Quand une maison joue le premier rôle…

Simple cabane, maisonnette aux volets colorés ou manoir hanté, il n’est pas rare que les maisons jouent un rôle de premier plan en littérature jeunesse ! Il y a les histoires où elles offrent un décor qui structure l’intrigue en profondeur, un cadre douillet et rassurant, intrigant ou inquiétant… Certains titres vont jusqu’à insuffler de la vie aux maisons, faisant d’elles un personnage à part entière. Petit tour d’horizon des maisons qui ont marqué les arbronautes dans leurs lectures !

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Les maisons les plus douillettes ! Se sentir chez soi

Ma maison s’ouvre sur un quartier très coloré. Toutes les maisons sont accompagnées d’arbres, d’une voiture entrant dans un garage ou bien circulant sur une petite route de campagne. Des animaux y sont présents et c’est un chat : Jim qui va nous présenter son confortable lieu de vie. A l’intérieur comme à l’extérieur, Jim énumère ce que le jeune lecteur va pouvoir rencontrer. Ici, dans cette petite histoire du quotidien, le jeune lecteur y verra que l’entrée de la maison pour un chat n’est peut-être pas la même que pour un humain. Pièce après pièce, on sent que Jim aime s’approprier les lieux les plus douillets. Les illustrations pleines page, très colorées, sont un condensé d’énergie allant du bleu au violet en passant par le rouge. Une palette qui interpelle et donne aux scènes en gros plan une belle dimension cartoonesque.

Ma maison de Byron Barton – Ecole des loisirs, 2016

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Elles détonnent ! Les maisons pas comme les autres…

Une maison fantastique de Géraldine Elschner & Lucie Vandevelde – l’Elan vert, collection : Pont des Arts – Canopé éditions, 2020

« Mais que se passe-t-il dans la ville ? Notre ville si grande, notre ville si sage, notre ville si grise… » Au loin, une grande cheminée s’est parée de couleurs. Du jaune, du rouge surgissent des façades des murs de briques. Des machines et des ouvriers travaillent laissant apparaître ça et là des spirales de mosaïques, des ruisseaux de pavés de couleurs. Mais qu’est devenu l’arbre si vieux et majestueux soudain caché par ce mur ? Quel est cet étrange homme habillé comme un magicien ? Cet album est un hommage au travail accompli par l’architecte-peintre Hundertwasser entre 1983 et 1985 à Vienne en Autriche. En plus d’être artiste, Hundertwasser était aussi écologiste et favorisait, dans ses maisons et immeubles, la plantation d’arbres sur les toits ou devant les fenêtres. Ses constructions sont toutes en courbes et colorées pour apporter de la luminosité dans les villes ternies par l’urbanisme.

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La lumière allumée. Richard MARNIER et Aude MAUREL. Editions Frimousse, 2015

Dans le quartier de cette ville, toutes les maisons sont identiques. Toutes ouvrent et ferment leurs volets en même temps, les lumières sont allumées et éteintes au même moment, et il ne viendrait à personne l’idée de déroger à cette règle implicite. Jusqu’à la nuit où un habitant laisse sa lumière allumée… C’est le début d’un grand chambardement et d’une belle vague d’anticonformisme puis de liberté. Nos maisons sont une extension de nous et ne sauraient se ressembler, à l’intérieur bien sûr, mais aussi à l’extérieur. Cet album est un hymne à la différence, à l’affirmation de soi et à la liberté, tout en respect et acceptation.

La chronique complète de Blandine ICI.

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Elles bougent ! Les maisons animées

« Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien » Jean de La Fontaine. Cette belle introduction surgit des nuages et s’ouvre sur une vie de quartier où le lecteur découvre des maisons colorées, joyeuses tout comme ses habitants. Dans l’une d’elle, la joie et l’amour se lovent dans le creux de ses bras : « Elle adorait ses habitants. Elle les réconfortait aux premiers jours de la rentrée, les réchauffait quand l’hiver mordait et abritait leur moindre secret au creux de l’été. » Pourtant, un jour, rien ne va plus. Les habitants se disputent et ne prennent plus soin de leur maison. Cette dernière s’inquiète : « Il faut partir, changer d’air lui dirent ses voisines. » Pourquoi pas se mettre au vert ? Et si cette solution était la bonne ? Comment vont réagir les habitants en découvrant leur nouveau lieu de vie ? Ne vont-ils pas recommencer les mêmes erreurs ? Vont-ils prendre conscience du bonheur que leur maison peut apporter ?

Changer d’air de Jeanne Macaigne, Les Fourmis rouges, 2021

La chronique complète de Liraloin ICI

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La maison qui parcourait le monde, de Sophie Anderson, L’école des loisirs, 2020.

La maison de Marinka utilise ses pattes de poulet pour voyager (généralement vers les lieux les plus sinistres et reculés). Si ce nomadisme capricieux est une source d’angoisse dans le livre, il n’est pas sans susciter de rêves en cette période de confinement ! Avec sa grand-mère un peu sorcière, un choucas et des morts pour seule compagnie, Marinka mène une vie pour le moins spéciale. Promise à guider les morts vers leur ultime destination, la jeune fille n’a d’yeux que pour le monde des vivants. Un monde qui lui est strictement interdit. Entre récit initiatique, roman d’aventure et folklore russe, ce livre se démarque par son originalité et ses finitions très soignées.

L’avis complet d’Isabelle

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Regarde par la fenêtre, de Katerina Gorelik, Saltimbanque, 2021.

Ces maisons sont intrigantes avec leurs fenêtres qui permettent de discerner un intérieur cossu, appétissant ou terrifiant. Admettez-le : difficile de résister à l’envie de glisser un regard curieux ! Alors on tourne la page pour découvrir l’envers de la façade… et la réalité se révèle savoureusement loin des apparences. Un album au charme vintage baigné d’une bonne dose d’ironie, à découvrir pour ses clins d’œil aux contes, ses petits détails et son invitation malicieuse à ne pas juger à l’emporte-pièce. 

L’avis complet d’Isabelle

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Recoins, mystères et secrets : les maisons intrigantes

Jeu de piste à Volubilis, de Max Ducos, Sarbacane, 2006.

« Quand j’étais petite, je trouvais ma maison vraiment étrange. Elle ne ressemblait à aucune des maisons que je connaissais. Et quand je demandais à mon père pourquoi elle était si étrange, il me répondait qu’elle n’était pas étrange, qu’elle était moderne, ce qui était très différent. Il me disait également que chaque maison était unique et possédait son secret et que le jour où je découvrirais celui de ma maison, je me mettrais à l’aimer comme ma meilleure amie. »Intrigant, non ? On se prend immédiatement au jeu d’une chasse au trésor captivante tout en appréciant la beauté et la singularité des lieux, inspirés par l’architecture moderne ! Max Ducos nous parle aussi de la filiation et du processus d’appropriation de sa maison – et, au-delà, de sa famille…

L’avis complet d’Isabelle

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La maison aux 36 clés. Nadine DEBERTOLIS. Magnard Jeunesse, 2020

Pendant leurs vacances, Dimitri et Tessa vont aider leur mère à vider et nettoyer la maison du grand-oncle Eustache, décédé un an plus tôt. Quelle n’est pas leur surprise lorsqu’ils découvrent que toutes les pièces sont fermées à clés et que celles du trousseau, pourtant bien garni, ne les ouvre pas toutes. Les voilà donc lancés dans une chasse aux clés et aux secrets et d’Histoire. La maison aux 36 clés est un roman aussi trépidant qu’émouvant sur la transmission, l’entraide et la famille.

La chronique de Blandine ICI

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D’Or et d’Oreillers de Flore Vesco, L’école des loisirs, 2021.

D’Or et d’Oreillers est une réécriture de La Princesse au petit pois, mais pas seulement. En plus de multiplier les références aux contes traditionnels, Flore Vesco donne un rôle prédominant au château de Lord Handerson. Celui-ci cherche une épouse, et a imaginé des épreuves pour le moins inhabituelles pour départager ses prétendantes.
On ne pourra pas en dire plus pour garder le mystère qui enveloppe Blenkinsop Castle, mais le ton décapant et le fort caractère de l’héroïne ont su séduire plusieurs branches du Grand arbre !

Les avis d’Isabelle, Linda, Liraloin et Lucie.

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Souvenirs de Marnie de Joan G. Robinson, Monsieur Toussaint Louverture, 2021

Ça ne vous est jamais arrivé de tomber sur une maison qui déclenche immédiatement un film dans votre esprit ? Une vision, un déjà-vu, une intuition obsédante ou tout simplement un lieu véritablement particulier dont vous auriez su percevoir la singularité ? C’est à peu près ce qui arrive à Anna, jeune orpheline venue panser son mal-être dans le Norfolk. Cette grande villa solitaire sur la grève, immuable face au va-et-vient des marées, n’est décidément pas ordinaire… Joan G. Robinson sait nous intriguer : la villa est-elle hantée ? Anna sombre-t-elle dans la folie ? Un texte à la saveur iodée, troublant, envoutant mais curieusement réconfortant.

L’avis complet d’Isabelle

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Couloirs hantés et autres frissons : Les maisons inquiétantes

Le passage du diable de Anne Fine, L’école des loisirs, 2015.

Dans Le passage du diable (Prix Sorcières du roman adolescent 2015), Anne Fine place deux maisons au cœur d’un secret de famille. Le jeune Daniel Cunningham a passé son enfance reclus, convaincu par sa mère qu’il était gravement malade. Recueilli par un oncle au caractère changeant dont il ne connaissait pas l’existence, il est rapidement dérangé par l’ambiance malsaine de cette demeure victorienne. Et si la clé de l’énigme avait un lien avec la maison de poupée de sa mère, réplique exacte du manoir familial ?

Un roman fantastique pour les amateurs de frissons.

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Coraline de Neil Gaiman, Albin Michel, 2020.

Lors d’un été particulièrement long et ennuyeux, Coraline part en exploration dans sa propre maison. Sa curiosité est attisée par une porte qui ne s’ouvre sur rien d’autre qu’un mur. Mais lorsque finalement la porte s’ouvre sur un couloir, elle y découvre un monde presque identique au sien, un monde qui va pourtant remettre en question sa réalité et lui demander beaucoup de courage pour affronter la mystérieuse créature des lieux. La maison ne joue pas ici le premier rôle dans l’aventure de Coraline mais il n’en a pas moins une place centrale. Il n’y a pas un chapitre qui ne parle pas de la maison : du passage d’une porte à une impression d’être observée en passant par la substance même de la maison qui devient de plus en plus indistincte, tracée d’un trait grossier comme un dessin d’enfant… La maison est partout, elle abrite l’univers entier de Coraline et sert de référence à la créature pour amener la fillette chez elle.

L’avis complet de Linda.

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La-Gueule-du-Loup d’Éric Pessan, L’école des loisirs, 2021.

Cette maison a le parfum vicié des petites comptines tordues, des contes et des histoires à dormir debout qui nous terrifiaient, enfants, au point de ne plus oser jeter un œil sous le lit. Rien que le nom donne le frisson : La-Gueule-du-Loup. Et pourtant, c’est là, dans le logis des grands-parents qu’elle n’a jamais connus, que Jo vient se confiner avec sa mère et son frère. Quelle est la chose malsaine qui cerne les lieux ? Lorsqu’une peluche est retrouvée déchiquetée, il devient clair que ce n’est pas leur imagination qui leur joue des tours… Un roman hypnotique qui se dévore et nous laisse groggy, mais aussi étrangement apaisé.e.

L’avis complet d’Isabelle et sa lecture commune avec Pépita

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Celle qui marche la nuit de Delphine Bertolon, Albim Michel, 2019.

Malo emménage avec sa famille dans une maison digne des romans de Stephen King. Seul à voir les changements qui s’opère chez sa petite sœur, l’adolescent enquête pour comprendre ce qui se passe dans cette maison. Une maison qui semble habitée par une âme torturée… Maison hantée et phénomènes paranormaux font de ce roman un récit glaçant dont l’issu permet à l’auteure de souligner les dangers encourus à vouloir se faire justice seul.

L’avis complet de Linda.

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LA Maison: un lieu, une âme, une mémoire

Blandine pense sincèrement que les lieux ont une âme propre qui gardent en leur aura une trace, une mémoire de nos passages et qui influent sur notre bien-être. Les lieux sont aussi des miroirs, du temps qui passe et de nous, les Hommes.

La Maison. J. Patrick Lewis et Roberto Innocenti. Editions Gallimard Jeunesse, 2010

La Maison se trouve quelque part en Italie. Au fil des saisons, du temps et des siècles, nous la voyons se transformer, être successivement habitée, délaissée, traversée, abîmée, agrandie. Autour d’elle, le paysage évolue également, laissé en friche ou travaillé, cultivé, espace de labeur ou de loisir, par des humains dont les activités influent sur LA Maison. Le propos de cet album est d’autant plus intéressant qu’il nous offre une autre perspective du temps qui passe et de l’Histoire des Hommes, entre activités humaines et modes diverses. Il est magnifiquement illustré par les dessins foisonnants de vie et de détails de Roberto Innocenti.

La chronique complète de Blandine ICI.

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La maison. Paco ROCA. Editions Delcourt, 2016

Vicente, José et Carla reviennent dans la maison de leur père, décédé il y a un an, dans l’idée de la vider pour pouvoir la vendre. Peu à peu, la fratrie s’ouvre et échange sur leur vie passée et actuelle, sur leurs sentiments et ressentiments, sur les souvenirs liés à cette maison, bâtie au fil des ans par les mains de leur père, des aménagements plus ou moins réussis qu’il a apportés, et sur son décès. Cette BD au format à l’italienne a un fort pouvoir évocateur, à la fois dans sa banalité comme son intimité, et elle nous touche au cœur.

L’avis complet de Blandine ICI

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Au cinéma aussi les maisons sont vivantes !

Et pour prolonger le plaisir de parcourir d’autres demeures incroyables, on vous invite à vous laisser hypnotiser par l’étrange demeure du sorcier Hauru dans Le Château ambulant de Myasaki, dont le scenario est assez impossible à résumer.

Le Château ambulant, Hayao Miyasaki, 2005

Et pourquoi ne pas suivre également Mirabel dans les couloirs de la maison enchantée de la famille Madrigal dans le dernier film des studios Disney justement intitulé Encanto, la fantastique famille Madrigal ?

Encanto, la fantastique famille Madrgal, de Byron Howard, Jared Bush et Charise Castro Smith, 2021.

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Et vous, est-ce qu’il y a des maisons qui vous ont particulièrement marqué.e.s lors de vos lectures ?

Prix A l’Ombre du Grand Arbre 2021 : Grandes feuilles et Belles branches

Curieux, enjoué, plein d’énergie et de bonne humeur lorsqu’il s’agit de célébrer les pépites de la littérature jeunesse, le prix À l’Ombre du Grand Arbre est de retour pour la septième année consécutive !

Depuis le temps, vous connaissez sans doute déjà le principe ? C’est très simple : parmi toutes leurs lectures de l’année 2020, les branches de l’arbre ont trié sur le volet une sélection de trois titres par catégorie :

  • Grandes feuilles (romans jeunesse)
  • Belles branches (romans ado)
  • Petites feuilles (albums)
  • Brindilles (petite enfance)
  • Racines (documentaires)
  • Branches dessinées (BD)

À vous de jouer pour désigner le lauréat dans chaque catégorie, en votant pour votre titre préféré ! Les votes seront ouverts jusqu’au 10 décembre et les gagnants annoncés dans la foulée, lundi 13 décembre.

Quels sont donc les livres sélectionnés au cours d’un intense processus de lectures et de délibérations à l’ombre de l’arbre ? Dès aujourd’hui, on vous révèle les romans sélectionnés pour les catégories Grandes feuilles et Belles branches et on vous raconte pourquoi on les a choisis. Vous pouvez voter en bas de chaque catégorie. Et rendez-vous dans un mois pour la suite de la sélection !

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~ Catégorie Grandes feuilles : Romans jeunesse ~

L’anguille, de Valentine Goby, Thierry Magnier, 2020.

Valentine Goby a fait de l’histoire de Camille, née sans bras, qui doit trouver sa place dans un nouveau collège, un roman d’amitié solaire. Parce qu’une différence peut être profondément libératrice pour celles et ceux qui ont du mal à entrer dans le moule. Autrement dit… pour chacun, ou presque. L’histoire est racontée d’une plume vive et chaleureuse, avec une forme chorale pertinente et de malicieux apartés de l’autrice. Les personnages sont touchants et très sympathiques – mention particulière pour l’ouverture d’esprit et la joie de vivre de Camille ! Nous avons aussi aimé le ton résolument optimiste et la manière intéressante dont ce roman bouscule nos clichés sur le handicap et nous interroge sur ce que cela signifie. Un roman sensible qui donne envie de croire aux pouvoirs de l’entraide et de la tolérance. Et de célébrer nos différences.

L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace, de Thomas Gerbeaux (illustrations de Pauline Kerleroux), La Joie de Lire, 2020.

Prison Break façon homard, il fallait y penser ! Impossible de résister au suspense de cette histoire rocambolesque : un crustacé se fait la malle du restaurant où il était promis à la casserole et s’allie à une jeune fille pour libérer ses compères restés dans le vivier. La plume de Thomas Gerbeaux mêle ironie et tendresse et irradie le récit du charme des contes, des comptines enfantines et des parties de jeu remportées contre un ami imaginaire. Les illustrations stylisées de Pauline Kerleroux font écho à cette poésie. L’ensemble nous transporte dans un charmant décor de vacances bretonnes où prendre une grande bouffée d’air marin et se balader à vélo parmi les moutons. Ce petit livre se lit comme un roman d’aventure, une perche tendue à nos consciences, un hymne à la liberté, à la joie de la rencontre et à la solidarité. Une pépite haute en couleurs, émouvante et très divertissante.

Une photo de vacances, de Jo Witek, Actes Sud Junior, 2020.

Nous voici en vacances avec une famille modeste qui doit composer avec un budget serré et les envies de chacun. On s’attache vite à tout le monde, particulièrement à Eugénie, dix ans, prise entre un bébé et une aînée en pleine adolescence, entre ses rêves et les contraintes familiales, entre enfance et adolescence… Jo Witek trouve les mots justes pour dire l’ennui et les sorties, les relations élastiques entre sœurs et le baume des tranches de rigolade, la famille qui prend ses marques et invente ses petits rituels dans un tendre ballet. Et surtout, le passage vers l’adolescence, ses nouvelles émotions, ses transformations physiques et ses questionnements. Très immersive et sensorielle, l’écriture nous fait ressentir le soleil sur la peau, le frisson de plonger dans la rivière, le plaisir de se promener au marché avec ses parents. Un roman frais, drôle et touchant.

Quel est votre titre préféré de la catégorie Grandes feuilles ?

  • L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace, de Thomas Gerbeaux (La Joie de Lire) (76%, 69 Votes)
  • L'anguille, de Valentine Goby (Thierry Magnier) (16%, 15 Votes)
  • Une photo de vacances, de Jo Witek (Actes Sud Junior) (8%, 7 Votes)

Total Voters: 91

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~ Catégorie Belles branches : Romans ados ~

Deux fleurs en hiver, de Delphine Pessin, Didier Jeunesse, 2020.

Deux fleurs, Capucine et Violette, passent l’hiver à Bel-Air. L’une est une toute jeune fille qui porte une perruque bleue, l’autre une vieille dame au crépuscule de sa vie. Elles sont à la dérive, mais leur rencontre dans cette maison de retraite pourrait bien les aider à retrouver un cap… Delphine Pessin nous fait ressentir les difficultés des résidents des EHPAD, mais aussi celles des accompagnants dont chaque geste est chronométré et budgétisé. Et l’humanité dans tout cela ? Justement, elle transpire à chaque page de ce roman qui voit les deux parties s’associer. Delphine Pessin trouve le ton juste pour raconter une belle histoire sans verser dans le pathos. Elle sait doser l’humour et les alternances de points de vue, nous intriguer pour mieux nous faire tourner les pages avec des personnages pleins de nuances et de doutes, qui ne se livrent pas facilement. Un doux dialogue à deux âges de la vie qui donne envie de célébrer les liens intergénérationnels. Et montre qu’il ne faut jamais désespérer d’une floraison !

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, de Dan Gemeinhart, PKJ, 2020.

Coyote vit avec son poète de père dans un ancien bus scolaire qui les emmène à travers les États-Unis au gré de leurs envies. Une liberté qui pourrait faire rêver ! Mais comment en sont-ils venus à cette douce fuite ? Le passé finit par les rattraper et Coyote n’a pas le choix : en quatre jours, pas plus, il faut gagner l’État de Washington. Seul problème : ils sont à l’autre bout des États-Unis et son père s’est juré de ne jamais y retourner. La quête de Coyote place cet incroyable voyage sous haute tension, mais on comprend vite à quel point cet immense chemin parcouru et les magnifiques rencontres qui le ponctuent comptent en eux-mêmes. A travers le personnage fascinant de Coyote – tout un poème ! – ce roman évoque joliment la charnière entre l’âge de l’enfance et celui de l’adolescence où se révèle la complexité des choses. À partir de sujets douloureux, Dan Gemeinhart compose un texte lumineux car irradié de l’entraide et des liens qui se nouent en cours de route. En tournant les pages, on passe du rire aux larmes, on rêve. Et cela fait un bien fou de se lover, le temps de quelques centaines de pages, dans un monde de partage, de tolérance et de générosité.

Steam Sailors, tome 1 : L’héliotrope, de Ellie S. Green, Gulf Stream éditeur, 2020.

Quatre siècles après la Grande-Fracture, la révolte gronde dans le Bas-Monde contre le joug des élites des Hauts-Mondes. Prudence est traitée en paria à cause d’étranges pouvoirs qui semblent la relier aux Alchimistes, ces savants exterminés des siècles plus tôt. Enlevée à bord du navire volant des pirates de l’Héliotrope, la jeune fille va découvrir les territoires suspendus et les intrigues incroyables qui s’y trament ! Ce roman, c’est d’abord un objet-livre splendide qui renferme une intrigue pleine d’aventures et de rebondissements. E.S. Green raconte tout cela d’une plume si alerte qu’on a du mal à croire qu’il s’agit d’un premier roman, entretenant le suspense, étoffant de manière très cohérente son univers de ports, d’auberges mal famées et d’intrigues mondaines. Elle invente un genre à la croisée du steampunk et des romans feuilleton du 19ème siècle. Nous avons adoré les personnages, notamment la mystérieuse Prudence et les pirates qui élèvent les courses-poursuites avec la flotte royale. Leur audace (le mot est faible) donne au roman un souffle réjouissant et beaucoup de panache. Et cerise sur le gâteau, il y a une suite !

Quel est votre titre préféré de la catégorie Belles branches ?

  • Deux fleurs en hiver, de Delphine Pessin (Didier Jeunesse) (61%, 40 Votes)
  • L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, de Dan Gemeinhart (PKJ) (24%, 16 Votes)
  • Steam Sailors, tome 1 : L’héliotrope, de Ellie S. Green (Gulf Stream éditeur) (15%, 10 Votes)

Total Voters: 66

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À vos lectures… et à vos votes !

Billet d’été : de l’éternité des vacances et des rencontres qui nous changent à jamais

Quelle soif d’été et de rencontres après les longs mois d’isolement de cette année ! Ce n’est sans doute pas le hasard qui a guidé, ces dernières semaines, Isabelle et ses moussaillons vers des lectures aux parfums d’iode et de pinède, bercées par le chant des cigales, les deux pieds résolument enfoncés dans la dune et le visage tourné vers les embruns. Des livres qui transportent au cœur des vacances. Des grandes ! Celles qui, dans l’enfance, semblaient durer une éternité. Une parenthèse hors du temps où explorer de nouvelles contrées. Céder à la promesse de rencontres aussi éphémères qu’intenses. Et grandir en accéléré. Ce vertige estival relie les lectures de L’île aux trésors comme un fil conducteur : des pages qui subliment les vacances et en distillent les émotions les plus universelles.

Esther Andersen, de Timothée de Fombelle, illustré par Irène Bonacina (Gallimard Jeunesse, 2021)

Chaque mot de cet album, chaque trait des illustrations restitue dans son entier l’intensité des vacances d’été : le paysage qui défile par la vitre du train, la chaleur qui baigne les champs de maïs, le bonheur d’enfourcher son vélo, l’éternité de cette parenthèse et le temps qui se déforme… Et cette magie qui rend les sensations, les expériences si puissantes, nous transformant à jamais. Enveloppé.e dans le délicat décor de carte postale composé par Irène Bonacina et sublimé par le grand format à l’italienne de l’album, on sait parfaitement de quoi il s’agit. Parce qu’on a un jour été époustouflé.e par la beauté de l’océan et la rencontre avec une Esther Andersen.
C’est beau, mélancolique aussi. Parce que l’album nous parle d’un monde révolu où l’on n’achète rien mais on rêve beaucoup, où l’enfance est synonyme de journées entières passées dehors, à pédaler toujours plus loin, jusqu’à l’inconnu qui nous exalte, ébranle nos repères et nous fait nous sentir plus vivant.e que jamais.
Un album doux et intense, gorgé de soleil, de sel marin et d’émotions.

Une photo de vacances, de Jo Witek (Actes Sud Junior, 2020)

On lit ce livre comme on feuilletterait l’album photo de la famille Manzatti. Jo Witek trouve les mots justes pour dire l’ennui et les sorties, les relations élastiques entre sœurs et le baume des tranches de rigolade, la famille qui prend ses marques et invente ses petits rituels dans un tendre ballet. On rit, on s’attendrit de voir cette famille composer avec un budget limité et avec les envies de chacun pour faire des deux précieuses semaines de vacances annuelles un formidable moment partagé. Et Eugénie en équilibre à la charnière entre enfance et adolescence que la rencontre avec Léo va faire vaciller… Un roman frais, entraînant et émouvant.

Souvenirs de Marnie, de Joan G. Robinson (Monsieur Toussaint Louverture, 2021 pour la traduction française)

En marge du monde, la petite Anna vient panser son mal-être dans un village côtier du Norfolk où elle aime déambuler à travers dunes et marais. Elle y est envoutée par une maison où surgit un jour Marnie, jeune fille mystérieuse et insaisissable…

Joan G. Robinson mène sa barque en eaux troubles pour mieux nous intriguer : la Villa du marais est-elle hantée ? Anna sombre-t-elle dans la folie ? Les paysages anglais, entre collines et littoral nacré, ont beau être esquissés d’une plume délicieuse, on se demande si on a plongé dans un conte fantastique, voire un thriller où le mystère qui entoure le personnage d’Anna se mêle à celui de la maison. Pourtant, il émane aussi de ce texte une douceur infinie, le calme étrange d’un monde en suspension où le temps s’écoule différemment, rythmé uniquement par les marées et les cris des oiseaux. Le roman évoque avec une grande justesse les étés et les rencontres qui font grandir d’un coup. L’intensité de l’enfance, ses amitiés, ses colères et ses questionnements. Le besoin vital d’être accepté.e qui ne peut s’assouvir qu’en prenant le risque, le temps d’un été, de laisser les autres venir à soi. Un classique intemporel à la saveur iodée, troublant, envoutant et étrangement réconfortant.

Sous un ciel d’or, de Laura Wood (PKJ, 2021)

L’été 1929, vécu du point de vue d’une jeune fille à l’aube de l’âge adulte, face à la « terrifiante page blanche » de l’avenir. En attendant, Lou aime s’introduire dans la villa déserte des Cardew pour y lire, écrire et rêver. Soudain de retour, les propriétaires lui ouvrent une brèche vers un fascinant univers de nuits blanches plongées dans le champagne et les paillettes. Pourquoi les Cardew s’intéressent-ils tant à elle ? Quels secrets dissimulent-ils sous leur éclatant vernis ?

Quelle escapade dans l’âge follement romanesque qui fait la charnière entre années folles et Grande dépression ! En lisant ce livre, nous avons eu envie d’écouter des enregistrements de Jelly Roll Morton pour mieux nous plonger dans cette époque qui tourne la page de la Grande guerre : les filles découvrent leurs mollets et coupent leurs cheveux, on savoure les virées en automobile et les romans d’Agatha Christie… C’est aussi un roman initiatique : que ce soit chez les Cardew ou dans sa famille nombreuse, Lou semble dans l’ombre des autres ; mais à la charnière entre ces deux mondes, elle se découvre des ressources, des envies et même des passions. Un roman pétillant et fiévreux comme une fête, parfait pour s’évader de la morosité ambiante et rêver un peu !

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Que votre été soit infini et riche de rencontres. Et, évidemment, de belles lectures estivales !

Extrait de Esther Andersen

Nos coups de cœur de mai !

Un mois de mai pluvieux, ce n’est pas perdu pour tout le monde : un prétexte pour bouquiner au chaud en écoutant la pluie tomber.

Un mois de mai déconfiné, c’est évidemment l’occasion de retourner en bibliothèque et en librairie, de réinvestir les lieux de culture – notamment ceux dédiés au livre !

Alors les voici, nos coups de cœur du mois de mai !

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Isabelle et ses moussaillons adorent jouer à cache-cache. Autant dire qu’ils sont complètement entrés dans l’univers de jeu merveilleux composé par Lolita Séchan et Camille Jourdy. Leur album est plein d’énergie et de créativité. Et avec ça, joli comme un bonbon, entraînant comme une petite comptine, réjouissant comme une Vermeille. Pas de doute, c’est un coup de cœur !

Cachée ou pas, j’arrive ! de Lolita Séchan et Camille Jourdy. Actes Sud BD, 2020.

L’avis d’Isabelle

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L’album coup de cœur de Blandine nous invite à remonter le temps, pour découvrir Claude Monet, sa peinture, son jardin et son époque, au fil de pages aux illustrations multiples.

Monsieur Monet peintre-jardinier. Giancarlo Ascari et Pia Valentinis. 5 Continents Editions, 2015

L’avis de Blandine

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Lucie a été touchée par deux albums aux illustrations merveilleuses.
Sylvain de Sylanie, chevalier, tout d’abord. Sommé de faire du tri dans ses jouets, Sylvain part pour une dernière aventure avec Charlemagne, son cheval à bascule. Cette histoire est une véritable ode à l’imaginaire enfantin, magnifiée par les illustrations d’Eloïse Scherrer.

Sylvain de Sylvanie, chevalier, Didier Lévy et Eloïse Scherrer, Sarbacane, 2018

L’avis de Lucie et d’Isabelle.

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Le très grand format de Rois et reines de Babel du génial François Place fait honneur à ses majestueuses illustrations. Se perdre dans les détails de ces dessins est un bonheur. L’auteur-illustrateur nous entraîne à la découverte de Babel, que nous verrons évoluer au fil des générations. Certains rois participeront à sa grandeur, d’autres à sa décadence… Et les reines ? A vous de le découvrir ! Une réinterprétation moderne de l’épisode biblique, qui invite à la réflexion.

Rois et reines de Babel, François Place, Gallimard Jeunesse, 2021

L’avis de Lucie.

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Pour Liraloin c’est une histoire de jupe portée par un garçon qui a animé un joli coup de cœur. Une lecture dévorée et pleine de résonance!

Va te changer ! de l’Atelier du Trio : Cathy Ytak, Gilles Abier et Thomas Scotto. Editions du Pourquoi Pas?, 2019

L’avis de Liraloin

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Coup au cœur et coup de cœur, le roman de Nancy Guilbert et Marie Colot a fortement émue Blandine. Il aborde un sujet encore peu évoqué mais nécessaire: celui des relations toxiques.

Point de fuite. Marie COLOT et Nancy GUILBERT. Gulf Stream Editeur, 2020

L’avis de Blandine

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Le mois de mai a été riche en lectures légères chez Linda et ses ladies. L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace fut un énorme coup de cœur. Avec humour et malice, l’histoire dénonce la maltraitance animale lié à leur consommation alimentaire. Un sujet sensible et actuel abordé avec légèreté pour une sensibilisation à niveau d’enfants.

L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace, Thomas Gerbeaux et Pauline Kerleroux, La joie de Lire, 2020.

Les avis de Linda et d’Isabelle

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Étrange plongée pour La Collectionneuse de papillons avec le roman En apnée de Meg Grehan publié aux éditions Talents hauts. Maxime découvre l’amour. Mais ne sait pas que c’est l’amour qu’elle découvre. Maxime s’observe, s’interroge. S’inquiète. Dans les livres, les films, les séries qu’elle connaît, l’amour, c’est une histoire entre une fille et un garçon. Or Maxime aime Chloé. Elle y pense tout le temps. Et elle panique. Un très joli récit en vers libres qui chante le premier amour avec simplicité. Et nous interroge sur les représentations du monde que nous offrons aux enfants à travers l’art et la parole.

En Apnée, Meg Grehan, traduction d’Aylin Manço, Talents hauts, 2020.

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Et enfin, Isabelle et ses moussaillons se sont délectés du tome 2 de la série Magic Charly : une intrigue captivante qui bourgeonne dans un univers vraiment original, portée par la plume très imagée d’Audrey Alwett. Et un art unique de faire résonner les grandes questions sociales par des analogies avec un monde magique. Toute la famille a adoré !

Magic Charly, tomes 1 et 2, d’Audrey Alwett. Gallimard Jeunesse

L’avis d’Isabelle sur le tome 1 et le tome 2

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Nous espérons que ces coups de coeur, entre jeu, art, mondes imaginaires et perches tendues à nos consciences, vous donneront envie de lire. N’hésitez pas à nous raconter quelles pages vous ont fait récemment vibrer !

Lecture commune : les trois « romans-fleuve » de Davide Morosinotto

Impossible de résister à l’appel de l’aventure des romans de Davide Morosinotto : par la vivacité de sa plume et de ses dialogues, la qualité de ses intrigues menées tambour battant, le charme fou de ses personnages et des décors historiques époustouflants, l’auteur italien apporte quelque chose de frais et de réjouissant à la littérature jeunesse. Il réinvente l’idée de série avec trois romans qui ne se suivent pas à proprement parler, mais qui sont apparentés à plusieurs égards, comme nous le verrons. De quoi susciter des échanges à l’ombre de notre grand arbre, comme vous pouvez l’imaginer ! Alors, êtes vous du voyage ? Embarquez dans votre bateau à aube, votre paquebot ou votre pirogue, c’est parti !

Le célèbre catalogue Walker & Dawn (L’école des loisirs, 2018). L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges (L’école des loisirs, 2019). La fleur perdue du chaman de K (L’école des loisirs, 2021).

Isabelle : Le célèbre catalogue Walker & Dawn, L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges et La fleur perdue du chaman de K peuvent se lire indépendamment. Lesquels avez-vous lus et comment les avez-vous découverts ?

Lucie : Je commence juste ma découverte et encore une fois c’est grâce à vous. J’ai lu ta critique sur La fleur perdue qui m’a interpellée. Mais à la bibliothèque il n’y avait que Le célèbre catalogue Walker & Dawn donc je commence par là !

Colette : Et bien je n’ai lu que L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges que j’ai découvert parce que tu m’as promis, Isabelle, une belle lecture ! C’est donc également sur tes conseils que j’ai foncé l’emprunter à la médiathèque !

Pépita : J’ai aussi lu les trois mais pas dans l’ordre de leur parution. J’ai commencé par Le célèbre catalogue, mais je ne me souviens plus du tout comment il a atterri dans mes mains. Depuis, je suis cet auteur car il a une façon bien à lui de raconter ses histoires. Toujours un duo d’enfants, qui vivent des aventures incroyables ! Et d’autres enfants qui font l’aventure avec eux. C’est assez simple dit comme ça mais en fait, ces histoires ont vraiment quelque chose en plus. Dans la forme. Ou l’élément déclencheur. Ou les enjeux historiques. De vrais page-turners ! Et combien j’aurais voulu les lire enfant, on ne doit pas du tout en avoir la même perception qu’adulte. En plus, ils pèsent lourds, alors on sent qu’on en a pour son content de lecteur !

Isabelle : Moi aussi, j’ai lu les trois. C’est grâce au grand arbre que j’ai découvert Le célèbre catalogue et comme Linda, ça a été un tel coup de cœur, peut-être le plus grand des dernières années, que je me suis précipitée sur chacun des deux tomes qui ont suivi. Nous avons même relu (à voix haute !) le premier, après avoir terminé La fleur perdue !

Quand on lit le résumé de ces livres, ils n’ont a priori rien à voir : le premier se passe aux États-Unis en 1904, le deuxième en Russie pendant la deuxième guerre mondiale, le troisième au Pérou dans les années 1980. Et pourtant, les fils conducteurs sont multiples, non ?

Pépita : À première vue effectivement, ce n’est pas une trilogie ! Mais il y a toujours un fond historique, la grande Histoire, dans laquelle des enfants vivent des aventures incroyables. Toujours un couple d’enfants et d’autres qui gravitent autour, les aident, les soutiennent. Des enfants de la rue, en précarité aussi pour la plupart, et très débrouillards. Toujours un objectif aussi qu’il se donnent et toujours un voyage loin de chez eux, des cartes à lire, du repérage d’espace, de la jugeote et un sacré coup de chance, que je devrais mettre au pluriel !

Linda : Ce n’est clairement pas une trilogie au sens où on l’entend habituellement. Mais cela reste une série dans laquelle l’auteur s’amuse à placer des personnages déjà rencontrés dans un autre livre. Il explique d’ailleurs très bien cela à la fin de la fleur perdue du chaman de K , cette envie qu’il avait d’une série de romans qui placerait l’action autour d’un grand fleuve.

En fond, l’album Histoires de fleuves, de Tim Knapman, paru chez Sarbacane.

Lucie : J’ai beaucoup aimé les illustrations qui jouent sur le côté documents d’archives du « Catalogue » et je me demandais : les autres romans de Morosinotto ont-ils tous ce côté graphique ou pas du tout ?

Pépita : Le travail graphique sur ces trois tomes est aussi un fil conducteur et cela donne une unité narrative à cette collection. Je préfère dire collection que série car ce n’en est pas une, au sens de trilogie. Je trouve que cela modernise drôlement le concept !

Isabelle : D’après moi, l’un des aspects qui font de ces romans des lectures inoubliables ! Chaque tome donne lieu à un travail graphique que j’ai trouvé merveilleux : comme on le disait, Le Catalogue intègre des documents d’époque dans le texte – extraits de catalogue, coupures de presse, photographies, cartes…

Le célèbre catalogue Walker & Dawn. Extrait

On retrouve cette résonance entre texte et graphismes dans les tomes suivants, mais à chaque fois sur un mode différent. Morosinotto déborde de créativité en la matière : L’éblouissante lumière se lit comme des cahiers d’enfants dûment annotés à la matin par un commissaire soviétique ! Et le troisième volet est peut-être le plus inventif : il fait littéralement s’entrechoquer texte et illustrations…

Colette : Dans L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges, le côté graphique est très important. Il est même au fondement de la narration. Ce roman raconte l’histoire de jumeaux Nadia et Viktor, qui vivent à Leningrad quand la seconde guerre mondiale éclate. Obligés de quitter leur famille, leur père va leur offrir une série de carnets rouges à spirales dans lesquels les enfants s’engagent de noter tout ce qui va leur arriver pendant leur exil forcé. Le roman est donc rythmé par la rédaction des carnets. Il n’y a donc pas de chapitres dans ce roman mais des carnets qui s’enchaînent au fil des mésaventures de nos deux personnages principaux. Dans ces carnets, les enfants collent des photos, des documents divers, et surtout des cartes qui certes orientent leurs itinéraires mais aident précieusement les lecteurs/lectrices à se repérer ! Entre chaque carnet, on trouve les rapports du commissariat du peuple aux affaires intérieures, qui forment une sorte de récit cadre à la narration que l’on peut lire dans les carnets. La structure narrative est donc complètement nourrie par le structure graphique du livre.

L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges. Extrait

Pépita : Quand même, c’est assez inégal. Je m’explique : j’ai trouvé le principe des carnets dans Les étoiles rouges hyper-classique (l’écriture rouge pour Viktor m’a vraiment gênée pour lire !), dans La fleur perdue c’est déjà plus élaboré, puisque le jeu se déplace sur plusieurs formes (typographies, pages noires,) et dans Le catalogue, c’est là que j’ai trouvé ce graphisme le plus dynamique.

La fleur perdue du chaman de K. Extrait

Linda : Je suis complètement d’accord avec Pépita pour dire que cela donne une unité narrative à la série malheureusement inégale. Certains choix faits dans La fleur perdue m’ont vraiment posé problème entre le fait qu’il fallait parfois tourner le livre dans tous les sens, la taille très petite de certaines lignes ou l’aspect flouté du texte. Clairement c’est un concept intelligent et les idées sont bien pensées mais ce n’est pas toujours très pratique. J’ai par contre adoré les carnets de L’éblouissante lumière plus traditionnels, certes, mais tellement bien faits. A la lecture, on en arrive à se demander si ce ne sont pas de vraies pages retrouvées des années plus tard.

Lucie : C’est un peu pareil avec Le catalogue, ce jeu sur le document authentique est très intriguant, je trouve. Mais il dévoile ce qu’il en est dans ses remerciements, en tout cas pour Le catalogue !

Linda : Oui absolument, c’est présent dans chaque livre.

Isabelle : Pour ma part, je ne saurais pas dire laquelle de ces trois propositions j’ai préférées. Le jeu consistant à utiliser les lettres comme des images dans le troisième tome est original, ça m’a fait penser à certains textes dadaïstes ! Dans Le catalogue, il y a eu un immense bonus lié à la surprise de découvrir ces documents magnifiques alors que je ne m’y attendais pas. Exactement comme le disait Colette pour L’éblouissante lumière, il y a une imbrication entre texte et iconographie qui fait forte impression. On entre presque dans un rôle face à ces documents qui semblent d’époque : dans le premier cas, on vibre d’excitation en tournant les pages de ce catalogue d’un autre temps et on peut ressentir la fascination qu’il devait susciter un siècle avant Amazon ! Dans le deuxième, on se retrouve presque dans la peau du commissaire soviétique qui découvre les carnets de Victor et Nadia et qui doit se faire une idée des tenants et aboutissants de leur « affaire ». J’ai trouvé vraiment drôle de lire ses annotations et de voir les différents points de vue qu’on peut avoir sur les péripéties vécues par les deux enfants. Je te rejoins, Colette, pour trouver que dans les trois cas, ces documents, cartes, etc. sont aussi utiles pour planter le décor et aident à se repérer dans des époques très différentes de la nôtre.

Un autre point commun à ces trois romans concerne la narration à plusieurs voix. Avez-vous une idée des motivations de l’auteur pour opter pour cette formation de narration ? Est-ce quelque chose que vous avez apprécié ?

Pépita : J’imagine que pour l’auteur ce principe de narration lui permet plusieurs points de vue dans les aventures. Et comme son fil rouge est de donner la voix à plusieurs enfants à chaque fois, c’est un bon moyen. Pour le lecteur, c’est agréable de monter l’histoire dans sa tête à travers ce principe. En plus, pour ne pas le lasser, il a à chaque fois modifié la forme de ce principe de narration. Oui, j’ai réellement apprécié cette façon de faire, de manière inégale dans chaque roman, mais globalement, c’est fort réussi, ça donne une belle dynamique, ça surprend, ça attise la curiosité. De plus, il a su aussi le valoriser dans les illustrations, et ça, ça donne vraiment une autre perspective ! Je trouve qu’il a carrément modernisé ce principe.

Linda : L’intérêt réside dans la multiplicité des points de vue. Chaque enfant raconte l’histoire selon ce qu’il en perçoit ce qui est intéressant dans la dynamique du récit mais aussi et surtout quand les enfants vivent des aventures différentes. C’est un choix qui me plait toujours car il permet aussi d’éviter les longueurs et les temps morts au maximum. Comme Pépita, j’ai beaucoup aimé l’utilisation de l’illustration pour notifier le lecteur du changement de personnage. Le côté visuel permet toujours de situer les évènements et de plus, cela enrichi l’objet-livre.

Le célèbre catalogue Walker & Dawn. Extrait

Lucie : Honnêtement, je trouve que la narration à plusieurs voix est souvent une astuce de l’auteur pour faire dire à un personnage quelque chose qu’un autre narrateur ne pourrait pas dire de lui-même. Ce n’est pas toujours très bien fait et c’est d’autant plus gênant que ce « stratagème » est très fréquent en littérature jeunesse. MAIS, Morosinotto justifie et utilise parfaitement ce ressort, en tout cas dans Le célèbre catalogue. Le fait que le roman soit en fait le récit de leurs aventures par les enfants à une journaliste justifie cette succession de voix, et chaque personnage a vraiment un ton et une dynamique que l’on retrouve dans l’écriture. C’est très bien fait !

Isabelle : Je vous rejoins totalement sur la façon dont Morosinotto joue des changements de narrateurs pour construire son récit, entretenir le suspense et révéler à petites touches ce que les différents narrateurs perçoivent. Avec à chaque fois un ton propre au personnage ! J’y ai aussi vu le moyen de livrer une lecture subtile d’époques historiques particulièrement complexes en multipliant les points de vue. Par exemple, dans L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges, on sent bien que les choses ne sont pas perçues de la même manière quand c’est Victor qui raconte, lui qui aspire à être un « bon camarade » (sans hésiter à enfreindre les lois lorsqu’il s’agit de retrouver sa soeur), quand c’est Nadia, plus distanciée vis-à-vis du régime – et évidemment quand on lit les annotations du colonel Smyrnov qui incarnent tout ce qu’il peut y avoir d’arbitraire dans l’exercice de la justice dans un régime non-démocratique et en période de guerre. L’ensemble brosse un tableau différencié et très intéressant !

Colette : Dans L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges, les deux narrations se justifient complètement puisqu’en fait chaque enfant vit une histoire différente avec cependant un objectif final similaire pour les deux personnages principaux : se retrouver (même si ce n’est pas la même dynamique qui anime les deux enfants : l’un, Victor, fait tout pour retrouver sa sœur, l’autre, Nadia, attend d’être retrouvée par son frère). Comme l’a souligné Isabelle, cette double narration permet d’accéder à différentes manières de vivre le régime politique en place. Elle permet aussi de suivre les étapes de l’invasion de l’URSS par l’armée allemande de plusieurs postes stratégiques, ce que j’ai trouvé particulièrement ingénieux et enrichissant car on apprend vraiment beaucoup de choses sur cette terrible page de l’Histoire à travers la myriade d’endroits traversés par les deux enfants. Quant aux pages dédiées au colonel Smyrnov, elles sont tellement en décalage avec la foule de précisions, d’anecdotes des pages écrites par les enfants, elles respirent tellement le « confort » quand les deux enfants sont accablés par tous les dangers, qu’elles nous font surtout sentir ce qu’il y a d’arbitraire dans le pouvoir politique, de complètement ubuesque même à vouloir à ce point s’aveugler. Une critique subtile mais efficace du régime communiste.

Isabelle : Ces remarques sur le régime communiste dans L’éblouissante lumière l’illustrent, chacun des « romans-fleuves » nous plonge dans un contexte historique bien particulier. Qu’est-ce qui vous a le plus marquées, interpellées, amusées à cet égard ?

Lucie : Ta question me fait immédiatement penser à la mise en garde sur laquelle s’ouvre Le catalogue. Elle souligne avec humour l’évolution des mœurs et l’écart entre ce que l’on peut attendre d’un roman de littérature jeunesse et le vécu des enfants de cette époque.

Le célèbre catalogue Walker & Dawn. Prologue

Pépita : J’ai trouvé la construction de L’éblouissante lumière « plus classique » à travers les deux cahiers des enfants dans un contexte historique vérifiable. Le célèbre catalogue est une aventure collective époustouflante qui part de pas grand’chose, comme si l’aventure pouvait surgir n’importe quand, avec alternance des quatre voix des quatre enfants qui racontent. Les cartes et illustrations sont sublimes ! Et plonge le lecteur dans une époque des États-Unis et la course au progrès. Et La fleur perdue nous fait vraiment entrer dans un univers chamanique mystérieux et ésotérique, mais là l’histoire est plus imbriquée. Le contexte historique est celui du sentier lumineux, l’époque du terrorisme au Pérou et là, c’est contemporain. A chaque fois, l’auteur a su insuffler un univers graphique qui colle à l’ambiance mais aussi des éléments historiques véridiques.

Colette : J’ai appris plein de choses sur le siège de Leningrad et l’incroyable initiative de la « route de la vie » passant par le Lac Dagoda. Finalement l’Histoire enseignée aux élèves de l’hexagone est très franco-française (l’était en tout cas) et par conséquent je ne connaissais pas toutes ces opérations militaires notamment la stratégie qui a consisté à affamer la population de Leningrad.

L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges. Extrait

Isabelle : Tout à fait ! Même en tant qu’adulte, on découvre des pages d’histoire qu’on ne connaissait pas forcément, avec la multiplicité de points de vue que permet la littérature. Je n’aime pas trop qu’on sente l’intention didactique dans une fiction, mais c’est génial d’avoir l’impression, dans le cadre d’une lecture-plaisir, de voir son horizon élargi. Et là, ça fonctionne très bien, je trouve. On est pris par l’intrigue et l’aventure, mais on profite au passage à fond d’un décor historique peaufiné dans les moindres détails : avec mes garçons, nous avons adoré par exemple remonter le Mississippi dans un bateau à aube fourmillant d’ouvriers, de musiciens et de joueurs de poker ! J’ai trouvé drôle de voir, en lisant La fleur perdue, que les années 1980 pendant lesquelles j’ai grandi pouvaient sembler une époque historique un peu exotique du point de vue de mes enfants (« c’est quoi, un walkman ? »). Même si bon, nous sommes au Pérou et j’ai découvert des choses aussi sur l’histoire de ce pays que je connaissais mal.

Je voulais vous poser une question dont il ne sera peut-être pas aisé de parler sans divulgâcher. Qu’avez-vous pensé de la façon dont Morosinotto « dénoue » ses intrigues ? J’ai trouvé que c’était assez peu classique, j’ai eu le sentiment à chaque fois qu’au moment du dénouement, on a l’impression que l’essentiel n’était finalement pas là où on le pensait pendant toute la lecture, un peu comme si le voyage comptait finalement plus que la destination, vous voyez ce que je veux dire ? Qu’en avez-vous pensé ?

Lucie : Tu as lu mon avis : concernant Le célèbre catalogue pour moi on ne peut pas divulgâcher la fin puisque l’éditeur s’en charge directement sur la couverture ! Je suis d’accord sur le fond : évidemment, comme souvent, le chemin compte plus que la destination. C’est ce qui lie les personnages, les fait évoluer et grandir. Mais tout de même, j’aime aussi découvrir la résolution et j’ai un peu eu l’impression d’avoir été spoliée par le spoil si vous m’autorisez un jeu de mot facile. Clairement, j’ai aimé lire les aventures rocambolesques des personnages, mais du fait de cet énorme indice, je m’attendais au moins à une fin en deux temps. J’ai été déçue que le suspense retombe. Sans ôter à la qualité d’ensemble du roman, connaître la fin a quand même un peu gâché le dernier tiers de ma lecture.

Linda : Comme le dit Lucie, on connait le dénouement avant la lecture donc oui le chemin compte plus que la destination. C’est tellement formateur pour les enfants ce voyage avec ses rencontres et ses aventures. On est vraiment sur du récit initiatique avec comme principal objectif une évolution du/des personnage(s) vers une compréhension de soi et/ou du monde qui les entoure.

Pépita : Je n’ai pas du tout vu ce message comme ça ! Je l’ai vu plus comme un appel à le vérifier à travers cette grosseur du pavé et on se dit qu’on va en avoir pour son « argent » (si vous permettez…). C’est bien raccord avec le style du livre je trouve un peu « western ». Quant à l’exergue, je la trouve formidable ! Un enfant qui lit ça doit se dire : chouette ! Du transgressif ! Des trois, j’ai trouvé que c’était le plus novateur, le plus avec du suspense jusqu’au bout. Ces romans sont clairement dans la veine aventure initiatique et comme vous le dites, c’est la façon d’y arriver qui compte mais pas la fin en soi. Je les trouve extrêmement positifs malgré les embûches avec de belles valeurs.

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Nous espérons que cet échange le laisse pressentir : les centaines de pages de ces romans-fleuve se dévorent (beaucoup trop) vite et c’est le cœur serré que l’on voit irrémédiablement approcher le moment de débarquer. Si ce cycle est présenté comme achevé, les arbronautes seraient ravies de repartir un jour en voyage avec Davide Morosinotto. Autour du Nil, pourquoi pas ?

En attendant, n’hésitez pas à poursuivre l’exploration de l’univers de Morosinotto avec nos avis :

Le célèbre catalogue Walker & Dawn. Extrait