Lecture d’ados [1]

Jusqu’ici on donnait la parole aux enfants de mes chères collègues qui sont pour la plupart mamans … aujourd’hui on innove avec une nouvelle catégorie jumelle des lectures d’enfants: les lectures d’ados ! Et pour pousser l’innovation jusqu’au bout, ce ne sera pas un dialogue de mère à enfant … mais de frère à frère ! J’ai le bonheur d’accueillir aujourd’hui à l’ombre de notre grand arbre un blogueur qui a failli nous rejoindre définitivement. Du coup, le voici qui débarque ponctuellement, mon frère jumeau, Tom, de lavoixdulivre, pour vous parler de l’un de ses derniers coups de coeur !

Place au dialogue …

Rambaud Yann - Gaspard des profondeursNathan: Pourquoi as-tu choisi de présenter Gaspard des profondeurs ?

Tom: Il y a des livres qu’on sait qu’ils vont nous marquer, et la surprise est de savoir comment. Celui-là fait partie de ces livres… c’est ce genre d’appel muet d’un livre à son lecteur, qui promet beaucoup mais sans le dire clairement. Gaspard m’appelait, des profondeurs de ses mots, il a su me toucher. C’est une histoire joviale – au départ – pleine d’imagination faites de non-dits qui fragilisent le tout. A la fin ces non-dits ressurgissent d’un seul coup et tout s’effondre vers une atmosphère sombre et terrifiante, jusqu’à nous ébranler le coeur, le corps, les mots… c’est un livre incroyablement bien construit qui nous parle de l’enfance, de la parte, de la conscience… voilà pourquoi !

Nathan: Donc il raconte quoi exactement ce roman ?

Tom: Le héros, Gaspard, qui a treize ans, fugue un matin pour retrouver son père qui est parti mais n’est toujours pas revenu… Il a une piste, un prospectus d’un théâtre dans lequel sa troupe devait passer, trouvé dans le sac de sa mère. Il part donc avec son sac à dos et quelques provisions, et entame la route comme un gamin se lance dans la vie un peu trop tôt… Quand il s’endort, durant ce voyage, il se met à rêver dans de drôles d’endroits avec d’étranges personnages trop réels pour n’être que le fruit de son imagination. Quand il rencontre Néné, un peu comme lui, rêveur et bousculé par la vie, tout change, et tout va bousculer…

Nathan: Et c’est à partir de là que la fragilité commence à effriter l’ensemble ? Tu as une partie préférée ?

Tom: Pas tout de suite mais on sent que le point où tout s’effrite arrive. Au début c’est l’émulation, c’est la découverte de l’autre, l’amitié… J’ai retenu une citation du livre : « Vous êtes tous les deux en quête. Chacun d’une chose différente, mais en vous épaulant l’un l’autre. C’est cela, la définition exacte de l’amitié. » C’est ça au départ : ils se savent chacun en quête mais peu importe de quoi ils sont chacun là pour l’autre. Puis après une des deux quêtes commence à prendre beaucoup d’importance tandis que l’autre va attendre la fin pour révéler son dénouement, qui prend en parallèle de l’autre une étoffe bien différente de ce qu’on aurait imaginé. Si je peux le dire comme ça ma partie préférée ce sont les 100 dernières pages : toute la tension est à son comble, on avale toutes les pages d’un coup et ça fait trembler, ça fait presque pleurer…

Nathan: L’amitié, la paternité, les rêves … il semble il y a avoir une multitude de thèmes dans ce roman ! Tu peux nous dire quels sont les principaux, et lesquels t’ont le plus touché ?

Tom: Il y a l’amitié, le principal sûrement, qui touche beaucoup parce que c’est la naissance d’une grande amitié qui nous rappelle ce que c’est avec beaucoup de fantaisie et aussi de justesse. Après il y a l’Intérieur Extérieur des rêves, qui nous montre qu’on a chacun nos deux mondes qui se superposent, et qu’on refoule tout plein de choses dans notre intérieur (c’est très freudien tout ça) qui ressortiront forcément à un moment… Finalement, c’est aussi des thèmes dont je ne peux pas parler que l’on comprend à la fin mais qui sont réunis en un seul. Yann Rambaud nous montre qu’on a chacun notre « Bêtimonde », qu’on doit affronter. Il y a une phrase de ma chronique que je trouve essentielle : « Yann Rambaud nous ramène à nos peurs et à l’horreur humaine avec le regard d’un enfant sur un monde qu’il ne comprend plus.« 

Nathan: Et les personnages ? Y en a-t-il d’autres que ces deux amis ? Y en a-t-il un qui t’a plus marqué ?

Tom: Peu de personnages si ce n’est deux ou trois qui surviennent légèrement : la sœur de Néné, l’incarnation féminine par excellence, la mère de Gaspard ou son petit frère trop mignon, mais sinon il y a tous les personnages de l’univers rêvé de Gaspard : une grand-mère farfelue, un pélican médecin, une oie guerrière… et puis celui qui m’a le plus touché dans tous ces « seconds rôles » c’est un « touchécorce », très sympa, qui, vous le comprendrez en le lisant, incarne l’amitié à forte dose !

Nathan: C’est quoi qui t’a le plus touché dans ce roman ? L’univers farfelu, l’émotion, les personnages, la fin, … ?

Tom: La fin et l’émotion : tout est léger et fantaisiste au départ, mais on sent le plomb derrière, et tout d’un coup tout dégringole, s’effrite, et ça prend vraiment aux tripes. Ce qui m’a touché en fait c’est cette enfance confrontée à un monde trop dur qui essaye juste de lutter contre sa Bétimonde.

Nathan: Un livre pour les enfants à partir de quel âge ? Les adultes aussi peuvent s’y retrouver ?

Tom: A partir de quel âge ? C’est difficile comme question mais pas trop tôt non plus parce qu’il y a de l’émotion brute et pure qui peut dérouter l’enfant. Peut-être 11,12 ans, mais je ne suis pas un expert de l’enfance. Les adultes s’y retrouveront parce que comme je l’ai déjà répété ça fait écho à tout le monde : c’est l’idée qu’on lutte contre quelque chose de bien trop grand pour nous mais qu’on peut en être capable si on n’est pas seul, du moins c’est ce que j’ai ressenti…

Nathan: Un mot pour décrire le roman ?

Tom: Un mot : profond.

Nathan: Et si tu devais le rapprocher d’autres lectures ce seraient lesquelles ?

Tom: Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, de Mathias Malzieu, sans hésiter. C’est aussi l’enfance qui souffre et se reconstruit par l’imaginaire. Et peut-être pour les plus grands Love Letters to the dead, qui conte un deuil et une renaissance par les mots.

Retrouvez sa chronique ICI et en plus jusqu’à ce soir sur son blog, vous pouvez gagner un exemplaire du roman !

Dans les branches de la rentrée littéraire

A la rentrée, entre les projets de classe, les déménagements, les entretiens d’embauche, le rangement, les problèmes de santé et autre problèmes du quotidien, les embrouilles, le repos, les vacances qui se terminent, le travail, la fatigue, on essaye de trouver un peu de temps pour lire … et pour vous sélectionner, dans l’abondance et le foisonnement de parutions toutes plus exaltantes les unes que les autres, quelques incontournables de cette rentrée littéraire … et quelques autres qu’on attend impatiemment !

~♥ ~ Nos coups de coeur de la rentrée ~♥ ~

Eriksen Endre Lund - L'été où papa est devenu gayAlice a adoré …
Un roman d’actualité, bourré d’humour qui parle de l’homosexualité sur un ton léger et de la sexualité en générale.

Tout comme Céline du Tiroir
Passage à l’âge adulte est un chemin tortueux qu’il faut emprunter avec patience. Il peut y avoir des virages tardifs et inattendus, comme pour le père d’Arvid. Pour Arvid, le chemin ne fait que débuter, un été dans un camping un peu paumé d’un coin de la Norvège. Il faudra passer par l’embarras, la déception, la colère. La prise de conscience de la bêtise aussi, et la remise en question de ceux qu’on prend pour des modèles…
Et tout ne fait que commencer. Un humour décapant et juste ce qu’il faut de sensibilité et de nuance pour en faire un roman subtil sur l’adolescence.

Et Sophie LJ aussi l’ajoute à ses coups de coeur !
Je n’attendais rien de particulier de ce roman alors ce fût une très appréciable découverte. On y parle de l’homosexualité avec beaucoup de sincérité et de naturel et pour une fois pas pour un(e) adolescent(e).
J’ai aimé et je le conseille !

L’été où papa est devenu gay d’Endre Lund Eriksen, Thierry Magnier, 2014

Pépita vous propose …
Quand à son entrée en 6ème, Nils décide d’être nul pour enfin vivre comme les autres, ça ne se passe pas vraiment comme prévu. Sous un ton rempli d’humour, voici un roman qui aborde la pression qu’on exerce souvent sur nos enfants…pour leur bien ou le nôtre ?

Journal d’un nul débutant de Luc Blainvillain, Ecole des loisirs, collection Neuf, août 2014

Servant Stéphane - Chat par ci chat par làBouma  a été charmée …
Avec simplicité et brio, Stéphane Servant sert une histoire drôle et délicate sur la solitude. Le tout sous forme de correspondance par chat. Il n’en fallait pas plus pour me séduire.

Chat par-ci, Chat par-là de Stephane Servant – Rouergue, 2014

Collectif - Mots rumeurs, mots cutterCéline nous conseille de la bande-dessinée !
Un roman graphique où les deux auteurs, Charlotte Bousquet pour le texte et Stéphanie Rubini pour le dessin, décortique toute la mécanique du harcèlement scolaire : son origine, son carburant, ses conséquences, tant physiques que psychologiques… Un bel objet et un excellent outil pour aborder et prévenir le harcèlement scolaire !

Mots rumeurs, mots cutter , Gulf Stream, 2014

Bondoux Anne-Laure - Tant que nous sommes vivantsNathan ne se remet pas de ses émotions …
Un roman remarquable, qui anime ses personnages de fougue, de passion et d’espoir avec une infinie douceur. Anne-Laure Bondoux signe un roman superbe et mystérieux, profond et passionnant, universel et bouleversant. Incontournable.

Tant que nous sommes vivants d’Anne-Laure Bondoux – Gallimard Jeunesse

Collectif - Et la galette dans tout ça

Chlop s’est laissée séduire par un album
Avec quelque mots, égrainés comme dans une comptine et les illustration remarquable de Christophe Aline, cet album renouvelle et enrichit de mille subtilités l’histoire du petit chaperon rouge.

Et la galette dans tout ça ? Jean-Philipe Lemancel Christophe Alline, Didier jeunesse

Desplechin Marie - MauveEnfin Kik a choisi une suite !
Un tome 3 haut en couleurs. Une Mauve très sombre, qui donne du fil à retordre à Verte et Pome. Un roman avec des méchants, de la sorcellerie et une touche d’amour.

Mauve de Marie Desplechin, L’école des loisirs

 

/!\ Les parutions qu’on attend avec impatience ! /!\

Valentine Jenny - Broken soupPour Alice c’est: Broken soup de Jenny Valentine Ecole des loisirs,01 Octobre 2014
Aussi bon que les précédents ? Hâte de me faire ma propre idée…

Une biblePépita, elle, comme beaucoup d’entre nous, a hâte de lire: Une bible de Philippe Lechermeier et Rebecca Dautremer chez Gautier Languereau, 22 octobre 2014
Je l’achèterais très certainement au Salon du livre de jeunesse de Montreuil fin novembre-début décembre…

Marguier Claire-Lise - IntemporiaBouma est tentée par: Intemporia de Claire-Lise Marguier, Rouergue, 2014
Il me fait de l’œil depuis qu’il est posé sur ma PAL de chevet… Je me le réserve pour un temps plus calme où je pourrais prendre le temps de découvrir l’intrigue et ses personnages. J’en attends tellement avec cette auteure depuis son Le faire ou mourir. Je ne veux pas me précipiter.

Brun Barbara - Le fantôme de CantervilleCéline quant à elle retourne aux classiques: Le fantôme de Canterville, Barbara Brun, Marmaille &Compagnie, 2014
L’adaptation album du fameux titre d’Oscar Wilde, pour voir si j’y retrouve le même humour so british.

Nathan trépigne pour: Le livre de Perle de Timothée de Fombelle – Gallimard Jeunesse – 25 Septembre 2014
Après 3 ans d’attente, Timothée de Fombelle, mon auteur phare et l’un des plus grands auteurs de littérature jeunesse française, revient avec un nouveau roman. Une histoire de contes, d’amour, de fuite et d’aventures. De quoi renouveler avec délice des thèmes qui lui sont chers …

http://www.editionsdesgrandespersonnes.com/data_albums/93/691.jpg

Chlop se languit de: Françoise et le petit diable de Kveta Pacovska, Edition des Grandes personnes, 2 Octobre 2014
Parce que jamais je n’ai été déçue par un livre de Pakovska et parce qu’elle y parle d’amour et que j’ai dans l’idée qu’elle fait ça comme personne.

Brunet Marion - La gueule du loupSophie LJ, elle, souhaite retrouver une auteure: La gueule du loup de Marion Brunet, Sarbacane Exprim’, 27 Août 2014
J’avais beaucoup aimé le précédent roman de cette auteure Frangine, c’est donc avec impatience que j’ai envie de découvrir ce livre.

http://decitre.di-static.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/9/7/8/2/8/1/2/6/9782812606786FS.gif

Et Kik nous parle de: Les Singuliers d’Anne Percin, Le Rouergue, coll. La Brune
Parce qu’elle écrit pour la jeunesse, j’aimerai découvrir ce roman qui penche vers la littérature adulte. Une plongée dans la Bretagne et le monde la peinture en perspective …

Et vous ? Quels sont vos coups de ♥ & attentes ?

Le livre d’où je viens – Nathan

Comme mes acolytes, choisir le livre dont je vais vous parler a été difficile. C’était une évidence pourtant : j’allais vous parler de Tobie Lolness de Timothée de Fombelle. Et s’il y a un seul livre que je devais conserver, ce serait sans aucun doute celui-ci … ô petit Tobie qui m’a embarqué dans ses palpitantes aventures dans l’Arbre … sans jamais me laisser en repartir. Un seul millimètre et demi à l’origine de toute une histoire de lecture, d’écriture, de rencontres et d’amitié. J’aurais aussi pu, étonnamment, vous parler de la Bible mais plus particulièrement de la Genèse. Parce que nous venons tous de ce livre. Mais ce n’est pas l’endroit approprié, d’autant plus que je ne l’ai pas réellement lu. D’autant plus que j’aurais dû parler de choses dont je ne veux pas (encore ?) parler (ici).

Toujours est-il qu’en vous disant tout ça je triche. Et que je triche encore en vous avouant que je ne vais donc pas vous parler du livre d’où je viens … mais du livre où je v(a)is.

Ce livre n’a pas encore de titre. Il n’a pas encore d’éditeur. Mais en aura-t-il un un jour ? Existera-t-il seulement véritablement un jour ? J’y crois en tout cas. Son auteur ? C’est moi. Le livre dont je veux vous parler est le livre que j’essaye d’écrire.

Ce n’est pas du tout prétentieux, en tout cas j’espère ne pas donner cette impression. Seulement, puisque nous parlons toujours de lecture dans ce petit coin d’ombre … j’ai eu envie de parler d’écriture. Saviez-vous que 17% des français avaient un manuscrit terminé ? Or nous connaissons tous la dure réalité : très (très) peu de manuscrits sont acceptés par les éditeurs (d’où le développement de l’autoédition). Je sais aussi qu’à l’ombre du grand arbre, je ne suis pas le seul à écrire … aussi ai-je choisi de vous parler de ce livre qui n’existe pas encore, mais qui se crée petit à petit, doucement, alors que vous en lisez tant d’autres.

C’est le livre où je vis, parce qu’il vit, évolue et grandit avec moi depuis 2 ans. 2 années qui ont passé et pendant lesquelles j’ai pensé, réfléchi et muri ce projet. Je ne me suis pourtant pas contenté de cela. J’ai inscrit quelques mots par-là. D’autres ici. J’ai dû en perdre en route. Mais alors que la précédente idée, inaboutie, qui voudra peut-être être terminée un jour, n’était encore que l’expression d’une envie d’écrire, de raconter une histoire et d’être lu ; cette nouvelle histoire qui continue de naître entre mes doigts d’écrivain en herbe est profondément ancrée en moi.

J’ai compris qu’un livre ne raconte pas seulement une histoire. Il en raconte des dizaines, des centaines, voire des milliers ou des millions. Il y a son intrigue, qui a été le départ de tout. Mais après, il y a les idées que l’on veut glisser derrière, aussi chacun des passages de mon futur roman semblent vouloir prendre une signification. Puis il y a l’histoire que chacun des lecteurs se raconte en lisant un roman. Que chacun se racontera si, un jour, mon roman trouve un public.

Enfin, il y a tout ce que ce j’écris, ce que je raconte sur moi sans même m’en rendre compte. J’ai écrit. Passionnément, avec l’irrépressible besoin d’aller jusque-là où je pouvais aller. D’aller jusqu’à une scène clé où tout bascule. Puis je me suis retrouvé bloqué. Et j’ai compris que je ne pouvais pas me lancer à corps perdu dans l’écriture sans avoir d’abord préparé tout cela. Et j’ai surtout compris que cette scène clé, décisive pour un de mes personnages, avait été pour moi le moyen totalement inconscient d’extérioriser une part de moi-même que je ne me suis révélée qu’après. Quel superbe moment que celui où l’écrivain devient son propre personnage.

J’ai peut-être un peu triché en vous parlant non pas du roman d’où je viens, mais de celui où je vais. Mais il est plus qu’un simple projet créatif, il se construit avec moi et je me construis aussi avec lui. L’acte d’écriture dépasse le simple fait de créer et, pour moi, dépasse celui même de lire.

Pourtant, je ne nierai pas le fait qu’écrire m’apporte beaucoup en tant que lecteur. Cela me rappelle à chaque instant qu’un bon roman doit être profond, qu’un bon roman ne raconte pas seulement une histoire mais qu’il raconte aussi au lecteur son histoire … et c’est pour ça que certaines lectures nous touchent plus que d’autres.

N’oubliez jamais, en lisant cet été, que chacune de vos lectures doit être sincère. Laissez les livres vous en apprendre toujours plus sur vous … et si l’envie vous en vient, écrivez. L’écriture ouvre les portes de la liberté et de la connaissance de soi.

Lecture commune : Le coeur des louves

Entrez donc au coeur de ce village perdu dans la montagne … sentez sous vos pieds les pierres qui roulent en bas des chemins, armez-vous de bonnes chaussures de marche pour les arpenter et ouvrez grands vos yeux aux rues escarpées, aux arbres qui règnent sur la vallée, au seul toit qu’est le ciel, et aux merveilles dont regorge la nature.

Ou alors retirez ces chaussures, munissez-vous d’un seul habit léger et laissez vos pieds caresser la terre et l’herbe et l’eau et les chemins, sentez contre vous le vent de la montagne, entendez son chant éternel qui se mêle à celui de la nature et humez les senteurs humides de la forêt … et celles du règne animal.

Entrez dans l’univers foisonnant de Stéphane Servant …

Nathan: Le cœur des louves, une lecture intense et éprouvante qui a su tous nous toucher au plus profond de nous … une seule sensation que vous retenez de ce moment de lecture ?

Pépita: Quelques semaines après cette lecture très marquante, j’entends un seul bruit : un cœur qui bat, qui bat, qui bat, qui bat…BOUM BOUM BOUM, celui de la forêt, celui du torrent qui dévale la montagne, celui des loups, celui des hommes mus par la haine et l’amour, deux sentiments ambivalents qui ne font finalement plus qu’un dans ce roman qui palpite comme la vie elle-même.

Kik: Le froid de la forêt et son humidité m’ont remplie au fil du roman. Je me suis sentie au milieu des arbres, avec le personnage. Cet endroit m’a paru hostile, tout en demeurant un lieu de refuge.

Carole: Pour moi, ce qui reste encore palpable plusieurs mois après la lecture, c’est la tension : tension de la Nature qui reprend ses droits, tension intérieure du personnage-narratrice Célia, tension-survie de la grand-mère, tension entre les personnages du passé et du présent, et enfin tension, la mienne, à la lecture de ce roman qui est venu subtilement me toucher là où ça fait mal parfois, tension des secrets, tension de la nuit, tension de la filiation, tension des émotions fortes.

C dans le Tiroir: Si je devais retenir une sensation, ce serait un son : Le hurlement des loups continue de résonner longtemps après la lecture… c’est un son à la fois inquiétant et hypnotisant, à l’image de cette nature qui comme l’a dit Kik est à la fois hostile et réconfortante. C’est la tentation du retour à la nature, au primitif, le besoin de réveiller nos instincts animaux, de se libérer aussi.
Pour ce qui est du visuel, c’est le noir qui prédomine. La pénombre de la forêt, l’obscurité de la grotte, mais aussi évidemment la noirceur des hommes et de leurs secrets…

Nathan: Le noir, le froid, la tension … un roman sombre et dur selon vous ?

Carole: Sombre ? non. Dur ? non. Eprouvant, troublant, époustouflant : oui

Kik: Oui, sombre et dur pour moi mais aussi troublant, crispant, prenant, … Il est difficile de définir ce roman. Il y a beaucoup de sentiments ou sensations différents.

Pépita: Sombre et dur, je ne dirais pas ça non plus. Ce roman a le souffle d’une épopée, une épopée familiale comme il en existe tant mais à replacer dans son contexte. C’est un roman grandiose.

C dans le tiroir: Sombre : oui, évidemment, mais pas éprouvant, au contraire, en ce qui me concerne, je n’ai pas pu le lâcher, et malgré la tension palpable, il ne m’a jamais mise mal à l’aise. Et puis sous la noirceur, il y a aussi la pulsion de vie, la transmission, l’amour des femmes pour leurs enfants, donc quelque chose de plus lumineux, « la vie qui palpite », pour citer Pépita.

Sophie LJ: Pour moi, ces trois mots résument bien l’ensemble de l’histoire. Il est sombre et dur mais dans le bon sens du terme, il y a beaucoup d’émotion dans ce roman et toutes ses vies qui tournent et souffrent autour de ces secrets, elles en deviennent passionnantes car ce sont des vies de battantes !

Nathan: La vie qui palpite … le roman alors, malgré sa noirceur, malgré certains moments éprouvants, regorge de vie.
Mais quelle est-elle pour vous ? Une légende de montagne, une histoire de générations … et de femmes, un hymne à l’amour, l’amitié, la famille, le passage d’une adolescente à l’âge adulte … quel est le message, l’histoire que vous retenez ?

Pépita: Avant tout, une histoire de secrets. Et les secrets finissent toujours par déborder, comme les ruisseaux se transforment en rivières. Ils finissent par vous rattraper. Célia le sent. Célia veut savoir. Et sa grand-mère a tout fait pour qu’un jour elle puisse en trouver les clés. Car elle savait elle aussi la force des secrets.

Carole: J’emprunte à Sören Kierkegaard cette sublime citation « la nature féminine est un abandon sous forme de résistance » : c’est une histoire de femmes sur plusieurs générations, une histoire d’abandon de soi et surtout une histoire de résistance au temps, aux secrets, à la cruauté. Entre survie, abnégation et résilience.

Sophie LJ: L’histoire que je retiens, c’est principalement celle de Tina et donc dans la logique celle de cette famille avec ces femmes si proches et si lointaines à la fois.

Nathan: Pour décrire ce roman de sens et d’émotion, ce roman sombre et plein d’espoir, ce roman de vie, je vous propose de lui associer des images, couleurs, etc …
Alors pour vous, quelle est la couleur de ce roman ?

Pépita: J’en choisirais deux : le noir et le rouge. Mais un noir sombre et soyeux à la fois, comme la forêt mystérieuse dans les montagnes et le lac étincelant sous la lune, et un rouge comme le sang de la vie et de la mort, comme celui qui coule dans nos veines et qui est plus fort que tout ou arrêté dans son élan de vie par la folie des hommes.

C dans le Tiroir: Oui, noir et rouge, un peu comme la couverture. Ou noir et blanc, comme les vieilles photos cachées, comme le corps nu d’une fille la nuit dans un lac, comme des hommes armés dans la neige…

Carole: Le noir pour la part de sombre de chacun, et le blanc pour la lumière de la Lune…comme une vieille photographie gardée précieusement.

Nathan: Moi j’aurais dit le vert … celui de la forêt, et celui de l’espoir.

Une odeur ?

Kik: Quand je pense à ce roman, je sens l’odeur du feu. Car ça brûle, il y a des incendies criminels et on a aussi l’impression que le cœur des personnages brûle. Ça flambe ou ça fume, comme un feu qui ne veut pas s’éteindre.

Pépita: Ce serait plutôt pour moi l’odeur de l’humidité : celle de la forêt, du lac, de la maison fermée depuis longtemps, …et le froid qui pénètre partout à cause d’elle et qui endurcit les cœurs.

Sophie LJ: J’aurais dit l’odeur du froid, de la montagne, de la neige…

Carole: Celle de la rosée du matin, l’herbe qui repousse, la mousse dans la forêt….quand tout (re)naît après la tempête.

Nathan: Une sensation tactile ?

Pépita: Ce que j’imagine être le contact d’une peau de bête sur un corps nu…

Sophie LJ: La sensation que je retiendrais est plus extérieure car il s’agit du frisson : celui provoqué par la montagne, par la peur, par la colère…

Carole: La peau, le contact entre les mains d’une grand-mère et de sa petite-fille.

Nathan: Un son ?

Pépita: La rivière qui dévale de la montagne.

Sophie LJ: Je pense au cri des loups dans la nuit.

Kik: J’entends une course effrénée dans la forêt , avec des bruits de branches cassées sous les pas du fugitif.

C dans le Tiroir: Un hurlement de loup, à la fois terrifiant et libérateur, et aussi le battement d’un coeur au rythme d’une cavale dans les bois, bien sûr, je crois encore l’entendre d’ailleurs…

Carole: Les craquements de la forêt.

Nathan: Une image ?

Pépita: Plus difficile tant les images me viennent…Je dirais : le mystère de la chambre de Tina et tout ce que cela représente en interrogations pour Célia sur le passé de sa famille. C’est aussi pour moi une résonance plus personnelle et j’ai eu longtemps peur pour elle.

Sophie LJ: Je vois celle de la grotte où se réfugie Tina pendant plusieurs mois.

C dans le Tiroir: celle de la photo de Tina tondue dans la neige s’est hélas imprimée dans mon esprit comme si c’est moi qui l’avait découverte !

Carole: Ces mots qui m’ont bouleversée et qui résonnent encore « Ces femmes qui ont dans le cœur un éclat de nuit qui les pousse à marcher à côté du monde. »

Pour en savoir un peu plus sur le roman à travers nos avis: Nathan, Pépita, Sophie LJ, Kik, C dans le Tiroir, Carole

Nos coups de coeur de février pour finir l’hiver en beauté !

Février vient de s’achever et l’hiver, bien qu’hésitant, nous pousse dans les lits et fauteuils, bien au chaud sous un plaid avec un bon livre pour nous tenir compagnie. Pour vous éviter le terrible dilemme du « Que vais-je lire ? », voici une petite sélection pour finir l’hiver avec délice.

Avec Alice, on est dans l’air du temps … mais au coeur de la douceur d’un conte:

Un conte détourné, antisexiste, complètement dans l’air du temps, à partager sans hésiter !

Boucle d’ours de Stéphane Servant et Laetitia Le Saux. Didier jeunesse, 2013

Avec Sophie, on lit un album insolite … et intéressant !

Avec beaucoup d’humour, on évoque ici un sujet pourtant très sérieux : celui de la surconsommation et de l’industrie de masse. Compliqué pour les enfants, et bien non, c’est raconté avec beaucoup de simplicité avec une histoire de poule et d’œufs.

Un mur sur une poule de Thierry Dedieu et Gilles Baum, Gulf Stream, 2013

Avec Pépita, on lit en numérique !

Un coup de cœur numérique : l’application « Pierre et le loup », c’est 30 minutes d’une histoire magique, musicale et poétique exceptionnelle qui sublime ce grand conte classique de Prokoviev. A ne pas rater ! Avec la voix de François Morel et la participation facétieuse de l’Orchestre national de France. En bonus, 9 jeux musicaux pour prolonger le plaisir. Cette application vient de remporter le prix de la meilleure application au Salon du livre jeunesse international de Bologne.

Pierre et le Loup, Caméra Lucida, Disponible sur l’Appstore

Février est aux poules … comme Céline le confirme !

Envolée inattendue et pleine de surprises pour Petite poule, le jour ou un coup de vent balaie sa petite routine et l’invite à l’aventure. Beaucoup de poésie et des illustrations splendides dans cet album à découvrir absolument !

La balade de petite poule d’Anna Walker, Circonflexe, 2014

Avec Carole, Février reste le mois de l’amour …

Mon coup de coeur sera un coup de vent graphique, un album panoramique à déplier au gré de ses sentiments pour faire un tour complet d’amour…

Un Courant d’air de Juliette Binet, Rouergue, 2012

Avec Bouma, on rit !

Parfois la plus simple des histoires est aussi la plus amusante. Eric Battut en livre un très bel exemple avec cet album randonné. A lire dès le plus jeune âge.

La Bonne farce d’Eric Battut, Didier Jeunesse, 2013

Avec Céline, on laisse vagabonder son imaginaire…
Une écriture intelligente qui joue sur le double sens des expressions et un va-et-vient réussi entre le réel et l’imaginaire ; des dessins rigolos et des couleurs pétillantes qui donnent la pêche et le sourire au cœur ! Bref, un vrai coup de foudre !

Patabulle, Patabulle cultive son jardin et Patabulle et les bottes rouges, Juliette Vallery et Tristan Mory, Actes Sud Junior

Avec Kik, on découvre un roman du Prix Ados Rennes/Ille-et-Vilaine,

Un adolescent en France, un père américain, dont on ne sait presque rien. La rencontre des deux se fera par lettres, dans un contexte particulier, difficile. Chacun a besoin de l’autre pour avancer.

Mon père est américain, de Frédéric Paronuzzi, éditions Thierry Magnier


Et avec Nathan, on lit en anglais !

Un style direct mais sincère. Une histoire simple mais forte. Des sentiments nombreux mais complexes. Des personnages profonds mais attachants. Un texte court mais percutant.

Falling de Cat Clarke, Barrington Stoke