Billet d’été : A la découverte de l’Amazonie

Cette année, les arbronautes ont envie de vous emmener en voyage !

Les séjours en littératures ont le grand avantage d’être peu couteux, tant économiquement qu’écologiquement. Cela nous laisse donc la possibilité de vous proposer des destinations lointaines, voire même imaginaires.

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C’est Lucie qui inaugure le carnet de voyage du Grand arbre en vous proposant quelques livres pour partir à la découverte de l’Amazonie.

L’Amazonie, pour l’Etat brésilien, c’est le bassin versant de l’Amazone. Soit une immense région de 6,1 millions de km² qui renferme 40% des forêts tropicales de la planète, tout en incluant d’autres écosystèmes : en amont, la haute montagne où pas un arbre ne pousse ; près des cours d’eau, de vastes prairies inondables ; le long de l’Atlantique, une impénétrable mangrove, et au sud, les vastes savanes arborés du Cerrado, déjà en grande partie transformées en culture de soja.

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

Pour mieux connaître la région et ses spécificités, l’idéal est de commencer par la lecture d’un documentaire. L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart a le mérite d’aborder tous les aspects du fleuves, que ce soit son histoire, sa géographie, la faune, la flore, mais aussi les traditions des peuples qui vivent sur ses rives. Un peu à la manière d’un guide de voyage, une présentation riche qui donne les clés de la régions.

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

Son avis complet ICI.

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Une fois les éléments concrets découverts, partons pour une aventure trépidante comme sait si bien en écrire Davide Morosinotto ! La fleur perdue du Chaman de K appartient à la trilogie des romans-fleuve dont nous avons déjà parlé lors d’une lecture commune. S’il commence dans les Andes, une grande partie prend place en Amazonie et utilise à plein sa culture et ses mystères.
En plus de nous replonger dans les années 80 et de jouer sur la typographie, l’auteur nous entraine dans une quête passionnante aux côtés de Laila et de El Rato. Un incontournable !

La fleur perdue du chaman de K, Davide Morosinotto, L’école des loisirs, 2021.

Les avis d’Isabelle, de Linda et de Lucie.

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Avec La sentinelle, Claire Clément choisit de mettre en lumière un fait peu connu des habitants de métropole : en Guyane française, le taux de suicide des collégiens est dramatique. Ses deux héros sont issus d’un village du Haut Maroni, au cœur de la forêt amazonienne. Le collège étant trop éloigné de leur habitation, ils sont forcés de s’installer en ville dans une famille d’accueil le temps de poursuivre leurs études, et ne peuvent rentrer chez eux que lors des vacances. Cette situation, subie, entraine en déracinement et une perte de repères qui influe fortement sur leur moral. Le rôle des sentinelles est de prévenir les situations pouvant mener au drame.

La sentinelle de Claire Clément, illustrations de Alca, Editions du pourquoi pas, 2023.

L’avis complet de Lucie ICI.

La plupart des scientifiques, eux, nomment « Amazonie » la forêt tropicale humide d’Amérique du Sud. Sa superficie […] atteint 7,7 millions de kilomètres carrés, soit la surface de l’Australie !

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

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Enfin, c’est le mystérieux chamanisme (aussi présent dans La fleur perdue du chaman de K, comme son titre l’indique) qui est au cœur de L’enfant-jaguar d’Anne Sibran. Il faut laisser de côté son esprit rationnel et sa culture occidentale pour apprécier cet album aux illustrations envoutantes. Car, comme c’est la tradition dans sa famille, un enfant de huit ans est laissé un mois seul dans la forêt pour apprendre ses secrets et ses ressources.

L’enfant jaguar de Anne Sibran, illustrations de Benjamin Bachelier, Gallimard Jeunesse, 2022.

L’avis de Lucie.

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Nous espérons que cette première étape vous a plu. La semaine prochaine, Liraloin vous proposera un voyage intérieur !

Le prix ALODGA est de retour !

Pour fêter le onzième anniversaire du Grand Arbre, nous sommes heureuses de vous annoncer le retour du prix ALODGA !

Comme tous les ans, nous vous avons préparé une sélection de trois titres enthousiasmants dans chacune des six catégories : Belles Branches (roman ado) et Grandes Feuilles (roman jeunesse) ; Brindilles (album premier âge) et Petites feuilles (album pour « grands ») ; Branches dessinées (BD) et Racines (documentaires). Chaque semaine à partir d’aujourd’hui, nous vous présenterons les titres retenus dans deux catégories et nous vous invitons à voter pour votre favori. Nous commençons aujourd’hui avec les romans, pour vous laisser la possibilité de découvrir les titres qui vous intéresseraient d’ici la clôture des votes le vendredi 9 juin. À suivre la semaine prochaine avec nos sélections d’albums. D’ici là, bonnes lectures et à vos votes !

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Catégorie Grandes feuilles

Cette catégorie met en avant nos romans jeunesse préférés, triées sur le volet parmi nos lectures de 2022 !

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Vous avez aimé découvrir Jefferson ? Vous allez adorer la suite de ses aventures ! Suite sans l’être d’ailleurs, car les deux romans peuvent se lire indépendamment. Mais quel plaisir nous avons eu à retrouver ce charmant hérisson et ses compagnons Ballardeaux ! Pour cette nouvelle enquête, nous voici entraînés à la recherche de Simone, la lapine esseulée. Nous avons adoré raisonner par déduction avec les protagonistes, rire de leurs frasques, sillonner le pays des animaux, croiser des rappeuses sanglières féministes, une flopée de joueurs de rugby et de sacrés tartuffes. Aventure et humour sont au rendez-vous, mais aussi une réflexion pertinente sur la vulnérabilité des personnes seules. Le tout délicieusement enrobé dans la langue précise de Jean-Claude Mourlevat. Un formidable souffle d’air frais !

Jefferson fait de son mieux, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard Jeunesse, 2022.

Retrouvez les avis de Frédérique, Isabelle, Linda et Lucie.

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Si nous l’avons beaucoup aimé, nous avons eu du mal à classer Rosalie. Entre roman et album, il entre dans la catégorie des premiers romans et comporte de ce fait très peu de texte. Cela n’enlève évidemment rien à l’émotion qu’il nous a procurée : nous avons toutes eu un coup de cœur pour cette Méhari vert pomme, membre à part entière d’une famille en pleine reconstruction. L’énergie folle qui se dégage de la figure de la maman, portée par les illustrations vert et fuchsia nous ont séduites. Et nous avons toutes vérifié si l’on trouvait encore des Méharis. Saurez-vous résister à l’attrait de la route ?

Rosalie, Ninon Dufrénois, illustrations de Julien Martinière, Voce Verso, 2022.

Retrouvez les avis d’Isabelle, Linda et Lucie.

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Skandar est un peu le titre surprise de cette sélection. Ni la couverture ni les licornes ne nous attirait vraiment, et pourtant ! Le premier tome de cette série nous a convaincus. Les licornes sont bien loin des paillettes et des arc-en-ciel attendus : brutales, violentes elles sont particulièrement dangereuses. Mais Skandar rêve depuis toujours d’être sélectionné pour devenir Cavalier et monter sa propre licorne. Pour cela, il devra surmonter des épreuves, suivre des enseignements et se confronter aux autres. Un roman qui n’est pas sans rappeler l’univers d’Harry Potter. L’autrice a su, à sa manière, transposer dans son univers imaginaire des choses que les enfants et les ados reconnaîtront facilement : la quête de soi, les attentes des professeurs et des parents, la difficulté de prendre confiance en soi, la stigmatisation des minorités ou encore les dérives de la désinformation. Un roman addictif, truffé de rebondissements, drôle – de ceux que l’on dévore et que l’on fait découvrir aux copains et copines !

Skandar et le vol de la licorne, A. F. Steadman, Hachette, 2022.

Retrouvez les avis d’Isabelle, Linda et Lucie.

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A vous de jouer pour départager ces trois titres !

Quel est votre titre préféré dans la sélection "Grandes feuilles" ?

  • Rosalie, de Ninon Dufrénois, illustrations de Julien Martinière (Voce Verso) (60%, 73 Votes)
  • Jefferson fait de son mieux, de Jean-Claude Mourlevat (Gallimard Jeunesse) (37%, 45 Votes)
  • Skandar et le vol de la licorne, de A. F. Steadman (Hachette) (3%, 4 Votes)

Total Voters: 122

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Catégorie Belles branches

Cette catégorie célèbre nos romans ados préférés (à partir de 12 ans).

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Le jour des vacances de Noël, voilà Oscar envoyé sans plus de cérémonie chez une vieille tante londonienne qu’il n’a jamais vue. Ce ne sont pas tout à fait les vacances qu’il envisageait, d’autant que celle-ci lui a organisé un stage dans un musée ! Mais Oscar ne va pas tarder à découvrir que ce musée cache un secret des plus intriguants. Camille Guénot nous invite à un jeu de piste entre enquête dans le monde de l’art, fantastique et récit initiatique. Elle épingle avec humour les excès des artistes, multiplie les références et croque des personnages très attachants. Et quelle belle idée que de situer son intrigue à la National Gallery !

Oscar Goupil, A London Mystery, Camille Guénot, L’école des loisirs, 2022.

Retrouvez les avis d’Isabelle, Linda et Lucie.

Avec Ma petite bonne, Jean-François Chabas s’empare de la tradition de la kafala, cette forme d’esclavage moderne qui perdure dans certains pays du Moyen-Orient. L’excellente idée de l’auteur est de confier la narration de son histoire à une femme adulte se remémorant de son adolescence libanaise. Cela permet au lecteur à la fois d’être plongé dans le Liban des années 1990 et à la narratrice d’avoir pris suffisamment de recul pour dénoncer les traditions de son pays. Jean-François Chabas signe un titre sensible et percutant, qui interroge sur le pouvoir des hommes dans les sociétés patriarcales, sur la place des femmes et le rôle qu’elles ont à jouer dans leur émancipation, en commençant peut-être par regarder les autres femmes comme leurs égales.

Ma petite bonne, Jean-François Chabas, Talents Hauts, 2022.

Retrouvez les avis de Linda et Lucie.

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Attention, titre inclassable ! Pour bien faire, il aurait fallu créer une catégorie spécialement pour Aux filles du conte. Le texte de Thomas Scotto tient du manifeste et de la poésie en vers libres tandis que les illustrations de Frédérique Bertrand sont à la limite de l’abstraction.
Les auteurs nous poussent à nous interroger : si elles vivent dans de beaux chateaux, « se marient et ont beaucoup d’enfants », est-ce vraiment le souhait de ces jeunes filles ? Les références aux contes traditionnels sont subtiles et les montrent accablées d’injonctions, enfermées, malmenées. Nous avons aimé que les « filles du conte » prennent la plume et donnent (enfin !) leur point de vue, évoquent leurs rêves et leurs désirs.

Aux filles du conte, Thomas Scotto, illustrations de Frédérique Bertrand, Editions du pourquoi pas, 2022.

Retrouvez les avis d’Isabelle, Linda et Lucie.

A vous de jouer pour départager ces trois titres !

Quel est votre titre préféré dans la sélection "Belles Branches" ?

  • Oscar Goupil, A London Mystery, de Camille Guénot (L'école des loisirs) (57%, 117 Votes)
  • Aux filles du conte, de Thomas Scotto et Frédérique Bertrand (Éditions du Pourquoi Pas) (41%, 85 Votes)
  • Ma petite bonne, de Jean-François Chabas (Talents Hauts) (2%, 5 Votes)

Total Voters: 207

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Quel roman a votre préférence ? N’oubliez pas de voter dans chacune des catégories et de guetter l’annonce des lauréats le 12 juin !

Entretien avec Annelise Heurtier

Sous le Grand Arbre, nous apprécions beaucoup les romans d’Annelise Heurtier. Ils figurent d’ailleurs régulièrement dans nos coups de cœur ou nos sélections thématiques. Qu’elle nous fasse voyager dans le temps ou dans l’espace, les thématiques qu’elle aborde nous touchent. Et vous aussi, puisqu’elle a reçu le prix ALODGA 2019 catégorie « Belles branches » pour La fille d’Avril !
Aussi, c’est avec un immense plaisir que nous la voyons aujourd’hui répondre à nos questions.

Annelise Heurtier au salon du livre de Tahiti.

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Pensez-vous qu’il y a des impératifs particuliers ou des écueils à éviter lorsque l’on écrit pour la jeunesse ?

Je crois qu’il faut déjà distinguer deux types de littérature « jeunesse », celle qui s’adresse aux enfants et celle qui est destinée aux ados.
Dans le premier cas, mon processus d’écriture est moins spontané, moins fluide, car je dois m’adapter à mon lecteur. On n’écrit évidemment pas pour un enfant de 8 ans comme pour un ado de 15. Et je trouve d’ailleurs qu’il est bien plus délicat de s’adresser aux enfants (on pense à la fameuse phrase de Janusz Korczak). Il faut maintenir le niveau d’attention, utiliser un vocabulaire adapté – ce qui ne veut pas dire « simplifier », pour moi la lecture est un media essentiel pour enrichir le vocabulaire et la syntaxe – , rester dans l’action. Je crois qu’il est aussi essentiel de ne pas être trop abstrait tant que l’enfant n’a pas acquis la faculté correspondante (autour de 7 ans), sinon il passera complètement à côté.
Sur le fond, je ne pense pas qu’il existe de sujets vraiment interdits. Par contre, le traitement va être adapté. Mais tout est une question de bon sens.

Dans le cas de la littérature ado, je ne vois pas une grande différence avec la littérature générale, en tous cas au niveau de la forme. Après – mais là encore il s’agit d’une opinion personnelle – le seul impératif que je me fixe concerne le fond. Dans un roman pour ado, je crois qu’il faut toujours une dose d’espoir, quel que soit le sujet abordé. Par exemple, si j’avais écrit Refuges en littérature générale, peut-être qu’aucun de mes personnages n’aurait survécu à la traversée. En l’occurrence, dans le dernier chapitre, c’est un enfant à naitre dont on entend la voix, dans le ventre de sa mère.
Nous sommes nombreux, en tant qu’adultes, à être un peu désabusés par le monde dans lequel on vit, et/ou par nous-mêmes. Les ados auront bien le temps de s’en rendre compte, ne les pressons pas sur cette pente-là.

Refuges, Annelise Heurtier, Casterman, 2015.

Vos romans intègrent souvent des éléments historiques ou géographiques très précis. Ces éléments découlent-ils de l’histoire, ou l’intrigue peut-elle survenir de l’envie d’aborder un fait historique ou une région du monde ?

Plutôt la deuxième option ! En général, l’idée débute avec un fait (c’est le cas pour Des sauvages et des hommes, Le carnet rouge, Chère Fubuki Katana, La fille d’avril) ou une région du monde / une période en particulier (Là où naissent les nuages, Sweet Sixteen) qui m’interpellent en tant que personne. C’est toujours de cette façon que cela commence pour moi : une émotion.

Une fois l’émotion transformée en projet d’écriture, comment travaillez-vous sur de tels faits ? Laissez-vous libre cours à votre imagination ou vous appuyez-vous sur des recherches ?

Proposer ce genre de romans implique nécessairement un lourd travail de documentation, qu’il s’agisse de témoigner d’une histoire ayant vraiment eu lieu (Sweet Sixteen, Des sauvages et des hommes) ou de simplement de s’inspirer d’un endroit, d’un fait existant (par exemple les agences de location et les Burakumin du Japon pour Chère Fubuki Katana ou l’interdiction de faire de la course à pied pour les femmes des années 60 pour La fille d’avril).
Le deuxième cas est plus confortable que le premier, car il n’y a pas la crainte de trahir involontairement la réalité. Ce devoir d’honnêteté envers le lecteur est primordial pour moi, il faut que je puisse lui apporter l’assurance que les écarts romanesques que je prends ne sont finalement « qu’anecdotiques ». Ce que je veux pouvoir garantir, c’est que l’histoire aurait pu se dérouler de cette façon, car le contexte, les modes de pensées sont fidèles à la réalité. Au-delà de destinées particulières, je dépeins des époques, des modes de vie, des systèmes de pensée parfois très éloignés des nôtres, et ce sont précisément ces confrontations que je trouve intéressantes.
Cette phase de recherches peut durer jusqu’à plusieurs années et se base sur l’exploitation de ressources multiples : romans, essais, films, documentaires, carnet de voyage. Quand cela est possible je réalise des interviews. Cela s’apparente un peu à un travail de journaliste, finalement. Et cela me passionne !

Vos romans sur les « Little Rock Nine » ou les néocalédoniens exposés dans des zoos humains en France au XXe siècle adoptent la perspective de minorités auxquelles vous n’appartenez pas. Que pensez-vous des débats autour de l’idée d’appropriation culturelle ?

J’aime à penser que tous les avis sont légitimes tant qu’ils sont exprimés dans le respect, la bienveillance et la bonne foi, or j’ai l’impression que ce n’est pas toujours le cas. Cela m’attriste d’autant que je comprends et je respecte cette envie d’aller vers davantage de représentativité.
En ce qui concerne les deux romans que vous citez, j’ai pu lire quelques chroniques qui sont plus dans l’agression que dans la discussion et la progression. Et puis je relève parfois ce que je considère comme des non-sens.
On me reproche par exemple le « white-saviorism » dont feraient montre ces romans.
J’ai expliqué plus haut que je me fixe pour objectif de dépeindre une époque et un contexte avec le plus de fidélité possible. Or justement, pour ces deux romans, malheureusement, l’oppression et le système étaient tels que cela pouvait difficilement se passer autrement que comme je le décris. Les kanaks de Des sauvages et des hommes auraient difficilement pu s’en tirer seuls. Ils n’avaient aucune latitude d’action. On les a manipulés, on leur a fait peur, en leur rappelant qu’ils n’étaient pas citoyens et qu’ils n’avaient aucun droit. Et que s’ils protestaient de quelque façon que ce soit, ils couraient le risque d’être emprisonnés et de ne jamais revoir leur ile…Sans compter le fait que c’était la première fois qu’ils quittaient la Calédonie et qu’ils se retrouvaient propulsés dans cette immense capitale où tout leur était absolument étranger.  
Au final, je trouve que reprocher ce « white- saviorism » serait comme reprocher à un roman qui se déroule dans les années 50 d’être patriarcal…C’est à l’époque, à l’Histoire qu’on peut reprocher quelque chose. Pas aux romans qui le dénoncent.
 On m’accuse également d’ « empêcher les personnes concernées de parler ». Je n’empêche personne de s’exprimer sur quelque sujet que ce soit. Même si je le souhaitais, comment le pourrais-je ? Il y a de la place pour tout le monde. Tout le monde peut écrire et envoyer son manuscrit, d’autant qu’il existe aujourd’hui une réelle volonté de la part des éditeurs de donner la parole à des minorités sous-représentées.  
Par ailleurs, que signifie ce mot, « concerné » ?
Pour Sweet Sixteen, les seules personnes réellement concernées sont les Neuf de Little Rock, et certains ont écrit leur biographie. Il existe par ailleurs un très grand nombre de livres ou d’essais (en langue anglaise) sur le sujet. Je n’ai donc rien empêché du tout, et je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose que d’avoir voulu faire connaître cette histoire de ce coté de l’Atlantique. On a toujours à apprendre du passé, ne serait-ce que pour analyser le présent à la lumière de ce qui s’est produit avant.
Par ailleurs, cette notion d’être « concerné » ou pas me semble dangereuse. En compartimentant, en séparant, elle me semble recréer ce contre quoi elle veut lutter.
Tout cela me peine, car personnellement c’est en tant qu’être humain que je me sens concernée.
Je me sens concernée par ce qui ne tourne pas rond dans ce monde et je ne crois pas que quelque caractéristique que ce soit m’empêche d’être en empathie avec ceux qui souffrent. Je ne prétendrai jamais ressentir toutes ces souffrances car je ne les vis pas, mais j’ai le droit de dire qu’elles me font mal. Je suis consciente d’être privilégiée alors que je n’ai rien fait pour cela (connaissez vous la sublime chanson de Clarika, Tu l’as bien mérité ?) et ma manière à moi de lutter contre cette culpabilité est sûrement de faire ce que je peux, avec mes moyens à moi.
Je crois que si on veut défendre les minorités oppressées, il serait plus judicieux de s’attaquer aux oppresseurs… et pas à ceux qui essayent, imparfaitement ou maladroitement peut-être, de les défendre. A fortiori quand ces minorités n’ont même pas la possibilité de s’exprimer ! En attendant qu’elles le puissent, ou pour qu’elles le puissent un jour, il est sûrement heureux que d’autres les aident en faisant connaître ce qu’elles subissent.

Je finirai en évoquant deux beaux souvenirs.   
D’abord avec Des sauvages et des hommes. Lors d’un récent voyage en Polynésie, une jeune fille kanak est venue me voir pour me remercier de l’avoir écrit. Elle était touchée que quelqu’un s’intéresse à l’histoire de son peuple et dénonce ce que l’état colonial y a fait. Elle était également heureuse que l’on parle de son île de cette façon-là, en en montrant la richesse et la complexité de la culture.
Pour Sweet Sixteen ensuite. Il y a quelques années, une jeune fille a expliqué à la fin d’une rencontre scolaire que ce livre avait changé sa vie. Parce qu’elle avait grandi dans un milieu raciste et qu’elle, « naturellement », avait embrassé les idées de sa famille. Mais que ce roman avait fait voler en éclats ces certitudes. Et qu’elle savait que désormais, elle ne serait plus jamais raciste de toute sa vie.
N’est ce pas incroyable ? Si ce livre a pu changer le parcours d’une seule personne, je suis heureuse de l’avoir écrit.
Mais il est clair que ces accusations me peinent. Si je veux voir le côté positif, elles me permettent également d’apprendre en me faisant me poser des questions.

Vous avez également pris l’initiative d’adapter sous forme d’albums illustrés des textes classiques de Guy de Maupassant (La Parure) ou de Léon Tolstoï (Combien de terre faut-il à un homme ?) Quelle idée originale ! Comment vous est-elle venue ?

J’adore ce genre de littérature, surtout les romans et nouvelles réalistes du 19e. Je crois qu’aujourd’hui encore c’est la littérature que je préfère, et c’est peut-être la raison pour laquelle mes romans sont de facture assez classique.
Il y a quelques années, quand j’ai découvert Combien de terre faut-il à un homme, je me suis dit qu’il était trop dommage que l’objet- livre soit si austère (police minuscule, papier très fin, recueil comprenant beaucoup de nouvelles). J’ai donc pensé à l’adapter en album.
Deux ans plus tard, la même nouvelle est sortie en version BD, rayon littérature générale. Le succès a été fulgurant. Je me rappelle avoir été navrée du fait que dans les médias, les journalistes s’accordent tous à saluer l’auteur pour avoir eu l’idée géniale de sortir cette nouvelle de son triste habit… alors que nous l’avions fait 2 ou 3 ans auparavant. Mais c’est souvent ainsi, la littérature dite de jeunesse est encore trop méprisée, et peut-être encore davantage dans le milieu littéraire lui-même (mais cela change un peu !).

A propos de la littérature justement, nous serions très curieuses d’en savoir plus sur la manière dont vous travaillez concrètement. Avez-vous des rituels d’écriture ? Des horaires définis ? Travaillez-vous généralement sur un seul projet ou vous arrive-t-il d’en développer plusieurs en même temps ?

Je n’ai pas vraiment de rituel et je passe souvent de longs mois sans rien écrire. Je mène un seul projet de roman à la fois, entre les recherches documentaires et l’impact psychologique qu’ont les personnages sur moi, je ne peux pas faire autrement. Par contre, si les projets sont moins engageants (albums ou romans première lecture), je peux en mener plusieurs de front.
J’ai souvent l’impression que je suis moins productive que d’autres mais je ne me sens pas capable d’écrire davantage. Et j’ai besoin de faire d’autres activités, ce qui n’arrange pas ce syndrome de l’imposteur : du yoga, de la cuisine, de la course à pied…

Travaillez-vous avec un plan de votre roman ?

Je ne commence jamais à me lancer dans l’écriture si je n’ai pas l’architecture de mon texte. Ce n’est pas un plan détaillé, d’ailleurs souvent il n’est même pas rédigé, mais il faut qu’il existe dans ma tête. Je sais d’où je pars, je sais où je dois arriver, ce que je veux « résoudre », ce dont je veux parler. Je connais aussi la personnalité des protagonistes avant de commencer. Pour moi c’est indispensable, car à chaque fois que je dois commencer un nouveau roman, je suis très inquiète à l’idée de ne pas y parvenir. Avoir un fil conducteur est primordial, c’est une sorte de fil d’Ariane.

Peut-être est-ce grâce à ce fil d’Ariane, mais nous trouvons que vous avez toujours le ton juste entre le sujet abordé et la manière dont vous le traitez. Comment arrivez-vous à cet équilibre ?

Merci beaucoup ! Mais je n’en sais rien du tout 😊

Vous collaborez avec différents éditeurs. Savez-vous dès l’écriture que votre roman conviendra plus à l’un ou à l’autre ? Vous arrive-t-il de répondre à des commandes de leur part ?

C’est plutôt une question de genre, finalement. Par exemple, pour l’instant en tous cas, je ne vais pas publier des romans ado chez deux éditeurs différents. Au niveau des albums mes éditeurs sont en effet plus variés, même si j’essaie de limiter l’éparpillement. Par contre il est clair que certaines maisons ont des lignes éditoriales bien spécifiques, et que tous les textes ne conviennent pas à toutes. Je ne réponds pas souvent aux commandes, à part pour la presse. J’ai besoin d’être passionnée par un sujet pour m’en  emparer, d’avoir été émue ou puissamment interpellée. S’il ne vient pas de moi, c’est compliqué.

Lisez-vous les critiques de vos romans ? Êtes-vous plus attentive aux retours de la presse ou à ceux des lecteurs ?

Oui, je les lis, cela m’intéresse d’avoir les retours des lecteurs. Pour moi tous les avis sont légitimes, car on a tous des vécus, des personnalités, des goûts différents qui font que l’on va aimer un texte ou non. Et je trouve ce façonnage très intéressant.
Je ne prends jamais ombrage des avis négatifs, tant qu’ils ne sont pas de mauvaise foi et qu’ils se basent sur une lecture effective (il y a parfois des personnes qui commentent sans avoir lu le livre). A l’inverse, ils me font avancer sur mon propre chemin et ma connaissance de l’autre.

Avez-vous un droit de regard sur vos couvertures ?

Cela dépend des éditeurs. Certains vous y associent vraiment, d’autres moins ou même pas du tout. Je me souviens en particulier d’une couverture que je n’avais pas aimée, mais que je n’ai pas pu faire changer. C’est difficile à accepter, car la couverture est primordiale, c’est ce que l’on voit en premier de l’objet-livre… et quand elle ne vous semble pas adaptée à ce qu’il y a à l’intérieur, c’est un peu rageant et frustrant.
Il y a aussi les quatrièmes de couverture qui à elles seules peuvent faire plonger un roman ! Pour moi, ces aspects marketing ne sont pas vulgaires et j’aime en discuter avec les élèves que je rencontre. Ils sont toujours très intéressés quand je leur montre les couvertures de mes romans traduits. Elles nous permettent de nous interroger sur les différents choix éditoriaux qu’il est possible de faire et ce qu’ils révèlent d’une culture, par exemple.

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Un grand merci à Annelise Heurtier pour sa gentillesse et sa disponibilité ! Nous espérons vous avoir donné envie de (re)découvrir ses romans.
En attendant, vous pouvez retrouver son blog ICI et les différents articles où nous avons évoqué son travail LA.

Nos coups de coeur de mars !

Le printemps est là et nous sommes en plein rangement traditionnel de nos bibliothèques en vue du prix ALOGDA. Nous vous préparons une sélection aux petits oignons pour le mois de mai, mais avant cela il y aura le prix UNICEF (le mois suivant)… Bref de belles lectures en perspectives !

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C’est sur une suggestion d’Isabelle que Lucie a lu Le Monde extraordinaire de William Shakespeare. Ce documentaire présente aussi bien la vie de l’auteur que son œuvre et le contexte historique. Il fourmille d’informations passionnantes, souvent présentées avec humour, et les illustrations très colorées en font un livre que l’on a plaisir à consulter.

Le monde extraordinaire de William Shakespeare, Emma Roberts, Little Urban, 2022.

Les avis de Lucie et d’Isabelle.

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Encore une pépite d’Oliver Tallec ce mois-ci. Cet auteur-illustrateur a le chic de proposer des albums à plusieurs niveaux de lecture dont Lucie est très friande. Ici, il met en scène un mouton qui accède au pouvoir par hasard. Quelles décisions va-t-il prendre ? Sera-t-il un bon dirigeant ? Les illustrations amusent les petits, alors que la question de la légitimité du pouvoir et son utilisation font mouche auprès des plus grands.

Louis Ier Roi des moutons, Oliver Tallec, Actes sud junior, 2014.

L’avis de Lucie.

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Pour Liraloin c’est L’imagier des sens d’Anne Crausaz LE coup de cœur de ce mois, un imagier récompensé par le Prix Sorcière 2023 dans la catégorie Carrément Beau Mini.

« Ce qui nous entoure » : l’air, l’eau, la terre, le feu : cinq éléments que la nature nous offre à observer, sentir, goûter, toucher et expérimenter. Le plus évident est là, devant soi et il faut y prêter attention, s’imprégner d’une sensation de bien-être après l’effort ou simplement profiter du moment présent. Si on ne peut retenir l’air, on peut « l’écouter se faufiler entre les herbes ». Compter les gouttes de pluie, plonger les pieds dans l’eau glacée est aussi précieux que de sentir l’odeur de la terre mouillée, regarder des flammes une nuit d’été.

Anne Crausaz offre un moment où le temps se fige lorsqu’il est question d’un souvenir, d’une sensation un peu oubliée (Ha… nostalgie quand tu nous tiens…). Ici, on prend une grande respiration à chaque page tournée pour mieux profiter de cette nature généreuse. Les illustrations pleines pages sont une invitation à la poésie pour les yeux des jeunes lectrices et lecteurs. Des peintures qui font parler les familles du bonheur éprouvé le temps d’un bref instant figé dans l’éternel cycle du recommencement.

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C’est en réponse à une proposition de l’éditeur à ALODGA que Linda a découvert Des zombies dans la prairie, un roman déjanté qui prend place en Haute-Savoie en plein festival punk. Une attaque de marmottes-zombies se prépare orchestré depuis les enfers par Belzebuth himself . Porté par un ado sympathique, sa copine gendarmette et ses jumeaux de frangins, le roman déborde de références et d’humour qui nous entrainent dans un univers complètement loufoque qui s’achève sur un final à mourir de rire.

Des zombies dans la prairie de Chrysostome Gourio, Casterman, 2023.

L’avis complet de Linda.

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Dans un genre complètement différent, Linda a pris beaucoup de plaisir à lire un album documentaire original qui propose une découverte des sols géologiques au travers de la sédimentation ou de la datation des roches en partant d’un questionnement sur la présence d’une coquille d’huître en haut d’une montagne. Les informations claires et précises sont riches mais accessibles à tous et superbement illustrées pour plus de compréhension.

Un million d’huîtres au sommet de la montagne d’Alex Nogués & Miren Asiain Lora, éditions des Eléphants, 2022.

L’avis complet de Linda.

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Au mois de mars, dans la classe de Colette, on prépare L’Escale du livre. Et cette année, on a la chance de rencontrer Cécile Roumiguière ! Pour préparer ce moment, nous avons plongé ensemble dans l’album Le Fil de soie. On y entend les échanges entre Marie-Lou et sa grand-mère Mamilona, couturière professionnelle qui « pique et coud, et pique et coud » en chantant une ancienne chanson aux paroles étranges :

 » Sa me amala oro khelena… »

Marie-Lou soupçonne que sous ces paroles énigmatiques se cache un secret, un secret qu’elle voudrait tant connaître. Pour ses 10 ans, Mamilona lui offrira de la plus délicate des manières ce secret si longtemps gardé et que nous avons eu plaisir à déchiffrer au fil des illustrations tout en poésie de Delphine Jacquot.

Le Fil de soie, Cécile Roumiguière, Delphine Jacquot, Editions Thierry Magnier, 2013.

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Isabelle et son moussaillon de douze ans sont encore abasourdis par Spinder, un roman jeunesse très remarqué aux Pays-Bas et en Allemagne mais moins connu (pour l’instant) des lecteurs francophones. Un roman illustré qui se donne à lire comme le journal de Hidde qui nous raconte la guerre qui l’oppose à son frère. C’est atroce, une guerre – n’allez pas croire que c’est parce qu’elle concerne deux enfants qu’elle est moins terrible. Le jeune auteur Simon van der Geest compose magnifiquement la voix naïve et courageuse du narrateur, gagnée tour à tour par la colère et par une immense lucidité. Il ne faut pas une page pour qu’on soit suspendu à sa plume : comment les choses ont-elles pu dégénérer à ce point ? Quel est ce secret qui envenime la famille du narrateur ? Et surtout, que venons-nous faire là-dedans et quel rôle sommes-nous amenés à jouer ? Impossible de ne pas s’attacher à au garçon singulier qu’est Hidde, avec son approche systématique des choses et des gens, sa passion sans bornes pour les insectes et ses manières bien à lui de résister. La mise en scène est impeccable, le ton parfaitement juste entre gravité et quelque chose d’un peu décalé, à l’image des parallèles savoureux que Hidde fait sans cesse entre le monde des humains et celui des arthropodes. À découvrir absolument, ainsi que le tout nouveau roman de Simon van der Geest : Comment j’ai disparu dans la jungle !

SPINDER : Van der Geest, Simon, Rogaar, Karst-Janneke, Lomré, Maurice:  Amazon.de: Bücher
Spinder, de Simon van der Geest, Joie de Lire, 2018.

L’avis d’Isabelle

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Et en album, l’équipage de L’île aux trésors a craqué pour un objet livre pharaonique ! En soulevant sa couverture épaisse, on ouvre la porte d’un autre monde. La mise en scène est somptueuse : deuxième de couverture ornée de hiéroglyphes, papier lourd comme du papyrus, pages bordées d’élégants carreaux de mosaïques… Ce documentaire nous entraîne à la découverte de l’Égypte antique en prenant pour fil conducteur une quarantaine d’objets emblématiques : cercueils d’Hénouttaouy, buste de Néfertiti, momie de chat, trône royal, etc. Chacun est présenté sur une double-page magnifiquement illustrée. Ces pages montrent très bien comment les fouilles archéologiques permettent de reconstituer le fonctionnement d’une société ancienne : divinités et croyances relatives à l’au-delà, habitations et jardins, agriculture et préparation du pain, rôle des scribes, jeux, rapport à la musique ou aux animaux domestiques. Outre une mine d’information mirifiques, ces pages célèbrent la grâce la grâce émouvante de ces objets millénaires. Un régal pour les yeux et l’esprit !

Le Livre extraordinaire de l'Egypte antique - relié - Eugénia Nobati,  Steele Philip - Achat Livre | fnac
Le livre extraordinaire de l’Egypte antique, de Philip Steele, illustré par Eugenia Nobati (Little Urban, 2022)

L’avis d’Isabelle

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Premiers printemps. Anne CRAUSAZ. MeMo, 2010

Blandine a d’abord craqué pour cette couverture délicate et pleine de fraicheur avant d’être emportée par les mots poésie d’Anne Crausaz. Au fil d’une année, nous suivons une fillette qui profite des bienfaits et émerveillements de chaque saison, par le prisme des cinq sens: odorat, ouïe, toucher, goût et vue. Son initiation fait nos souvenirs. C’est un album que l’on découvre et referme le sourire aux lèvres. Tout simplement.

L’avis complet de Blandine ICI

Et vous ? Avez-vous fait de belles trouvailles en ce joli mois de mars ?

Adaptation du Petit Nicolas

La série du Petit Nicolas créée par Goscinny et Sempé sent bon l’enfance et les années 60. Elle fait partie de ces classiques tellement iconiques qu’il nous semble les connaître même si l’on ne se souvient plus très bien si on les a lus ou non. Pour en avoir le cœur net, Lucie et son fils ont (re)lu Le Petit Nicolas (et quelques autres).

Le Petit Nicolas, René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, Gallimard, 1973.

Le livre
C’est toujours un grand plaisir de faire découvrir un livre que nous avons aimé enfant à notre enfant, et l’entendre rire aux éclats est un bon bonus !
Les aventures de Nicolas, Eudes, Alceste, Clotaire, Agnan et compagnie ont tapé dans le mille. Théo a adoré suivre leurs bêtises, et a beaucoup apprécié le second degré de certaines situations.
Il s’est tout de même étonné de cette classe uniquement composée de garçons, des enfants qui se promènent seuls dans la rue, de ces mamans toujours à la maison… Intéressant justement, pour évoquer l’enfance de ses grands-parents. Et si le contexte a bien changé, les carabistouilles fonctionnent toujours. Indémodable.

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Le Petit Nicolas, Laurent Tirard, 2009

Le film
Suite à ces lectures, Théo et Lucie se sont amusés à découvrir l’adaptation de Laurent Tirard sortie dans les salles à l’occasion des 50 ans du premier tome. Alors, qu’en ont-ils pensé ?

Lucie : Ça commence très fort avec un magnifique générique directement inspiré des dessins de Sempé, façon pop-up. Mais Laurent Tirard a fait le choix d’un film en prise de vues réelles avec un solide casting d’enfants, tous excellents. Les enfants sont secondés par Kad Merad et Valérie Lemercier en parents de Nicolas, mais aussi par des adultes venus faire un petit clin d’œil en passant (Louise Bourgoin en fleuriste, François Damiens en voisin envahissant, Eric Berger en majordome, Gérard Jugnot en chef de chœur) parfois à la limite de la private joke. Pas sûr que les enfants saisissent les allusions.

Théo : Non, je ne sais pas qui sont ces acteurs. Mais j’ai aimé retrouver l’univers du Petit Nicolas : l’époque, les copains et les autres personnages.

Lucie : Je suis d’accord avec toi. On est plongés dans de proprettes années 60. C’est très joli et coloré, une vraie carte postale.
Tu as trouvé que le film était fidèle au livre ?

Théo : Oui. J’étais content de retrouver les bêtises que j’avais bien aimées. Mais j’ai aussi apprécié de découvrir de nouveaux gags, comme la soupe ou la roulette. C’est bien aussi d’inventer et ça changeait un peu. Parce que même si j’aime beaucoup le Petit Nicolas, je trouve que ça manque parfois d’un peu de fantaisie.

Lucie : J’ai trouvé que certaines situations présentes dans l’œuvre originale (le bouquet de fleurs, le cours de dessin, la visite de l’inspecteur, la visite médicale…) étaient désamorcées avant la fin. Je n’ai pas compris pourquoi.
As-tu eu le même sentiment ?

Théo : Non, je ne suis pas d’accord. J’ai aimé retrouver ces situations et elles m’ont fait rire.

Pour comprendre cette divergence, Théo et Lucie sont retournés au texte et se sont aperçus que ce qui différait était le décalage entre la perception du petit Nicolas et celle de son entourage. Pour Théo, la bêtise est plus importante, mais c’est ce décalage qui amuse le plus Lucie.

Lucie : Tu as remarqué bien sûr, que pour lier les gags auxquels un chapitre est consacré à chaque fois dans le livre, deux intrigues parallèles ont été ajoutées dans le film :

  • suite à un quiproquo, Nicolas se met à craindre l’arrivée d’un petit frère. D’ailleurs, cette naissance est issue d’un autre tome que nous n’avons pas lu : Le petit Nicolas a des ennuis.
  • Et la maman de Nicolas décide d’organiser un repas avec les Moucheboume (le patron du père et sa femme).

Qu’as-tu pensé de ces deux ajouts ?

Théo : La maman est beaucoup plus agitée dans le film que dans le livre. Elle perd rarement son calme avec Nicolas dans le  livre alors qu’elle se met dans tous ses états dans le film. J’ai trouvé cette histoire de dîner plutôt rigolote.

Lucie : De mon côté (et peut-être est-ce dû à mon statut de « maman ») je n’ai pas aimé ce fil narratif. Il transforme la gentille mère de famille du roman en espèce de névrosée portée sur la boisson. D’autant plus qu’après quelques velléités d’émancipation, elle finit par retourner dans sa cuisine. J’ai préféré l’histoire du petit frère qui crée des situations amusantes et plutôt cohérentes avec le roman.

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Dans l’ensemble nous avons passé un bon moment à regarder et à discuter de cette adaptation agréable et enlevée, qui plaira certainement aux (jeunes) lecteurs du Petit Nicolas !