Carte postale parisienne

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Mes copinautes,

je vous écris de Paris.

Vous savez que j’y suis, vous savez qui j’y vis. Vous savez donc pourquoi je ne suis pas vraiment avec vous cet été. Je passe de temps en temps à l’ombre de notre grand arbre. Je vous adresse un coucou par-ci, un coup par-là, un merci pour le swap, un passez un bon bookcamp moi je ne serai pas là.

Je vous écris de Paris, où je vis, où je m’essouffle.

C’est beau Paris.

C’est oppressant, sale, grouillant, abîmé, triste. On y trouve des visages cassés, des cœurs brisés, des rêves abandonnés, des silhouettes égarées.

Mais c’est aussi lumineux, grand, puissant, galvanisant, éclatant, vivant. On y trouve quelques sourires, des coeurs à prendre, des rêves à réaliser, des désirs à poursuivre, des rires à égrener, des chances à saisir, des fragments à recueillir, de l’art pour se nourrir.

Je n’y suis pas pour les vacances – oui. Mais je travaille, et ce stage m’enrichit. Mais je sors, et je respire. Mais je vois du monde, et fais quelques rencontres. Mais je p’art. Et je m’épanouis.

Je veux vous dire le sentiment de voir la vie grouiller autour de soi, le plaisir de voir du monde et de ne pas être vraiment seul, le sourire qui éclot devant les Lumières de la capitale, le coeur qui bat dans le noir d’un théâtre, dans un siège de la comédie française, les yeux qui pétillent au centre Pompidou, la tendre vulnérabilité face à dame Eiffel, la douceur d’un quai parisien si on sait s’y mettre bien, le réconfort apporté par ses jardins, la vie qui éclate de tous tes pores dans la tempête d’un concert.

Et malgré tout, dans un recoin où je réussis à me blottir entre le travail et le théâtre et la musique et les balades et le tourisme et les librairies et le métro et les amis et la famille et ce projet qui demande tant d’énergie, de temps et d’enthousiasme, je lis.

Je joins à cette longue carte postale quelques images des endroits où j’ai aimé voyagé sur des ailes de papier. J’ai voyagé plus que ça, mais en voilà des fragments.

Il y a eu un voyage loufoque et captivant, inventif et décapant

Vesco Flore - De cape et de mots

… il y a eu un voyage dans le fleuve des premiers mots d’un auteur de romans…

Servant Stéphane - Guadalquivir

… il y a eu un voyage du coeur dans la famille, la vie, l’adolescence et l’émotion…Ruter Pascal - Le coeur en braille quatre ans après

… il y a un voyage en anglais, mais celui-ci s’est fait en français… c’était un voyage dans la douleur, l’amour et l’espoir…Niven Jennifer - All the bright places

… il y a eu un voyage offert par ma swappée, un voyage dans la différence…Lambert Jérôme - Tous les garçons et les filles

… il y a eu un voyage dans le passé, l’amour et la fougue.

Hardy Thomas - Loin de la foule déchaînéC’est plus une lettre qu’une carte. Mais dans l’effervescence de mon ailleurs parisien, je pense à vous,

Nathan

Sur l’écorce de notre Arbre, j’écris ton nom

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nomSur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nomSur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit

.

En l’honneur de nos victimes
Quelques dures semaines plus tard
En chœur sur notre feuillage
J’écris ton nom

Sur les couvertures de livres
Sur nos lectures communes
Sur notre fragile cocon
J’écris ton nom

Quelques lignes et quelques livres
Une libre sélection
Sur cette toile virtuelle
J’écris ton nom

Sur chaque branche de mots
Sur notre grand coeur en bois
Sur l’écorce de notre Arbre
J’écris ton nom

Liberté

 

          Sur des albums envolés

Carole propose …

2012-08_peintre-drapeaux_04le-petit-guili-mario-ramos Liberté et pouvoir : 2 albums qui questionnent. Et c’est ça aussi la littérature. Il me semble que ces 2 albums donnent de la matière pour éduquer les plus jeunes au libre-arbitre

Le Petit Guili de Mario Ramos – Pastel
Le Peintre des drapeaux d’Alice Brière-Hacquet et Olivier Philipponneau – Frimousse

Retrouvez les aussi chez Alice et Pépita

Sophie propose …

9782246787167FS« Tu es libre. C’est une chance. Tu es libre. Même s’il y a parfois des limites. ». Un bel album sur la liberté, celle de penser, celle de vivre, celle des autres…

Le monde t’appartient de Riccardo Bozzi et Olimpia Zagnoli – Grasset jeunesse, 2014

Céline du tiroir propose …

99760153Une fable comique et philosophique, empreinte d’une grande sagesse, où il est question de norme et de liberté. A lire et à méditer.

Pieds nus de Rémi Courgeon – Seuil jeunesse

Retrouvez le aussi chez Carole

votez-victorine-296x300Quand souffle un vent de liberté sur l’art des XIXè et XXè siècle… Une histoire (dé)culottée et impertinence comme une invitation au progrès !

Votez Victorine de Claire Cantais – L’Atelier du poisson soluble

Retrouvez le chez Céline mais aussi chez Bouma

Sur des romans effeuillés

Céline du flacon propose …

img343Maintenus sous la coupe d’un système bien rôdé, les hommes sont devenus des « robots » interchangeables et ont perdu l’essence même de leur humanité : leur libre arbitre !

Le tourneur de page de Muriel Zürcher – Eveil & découvertes

Retrouvez le chez Céline du flacon mais aussi chez Kik et Pépita

img139Roman à plusieurs voix qui raconte l’émoi soulevé par le départ pour la Syrie de deux élèves sans histoire croyant donner leur vie pour la démocratie et la liberté. Pas de réponses toutes faites, juste de quoi nourrir notre réflexion…

Je t’enverrai des fleurs de Damas de Frank Andriat – Mijade

Retrouvez les aussi chez Céline

Sophie propose …

il-n-y-a-pas-si-longtempsParce que nos droits n’ont pas toujours été, parce qu’il a fallu se battre, et parce qu’il faudra se battre pour les conserver.

Il n’y a pas si longtemps de Thierry Lenain et Olivier Balez – Sarbacane

Céline du tiroir propose …

9782364745087Il faut une bonne dose de courage pour penser à contresens de ce qu’affirme la majorité… et pour oser le dire. Mais parfois on peut être nombreux à se tromper, et tout seul à avoir raison…

Justice pour Louie Sam d’Elizabeth Stewart – Thierry Magnier

Retrouvez le aussi chez Alice

Alice propose …

9782330018184Pour ne pas oublier que le droit à la liberté n’est pas systématique aux 4 coins du monde

Basha Posh de Charlotte Erlih – Actes sud junior

Retrouvez le chez Alice

mondeLe monde derrière la porte parle de liberté, de convictions, de valeurs, de choix, de croyance et de conscience.

Le monde derrière la porte de Pascale Maret – Thierry Magnier

Retrouvez le chez Alice et aussi chez Bouma

41HZJkLYY0LQuand on est journaliste, il n’est pas toujours de bon ton d’être trop curieux et de parler d’affaires que les autorités préféreraient taire.

Aile d’ange d’Ingelin Rossland – Le Rouergue Doado

Retrouvez le chez Alice

Bouma propose …

9782226240590gParce qu’elle ne veut pas de la vie que sa famille a tracé pour elle, Pell Ridley va devoir conquérir sa liberté à une époque où être une femme rime avec soumission.

La balade de Pell Ridley de Meg Rosoff – Albin Michel Wiz

Retrouvez le chez Bouma

9782070695768Un récit fantastique qui dit combien il peut être difficile d’acquérir sa liberté avec la toujours sublime écriture de Jean Mourlevat.

Le combat d’hiver de Jean-Claude Mourlevat – Gallimard jeunesse

Retrouvez le chez Bouma

Colette propose …

Grevet Yves - L'école est finieNotre école est-elle en danger ? Faut-il repenser l’école d’aujourd’hui ou simplement ouvrir les yeux sur ce qu’elle offre à ceux qui en poussent les portes chaque matin ? Autant de questions que l’auteur de L’école est finie nous invite à nous poser…

L’école est finie d’Yves Grevet – Mini Syros

Retrouvez le aussi chez Kik, Pépita et Nathan

Nathan propose …

Gratias Claire - Breaking the wallPassionnant, mené avec talent par une plume sensible et poétique, Breaking the wall est un roman historique profondément touchant sur le mur de Berlin, la dictature, les libertés fondamentales, et les rêves qui s’envolent, désespérément libres.

Breaking the wall de Claire Gratias – Rageot

Retrouvez le chez Nathan

Rozenfeld Carina - La symphonie des abyssesUn roman comme un recueil. Des histoires comme des contes. La liberté d’aimer, la liberté de l’art, la liberté d’être soi, la liberté comme un grand ciel bleu.

La symphonie des abysses de Carina Rozenfeld  – Collection R

Retrouvez le chez Nathan

Johnson Alaya Dawn - Le prince d'étéUn roman qui vibre de liberté. Culture, différence, autrui, amour, sexualité, identité, sentiments. C’est riche, foisonnant, fascinant, envoûtant, irrésistible. Je n’en suis jamais véritablement sorti …

Le prince d’été d’Alaya Dawn Johnson – Collection R

Retrouvez le chez Nathan

Fombelle (de) Timothée - Tobie Lolness L'intégrale (2) HS_VANGO_integrale.inddLa liberté incarnée en deux personnages épiques qui dansent avec le vent entre ciel et terre. Virevoltants, ces deux dyptiques sont portés par le souffle de l’aventure.

Tobie Lolness de Timothée de Fombelle – Gallimard jeunesse
Vango de Timothée de Fombelle – Gallimard jeunesse

Retrouvez les chez Nathan: ici et , mais aussi chez Pépita

Millard Glenda - Une tribu dans la nuitDans la guerre et l’obscurité, quelques étoiles, de grands personnages qui éclatent de couleurs, se jettent contre la vie pour être libres. Et vivre.

Une tribu dans la nuit de Glenda Millard – Hélium

Retrouvez le chez Nathan mais aussi chez Pépita

Brunet Marion - FrangineDe la liberté de fonder une famille. De la liberté d’être soi. De la liberté de grandir et d’aimer comme on le veut.

Frangine de Marion Brunet – Exprim’ Sarbacane

Retrouvez le chez Nathan mais aussi chez Pépita

Levithan David - A comme aujourd'hui« On en apprend beaucoup sur les gens par les histoires qu’ils racontent, mais aussi par leur façon de chantonner. S’ils roulent vitres ouvertes ou fermées. S’ils ont le nez collé à leur carte, ou s’ils laissent la vie les guider. S’ils ressentent l’appel de l’océan. »

A comme aujourd’hui de David Levithan – Les grandes personnes

Retrouvez le chez Nathan

          Sur des recueils enfiévrés

Pépita propose …

73155736Avec : Nadine Brun-Cosme, Claude Carré, Sophie Chérer, Marie Deplechin, Bernard Friot, Delphine Grenier, Maud Hermon, Jo Hoestlandt, Martin Page, Michel Piquemal et Thomas Sotto – Illustrateurs : Olivier Balez, Marc Daniau et Marianne Ratier, Escabelle : quand un collectif d’auteurs jeunesse (et pas n’importe lesquels !) partent de situations concrètes pour faire réfléchir au sens de notre devise nationale.

12 histoires de liberté, d’égalité et de fraternité, sous la direction de Jo Hoestlandt – Escabelle

Retrouvez le chez Pépita

DesobeiEt si désobéir devenait un mot d’ordre ? Du militantisme à travers des nouvelles aux chutes surprenantes.

Désobéis ! de Christophe Léon – Thierry Magnier Collection Nouvelles

Retrouvez le chez Pépita  mais aussi chez Alice

9782747033374La liberté, une valeur encore bafouée dans le monde. Des nouvelles sur la défense des droits de l’homme.

Libres !, collectif d’auteurs – Bayard jeunesse Millézime

Retrouvez le chez Pépita

sn50_1143304_1_px_470_Préfacé par Stéphane Hessel, un roman qui appelle à un réveil des consciences politiques.

On n’ a rien vu venir de Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Annelise Heurtier, Agnès Laroche, Fanny Robin, Séverine Vidal, Anne-Gaëlle Balpe – Alice Collection Deuzio

Retrouvez le chez Pépita mais aussi chez Carole, Bouma et A l'ombre du grand arbre

          Sur des textes éternels

Solectrice propose …

9782710330400Un classique, que je ne comprenais pas à 14 ans, mais que je trouve tellement vibrant aujourd’hui. A lire ? A voir plutôt, à vivre même.

Antigone de Jean Anouilh

Et elle nous propose une vidéo...

product_9782070515837_195x320Et des poèmes, parce qu’ils nous montrent la vie autrement, en quelques mots, librement.

Robert Desnos, un poète – Gallimard jeunesse

J’écris ton nom

Et pour conclure cet article
Pour conclure nos mots
Qui, comme un poème
Disent je t’aime
Et pardon
Et pour écrire Liberté
Voici quelques lignes écrites à la façon d’un album que nous a lu Pépita, cet été
Voici quelques lignes d’espoir

Collectif - Il faudraL’arbre vit un attentat. Il se dit:

Il faudra se relever
Et du bout de nos crayons,
Dessiner dans le ciel une étoile d’espoir.
(Nathan)

Il faudra jeter leurs armes
Et ainsi désarmés
Faire parler les mots
Et ne pas les gaspiller
Aller les uns vers les autres
Pour un monde meilleur
Sans arrière -pensées
(Pépita)

Il ne faudra pas baisser les bras
Ni faire profil bas
Ou tomber dans la « paranoïa »
Rejeter l’Autre tel un paria
Vivre dans le trauma
Non !
Hauts les cœurs
Plutôt défendre nos valeurs
Encore et en chœur
Pour effacer la peur
Et rêver un monde meilleur
(Céline du flacon)

 Il faudra grimper sur mes branches,
Solidement s’accrocher à mon tronc,
Doucement caresser mon feuillage,
Et à l’ombre de ma ramure
Se construire une petite cabane sans prétention
Pour voir autrement
Ce qui se cache sous la brume, au delà des vents …
(Colette)

Il faudra tendre les bras, les mains, et dans une immense ronde
chanter, lire, s’aimer plus fort… et s’obstiner à vouloir refaire le monde
(Céline du tiroir)

Il faudra s’interroger, s’écouter, se parler.
Il faudra écrire, répéter, insister.
Il faudra rêver, attendre, espérer.
Et toujours il faudra, toutes les libertés respecter.
(Alice)

Il faudra apprendre à regarder l’autre
A ne plus baisser les yeux sur la misère
Pour se lever tous ensemble
Et construire des jours meilleurs
(Sophie)

Il faudra ouvrir en grand les tiroirs de l’Histoire,
Il faudra ouvrir en grand le champs des possibles,
Il faudra bien tout garder en mémoire,
Il faudra protéger les sensibles.

Il faudra une écoute mutuelle,
Il faudra les livres ouverts,
Il faudra une transmission perpétuelle,
Il faudra le Savoir en bandoulière
(Carole)

Il faudra…
Fermer les yeux.
Prendre le temps d’écouter les sons de la vie.
Ressentir le rythme de son propre cœur qui bat.
Pour ne pas oublier que la vie est précieuse.
Que toute vie est précieuse.
(Bouma)

Il faudra tendre la main
Rouler les pierres hors du chemin
Fondre les armes
Sécher les larmes
Sourire aux nôtres
Ainsi qu’aux autres.
Et regarder fleurir ce nouveau monde
fait d’espoir et d’une grande ronde !
(Solectrice)

De Rouge Tagada à Mots rumeurs, mots cutter ou l’adolescence en BD

Il y a presque 2 ans, Rouge Tagada inaugurait la collection Romans graphiques de Gulf Stream. Cette bande dessinée signée Charlotte Bousquet – et la tendresse de ses mots – et Stéphanie Rubini – et la douceur de son dessin – marquait quant à elle le début d’une série de romans graphiques prenant tous place dans la même classe de collège, se centrant chacun sur l’un de ses membres et sur une thématique particulière. Il y a eu l’homosexualité pour le premier et avec Mots rumeurs, mots cutter, les deux auteures revenaient à la rentrée 2014 pour nous parler du harcèlement scolaire.

Homosexualité, harcèlement scolaire ou quelque autre problème que peuvent rencontrer les adolescents, il est question, dans chacun de ces deux albums sensibles, d’amitié, d’exclusion, de solitude, de solidarité, d’espoir et des chemins qu’il faut, difficilement, emprunter pour grandir.

Collectif - Rouge TagadaCollectif - Mots rumeurs, mots cutter

Nathan : Qu’est-ce qui vous a poussé à découvrir ces deux romans graphiques ? Lequel avez-vous lu d’abord ? Racontez-nous votre petite histoire …

Sophie LJ : J’avais repéré cette belle couverture rouge et toutes les bonnes critiques sur ce livre. Mais ce qui a fini de me convaincre, c’est de trouver Rouge Tagada dans un colis swap offert par… Nathan.

Bouma : En ce qui me concerne, j’ai commencé avec Rouge Tagada qui initiait alors une nouvelle collection des éditions Gulf Stream intitulée « Les graphiques ». C’est curieuse de voir ce que proposait cette maison, que j’affectionne, dans le domaine de la BD que je l’ai ouverte.

Céline du flacon : J’ai d’abord été intéressée par Mots rumeurs, mots cutter. Quand j’ai lu la présentation de l’éditeur, je me suis immédiatement dit qu’il pouvait représenter un très bel outil pour aborder la thématique du harcèlement scolaire avec mes élèves. Après lecture, c’est le cas. Ensuite, en prévision de cette lecture commune, j’ai eu envie de découvrir Rouge Tagada

Solectrice : J’avais vu passer Rouge Tagada sur vos blogs mais je ne savais pas que c’était une BD à ce moment-là, et les fraises ne m’attiraient pas tellement. Mais quand j’ai entendu parler de Mots Rumeurs Mots cutter, le thème m’intéressait vivement (comme enseignante en collège, pour comprendre et faire partager cette histoire), la couverture (d’un violet vif) me donnait très envie aussi. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’emprunter Rouge Tagada et je me réjouissais de retrouver l’univers des deux auteurs…

 

Nathan : Rouge Tagada et Mots rumeurs mots cutter, ce sont deux romans graphiques qui se passent dans une même classe de collège … et, comme vous l’avez dit, c’est l’occasion de se centrer sur deux thèmes assez difficiles. Quels sont-ils ? Lequel vous a le plus touché ? Et pensez-vous qu’ils soient au final un bon moyen de les aborder ?

Céline du flacon : En résumant, ces deux titres évoquent des sujets encore bien trop tabous : l’homosexualité pour Rouge Tagada et le harcèlement scolaire pour Mots rumeurs, mots cutter. Pour ma part, j’ai été davantage interpellée par le second. Il m’arrive assez souvent de détecter des signes de harcèlement au sein de mes classes. Par expérience, le discours moralisateur n’a que peu d’impact (pour ne pas dire aucun). Peut-être que la lecture de cet album peut délier les langues, ouvrir le débat et permettre de prévenir plutôt que de guérir ! Le fait que cette histoire se vit au sein d’une classe et que les protagonistes sont des jeunes comme eux peut certainement aider aussi !

Sophie LJ : Je pense en effet que c’est une bonne manière de les aborder et de montrer que, dans une classe, il se passe beaucoup de choses et qu’on ne sait pas tout. J’ai préféré Rouge Tagada parce que j’ai beaucoup aimé les deux personnages auxquels je me suis très vite attachée. Et puis ça évoque la grande recherche de son identité au moment de l’adolescence avec ses nombreux doutes.

Solectrice : Les thèmes sont abordés avec sensibilité. Moins sensible au malaise exprimé dans Rouge Tagada, cette histoire d’amour m’a semblé assez simple. En Mots rumeurs, mots cutter, j’ai trouvé l’écho de plusieurs histoires d’élèves rencontrés, de brimades entendues et de peines confiées ; ce thème m’a d’autant plus touchée que le scénario démontre comment on peut rapidement basculer dans cette situation, sans pourtant tomber dans la morale.

Bouma : Pour moi c’est Rouge Tagada qui m’a le plus marquée. Parce que je découvrais Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini, et parce que j’ai été plus confrontée aux questions sur la définition de l’amour, de l’amitié, de la frontière entre les deux et sur la recherche identitaire à l’adolescence.

Nathan : En fait, les deux auteures arrivent à toucher juste et en profondeur les cordes sensibles de nos sentiments… Et je dis les deux auteures parce que le dessin et le texte me semblent indissociables … qu’en pensez-vous ? L’un vous a-t-il plus touché que l’autre ?

Céline du flacon : Tu as entièrement raison et cette alchimie commence dès le graphisme des couvertures. Que ce soit la couleur, le choix du titre et du dessin, le toucher velouté, tout donne envie d’entamer la lecture. Pour ce qui est du contenu, j’ai été autant séduite par le texte que par les illustrations. Ces dernières apportent une foule d’informations complémentaires qui permettent par exemple de situer les personnages dans la classe ou de saisir les non-dits… Texte et image s’enrichissent donc mutuellement.

Sophie LJ : C’est vrai que dans ces livres, on sent que le texte et l’illustration sont mis sur un pied d’égalité. Personnellement je suis un peu plus sensible aux illustrations. De manière générale, en BD/romans graphiques, c’est l’image qui retient plus facilement mon attention.

Bouma : Quand je lis ce type d’ouvrage, je fais souvent deux lectures : une du texte d’abord puis je reviens sur les illustrations dans un second temps. Si le tout est bien fait, je ne peux comprendre l’histoire qu’après ces deux lectures et c’est le cas de Rouge Tagada et Mots rumeurs, mots cutter. Alors pour moi impossible de dissocier les deux.

Solectrice : Très attirée par les images aussi – univers ado-fanzine, et beaucoup de détails -, j’ai trouvé que les paroles s’y adaptaient bien par leur vivacité et leur légèreté.

Nathan : Et ces deux écritures si différentes, elles ont provoqué quoi ? La douce et vivace complexité des émotions que j’ai ressenties en lisant ces deux bandes-dessinées me semble réellement riche…

Vous pouvez me citer trois émotions que vous avez vous-mêmes ressenties à la lecture des deux ouvrages ?

Céline du flacon : Trois émotions… Pas simple comme question. Peut-être de l’attendrissement, de la colère impuissante et de l’espoir. De manière générale, ces jeunes qui se construisent et affrontent les aléas de la vie me touchent en plein cœur. Pas tous les jours simples d’être un ado ! On aimerait pouvoir encore les protéger mais on sait que ce n’est pas (plus) possible.

Mots rumeurs, mots cutter m’a renvoyé en pleine face cette cruelle mécanique du harcèlement qui part d’un rien, se met en marche tel un rouleau compresseur et qu’on peine à stopper… Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai appris qu’on avait volé les lunettes d’une élève de la classe où je suis titulaire. Troisième mésaventure après le vol de ses chaussures puis de son sac de piscine. Ne pas pouvoir régler le problème me frustre au plus haut point. Heureusement, je veux toujours croire en des lendemains meilleurs. Et ces titres vont dans ce sens : il y a toujours quelque part une petite voix qui écoute, une main qui se tend, un geste d’apaisement et d’amitié…

Bouma : Pas facile effectivement de répondre à cette question. Pour moi, il y a eu la joie avec Rouge Tagada qui est un hymne à l’amour. Puis la tristesse avec Mots rumeurs face à ce qui est malheureusement une réalité. Et entre les deux l’émerveillement de découvrir un duo qui fonctionne bien et qui apporte jeunesse et vitalité à des sujets difficiles.

Solectrice : J’ai également éprouvé de l’angoisse aux côtés de la jeune narratrice (surtout dans Mots rumeurs, mots cutter). De la colère, face aux réactions des soi-disant amies qui s’éloignent ou qui blessent impunément. Du désarroi, comme enseignante (on ne voit pas tout, on découvre tard, on ne sait comment faire face). Du soulagement enfin.  Je partage l’espoir de Céline en un lendemain serein, où chaque adolescent puisse trouver sa place dans ce monde parfois cruel et connaître des amitiés sincères par-delà les différences. Puisse ce livre dire la douleur d’être exclu et donner envie d’aller vers l’autre !

Sophie LJ : Tout est dit là, empathie, inquiétude, et puis l’émerveillement, en effet, pour ce bel objet.

Collectif - Bulles et bluesNathan : Le prochain album sort début février et aura pour personnage central ce personnage qui, justement, à la fin de Mots rumeurs, mots cutter, apporte l’espoir et l’amitié. En quelques mots, qu’en attendez-vous ?

Solectrice : La couverture et le titre semblent annoncer plus de noirceur… J’aime l’idée de tirer le fil de ces histoires croisées et de démêler, sans doute, des histoires de lecteurs par des dialogues justes et des dessins tendres. Comme j’ai apprécié le regard porté sur ce monde adolescent, j’ai hâte de découvrir l’histoire de cet autre personnage.

Sophie LJ : Je suis impatiente de découvrir cette nouvelle histoire avec un autre personnage de la classe et surtout un autre sujet que j’espère tout aussi émouvant et actuel.

Bouma : Je n’avais pas fait de rapprochement particulier entre les deux premières histoires. Ce sera donc l’occasion pour moi de découvrir ce nouveau titre (et de relire les anciens) sous un nouveau jour. Impatiente en tout cas !

Céline du flacon : J’adore l’idée de ces destins croisés. A chaque nouveau tome, les auteures apportent une petite pièce à un tableau qui dépasse l’individu. Ainsi, je trouve qu’elles nous rappellent que nous faisons partie d’un tout ! Ça casse notre vision plutôt nombriliste et ça, c’est très chouette ! Hâte donc de découvrir ce troisième titre !

Merci à Bouma, Céline, Solectrice et Sophie qui ont mené ce débat avec sensibilité et qui nous montrent bien que ces deux albums, quel que soit notre âge, quel que soit notre parcours de vie, arrivent par leurs mots et leurs traits, à nous toucher profondément, différemment et intensément.

Une interview des deux auteures par Nathan.

Nos avis sur Rouge Tagada:

  • « Elles posent sur cette marmite de sentiments en ébullition un regard à la fois tendre et sans concession.  Non, ce n’est pas simple d’être adolescent ! » Céline
  • « Le duo de Charlotte Bousquet au texte et Stéphanie Rubini aux illustrations fonctionnent à merveille. » Sophie
  • « Je me suis pris une vraie claque avec ce livre simple, juste et très fort. » Bouma
  • « Ce roman graphique propose une grande palette d’émotions, de beauté et de justesse. Une réussite. Un coup de cœur qui a su m’accompagner … » Nathan

Nos avis sur Mots rumeurs, mots cutter:

  • « Voilà donc une deuxième histoire tout aussi convaincante que la première. » Sophie
  • « Sans jamais tomber dans le sordide, les deux auteurs, Charlotte Bousquet pour le texte et Stéphanie Rubini pour le dessin, décortiquent toute la mécanique du harcèlement scolaire. » Céline
  • « Une lecture fluide et accrocheuse qui vous restera longtemps dans la tête. » Bouma
  • « On ne sait plus finalement où commence l’une, où commence l’autre, les deux auteures unissent leurs deux arts pour n’en faire qu’un et c’est brillant, poignant, sans jamais oublier de rappeler au lecteur que même dans les pires moments, il y a l’espoir.  » Nathan

Tant que nous sommes vivants

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Anne-Laure Bondoux, Gallimard jeunesse

Une fin d’année qui s’achève…

Dans quelques jours, l’aube d’une nouvelle…

Nous savons ce que la première nous a réservé : son lot de joies, de peines, de petits et grands bonheurs, pas seulement à notre échelle, mais aussi toutes ces catastrophes dans le monde, les guerres, les maladies, le terrorisme, les éléments déchaînés,…

Une nouvelle année pointe le bout de son nez : que va-t-elle nous réserver ?

Mais « Tant que nous sommes vivants », il y a toujours de l’espoir, il y a toujours de l’amour…et la vie recommence…

Un roman époustouflant qui nous a tous séduits, autant que son auteure, Anne-Laure Bondoux, pour sa simplicité, sa gentillesse et son sourire si lumineux…malgré les zones d’ombre de sa vie (Nous vous invitons à lire « L’autre moitié de moi-même » chez Bayard).

En voici donc notre échange à cinq, vivant et palpitant, que nous avons mené à deux.

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Pépita : Il y a toujours un élément de départ qui fait qu’on a envie d’ouvrir un livre et de le lire…Concernant ce roman, quel a été le tout premier élément déclencheur, cette sorte d’élan irrépressible qui nous fait aller vers ces pages et pas d’autres à ce moment-là ?

Carole 3 étoiles : Une fois n’est pas coutume, je l’ai vu passer sur les réseaux sociaux et c’est précisément la couverture qui m’a attirée de suite. Je n’ai pas lu vos chroniques pour ne pas connaître le sujet, et je ne regrette pas : c’est le genre de roman qu’on laisse nous emporter les yeux fermés !

Nathan : Je venais de passer mon épreuve de bac de théâtre. Il ne me restait qu’un entretien oral le lendemain. Et quand je suis rentré chez moi, j’ai trouvé ce roman dans ma boîte aux lettres. La couverture non définitive pourtant déjà magnifique. Le résumé intriguant. La superbe et touchante lettre de l’auteure l’accompagnant. Alors j’ai révisé, mais le soir, j’ai craqué, j’ai lu quelques chapitres. Et une fois le bac définitivement terminé, j’ai dévoré le roman. Et mes espoirs n’ont pas été déçus …

Colette : Et bien c’est VOUS, jardiniers du grand arbre, qui m’en avez donné envie ! Vos petites phrases si laudatives sur ce roman glanées de ci de là m’ont vraiment intriguée et le hasard a voulu que ma collègue documentaliste, sous la pile de ses derniers achats, cachait ce trésor ! La magnifique couverture en papier découpé d’Hélène Druvert m’a complètement séduite !

Pépita : J’ai lu cette auteure pour la première fois en 2009 avec « Le temps des miracles » alors que je venais de me spécialiser comme bibliothécaire jeunesse. Et quelle rencontre ! J’ai lu ses autres romans depuis, j’ai été très attristée par sa panne d’écriture alors quelle joie de voir un nouveau roman sortir !

Pépita : Si vous deviez en un seul mot définir ce roman, quel serait-il ? Vous est-il possible de le développer ?

Nathan : Je dirais universel. Parce qu’il a cette profondeur des contes qui touche n’importe qui, parce qu’il a une dimension mythique, une dimension biblique, une dimension intemporelle qui le rapporte à tous les temps, tous les lieux, et il a cette sensibilité qui ne se destine pas seulement aux enfants ou aux adolescents mais à nous tous, lecteurs, parce que nous sommes humains.

Colette : C’est très beau ce que tu dis de ce roman, Nathan. Je dirai « étrange » quant à moi. Parce que tout y avait goût d’ailleurs : les peuples, la ville, la nature, les rêves et même l’amour… En plongeant dans ce récit, je suis tombé dans un pays des merveilles dont je n’arrivais pas à dessiner les contours, parce que tout m’y surprenait. J’ai adoré cette sensation !

Pépita : Je vous rejoins tous les deux. Je dirais « Métamorphose » : car le chemin de la vie nous transforme, nous construit, nous défait parfois comme pour mieux renaître. Tout comme les personnages de ce roman et comme la forge de Bo, lieu de toutes les transformations de la matière.

Céline du Tiroir : Envoûtant : pour cet ailleurs qui nous semblerait presque familier, pour cette révolution sourde qui gronde aussi au fond de nous, pour cet amour si pur, pour ces rencontres inoubliables, pour ce merveilleux, à la lisière du réel. Il y a dans Tant que nous sommes vivants un décor qui intrigue et une énergie qui nous happe, dés les premières lignes, et sans s’essouffler.

Carole 3 étoiles :  Complètement d’accord avec vous….et le mot qui me vient, c’est Alchimie… littéraire, celle qui consiste à transformer une histoire simple en fiction poétique. Car on ne peut faire l’impasse sur le style de l’auteure : une langue maîtrisée, un vocabulaire universel et symbolique, une syntaxe et une ponctuation cohérentes. En un mot un roman qui tire ses jeunes lecteurs vers le haut et leur ouvre, selon moi, les portes de la Grande Littérature.

Nathan : Même si on prendrait plaisir à discuter simplement du roman, à s’échanger nos impressions profondément surprenantes, comme l’a si bien remarqué Colette, j’ai aussi envie de situer un peu mieux les choses pour nos lecteurs. Vous parlez d’ailleurs, vous parlez de merveilles. Si on parlait un peu de ce décor et du temps de l’histoire ?

Céline du Tiroir : Le décor est changeant… comme le temps de l’histoire est un peu flou, d’ailleurs. Au début du roman, on pourrait être sous le Second Empire de Zola comme dans un futur bien sombre, mais on y retrouve un monde ouvrier intemporel, à la fois dans la dureté de ses conditions de vie, dans son côté « condamné », et dans l’intensité des relations humaines. Le début de la lecture m’a intriguée, je cherchais justement à situer, reconnaitre ce cadre spatio-temporel, avant de comprendre que le roman dépassait ces cadres, et qu’on était aussi quelque part dans l’étrange et le merveilleux.

Colette : Une ville ouvrière, une forêt, des souterrains, un village de pêcheurs, une sorte de XIXe siècle en dehors des frises chronologiques… Un décor d’ombres chinoises, mouvant, en perpétuelle métamorphose pour reprendre le terme de Pépita… L’auteure ne semble pas avoir voulu fixer de cadres précis, cadres qui l’auraient sans doute privée de liberté dans la progression de sa narration.

Pépita : Je n’ai pas du tout cherché à situer l’histoire, je me suis laissée porter par ce style si envoûtant, par cette belle rencontre amoureuse si incongrue dans cet univers métallique gris fait de bruits et de poussière. Puis par les antagonismes des mots posés pour chaque chapitre, qui à chaque fois donnent à entrer dans un univers différent et cohérent. A l’image de la couverture : le clair et l’obscur, les ombres et la lumière, le cheminement sur le chemin de la vie si bien incarné par Bo et Hama. Donner à cette histoire un cadre spatio-temporel trop fermé lui aurait enlevé toute son universalité. Car c’est de l’Homme dont il est question dans ces pages, avec ses antagonismes.

Carole 3 étoiles : C’est exactement ça ! Ne pas fixer l’intrigue dans un cadre temporel précis pour en extraire l’intemporalité, et donc l’universalité. Toutefois, si on analyse les unités de temps et de lieu, on constate une jolie boucle : Tsell et Vigg marchent sur les pas de Bo et Hama, et refaire le chemin en arrière pour mieux aller de l’avant. Cela est simplement le cycle de la vie, non ? D’ailleurs, un conseil précieux est prononcé par l’un des petits membres de la Communauté de la forêt « Si tu ne sais pas où tu dois aller, cherche d’où tu viens »… Que de jolis mots dans ces pages !

 Pépita : Ce roman est traversé par des personnages uniques et irréels. On les suit pour certains d’entre eux à ce qui s’apparente à un chemin initiatique. Lesquels vous ont-le plus touché ? Qu’auriez-vous à en dire ? Vos impressions ?

Colette : Je ne sais pas pourquoi mais c’est le personnage de Bo qui m’a le plus envoûtée. A cause du théâtre d’ombres, peut-être, de ce magnifique cadeau d’amour terriblement gâché par la bêtise et l’obscurantisme. J’ai vibré avec lui quand il attendait Hama, qu’il transcendait son absence en tissant sa toile de métal, j’ai vibré avec lui quand il a découvert son message après la catastrophe, j’ai vibré avec lui quand il l’a enfin retrouvée et qu’il lui a raconté son histoire, enfin, une histoire qui allait se transmettre même contre son gré. Et puis après leur voyage jusqu’à la mer, je ne l’ai plus reconnu, comme cela arrive parfois même avec des amis très chers…

Pépita : Tout comme toi Colette, Bo m’a beaucoup bouleversée : cet amour inconditionnel pour Hama, sa volonté de fer pour vivre, pour être à la hauteur d’Hama. Et puis la déchéance, l’amertume, oui, dans tout cela aussi je ne l’ai pas reconnu. Hama est tellement intransigeante ! Tsell, je l’ai moins bien perçue. J’ai été absolument sous le charme des passages avec les petits hommes troglodytes : quelle bienveillance ! Quelle philosophie ! Quelle solidarité ! Et quel défaitisme par rapport à leur condition, acceptée comme telle. Ce que ne supporte pas Hama finalement. On peut comprendre aussi son traumatisme qui la rend dure avec les autres et elle-même. C’est ce qui est intéressant dans ce roman : c’est la métamorphose des êtres et la continuité de la vie malgré tout.

Nathan : Il est difficile de n’en citer qu’un. Bien sûr Bo m’a touché dans l’énergie et la force qu’il met à sauver Hama. Bien sûr cette dernière est bouleversante dans sa quête d’équilibre, malgré ce qu’elle a perdu, malgré la vie. Bien sûr Tsell et Vigg sont-ils attachants dans leur fougue et leur amour. Bien sûr les petits hommes troglodytes sont amusants et adorables et d’une sagesse remarquable. Mais il y a aussi tous ces personnages secondaires dont, des mois plus tard, j’ai oublié les noms, et Melchior me revient, qui apportent chacun leur touche, leur voix, leur conseil, leur pierre, leur expérience, leur vie. Il y a avant toute chose la danse de ces vies qui sont perdues dans un rythme effréné où toute chorégraphie est illusoire. C’est pour cela qu’elle est magnifique et authentique.

Carole 3 étoiles : En ce qui concerne les personnages, le roman est si dense qu’il est difficile d’en choisir un en particulier ! Hama et Bo m’ont touchées autant dans leur faiblesse que dans leur force, et leur amour aussi. Tsell est la somme de ces deux derniers et on le ressent. Les personnages plus secondaires ont tous aussi un rôle : toutes les rencontres éclairent les personnages, et les mettent en perspective. Ils sont tous nécessaires me semble-t-il. Enfin, il y a un autre personnage, plus discret mais qui sert de fil rouge au récit : le désir. Le désir d’aimer, le désir de survivre, le désir de réparer, le désir de savoir. Pour moi, c’est le moteur du roman. Sans lui, plus de lumière, plus d’audace, plus de vie.

Céline du Tiroir : J’ai été touchée par les mêmes personnages que vous et pour les mêmes raisons. Alors du coup pour ne pas tout répéter, je voudrais parler aussi de Titine-Grosses-pattes, la tenancière estropiée du cabaret, avec son passé douloureux et sa gouaille. Elle pourrait sortir tout droit d’un roman de Zola comme d’un film de Jeunet. Haute en couleur, un peu cabossée, c’est une figure maternelle et guerrière à la fois. Un personnage secondaire très réussi aussi.

Pépita : Ce roman est aussi rempli d’éléments naturels : métal, végétal, eau…et surtout le feu. Une belle alchimie. Quelle(s) symbolique(s) représentent-ils pour vous ? A votre avis, comment ces éléments servent-ils l’histoire ?

Céline du Tiroir : J’ai aimé aussi tous ces éléments, même si je ne saurais dire s’ils ont vraiment toujours une fonction dans le récit. Mais c’est sûr, le métal, la pierre, le feu participent à construire un décor puissant et marquant. Par contre, j’ai été très touchée par la symbolique de la forge et ce regard sur l’oeuvre de l’homme : dans des conditions extrêmes, réussir à changer les matières premières pour en faire des objets uniques : un théâtre d’ombres (magnifique, cette idée !!!), des mains articulées, une armure pour Tsell…

Nathan : C’est vrai que les éléments ont une place très importante, mais nul doute que c’est le feu qui m’a véritablement marqué. Le théâtre d’ombres oui, parce que l’ombre et la lumière. La forge, parce que nous nous créons. Et cette image continue du feu, cette flamme qui anime les personnages, l’espoir qui les fait vivre, l’amour qui les brûle, la colère qui les enflamme, la passion qui les traverse, la vie qui jaillit, tout simplement.

« Mais cela suffit à nous rappeler une chose essentielle: le feu qui brûlait dans le ventre de nos fourneaux brûlait encore dans nos veines. »

Pépita : Tout comme vous, j’ai été profondément marquée à la lecture de ce roman par les éléments. Ils rejoignent mon propos du début : la métamorphose. Ils ont une fonction symbolique extrêmement forte. Chaque personnage endosse un élément à sa mesure correspondant à son propre chemin initiatique, à ce qu’il a à résoudre sur lui-même. J’ai aussi aimé cet aspect selon lequel la nature nous domine et combien il est ardu de la domestiquer. Et j’ai trouvé aussi que faire quelque chose de ses mains est tellement créateur et salvateur ! Regardez Bo : il se réalise et cherche la perfection au point de se perdre…Et puis la forge est pour moi indissociable de mon grand-père qui était forgeron. J’ai eu la chance de le voir travailler, de le voir s’occuper des chevaux de trait. Quelle science ! Quelle patience ! Quelle bienveillance ! J’entends encore le bruit du soufflet, les coups de marteau précis sur la matière rougeoyante, l’odeur si caractéristique. C’est un roman splendide sur la création, et comme le dit Nathan sur l’ombre et la lumière qu’elle comporte inévitablement. J’ai aimé ce souffle de vie. Infiniment. Car il rejoint le désir dont parle Carole.

Carole 3 étoiles : Tout à fait d’accord avec vous concernant les éléments, et principalement le feu qui pour moi symbolise le désir…

 Nathan : On l’a dit, Tant que nous sommes vivants c’est la beauté des mots dits dans l’encre et le papier, c’est le conte qu’on se raconte au coin du feu, c’est un style envoûtant. Et je ne doute pas une seule seconde que nous retenons tous cette phrase, essentielle, centrale, qui a sans doute su nous toucher chacun à un endroit de nous: « Tu crois qu’il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue ? » Et si vous deviez retenir une autre citation que celle-ci, une seule, dites-moi ce serait laquelle …

Pépita : Je ne retiens que cette citation en fait. Elle a tellement trouvé un écho en moi qu’elle m’habite toujours depuis.

Colette : Idem… C’est comme un refrain lancinant, une sorte de mélopée qui habite le texte du début à la fin, une prière désespérée qui finit par envahir le lecteur autant que les personnages.

Carole 3 étoiles : Les mots qui m’ont bouleversée sont ceux-là :   » Elle resta immobile devant lui, toute petite et tremblante, comprenant qu’il n’avait pas l’intention de disparaître de sa vie. C’était une étrange sensation pour elle qui avait été abandonnée par sa mère du jour au lendemain. Cela supposait qu’elle lui fasse entièrement confiance. C’était un risque qu’elle n’avait jamais pris avec personne. »

Nathan : Et moi je retiens l’espoir : «Ils virent quarante fois le soleil se coucher. Et les quarante levers de soleil furent autant de raisons d’espérer.»

Un roman au souffle unique qui nous permet de finir cette année en beauté…

Si vous ne l’avez pas encore lu, 2015 vous tend les bras…

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En attendant, vous pouvez aller écouter le podcast de la rencontre avec Anne-Laure Bondoux qui a eu lieu à Mollat le 22 Novembre dernier. C’était un beau moment, tout en intimité, avec quelques lecteurs et une libraire passionnée.

Il y a été question du temps qui passe, des choses qui changent, de ces parts de soi-même qu’on égare d’année en année. Il y a été question d’inspiration, d’écriture, de recherches et du don de soi. Il y a été question du désir, de ce feu qui nous brûle, de la vie qui nous pousse en avant vers ce feu d’espérances. Il y a été question de lecture aussi, d’un peu de cinéma, du passé, du futur, de la famille, des secrets, des histoires, des souvenirs, des racines.

C’était un beau moment, une belle rencontre, touchante et fébrile et profonde, comme son roman.

Le blog d’Anne-Laure Bondoux par ici.

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Pour aller plus loin, nos liens :

Carole-3 étoiles

Nathan-Le cahier de lecture de Nathan

Pépita-Méli-Mélo de livres

Céline-Le tiroir à histoires

Rappelons-nous

Quand on va sur mon blog et qu’on cherche le mot-clé « guerre », on ne trouve rien d’autre (presque) que des articles sur des romans traitant de la seconde guerre mondiale. On peut tout juste noter la présence du superbe  Vango, ce personnage qui prend vie à la fin de la première guerre mondiale et dont l’histoire se situe dans cette période entre-deux guerres, qui subit les conséquences de la première et les prémices de la seconde. Quand je m’imprègne de mon histoire familiale, il en est peu question. Je ne connais pas réellement cette histoire … mais mes grands-parents sont plutôt nés à l’aube de la seconde guerre mondiale que de la première. Pour moi, et pour nous lycéens et étudiants notamment, la première guerre mondiale n’est qu’un conflit lointain, dont on a entendu parler par les livres d’histoire, éventuellement par des romans, par les commémorations, encore faut-il qu’on s’y soit intéressé.

Alors il m’est difficile de venir parler, en tant que jeune membre d’A l’ombre du grand arbre, du haut de la branche de mes 17 ans, de cet évènement historique sans précédent. Car s’il m’est lointain, il ne me laisse pour autant pas indifférent.

Qui n’est pas choqué devant les photos, touché par les récits, bouleversé par les conséquences, alarmé par la puissance du conflit qui a commencé à prouver de quoi l’Homme est capable au summum de sa rage ?

Il y a tout ça bien sûr.

Mais il y a ce sentiment bien plus profond, moins facile à cerner, et incroyablement enraciné aux fibres de mon être -nos êtres- les plus enfouies sous ma peau et mon esprit … c’est ce sentiment là que je vais tenter, brièvement, maladroitement, de décrire.

Dans ce sentiment, il y a quelques battements de cœur patriotiques. La fierté d’un pays qui s’est battu mais surtout celle pour tous ces soldats qui ont sacrifié leur vie.

Il y a les yeux grand ouverts d’admiration pour leur courage, même s’ils n’ont pas tous eu le choix. Même si il y a eu la lâcheté, la cruauté, la faiblesse. On pardonne.

Il y a, ténu, maladroit, profond, l’amour. Celui de l’humain. Ce fil tendu entre tous les hommes qu’on appelle solidarité, compassion, ou amour. Aimez-votre prochain, mais aimez aussi votre ancien.

Il y a, aux pieds mêmes de cet ensemble, la mémoire. Celle qu’on ravive tous les ans, plusieurs fois par an, à chaque cours d’histoire, à chaque cérémonie commémorative, et à partir de 2014 très souvent jusqu’en 2018. La mémoire collective. Rappelons-nous les morts, mais aussi les vivants, rappelons-nous les combattants, mais aussi les femmes et les hommes qui sont restés à l’arrière et ont combattu, à leur façon, rappelons-nous le courage, la force, la solidarité, mais rappelons-nous aussi la cruauté, la haine, l’horreur. N’oublions rien de tout ça, servons-nous en pour nous améliorer, pour se souvenir où la cruauté peut mener, pour croire que le monde peut être meilleur, pour espérer, pour vivre. Pour grandir.

Cette guerre est lointaine et bouleversante. Mais elle vit là, au fond de nos consciences et de nos cœurs, il suffit de savoir raviver les braises de ces souvenirs. Pour tenter de bien faire et croire et espérer.

C’était le message sensiblement incertain mais puissamment profond d’un adolescent de 17 ans qui vous laisse entre les mains d’artistes confirmés.

Celles de Cali, qui chante une superbe chanson d’espoir : 1000 cœurs debout.

Celles de quelques grands auteurs de la littérature jeunesse, dont Michael Morpurgo et mon préféré, Timothée de Fombelle, qui ont participé à un recueil de nouvelles, dont j’aurais dû vous parler mais que je n’ai pas eu le temps de lire. Il est magnifique, il n’est paru qu’en anglais, et il s’appelle An Anthology of Stories Inspired by Objects from the First World War.

Pour conclure, quelques photos de ce bijou éditorial anglais …

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