous étouffe aujourd’hui. Combien de fois avons-nous eu l’impression que notre quotidien prenait l’étrange tournure d’un roman dystopique ? Rien que les affiches placardées à l’entrée des écoles, avec ce visage sans regard masqué, et ce slogan « Protégeons-nous les uns les autres » (à une lettre près, on pourrait lire « Protégeons-nous les uns des autres »…).

Linda : Oui je vous rejoins complètement. La question de l’uniformité vestimentaire m’a d’ailleurs fait penser au 1984 d’Orwell qui dépeint un état totalitaire. Cela fait un peu plus d’un an que nos libertés sont retreintes sous couvert de se protéger et de protéger les autres. Ces mesures liberticides créent un malaise et nous font craindre l’installation permanente de restrictions qui tendent vers la dictature. C’est effrayant !

Lucie : On commence à voir le bout du tunnel, les effets de tant de sacrifices. Un peu d’espoir : quel est le premier endroit où vous irez / retournerez quand les lieux culturels auront rouvert?

Linda : J’ai terriblement envie de m’asseoir dans l’Auditorium et d’écouter l’Orchestre Nationale de Lille jouer. Mais nous commencerons par le musée d’arts et d’industrie La Piscine de Roubaix. Nos billets sont déjà réservés.

Colette : On ira à Capsciences à Bordeaux ! Il y a une nouvelle exposition qui s’intitule « Esprit critique – Détrompez-vous ! ». Il me semble qu’elle tombe fort à propos, cette expo ! 
Pour conclure sur l’invitation donnée par le titre « et vous si vous étiez ministre de la culture », que feriez-vous ?

Linda : Question difficile ! Après une proposition telle que celle que nous venons de lire, comment proposer quelque chose de plus pertinent ? De plus efficace pour convaincre ? Une réforme complète du système politique serait peut-être nécessaire pour que chaque ministère ait autant de poids qu’un autre…

Lucie : Je ne serai jamais ministre de la culture, donc je peux avoir des projets irréalisables : Ce que je souhaiterais, c’est la gratuité de la culture ! Pas via le téléchargement (qui est bien souvent du vol et non de la gratuité) mais par des subventions, des pass culture ou autre pour quelle soit accessible à tous. Et que chacun ait son content de beauté et d’émotion pour mieux respirer et vivre !

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Nous souhaitions, en tant que blogueuses culturelles, montrer notre engagement envers la culture en apposant une pastille sur le blog. Nous remercions chaleureusement Carole, ancienne branche, et son époux pour la réalisation de ce logo.

ALODGA s’engage – aux côtés des éditions Rue du monde.

L’année 2020 a été particulièrement difficile pour les petites maisons d’édition indépendantes. Et pourtant leur travail, leurs choix, leurs savoir faire sont essentiels pour ouvrir à l’art, à la littérature et à la beauté du monde, les enfants, petits ou grands. Afin de montrer notre soutien au travail précieux de ces joailliers du livre jeunesse, nous avons décidé aujourd’hui de mettre en avant une maison chère à notre cœur : les éditions Rue du monde. Chacune de nous va donc présenter ici un des livres de cette maison d’édition dont la richesse, depuis 25 ans, ne cesse de nous étonner, de nous interroger, de nous enchanter.

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Pour Liraloin, le choix d’un titre s’est porté sur Je vous aime tant d’Alain Serres & Olivier Tallec

« Si la fille est à sa fenêtre bleue, il détourne aussitôt les yeux vers le ciel, comme s’il cherchait là-haut sa petite cuillère pour dissiper un nuage de lait dans son thé. » Gaëtan est timide et cherche des yeux la belle demoiselle qui habite dans l’immeuble en face. Il n’est certain que d’une chose : c’est que Laura fait battre son cœur. Un samedi où il n’y a pas école, il décide de lui écrire un message universel en langage amoureux. Au lieu de déposer la missive directement dans la boîte aux lettres de la jeune fille, il préfère expédier sa flamme par la poste. Et si cette toute petite lettre remplie de gigantesques mots d’amour n’arrivait jamais à destination ?

J’ai aimé cet amour si grand qu’il devra braver bien des étapes parfois terribles.

Des aventures rocambolesques vous attendent et il faut avoir le cœur bien accroché (comme en amour) pour enfin connaître l’heureuse ou triste fin de cette lettre amoureuse.

Je vous aime tant d’Alain Serres et Olivier Tallec, Rue du Monde, 2006

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Virus, bactéries, infection, anticorps, pandémie, vaccin… En ce début d’année 2021, on se dit qu’on n’a que trop entendu ces mots, mais ils demandent plus que jamais d’être décryptés à hauteur d’enfant. Rédigé à plusieurs mains par un collectif de chercheuses, La vie secrète des virus parvient à faire le tour du sujet de façon à la fois complète, très didactique et même drôle – on vous assure ! Les enfants d’Isabelle ont apprécié les données chiffrées (vous serez probablement aussi ravis qu’eux d’apprendre qu’un seul gramme de crotte contient près d’un milliard de virus), le quizz final qui permet de tester ses connaissances (9/10 pour eux, ferez-vous mieux ?) et les illustrations pleines d’humour – avec par exemple cette cellule infectée qui prend des airs de zombie ; ou ces virus colorés et dissipés un peu partout qui contribuent finalement plutôt à égayer cette lecture. Passionnant et attrayant !

La vie secrète des virus, Rue du Monde, 2020.

L’avis d’Isabelle

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Dans la bibliothèque de classe de La collectionneuse de papillons, il y a des incontournables : les albums au magnifique grand format carré de la collection « Grands portraits ». Que ce soit pour parler de l’éducation des filles avec Malala, que ce soit pour évoquer la résistance à l’oppression avec Missak Manouchian, que ce soit pour évoquer l’importance de vivre en adéquation avec la nature avec Wangari Maathai ou encore pour évoquer les droits de l’enfant avec Janusz Korczack, ces livres de Rue du monde livrent une parole essentielle : celle de l’engagement citoyen.

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Pour MéLi-MéLo de livres, c’est un album de Daniel Picouly et illustré par Nathalie Novi (qui vient d’être réédité : enrichi et augmenté) qui me vient à l’esprit tant il est d’actualité : Et si on redessinait le monde ? Mêlant cartes anciennes, texte et illustrations, il invite à un véritable voyage dans lequel l’enfant est acteur de sa vision du monde. Un grand format lui donne toute latitude pour exprimer ce si beau message.

L’avis de Pépita et celui de Linda.

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Pour Linda, c’est le magnifique atlas de Aleksandra Mizielinska et Daneil Mizielinski, sobrement intitulé Cartes qui a retenu son attention. Véritable invitation au voyage, cet album très grand format propose des cartes du monde entier; des cartes géographique richement illustrées qui mettent en avant les richesses de chaque pays: des symboles culturels et historiques, des spécialités culinaires, des personnages célèbres, des animaux… Il a été réédité en 2018 dans une version revue et augmentée.

L’avis de Linda.

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Et si vous voulez en savoir plus sur l’urgence d’aider l’édition jeunesse indépendante, n’hésitez pas à aller lire ici le texte écrit par Alain Serres, éditeur de Rue du monde.

ALODGA s’engage – pour les droits de l’enfant.

Le 20 novembre 1989, l’ONU adoptait à l’unanimité la Convention relative aux droits de l’Enfant : les droits de chaque enfant du monde étaient désormais reconnus par un traité international, ratifié par 195 états ! Depuis, le 20 novembre a été déclaré « Journée internationale des droits de l’enfant ». C’est cet immense progrès du XXe siècle que nous voulions célébrer avec vous, chères lectrices, chers lecteurs, en vous proposant une sélection de livres qui, à un moment ou à un autre de notre vie, nous ont permis d’aborder cette question primordiale avec les enfants de notre entourage.

Editions du Chêne
L’avis de Pépita

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J’ai le droit… à une identité

Un album fort qui montre l’importance d’avoir une identité : une petite fille et son papa, migrants, vont être reconduits à la frontière car sans papiers.

Sans papiers, Rascal, Ane bâté

L’avis de Pépita

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J’ai le droit… de vivre en famille

Dans Quatre sœurs, Malika Ferdjoukh partage le quotidien des sœurs Verdelaine, fraichement orphelines. Si cette tétrade met surtout l’accent sur la vie de cette famille, sa joie, ses peines et ses amours naissants, on perçoit en toile de fond le combat de l’aînée pour maintenir son droit de tutelle sur ses cadettes et leur permettre de rester ensemble dans la maison de leurs parents. Une série dont l’éditeur publie cette semaine une édition poche collector en un seul volume.

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J’ai le droit… à l’éducation

Les deux romans de Jacqueline Kelly : Calpurnia et Calpurnia et Travis sont captivants pour leur intérêt scientifique et culturel mais également pour la question qu’ils soulèvent sur la place des filles dans la société et leur accès à l’éducation. En effet, si Calpurnia rêve de recherches scientifiques et d’études, encouragée par un grand-père qui partage son amour de la nature et des découvertes, elle se confronte à la réalité d’une société qui relègue les femmes à la cuisine et à une mère qui veut que son unique fille reçoive une éducation simple pour en faire une parfaite petite ménagère.

Les avis de Lucie, Pépita, Isabelle et Linda sur Calpurnia. Et leurs avis sur Calpurnia et Travis ICI, ICI, ICI et LA.

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J’ai le droit… aux loisirs

Le temps libre est crucial pour grandir et se développer. Ce temps que les enfants doivent pouvoir utiliser pour jouer, faire du sport ou d’autres activités, ou même ne rien faire, est mis en péril par la pauvreté et la guerre dans certains pays, mais aussi par la course la performance et les mode de vie moderne. Il est important d’en prendre conscience. Et il est un roman qui, s’il a été rédigé en 1973, met très bien le doigt sur la valeur du temps et les dérives liées à la course à la productivité, au consumérisme et aux écrans qui semblent voués à combler chaque vide. À travers les aventures d’une petite fille aux prises avec une bande de « voleurs de temps », Michael Ende nous fait prendre conscience de la valeur inestimable du trésor que représente le temps de toute notre vie. L’intrigue est de celles qui vous accrochent de la première à la dernière page : la vie de jeux et de partages de Momo et ses amis est menacée par des messieurs gris qui convainquent les habitants de gérer le temps comme un capital à faire fructifier. Page après page, on prend conscience de la valeur de notre temps – des moments de partage, de rêve, d’ennui, de jeu et d’inaction.

Momo, de Michael Ende, Bayard Jeunesse, 2009.

Les avis de Lucie et d’Isabelle.

Un magnifique album qui nous emmène au pays de la culture : musique, théâtre, lecture, danse, peinture….Une ronde joyeuse et poétique pour rappeler ce droit fondamental.

Tous les enfants ont droit à la culture, Alain Serres et Aurélia Fronty, Rue du monde

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J’ai le droit… d’avoir un toit

Partis sans laisser d’adresse est un livre captivant et bouleversant, mais aussi une lecture qui invite à réfléchir à plusieurs droits, notamment au logement, puisque le jeune protagoniste et sa mère vivent dans un camion. Ce texte suscite la soif de connaître le fin mot de l’histoire, l’envie de céder à l’humour irrésistible de Susin Nielsen et une vraie prise de conscience de ce que signifie la pauvreté. La misère se matérialise de façon très concrète, douloureuse et stigmatisante. On réalise la valeur d’un réfrigérateur plein, d’une prise électrique, de toilettes à disposition. On accueille mille autres réflexions sur la famille, l’entraide, la tolérance, les dilemmes moraux aussi. Et pourtant, à chaque page, le roman est lumineux et plein d’espoir.

Partis sans laisser d’adresse, de Susin Nielsen. Helium, 2019

Les avis de Pépita et d’Isabelle

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J’ai le droit… d’être soigné et d’être nourri

C’est l’histoire d’un homme pas tout à fait comme les autres. Je dirais même : c’est l’histoire d’un homme extraordinaire. C’est l’histoire de Janusz Korczak. Dans cet album, nous découvrons comment le jeune homme, né Henryk Goldszmit, va se passionner d’éducation en observant les enfants autour de lui, dans les rues de Varsovie. Il décide d’abord d’apprendre à les soigner en devenant médecin « parce que le premier des droits des enfants est celui d’être en bonne santé ». Puis il fonde la Maison de l’orphelin, un endroit où libertés, droits et devoirs prennent sens, définis par les enfants eux-mêmes. Hélas, le monde dans lequel vit Korczak est un monde au bord de la guerre et le pire va arriver. Mais jamais Korczak n’a abandonné les enfants à qui il a dédié sa vie.

Korczak pour que vivent les enfants, Philippe Meirieu, Pef,
Rue du monde, 2012.

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J’ai le droit… d’avoir mon avis et de l’exprimer

Et oui, les enfants ont le droit d’avoir leur propre opinion, y compris lorsque celle-ci diffère de celle de leurs parents ! Pour réfléchir aux implications de ce droit, pourquoi ne pas lire cette histoire décapante où une femme au caractère excentrique reçoit un paquet contenant un enfant en conserve, garanti par le fabricant « joyeux, agréable et prometteur », « facile à prendre en main et à surveiller ». Les petits lecteurs riront aux éclats des situations ubuesques créées par le décalage entre la fantaisie de Mme Bartolotti et les bonnes manières de Frédéric. Les plus grands apprécieront aussi, de la part d’une autrice qui a grandi dans l’Autriche national-socialiste, une réflexion distanciée sur l’éducation et les qualités des « bons » parents, le mythe de l’enfant-modèle tourné en dérision et la morale de l’histoire, résolument anticonformiste et anti-autoritaire. Un livre qui fait plaisir à tout le monde !

Le môme en conserve, de Christine Nöstlinger, Le Livre de Poche, 2014.

L’avis d’Isabelle.

Devenir délégué de classe, représenter ses camarades auprès des adultes, porter leur parole, n’est-ce pas là exercer ce droit de l’enfant ? La série culte- Max et Lili- des enfants aborde ce sujet.

Max veut être délégué de classe/D. de Saint Mars et Serge Bloch, Calligram

Chez les poules aussi, on donne son avis ! Quand une poule disparue donne lieu à des avis contraires, comment s’y prendre pour aller dans le même sens ? Un album épatant pour aborder ce droit.

S’unir, c’est se mélanger : une histoire de poules, Laurent Cardon, Le père fouettard

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J’ai le droit… à la protection de ma vie privée

Une petite fille poste des photos et des vidéos à partir de son portable…sauf qu’elle ne le fait pas bien. Une revisite du conte Boucle d’or sur les réseaux sociaux et c’est bien vu. « Car avant de poster , réfléchis ! ». Cela engage d’autres personnes qui ont le droit de ne pas vouloir.

#boucledor de Jeanne Willis et Tony Ross, Little Urban

Et si exercer ce droit, c’est aussi apprendre aux enfants et en famille à réguler leur consommation des écrans ! 10 jours sans écrans, vous essayez ?

Dix jours sans écrans de Sophie Rigal-Goulard, Rageot

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J’ai le droit… d’être protégé de l’exploitation

De façon très subtile, Fish Girl nous parle de captivité, d’exploitation et de maltraitance. On voit combien il est difficile d’en prendre conscience lorsqu’elle est exercée par quelqu’un qui se présente comme protecteur, qu’on vit captive, qu’on n’a pas trop confiance en soi et qu’on se sent différente… S’il est pas évident de parler de tout cela de manière frontale avec des enfants, Fish Girl permet de le faire, sous une forme largement métaphorique et grâce à la pincée de magie et de merveilleux qui rendent un livre adapté à de jeunes lecteurs. Il faut reconnaître la prouesse des auteurs qui parviennent, avec beaucoup de sensibilité, à nous montrer le cheminement interne de Fish Girl vers la l’émancipation et la liberté.

Fish Girl, de David Wiesner & Donna Jo Napoli, Éditions du Genévrier, 2017.

L’avis d’Isabelle

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J’ai le droit… d’être protégé de la violence

L’histoire de BOO se destine aux adolescents et aborde à leur niveau le problème du harcèlement scolaire, les violences que peuvent subir les jeunes et les conséquences dramatiques que cela a sur leur développement et sur leur vie. Sans porter de jugement, l’auteur soulève la question de la responsabilité et de la protection des enfants et adolescents.

BOO de Neil Smith, éditions L’école des loisirs, 2019

Les avis d’Isabelle, #Céline et Linda.

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J’ai le droit… d’être protégé des discriminations

L’histoire des Little Rock Nine est particulièrement inspirante pour évoquer la lutte contre les discriminations. Suite à un arrêt de la cour suprême qui mit légalement fin à la ségrégation raciale dans les écoles publiques américaines, ces neuf élèves noirs s’inscrivirent dans un lycée jusque-là réservé aux Blancs. Neuf adolescents qui rêvaient d’une éducation digne de ce nom et d’égalité, mais c’était sans compter la violence des manifestations racistes qui embrasèrent toute la ville. Avec Sweet Sixteen, Annelise Heurtier montre le courage immense des pionniers de la conquête de nouveaux droits, qui s’exposent en première ligne pour permettre à d’autres d’être acceptés, respectés et éduqués. On prend aussi la mesure de la difficulté de faire évoluer les esprits, même lorsqu’on a la loi de son côté. Mais ce texte montre surtout comment, pas à pas, les luttes émancipatrices peuvent faire bouger les lignes, y compris dans un contexte où l’obscurantisme règne en maître.

Sweet Sixteen, d’Annelise Heurtier, Casterman, 2015.

Les avis de Bouma, d’Isabelle et de Pépita.

Les discriminations entre filles et garçons sont aussi un sujet à aborder.
Les éditions Cache-cailloux proposent deux albums sur ce thème : La plus belle des Moutardes pour les petits (niveau maternelle), et CAMILLE ou Camille ? plus adaptés aux enfants en primaire. Ces deux albums ont aussi l’intérêt de se terminer avec une page documentaire : sur les femmes dans le sport pour le premier et leur accès à l’éducation dans le second.

Les avis de Lucie ici et .

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Et si vous souhaitez faire réfléchir les enfants et les adolescent.e.s autour de vous à leurs droits, n’hésitez pas à leur proposer de participer à la consultation nationale d’UNICEF France : les enfants ont la parole !