Interview : 16 nuances de première fois

Voilà quelque temps qu’on avait envie de vous proposer des interviews sous l’arbre. Quoi de mieux qu’une première qui parlerait des premières fois ? Nos parrain/marraine sont donc Manu Causse et Séverine Vidal qui ont coordonné le collectif et original recueil de nouvelles 16 nuances de première fois, paru chez Eyrolles, en septembre 2017.

La 1ère fois que vous avez eu cette idée, c’était qui ? quand ? comment ? pourquoi ? 

Séverine Vidal : Il y a quelques années, j’avais déjà imaginé un projet similaire, qu’on avait appelé le Projet X, avec 10 auteurs. Nous n’avions pas trouvé d’éditeur et le projet était mort comme ça (mais nous avait valu un échange de centaines de mails et beaucoup de fous rires !). L’année dernière, Manu (avec lequel on a co-écrit Nos Coeurs tordus) m’a parlé d’une idée qu’il avait eue, celle de nouvelles pour parler de sexe aux ados, loin des clichés véhiculés par les films porno. Il avait déjà évoqué  ce projet avec une éditrice d’Eyrolles, emballée. J’ai fait lire à Manu les nouvelles que nous avions écrites à l’époque. C’était parti !

Manu Causse : C’était à Paris, on marchait avec Séverine. J’étais tout impressionné parce que Paris c’est grand et Séverine aussi. J’étais perdu et pas elle. Et puis elle a dit « oh on avait un projet de nouvelles avec des copains, ça s’appelait X nouvelles, c’était des nouvelles érotiques pour ados mais ça n’a pas marché », alors j’ai répondu  « ah ouais mais si on parlait plutôt de premières fois » et là elle a dit « pas con », et c’était complimentaire.

 La 1ère fois que vous en avez parlé à d’autres ? tous/toutes ont consenti ? Y-a-t-il eu des refus ? 

Manu Causse : On en a d’abord parlé à une éditrice, qui s’est enthousiasmée. Ensuite, on a discuté des copines copains et collègues qu’on aimerait inviter avec nous. Certain.e.s ont décliné (plus de garçons que de filles, d’ailleurs) ou ne se sentaient pas inspiré.e.s. Mais pour finir, on s’est retrouvés à 16, alors hop.

Séverine Vidal : La première fois, on a relu les nouvelles du projet X et choisi celles qui convenaient. Pour certains, on a demandé aux auteurs un retravail. On a fait ensuite une liste des auteurs auxquels on pensait spontanément (choix difficile évidemment, il y a tellement d’écrivains qu’on admire en littérature jeunesse …). Les auteurs contactés ont été d’emblée attirés par le projet.

La 1ère fois que vous avez choisi le titre ? Même nombre d’auteurs que d’autrices, une volonté ? 

Séverine Vidal : Manu a eu cette lumineuse idée ! C’est drôle, simple, on joue sur le succès de 50 nuances de grey. Pour la parité, oui c’était voulu. De même qu’on voulait une variété des styles d’écriture, des ambiances choisies (on a du trash, du conte, du poétique, du rigolo, du sensible, de l’anticipation, du zombie, du cru, du doux, … !)

Manu Causse : Allez, on vend la mèche ? Le premier titre, venu en même temps que le project, c’était « 15 nouvelles ». Et on voulait 8 autrices et 7 auteurs, parce que la parité, on peut toujours faire mieux. Et puis tout à la fin, on a eu envie d’un 16e texte, et Driss Lange nous en a proposé un juste au bon moment. Cela dit, comme iel ne souhaite pas être inclus.e dans un genre prédéfini, ça ne change pas vraiment les comptes.

La 1ère fois que vous avez lu les textes ? le premier tabou ? la première censure ? la première surprise ?

Manu Causse : On a reçu les textes plus ou moins un par un, en fonction de la rapidité et du planning des autrices et auteurs ; ça a été un plaisir perlé, du coup, pas un choc frontal face à un ensemble de textes. Je n’ai pas de souvenirs de tabous particuliers, on avait envie qu’elles et ils écrivent ce qui comptait vraiment pour elles.eux. Nous n’avons rien censuré, je crois ; simplement, nous avons discuté avec chaque auteur.autrice de sa proposition, de ce qu’on donnait à lire aux adolescents, de nos questions… bref, Séverine et moi, on a un peu joué à l’éditeur.éditrice. Le choix de chacun.chacune m’a toujours surpris au sens très positif du terme – j’ai trouvé que les textes étaient tous très originaux dans leur approche de la sexualité et de la première fois.

Séverine Vidal : On a reçu les textes sur une période d’environ trois mois. Il a eu des rires (la nouvelle de Clémentine Beauvais), de l’émotion (la nouvelle d’Antoine Dole ou de Gilles Abier), des surprises, aucune censure, aucun tabou. On a fait appel à des auteurs, chacun sait très bien trouver sa propre limite, chacun de ces auteurs et autrices sait où  placer la ligne quand on s’adresse à des ados et qu’on parle de sexe et de première fois.

La 1ère fois que vous avez envoyé le manuscrit ? le choix de l’éditeur ? l’organisation de l’ensemble (ordre, couverture, titre) ?

Séverine Vidal : L’éditeur était là depuis le début du projet, donc. C’est Eyrolles qui a choisi la couverture. Un des auteurs n’aimait pas l’image de la sucette. Les autres étaient plutôt séduits. Moi, j’adore cette couv. Je la trouve tout simplement belle. On a beaucoup discuté entre nous de la quatrième. On était contre les petits mots à l’arrière, comme des slogans, on a demandé de vrais adjectifs au lieu des « OMG » et autres « dar ». Nous avons été en partie entendus à ce sujet. L’ordre des textes a été un mini casse-tête : on voulait mettre « Nouvelle notification » en premier pour commencer dans la légèreté. Et finir « A l’ancienne », pour la dernière phrase qui établit une sorte de « boucle » et parce qu’elle se situe dans le futur. Après, c’est un peu un jeu de tétris : équilibrer dans la parité, ne pas placer trop près l’une de l’autre les nouvelles sensibles et intimistes, ou les plus crues. L’équilibre a été trouvé, je pense.

Manu Causse : On a décidé très vite de travailler avec Eyrolles, parce que c’est le premier éditeur à qui nous avons proposé le projet, et qu’il était emballé. Au début, d’ailleurs, c’était simplement une « maquette » – la description du thème, le titre, quelques textes issus du premier projet de Séverine, le nom des auteurs pressentis… Si le titre n’a pas changé, l’ordre des nouvelles a occasionné un certain nombre d’aller-retours par mail – comme une playlist dans une soirée entre copains. Quant à la couverture, on en est tombés amoureux au premier coup d’oeil…

La 1ère fois que chacun.e a découvert les 15 autres récits ?

Manu Causse : Je ne veux pas dire du mal des collègues, mais Séverine et moi, nous avons reçu quelques mails très impatients au moment des derniers réglages… Tout le monde avait envie de lire l’ensemble des textes, de voir l’équilibre du projet, comment chaque nouvelle entrait en résonance avec les autres. Mais on n’a pas flanché : on ne voulait rien montrer tant que tout n’était pas définitif. Bref, on les a fait patienter… et les retours ont été très enthousiastes. Je crois qu’on se sent tous fiers d’avoir participé à ce recueil.

Séverine Vidal : On a envoyé l’ensemble des textes quand on avait trouvé un ordre qui nous convenait. Et on a reçu des mails enthousiastes !

Le 1er mot qui vient à l’esprit pour évoquer ce projet ? Le meilleur souvenir ?

Séverine Vidal : Le premier mot : collectif ! Un(e) des auteur(e)s nous a écrit un beau mail pour nous dire qu’il (ou elle) était revenu(e) à l’écriture grâce à ce projet. C’était très émouvant. Et évidemment, les premiers articles reçus, qui disent l’émotion ressentie à la lecture et l’importance d’aborder ce sujet en littérature jeunesse.

Manu Causse : Collectif. C’est bête, mais c’est ce que j’aime le plus – qu’on ait réuni ces énergies, ces écritures que j’adore et admire, pour proposer une vision à la fois littéraire (ouah l’autre il a dit un gros mot), réaliste, fantastique, onirique, délicate… bref, ni pornographique ni commerciale de la « première fois ». Le meilleur souvenir ? Je repense à ce moment à Paris avec Séverine, quand on s’est dit « Et si… ? » Le reste en découle.

 

Vous savez ce qu’il vous reste à faire : lisez l’étonnant et nécessaire 16 nuances de première fois de Manu Causse, Séverine Vidal, Gilles Abier, Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Benoît Broyart, Axl Cendres, Cécile Chartre, Rachel Corenblit, Antoine Dole, Chrysostome Gourio, Driss Lange, Taï-Marc Le Thanh, Hélène Rice, Arnaud Tiercelin et Emmanuelle Urien.

Rencontre avec Gilles Bachelet

Vous le savez, à l’ombre du grand arbre nous avons lu et aimé l’album de Gilles Bachelet Les coulisses du livre jeunesse. Pour prolonger le plaisir de sa lecture et en savoir un peu plus sur sa genèse, j’ai posé quelques questions à Gilles Bachelet qui a aimablement accepté d’y répondre et même de m’envoyer ce dessin, publié sur sa page facebook après la sortie de l’album mais qui reste tout à fait dans le thème.

 

 

Voilà ses réponses.

Cet album reprend des dessins d’abord publiés sur facebook, au départ c’était juste un délire comme ça ou il y avait déjà l’idée d’une publication ?

Non, je n’avais aucune intention d’en faire un album et ces dessins étaient destinés à mes “amis facebook” qui, pour une bonne partie, ont une activité ou une passion qui tourne autour du livre jeunesse. Je les faisais d’ailleurs sur des carnets de croquis, dans l’esprit de ce que je fais habituellement dans ce contexte, c’est à dire avec beaucoup plus de liberté et de relâchement que pour l’illustration de mes albums. Après les premiers posts sur Facebook, Fred Ricou du site “Les Histoires sans Fin” m’a demandé l’autorisation de les utiliser, puis le Salon de Montreuil qui, cette année-là avait pour thématique “l’Étoffe des Héros” m’a proposé de les inclure dans une exposition. Ce n’est que plus tard qu’Olivier Belhomme de l’Atelier du Poisson Soluble à qui je les avais montrés, a pensé que cela pourrait devenir un album. J’ai alors complété la série dans cette idée.

Comment se sont construites chaque vignette, image d’abord, texte ? Et le fait de mettre plusieurs références sur une même image, c’est venu naturellement ?


Sans méthode particulière. L’idée pouvait venir d’un simple rapprochement graphique, d’une envie de dessiner tel ou tel personnage, d’une complicité avec un autre illustrateur ou, à l’inverse, de l’énervement que peuvent susciter certains personnages de la littérature jeunesse dite “commerciale”. Le premier dessin de la série présent dans l’album, “Le Tailleur”, vient tout bêtement de la similitude de couleur entre le costume de Babar et celui du Petit Prince… de là à imaginer qu’il proviennent du même coupon de tissu…

En fait, je n’ai jamais eu l’impression de commencer une série. Tous ces dessins rentraient dans la continuité des nombreux échanges facebook que je faisais depuis un bon moment avec des collègues illustrateurs, notamment Benjamin Chaud, et dans lesquels j’avais déjà fait subir les pires traitements à Pomelo, bien sûr, mais aussi à Babar, Elmer, Le poisson Arc-en-Ciel, Géronimo Stilton et quelques autres…

Ce livre vous a-t-il valu de nouveaux amis ? Ou de nouveaux ennemis ? Comment a-t-il été reçu par vos confrères qui y sont cités ? Et ceux qui n’y sont pas ?

J’ai l’impression qu’il a été globalement très bien accueilli. Je ne me faisais aucun souci par rapport aux auteurs que je connais mais j’étais plus inquiet concernant certains autres (je pense à Nadja, que je ne connais pas et dont j’ai utilisé le Chien Bleu ou à David McKee, le papa d’Elmer). Pour autant que j’en sache, je ne me suis pas fait d’ennemi déclaré et personne n’est venu se plaindre non plus de ne pas y figurer. La question s’est posée avec l’éditeur de savoir si nous demandions des autorisations ou si cela relevait du droit à la citation. Finalement nous avons décidé de ne rien demander à personne et, à ce jour, tout se passe bien.

L’album a été un succès et a même donné lieu à une exposition, vous vous y attendiez ?

Non. J’ai même été surpris quand Olivier Belhomme m’a dit qu’il avait fait un tirage de 5000 exemplaires. Cela me paraissait énorme pour un album que je jugeais confidentiel. Je suis moins étonné par les nombreuses demandes d’expositions dans les médiathèques ou à l’occasion de salons du livre car on reste là dans le cadre bien spécifique de la littérature jeunesse auquel je le destinais.

Mais au fait, à qui plaît- il le plus, aux enfants ou aux adultes ?

Les dessins que je mets sur ma page facebook ne sont pas au départ spécialement destinés aux enfants. L’album reste dans cet esprit et touche principalement, je pense, les acteurs de ce petit microcosme qu’est le livre jeunesse : auteurs, illustrateurs, bibliothécaires, libraires, enseignants et parents curieux. Je suis très heureux pourtant de voir, sur les salons ou lors de rencontres scolaires, que pas mal d’enfants qui ont déjà une certaine culture dans ce domaine prennent beaucoup de plaisir à le regarder et à y retrouver leurs personnages préférés. On va donc dire que l’album s’adresse aux amoureux de la littérature jeunesse en général…

Enfin, une dernière question, certes hors sujet mais qui me brûle la langue : Sur Facebook, Benjamin Chaud et vous semblez former un duo de choc, à quand un album en commun ?

On en a souvent parlé, entre nous et avec nos éditeurs respectifs… Y a plus qu’à….

Nous l’attendons avec impatience !

Merci beaucoup Gilles Bachelet, de nous avoir accordé ce temps. Au plaisir de vous suivre, sur facebook et dans les librairies. 

Bouche Cousue – 2ème volet

Marion Muller-Colard
Marion Muller-Colard est l’auteur de Bouche-Cousue, l’excellent roman sensible et percutant dont nous avons discuté lundi. Elle a eu la gentillesse de répondre à nos questions :
1. D’où t’es-venue l’idée de ce roman ? 
Je n’ai jamais une « idée » de roman, c’est-à-dire que je ne pars pas d’un thème, mais d’une scène, d’un lieu, d’une atmosphère qui s’impose et que j’écris d’un jet. La scène initiale, c’était celle d’une jeune fille qui faisait éclater des bulles de chewing-gum en regardant tourner le linge derrière le hublot d’une machine à laver, dans un lavomatic. Je savais qu’elle avait 14 ans environ, qu’elle apprenait une leçon sur le Japon, je savais qu’il y avait quelque chose de mélancolique, une sourde envie d’éclater elle aussi, de partir loin, d’essorer sa vie, mais je ne savais pas pourquoi. C’est l’écriture qui me l’a appris. Ce moment de bascule où ce n’est plus moi qui dicte son histoire au personnage mais le personnage qui me la raconte.

2. Trois histoires s’imbriquent dans ce roman : sa construction s’est-elle imposée d’emblée ou as-tu dû la travailler dès le départ ? Notamment son format court.
C’est un peu la même réponse : je travaille beaucoup l’écriture, le mot, celui-là plutôt qu’un autre, le rythme, la cadence des phrases, leur soie dans la bouche. J’ai une écriture très buccale, je dois avoir du plaisir à la mettre en bouche, à me relire à voix haute. Si quelque chose gêne ce plaisir, s’il n’y est pas, je réécris, j’agence autrement, je coupe, je chercher d’autres mots. Mais la construction je n’y pense pas consciemment, elle déroule, elle s’impose.

3. La question sur le choix du cadre spatial, d’abord le huis clos de la première scène, lors du repas de famille. Un choix volontaire ? Evident ?
Ce n’est pas un choix, c’est comme ça. Cette jeune fille que je découvre sur la carrelage blanc du lavomatic, elle me hante, ensuite je découvre qu’aujourd’hui elle est adulte, et voilà. Je sais qu’elle n’est pas mariée, je ne sais pas encore pourquoi. Je sais qu’elle a cette relation privilégiée avec son neveu Tom. Et c’est cette scène, que j’écris dans un second, voire troisième temps, après avoir pris des notes depuis plusieurs années sur la jeune fille de 14 ans, c’est cette scène, ce recul qui me donne à comprendre son histoire et à la dérouler ensuite.
4. Pour rester sur le cadre spatial, ce fameux Lavomatic : Particulièrement original et en même temps très riche symboliquement. On se rappelle un peu le commerce des parents d’Annie Ernaux, un lieu chargé socialement, qui conditionne l’éducation, un lieu dont on veut s’échapper comme on veut s’échapper de sa famille. Avais-tu ces idées en tête lorsque tu as choisis le cadre spatial de l’intrigue ?
Ce n’était pas des idées mais des sensations. Il m’arrive d’écrire des choses plus intellectuelles, des essais, des articles etc… Le roman, pour moi, c’est l’endroit de la pure écriture et de la sensation, je n’ai pas envie d’avoir une idée, une pensée, un message. Je veux écrire avec les nerfs, le ventre, pas avec la tête. Et dans un deuxième temps, cela devient évident. Mais si cela avait été construit, ce lien organique entre le lieu et la problématique familiale, fort est à parier que je l’aurais forcé, exagéré, que ce serait devenu lourd. A mesure de l’écriture j’ai découvert et filé la métaphore, parce qu’elle était là, inconsciente au départ.
5. Qu’aurais-tu à dire sur la question de l’homosexualité, qui est abordée très en creux dans le récit : jamais explicitée, mais pourtant toujours en filigrane (par le scandale du début, puis l’histoire d’amour d’Amandana, ainsi que par les personnages de Marc et Jérôme) ?
Et voilà où ça se complique, c’est que je n’ai rien à en dire de particulier. J’ai beaucoup lu sur mon roman que mon héroïne est homosexuelle. Je ne sais même pas si c’est vrai. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est une identité en soi. Elle est à un âge où afflue la sensualité de façon violente, déconcertante. L’adolescence c’est une éruption, le désir tout azimut. Ce n’est pas l’âge de tirer des conclusions. En fait ce n’est pas Amandana qui tire des conclusions sur sa sexualité, elle vit ce qu’elle vit dans cet âge brut, elle le vit avec pureté, innocence, parce que les seules personnes qui expriment autour d’elle autre chose que de l’ordre, de l’organisation et de la discrétion, ces seules personnes sont un couple d’hommes qui l’initie à la joie, à la gratuité, à l’expression des sentiments, la possibilité de pleurer, de rire. Ils sont un vrai couple, ça transpire, ça palpite, ça témoigne d’un amour qui fait envie, contrairement au couple parental. Mais ni Marc et Jérôme, ni Amandana ne tirent des conclusions de ce qu’elle traverse, de ce qui la traverse cette année là. C’est la violence des conventions et de la honte qui finalement, paradoxalement, l’enferme dans une identité qui peut-être n’était même pas la sienne. Et en réalisant cela, je me dis : voilà le paradoxe, c’est le rejet qui pousse à forcer le trait d’une identité, à la figer.
6. Quels retours en as-tu d’adolescents qui l’ont lu ?
J’ai eu à ce jour peu de retour d’adolescents, les rencontres autour de ce livre sont programmées à partir de l’automne… Mais j’ai eu beaucoup de retours d’adultes, en chair et en os et via la presse, les blogs etc. Celui qui m’a le plus touchée, c’était celui d’une amie qui me disait qu’elle l’avait fait lire à son mari qui n’est pas très à l’aise avec l’homosexualité. Il lui a dit que ce roman avait déplacé ses préjugés et ses clichés, dans le partage intime qu’il a vécu avec Amandana, à qui il s’est attaché. Je n’écris pas de romans pour faire passer des messages, mais si par l’attachement à un personnage, par l’empathie, des lecteurs peuvent se sentir plus proches de tout type de différence, alors vraiment cela me rend heureuse. J’ai aussi lu dans la presse et dans des blogs que c’était dommage que cette histoire finisse si mal. Ce n’était pas un choix conscient, mais avec le recul je me dis que c’est peut-être parce que cette histoire est violente et sans beaucoup d’espoir (très très frustrante en terme de happy end, comme peut l’être la vie parfois) que des personnes peuvent se sentir interpellée et réaliser la violence qui est en eux et notre rejet si ancré, presque inconscient, de la différence.
Mille mercis à Marion d’avoir pris le temps d’échanger avec nous autour de cet excellent roman.
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Pour apporter un éclairage à la dernière question, voici le retour de Lucie, ado lutine et lectrice qui nous donne son avis sur les questions discutée dans la lecture Commune :
Peux-tu résumer « Bouche Cousue » en une phrase ?
En gros, c’est l’histoire d’une fille de 30 ans qui écrit son histoire à son neveu pour lui dire qu’elle est comme lui.
 A qui peut s’appliquer le titre ?
Amande ne dit pas tous ses sentiments aux autres… Cela contraste avec le fait qu’elle chante : elle s’exprime par le chant ! Je pense qu’elle connaît mieux Marc et Jérôme que ses propres parents ; son père emploie aussi des mots qui ne révèlent pas ce qu’il fait ou ce qu’il pense. Sa mère semble très occupée ; on ne sait rien d’elle.
 Où se passe cette histoire ?
Je me représentais bien la salle du Lavomatique. Amandana trouve un lien à la fin avec les machines : elle dit qu’elle voudrait être comme le linge pour être caressée par sa maman et vidée de ce qu’elle pense. C’est aussi grâce aux vêtements laissés dans une des machines qu’elle rencontre Marc et Jérôme.
Comment est-elle racontée ?
Au début, je ne comprenais pas pourquoi Amandana était attachée à son neveu et pourquoi ses parents n’avaient pas l’air de l’aimer. En entrant dans l’histoire, j’ai compris ce qui les rapprochait et pourquoi on commençait par cette réunion de famille.
J’ai apprécié que ce roman soit court : je n’ai pas décroché de l’histoire. Mais j’aurais bien aimé savoir ce que Tom devenait… quinze ans plus tard.
 Le mot « homosexualité » n’est pas prononcé dans le livre et il y a beaucoup de non dits. Qu’en penses-tu ?On comprend que la narratrice est homosexuelle, on n’a pas besoin de ce mot. Raconter ainsi ne choque pas le lecteur : c’est pour dire que c’est naturel !

 Qu’est-ce qui t’a marqué dans les relations entre les personnages ?
Ce qui m’a choqué, c’est de voir qu’en quinze ans la réaction des parents n’avait pas changé. Dans les deux générations, ce sont les sœurs (Mado et Eva-Paola) qui dénoncent l’homosexualité et le disent comme si c’était interdit.
J’ai été intriguée par le fait que Mado soit aussi différente de sa sœur : elle est comme ses parents et n’essaie pas de découvrir autre chose, d’autres façons de vivre. Je trouvais aussi étonnant qu’elle n’avertisse pas plus tôt ses parents qu’elle est enceinte.
Quand Amandana découvre qu’elle a ses règles et qu’elle cherche de l’aide, on comprend qu’elle n’a pas vraiment de famille, que sa famille n’est pas présente pour elle.

J’arrivais bien à me représenter le personnage de Marc et j’aurais voulu connaître plus de détails sur ces deux hommes. On ne sait pas pourquoi ils sont aussi généreux. J’imagine qu’ils prennent Amande pour leur fille.

Je trouve que la façon qu’Amande a de considérer ses camarades de classe est étonnante : on dirait qu’elle vit dans un monde à part, que personne n’est comme elle.

 Quelle place occupe le projet dans l’histoire ?
C’est important parce qu’il permet à Amandana de se découvrir une personnalité et un talent. Il lui permet aussi de s’approcher de Marie-Line mais elle comprendra plus tard que cette fille n’est pas si différente des autres.

 Qu’as-tu ressenti quand Amande se détourne de Marc et Jérôme ?
Je ne comprends pas pourquoi elle ne reste pas avec eux. Elle a sans doute honte d’eux. Mais c’est stupide et dommage parce qu’elle passait des moments joyeux avec ce couple, qui sont comme ses parents.

 Veux-tu parler de la fin ?
Je trouve désolant que pendant 15 ans Amandana reste seule et triste avec ses pensées. On a l’impression que tout le monde la rejette.

Des livres et des titres

Cet été, à l’ombre de l’arbre, nous poursuivons la thématique : c’est quoi un bon livre ? Après les beaux billets de Chlop, Pépita, Sophie, Colette, et Bouma, voici mon tour.

Qu’il soit court ou long, implicite ou explicite, énigmatique ou direct, dans le mille ou à côté de la plaque, le titre d’un livre est souvent la première entrée dans le récit. Comment l’auteur/e le choisit-il ? Quel est le rôle de l’éditeur/éditrice ? C’est quoi un bon titre ?

Pour répondre à ces questions, j’ai proposé à des auteurs et éditeurs de nous expliquer les coulisses et le travail éditorial en équipe, avec en bonus quelques anecdotes bien sympathiques ! Un immense merci à Gilles Bachelet, Cécile Roumiguière, Alice Brière-Haquet, Maryvonne Rippert, côté écrivain, et à Tibo Bérard et Brune Bottero, côté édition, pour leur pause estivale et leur disponibilité !

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Entretien avec Gilles Bachelet, auteur et illustrateur, bibliographie ici.

extrait de Mon Chat le plus bête du monde, Seuil Jeunesse, 2004.

extrait de Mon Chat le plus bête du monde, Seuil Jeunesse, 2004.

– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?

Pas de méthode particulière. Le titre peut aussi bien s’imposer comme une évidence dès le départ que donner lieu à de longues recherches, hésitations, remises en cause, sondage de l’entourage etc…Une règle de base quand même : quand on a trouvé le super titre, (drôle, intelligent et qui sonne bien), vérifier que d’autres ne l’ont pas utilisé avant vous… c’est souvent le cas. L’éditeur va, bien sûr, donner son avis ou même son veto…

Deux anecdotes : Je téléphone à mon éditeur, Patrick Couratin, pour lui faire part de ma nouvelle idée d’album. Je lui explique en gros l’idée et je conclus « ça s’appellera Napoléon Champignon ». Il me répond du tac-au-tac : « non, Champignon Bonaparte ». Il avait raison bien sûr, ça sonne beaucoup mieux…

Pour le troisième album du Chat qui devait clore la trilogie, j’avais initialement prévu comme titre « Pour en finir avec mon Chat ». Ce choix n’a pas emballé mon éditeur qui a jugé cela un peu radical et expéditif. Après avoir établi toute une liste de titres possibles j’ai fini par m’arrêter sur Des nouvelles de mon Chat , plus neutre et passe-partout, mais c’est ce refus qui m’a donné l’idée d’ajouter à la fin du livre une page des « albums qui ne paraîtront pas » pour bien marquer l’idée que l’ouvrage serait le dernier de la série.

– Vous êtes à la fois l’auteur et l’illustrateur de vos albums, qui des deux choisit le titre ?

Ah, ah ! Le grand bonheur d’être à la fois l’auteur et l’illustrateur, c’est précisément de ne pas être confronté à ce genre de problèmes… Le titre et l’image de couverture sont indissociables. C’est la cohérence, le décalage ou même la contradiction entre les deux qui va donner envie (ou pas) d’en savoir plus et d’aller plus loin dans la découverte de l’album. On va dire que c’est donc un choix collégial entre le moi-auteur et le moi-illustrateur…

– L’humour est omniprésent chez vous : l’ironie, l’absurde, le burlesque, le décalé. Pouvez-vous nous raconter le choix du Chat le plus bête du monde ? et le décalage entre le texte et l’image ?

L’idée de ce livre est partie d’un vrai chat, très gros et très bête, que j’avais adopté à l’époque. Le fait qu’il faisait ses besoins à côté de sa litière, en toute innocence, parce qu’il ne s’apercevait pas que son derrière dépassait de la caisse, le fait qu’il pouvait rester une heure en contemplation devant une boite de croquettes ouverte sans avoir l’idée de donner un coup de patte pour se servir, sont authentiques. Ma première intention était de l’illustrer avec un vrai gros chat. C’est la juxtaposition fortuite, dans un carnet de croquis, de phrases parlant de ce chat et de dessins d’éléphants que je faisais pour m’amuser, sans intention particulière, qui m’a donné l’idée de le traiter de cette façon.

– Vous êtes traduit à l’étranger, que pensez-vous des traductions des titres ?

Je peux difficilement en juger, ne parlant pas moi-même ces langues. Quelquefois les traductions littérales des titres sont assez éloignées du titre original mais j’imagine que les traducteurs et les éditeurs ont leurs raisons et je suis bien obligé de faire confiance. (On ne me demande pas mon avis de toute façon, en général… )

 – Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?

Dès que je le connaîtrai moi-même, je ne manquerai pas de vous en faire part… 😉

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Entretien avec Cécile Roumiguière, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici. 

Une Princesse au Palais illustré par Carole Chaix, Thierry Magnier, 2012

– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ?

Ça dépend. Parfois le titre est une évidence, dès les premières lignes d’écriture ou même dès l’idée du projet. Plus souvent, c’est tout un processus, le titre évolue au long de l’écriture, puis change.

 – A quel moment l’éditeur intervient-il ?

Il intervient si le titre ne lui plaît pas, ou s’il y a déjà un titre identique dans la collection, comme pour L’école du désert (mon premier livre), qui devait s’appeler “Le tablier de Noura”, mais un roman chez Magnard avait déjà le mot “tablier” dans son titre.
Si je patauge à la recherche d’un titre, je demande à mon éditeur s’il n’a pas une idée, et on fait avancer le titre ensemble.
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 – Concernant vos albums, choisissez-vous avec l’illustrateur ? 
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Parfois.
Pour Une Princesse au Palais, pour le titre comme pour tout le reste, on en a discuté ensemble avec Carole Chaix, avoir le mot “princesse” dans le titre nous faisait sourire, et “Le Palais” est le nom du café où “la princesse” passe ses mercredis à attendre.
Pour Entre deux rives, Noël 43, l’album avec Natali Fortier qui ressort en octobre, lors de sa première publication (chez Gautier-Languereau), il devait s’appeler “Noël 43”, mais ça ne plaisait pas à l’éditrice. On a cherché longtemps pour finir par un compromis qui n’était bon pour personne et qui n’était pas un bon titre… Quand Laurence Nobécourt, l’éditrice de À pas de loups, a eu envie de republier cet album, changer le titre était évident, mais il fallait garder une trace de l’ancien titre pour ne pas occulter le fait que c’est une deuxième publication d’un même album, même si la mise en page change. On a discuté avec Natali et Laurence, et on a fini par trouver D’une rive à l’autre, qui garde l’idée de la rive, et éclaire l’idée de lien, pour l’amitié entre les deux personnages principaux (amitié qui est le thème du livre).
En fait, cela dépend du moment où l’illustrateur arrive dans l’aventure du livre. S’il arrive après que le titre se soit imposé, je lui présente le projet avec le titre, et il ne m’est jamais arrivé que le titre gêne l’illustrateur ou lui déplaise. Si ça arrivait, on en discuterait, bien sûr. Rien n’est jamais figé, et un album est une œuvre à deux, voire trois et plus avec l’éditeur et son équipe.
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Le fil de Soie, illustré par Delphine Jacquot, Thierry Magnier, 2013.

Le fil de Soie, illustré par Delphine Jacquot, Thierry Magnier, 2013.

– Vous écrivez des albums et des romans. Le choix du titre est-il différent selon le genre ?

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Non, je ne pense pas.

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 – Pouvez-vous nous raconter le choix du titre de l’album Le fil de Soie ? et celui du roman Les Fragiles
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Le fil de soie est un “titre évidence”, dès que j’ai eu la trame de l’album, le passage d’un secret lié aux racines familiales entre une grand-mère et sa petite-fille par la broderie, la couture, les mots “fil » et “soi/soie” se sont imposés. Je n’ai jamais eu l’idée d’un autre titre pour cet album, et c’est avec une certaine anxiété que j’ai vérifié sur internet s’il n’y avait pas déjà un album qui s’appellerait comme ça, j’aurais vraiment eu du mal à nommer cet album autrement…
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Les Fragiles, X'prim Sarbacane, 2016.

Les Fragiles, X’prim Sarbacane, 2016.

Pour Les Fragiles, c’est une toute autre histoire. Pendant l’écriture, le roman s’appelait “Le bruit que font les ailes”, mais je savais que l’éditeur, Tibo Bérard, aurait un hoquet en lisant ce titre… C’était une sorte de clin d’œil : il y a deux ou trois ans, j’ai assisté à une rencontre où Tibo et Axel Cendres parlaient de leur façon de travailler, Axel avait raconté comment Tibo refusait tous ses titres pour en trouver un autre, arguant que le titre est du domaine de l’éditeur, c’est un argument commercial, ce qui est vrai ! Même si l’auteur doit forcément avoir son mot à dire et au final aimer le titre. Avec “Le bruit que font les ailes”, je savais que j’étais loin du “commercial”, et je faisais confiance à Tibo. Au final, on a eu du mal, jusqu’à ce qu’il m’appelle un jour, survolté : le titre était là, depuis le départ, et on ne le voyait pas… ma dédicace : “Aux fragiles”, a donné le titre.

Et enfin, peut-on connaitre votre prochain titre ? 
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Dans le ventre de la Terre, le titre de mon prochain album à paraître en octobre au Seuil, un album avec Fanny Ducassé…
Et le titre d’un album collectif aux éditions À pas de loups (en octobre aussi)… S’aimer. Sur ce titre, juste sur ce titre, un format et l’idée d’un fil, d’une ligne qui traverse l’image, une quarantaine d’illustrateurs m’ont envoyé des images. Je suis en train de finaliser l’histoire qui va courir sous ces images, un projet un peu fou, comme je les aime ! Et là, tout est parti du titre.
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 Entretien avec Alice Brière-Haquet, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici. 

Le violon de Nicolas, illustré par Clotilde Perrin, à paraître chez Feuilles de menthe cet automne.

Le violon de Nicolas, illustré par Clotilde Perrin, à paraître chez Feuilles de menthe cet automne.

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– Comment choisissez-vous le titre ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin dans le processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?
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Désolée, je vais te faire une réponse de Normande, mais vraiment, il y a deux cas.        Cas n°1, c’est celui où le titre nait en même temps que l’histoire, il en est le point de départ, le germe. Là c’est évident et c’est génial, parce que toute l’histoire tient dedans, elle n’a plus qu’à se déployer… C’est le cas par exemple du Petit Prinche. Et puis il y a le cas n°2, on arrive à la fin, les commerciaux pressent : il FAUT un titre. Là c’est terrible, parce que je n’y arrive jamais. Dans ce cas tout le monde s’y met, éditeur, illustrateur, famille, copains, voisins, friends de FB, tout le monde. On passe par tous les stades, et on finit par choisir avec l’éditeur et l’illustrateur celui qui nous semble le mieux. C’est toujours un peu douloureux sur le coup, même si en général je m’y fais et je finis par l’aimer. Par exemple, Pierre la Lune était à l’origine le nom de mon fichier, à aucun moment le petit garçon est nommé dans le texte ! Mais finalement ce titre choisi par défaut a donné à l’histoire une touche d’humanité et de mystère… On me demande souvent pourquoi  Pierre la Lune  et non pas « de la Lune » ou « dans la Lune ». Je n’ose pas répondre 😀

Collection Mode d'emploi, illustré par Mélanie Allag, P'tit Glénat, 2015.

Collection Mode d’emploi, illustrée par Mélanie Allag, P’tit Glénat, 2015.

– Concernant vos albums, vous arrive-t-il de choisir avec l’illustrateur ?

Oui, et avec l’éditeur aussi. Je crois vraiment qu’un album a trois parents…

– Pour les collections Mode d’emploi chez Glénat et Au secours chez Castor Poche, les titres vous ont-ils été imposés ? Quelle est votre marge de liberté lors d’une commande ?

Collection Au Secours, illustré par Eglantine Ceulemans, Castor poche flammarion, 2016.

Collection Au Secours, illustrée par Eglantine Ceulemans, Castor poche flammarion, 2016.

La série (en tout cas dans ces deux cas) est un cas un peu à part, parce qu’elle se construit sur un concept, et que ce concept doit être contenu le titre. Pour ces deux séries, il s’agit du cas n°1, c’est-à-dire que les titres ont été les germes de leur série… Après il me suffit de proposer des thèmes qui peuvent se décliner sur le-dit concept, et nous les choisissons avec mon éditeur. Mais avec mon autre série, « Collège Art », chez Castor Poche, on a nettement plus galéré, et je ne suis toujours pas convaincue de notre choix. Heureusement, il y a les sous-titres, que je trouve plus intéressants, mais quand même : le titre doit donner une personnalité à la série, c’est son logo, son identité. C’est super important.

– Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?

Bien sûr, et c’est un joli cas n°2… Je me suis cassée la tête pendant des semaines. Je voulais que ça parle du monde, des sensations, de la lutherie, de la musique… de beaucoup trop de choses ! Les trucs que je trouvais étaient soient lyrico-cuculs soient pédanto-pénibles. L’horreur. À la fin, on a brainstormé, Clotilde a proposé Nicolas, Anne le violon, et hop ça a donné Le Violon de Nicolas  ! J’en suis ravie ! En fait, je crois que c’est la seule recette infaillible en matière de titre : la simplicité !

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Entretien avec Maryvonne Rippert, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici.  

L’amour en cage Seuil jeunesse, 2008

 – Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?

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Le titre de mes livres me vient la plupart du temps à la fin du premier jet de mon texte. Soit comme une évidence (l’amour en cage) soit après une longue réflexion (Différents). Mais parfois, dès le début de l’ébauche de la première idée, j’ai en tête un titre provisoire qui ne sera sûrement pas celui que l’éditeur privilégiera.
L’éditeur intervient au moment de la signature du contrat, et il valide…. ou pas.
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Série Blue Cerises de Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, Cécile Roumiguière, Maryvonne Rippert, Milan, 2009-2012.

Série Blue Cerises de Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, Cécile Roumiguière, Maryvonne Rippert, Milan, 2009-2012.

Pour la série Blue Cerises co-écrite avec Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, et Cécile Roumiguière, comment avez-vous choisi le titre de la série et chacun des 4 romans ? 

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Pour le titre de la série, c’est typiquement un nom de code, car il en fallait bien un pour pouvoir parler de notre projet entre nous. Par ailleurs, nous savons que les ados donnent souvent un nom à leurs bandes de potes.
Pour les BC, je crois que c’était le nom du forum sur lequel nous, les auteurs, nous échangions. Puis le titre s’est imposé. Quant aux titres de chaque épisode, nous étions libres de choisir et il n’y a eu aucun doute à chaque fois, tant nous étions en phase, mes co-auteurs et moi. Mais bien sûr l’éditeur aurait pu intervenir, ce qu’il n’a pas fait.
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Metal Mélodie, Milan Macadam, 2010.

Metal Mélodie, Milan Macadam, 2010.

Votre roman Metal Mélodie est pour moi l’incarnation du titre parfait. Comment l’avez-vous trouvé ? 

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Eh bien pas de chance, ce n’est pas moi qui l’ai choisi ! J’admets que c’est une belle proposition, mais j’ai eu longtemps beaucoup de mal à accepter ce titre qui m’a été imposé par l’éditeur. J’aurais préféré LUZ, un titre tout simple. Mais oui, c’est un bon choix, même si ce titre a emmené pas mal de lecteurs sur une fausse piste, parce qu’ils supposaient à tort que le roman parlait de musique métal !
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 – Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?
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Dans la série Les cercles de Goldie, sous le pseudo Billie Cairn, j’ai choisi La tour des Nuages et pour un roman ado ayant pour thème sous-jacent le harcèlement que je suis en train d’écrire, J’rigole , mais c’est sûrement un titre provisoire !
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Entretien avec Tibo Bérard, éditeur chez Sarbacane pour les collections X’prim et Pépix. 

A paraître le 7 septembre.

A paraître le 7 septembre.

 – A quel moment l’éditeur intervient-il concernant le titre ? Est-ce toujours lui qui a le dernier mot ?
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En fait, on est confronté à de nombreux cas de figure. Quand un auteur que je ne connais pas encore m’envoie un manuscrit, généralement, il y a un titre – que l’on pourra garder ou pas. À l’inverse, du côté des auteurs avec qui on a l’habitude de travailler, il arrive que les projets ne portent pas de titre, car l’auteur sait qu’il sera lu, il n’a pas « besoin » d’en trouver absolument un pour convaincre l’éditeur d’ouvrir son manuscrit… car oui, le titre peut être une sorte de clef dès l’étape de l’envoi à l’éditeur (même si, au final, c’est la qualité du texte qui tranchera). Le titre, c’est une invitation, un outil de séduction. Tous les auteurs n’ont pas le même talent pour cela : certains sont très à l’aise pour le trouver, d’autres moins ; certains conçoivent leur roman « autour » d’un titre qu’ils ont trouvé dès l’origine, et qui va même orienter leur projet dans une certaine direction (vers l’émotion, ou vers la comédie, ou vers la critique sociale, etc), d’autres vont jusqu’au bout du texte et, là seulement, se mettent en quête du titre. Je crois que l’expérience peut aussi aider : les auteurs qui ont pris l’habitude de rencontrer leurs lecteurs, de parler de leur travail, parviennent souvent mieux à proposer de bons titres, car ils ont une vision plus « en hauteur » de leurs livres. Le but étant de parvenir à ces titres qui nous paraissent évidents, qui sauront appeler le lecteur, qui seront une première entrée dans le récit.

Dans le désordre de Marion Brunet Sarbacane, 2016

Contractuellement, c’est l’éditeur qui est en droit de choisir le titre définitif. Mais je ne crois pas qu’il faille l’imposer, de la même façon qu’on n’impose pas une couverture non plus. C’est un dialogue, un échange de propositions entre l’auteur et l’éditeur. Parfois, c’est un miracle, une évidence, et parfois ça prend plus de temps. Quoi qu’il en soit, le titre reste une étape capitale… Je pense même que les titres « disent » déjà quelque chose de ce qu’est le roman, mais aussi de la collection dans laquelle ils paraissent, parfois ; ainsi les titres des romans de la collection EXPRIM’, assez percutants, sonores, sont déjà la marque d’un certain projet romanesque, un indicateur sur la nature même des textes (Les Géants, Dans le désordre ou Les petites reines, ce sont des titres qui évoquent presque des affiches de films, on sent qu’on entre dans du roman de personnages et de narration plutôt que dans un roman psychologique, par exemple).

– Vous dirigez 2 collections importantes, Pépix et X’prim, pouvez-vous nous expliquer la ligne éditoriale de chacune concernant le choix des titres ?
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X’prim, c’est l’énergie, la vigueur, la narration, l’impact, la force des personnages.
Pépix, c’est l’aventure et l’humour, la malice, la fantaisie. Avec un ricochet « image-son » très clair entre la couverture colorée, agitée, vive, et le titre qui pétille, qui sonne de façon joyeuse et vivante.
Ce sont 2 collections différentes, avec un public différent, néanmoins très marquées.
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– En termes de communication, pensez-vous que le titre est primordial ? 
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Oui, c’est certain… mais cela va même plus loin, en un sens. Dès lors qu’on a le titre, le livre commence à exister. Cela fait toujours un drôle d’effet quand, après avoir travaillé sur un manuscrit sans titre avec l’auteur, on « voit » enfin un titre émerger parce qu’on se rend compte qu’on prend plaisir à appeler le texte par son titre (au lieu de dire « ton prochain roman », etc.). Il faut parfois du temps pour l’apprivoiser. Et il arrive aussi qu’on s’aperçoive au final que ça ne fonctionne pas, justement parce qu’il ne nous vient pas spontanément à la bouche, même au bout de plusieurs jours… alors on continue d’y réfléchir. Jusqu’à l’évidence.
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A paraître le 24 août.

A paraître le 24 août.

– Une anecdote à nous raconter ?

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Hé bien, parfois, c’est le monde extérieur qui s’immisce dans nos réflexions autour du titre et joue un certain rôle. C’est ce qu’il s’est produit pour le titre du prochain X’prim de Clémentine Beauvais. Elle m’avait proposé très tôt ce titre : Songe à la douceur. Or, en l’entendant pour la première fois, je n’étais pas entièrement convaincu – non que le titre m’ait déplu, mais je n’étais pas certain qu’il « dise » suffisamment le roman. Il faut préciser que ce roman-là est un projet tellement ambitieux, tellement puissant (adaptation en vers libres d’Eugène Onéguine de Pouchkine) qu’on avait un peu l’impression qu’aucun titre ne serait à la hauteur, qu’aucun ne saurait « l’englober ». On a donc laissé la question en suspens, Clémentine a avancé dans le travail du texte… et puis il y a eu les terribles attentats à Paris, en novembre. Et là, l’impératif de la douceur est apparu. On en a parlé dans l’équipe, chez Sarbacane, et d’un coup tout le monde était d’accord : ce titre était beau, et surtout il devenait nécessaire, essentiel. On s’était vraiment mis à l’entendre au double sens baudelairien : à la fois verbe et nom, dans l’Invitation au Voyage. Le roman de Clémentine, à la lumière de ce titre, nous apparaissait donc à la fois comme un songe – un autre monde –, et dans un autre sens, comme une injonction à la douceur, une invitation puissante et même « gonflée » à oser la douceur… oui, c’était bien le roman de Clémentine. Aujourd’hui, je n’imagine aucun autre titre pour ce livre.
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– Peut-on connaître les prochains titres à paraître chez Sarbacane ?
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Chez X’prim :
  • Songe à la douceur, Clémentine Beauvais, le 24 août.
  • Les évadés du bocal, Bruno Lonchamps, le 7 septembre.
  • Les Belles Vies, Benoît Minville, le 5 octobre.
  • Samedi 14 novembre, Vincent Villeminot, le 2 novembre.
Chez Pépix :
  • Super-Vanessa et la crique aux fantômes, Florence Hinckel (ill. Caroline Ayrault), le 24 août.
  • L’ogre à poil(s), Marion Brunet (ill. Joëlle Dreidemy), le 7 septembre.
  • Victor Tombe-Dedans sur L’île au Trésor, Benoît Minville (ill. Terkel Risbjerg), le 5 octobre.
  • Le Journal de Gurty – parée pour l’hiver !, Bertrand Santini, le 2 novembre.
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Entretien avec Brune Bottero, éditrice chez Les Fourmis Rouges. 

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toujours en exclu et à paraître aussi le 20 octobre !

pour nous en exclu et à paraître le 20 octobre, le prochain album de Delphine Jacquot !

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  – A quel moment l’éditeur/l’éditrice intervient-il concernant le titre ? Est-ce lui/elle qui a toujours le dernier mot ?
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En général, l’auteur arrive avec son projet et le titre qu’il lui a choisi. Nous n’y touchons pas au début du travail éditorial, et gardons le titre comme « titre de travail ». Il arrive que le titre de travail convienne et dans ce cas, nous le gardons, tout simplement. C’est au moment de la finalisation du livre que nous nous penchons davantage sur le titre. Lorsqu’on nous entamons la maquette de la couverture, il faut que nous soyons sûrs du titre. Si le titre de travail ne nous convient pas, nous semble trop faible, ou pas à l’image du livre, nous en proposons d’autres. Juridiquement, c’est l’éditeur qui a le dernier mot, mais on fait quand même en sorte d’être toujours en accord avec l’auteur et de ne pas lui imposer un titre qui ne lui plaise pas. On reconnait souvent qu’un titre est bon parce qu’il fait l’unanimité.
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– Vous est-il déjà arrivé de devoir batailler/imposer un titre ? 
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Nous ne sommes jamais allées jusqu’à la vraie bataille… Mais il arrive que nous ne soyons pas d’accord, soit avec l’auteur, soit même entre nous (Valérie, à l’édito, et moi à la com). Certains auteurs sont également très attachés à leur titre de travail, et il est parfois difficile pour eux d’en faire le deuil. Cela dit, nous n’avons jamais eu de conflit avec un auteur au sujet d’un titre. Les petits différents qu’il a pu y avoir ont été très rapidement résolus avec la trouvaille du titre « évident ».
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Premier Matin de Fleur Oury, 2015

– En termes de communication, pensez-vous que le choix du titre est primordial ?

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OUI ! Le titre, tout comme l’image de couverture, sont les premiers outils de communication. Un titre doit être à la fois « commercial » (ou en tout cas pas anti-commercial) et coller au livre. Mais il faut également qu’il s’inscrive bien dans le catalogue d’une maison d’édition. L’album Premier matin, de Fleur Oury, aurait très bien pu s’appeler « La rentrée de petit ours » : un titre commercial et qui colle au sujet du livre. Mais « La rentrée de petit ours », ça ne ressemble pas aux Fourmis Rouges, ni au travail de Fleur Oury… Il fallait quelque chose de poétique et sensible, qui puisse évoquer le premier jour d’école, mais de manière subtile, sans être niais… C’est donc devenu Premier Matin.
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– Une anecdote à nous raconter ?
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Dans une maison d’édition, on se mélange parfois les pinceaux sur nos propres titres… Les prénoms, notamment, nous donnent parfois un peu de fil à retordre, et nous mélangeons allègrement le « Pedro » de Pedro Crocodile et George Alligator au « Pablo » de Pablo et la chaise, deux albums de Delphine Perret. Il y a aussi ceux qu’on a du mal à prononcer comme Didgeridoo, ou ceux qui sont à rallonge et qu’on raccourcit : Les aventures de Peter et Herman (Delphine Jacquot) est devenu chez nous « Les aventures » et La maman de la maman de mon papa (Gaëtan Dorémus), « La maman »…
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en exclusivité pour nous, à paraître le 20 octobre !

Le prochain bijou d’Emmanuelle Houdart en exclusivité pour nous, à paraître le 20 octobre !

– Peut-on connaître les prochains titres à paraître chez Les Fourmis Rouges ?

Alors nous aurons
  • des titres simples : Ma Planète (Emmanuelle Houdart), Bjorn, 6 histoires d’ours (Delphine Perret),
  • des titres jeux de mots : Le petit pou sait et Le petit pou rit (Mathis et Aurore Petit), Réclamez des contes (Delphine Jacquot),
  • des titres de série : Till et les tricheurs et Till joueur de flûte (Philippe Lechermeier et Gaëtan Dorémus),
  • et des titres mystérieusement imprononçables : Hernig & Zébraël (Victor Boissel et Beax).

 

Encore un très grand MERCI à vous toutes et tous ! Qu’elle est belle cette littérature jeunesse ! Vive la rentrée littéraire 2016 et tous ces nouveaux titres, non ?

Interview à deux voix sur un roman à quatre mains

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©Coline Pierré et Martin

 

 

 

 

« Bonjour,

Nous sommes un collectif de blogueurs (Blog : A l’ombre du grand arbre ») et nous organisons régulièrement des lectures communes. Nous avons été plusieurs à lire votre dernier roman qui nous a beaucoup plu et une lecture commune est en cours. Nous aurions aimé vous poser quelques questions sur la genèse de cette histoire. Accepteriez-vous de répondre à nos questions ?… »

Et voilà. Pour nous aussi, cela a commencé par une correspondance…

Coline Pierré et Martin Page ont eu la gentillesse de répondre à nos questions sur leur dernier roman, dont vous avez pu lire notre échange hier.

Un grand merci pour ces réponses très éclairantes !

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-Comment est née l’idée de ce projet ? Son élément déclencheur ?

En fait, cette idée est née de l’envie de faire un livre ensemble.
On a cherché un dispositif, puis petit à petit, en discutant, les personnages se sont dessinés dans nos têtes, leur histoire, leurs situations se sont greffés à partir des sujets qu’on avait envie d’aborder. La forme épistolaire était présente à l’origine. C’était évident. Ainsi nous gardions chacun notre voix.

-Comment s’est organisée cette écriture à quatre mains ? -Avez-vous vraiment joué le jeu de la correspondance sans avoir au préalable décidé ensemble de la direction, voire de la fin ?

Oui, pendant quelques mois, on s’est envoyés des emails de la même manière que Flora et Max s’écrivent des lettres. L’écriture s’est fait un peu en parallèle de nos autres travaux. L’un de nous écrivait une lettre (sans en parler à l’autre) puis lui envoyait. On répondait parfois tout de suite, parfois quelques heures après. C’était très enrichissant car la découverte de la lettre de l’autre permet de rebondir. C’est l’incursion de l’imaginaire de l’autre dans notre propre cheminement qui faisait naître de nouvelles idées.
Et en effet, on ne savait vraiment pas où on allait en commençant le livre. On connaissait le point de départ de chacun de nos personnages, on avait quelques sujets qui nous tenaient à coeur. On savait aussi qu’on avait envie qu’ils avancent, qu’ils ne soient pas au même point de leur vie à la fin et au début du livre. Mais c’est à peu près tout.
Par exemple, Coline a découvert la mort de la grand-mère de Max par sa lettre. De même, l’idée de l’école alternative, Coline l’a découverte par la lettre de Max, on n’en avait pas discuté avant. Et finalement, elle est devenue le point central de la fin du livre. Mais ce n’était pas planifié.

Ensuite, après cette phase d’écriture, on a relu ensemble plusieurs fois l’intégralité des lettres, intervenant chacun aussi sur le texte de l’autre, discutant, trouvant de nouvelles idées.

-Pourquoi avoir choisi le milieu carcéral ?

On cherchait à parler de deux formes d’enfermement différentes. On avait envie de parler de violence aussi. C’est un milieu mal connu (plus encore quand il s’agit d’adolescents, et surtout de filles), qui souffre de beaucoup de préjugés donc on avait envie d’en dire quelque chose, de montrer une trajectoire possible et positive (et atypique) dans cet univers dur.

-Comment se fait-il qu’il y ait si peu de présence d’adultes ?

Ce sont deux adolescents qui, d’une certaine façon, du fait de leurs situations, sont livrés à eux-mêmes. Et de manière plus générale, les adolescents se construisent aussi souvent dans une certaine indépendance vis-à-vis des adultes. Les adultes qui entourent Flora sont plutôt des figures répressives, et ceux qui entourent Max sont de grands enfants. Ceci dit, il y a des adultes : les parents de Max, ceux de Flora (en pointillés), la grand-mère, Isabella, le psy de Max…

-Flora, c’est Coline et Max, c’est Martin ? Des éléments autobiographiques ou du moins de vos personnalités sont-ils instillés dans ce roman ?

Oui, Coline a incarné le personnage de Flora, et Martin, celui de Max. Bien sûr, on y a mis beaucoup de nous, de ce qu’on aime, de ce qui nous habite, de ce qu’on a vécu à cet âge-là. Et puis on parle aussi aux adolescents que l’on était. Max est très proche de Martin, dans son caractère ou même dans son rapport aux autres. Coline ressemble pas mal à Flora, même si elle n’a jamais frappé personne. Ce sont en quelques sortes des versions exacerbées de nous : ils ont fait ce que nous n’avons pas osé faire.

-Quel(s) message(s) souhaitiez-vous faire passer à travers cet échange épistolaire ?

On avait envie de dire aux ados qui ne sont pas très en phase avec le monde de rester qui ils sont. Le monde ne s’adaptera pas à eux. Mais ce n’est pas non plus à eux de s’adapter au monde. En revanche, ils peuvent agir pour mieux vivre leur inadaptation : en la revendiquant, en trouvant des alliés par exemple. En inventant des ruses et des parades aussi.

-Est-ce une expérience d’écriture que vous souhaiteriez réitérer ? Et si oui, pourquoi ?

Nous avons déjà réalisé un « livre fait-maison » ensemble (dessiné) pour notre petite maison d’autoédition www.monstrograph.com et avons envie de travailler sur d’autres textes communs, car c’était une expérience riche et enthousiasmante. Des choses nouvelles naissent de l’échange, de la discussion, de la contradiction. C’est fertile. Nous avons d’ailleurs quelques projets déjà commencés : un album jeunesse, un roman adulte, de la musique…

-D’autres projets en cours ?

Martin sortira son nouveau roman au Seuil en avril prochain : L’art de revenir à la vie. Il y sera aussi question d’adolescence.
Coline sort un nouveau roman ado au Rouergue en mars prochain : « Ma fugue chez moi », et il y sera encore question d’enfermement.

Les sites des deux auteurs :

-Coline Pierré

-Martin Page